Geopolintel

Les Français ruinés par l’importation massive d’électricité

vendredi 29 juillet 2022

Dans la journée du 21 juillet 2022, le réseau de transport de l’électricité a importé en moyenne plus de 7000 MW sur le marché spot européen, soit 15 % de la consommation nationale, au prix exorbitant de 397 euros le MWh contre 42 euros, tarif auquel EDF est contraint de vendre de l’électricité à ses concurrents.

Au même moment, les 10.000 éoliennes terrestres dont la puissance installée est de 17.000 MW étaient incapables par manque de vent de fournir plus de 2% de la consommation totale.

A ce rythme, les importations d’électricité correspondraient à une perte pour la France de 59 millions d’euros par jour, soit 1,8 milliards par mois et 22 milliards par an.

Ces chiffres sont à comparer au budget 2022 du gouvernement qui pour différer l’explosion inéluctable des tarifs d’électricité des ménages a voté un « bouclier tarifaire » provisoire de 5 milliards d’euros.

Ces mesures d’urgence destinées à masquer la réalité ne compenseront pas les pertes engendrées qui se répercuteront inexorablement un jour ou l’autre sur les consommateurs par des hausses vertigineuses des tarifs.

Cette situation est le fruit d’une politique électrique de la France qui s’est pliée aux ordres de Bruxelles et de l’Allemagne, ce qui a entraîné le déclin de nos filières traditionnelles de production d’électricité pour les remplacer par des énergies renouvelables intermittentes.

Lorsqu’ils réaliseront que l’électricité est devenue inaccessible, les français se révolteront pour avoir été trahis par leurs élus.

Economie matin

France : cet inquiétant manque d’électricité qui nous oblige à importer

Alors qu’une vague de froid a perturbé l’arrivée du printemps, le gestionnaire du réseau national d’électricité, RTE, a déclenché l’alerte orange ce lundi en prévision d’une hausse de la demande, et appelé aux écogestes. Si le pic a finalement pu être passé grâce aux importations, cet événement montre à quel point le système est fragile, et la sécurité d’approvisionnement non acquise. Et pour cause, plus de la moitié de la puissance nucléaire installée est aujourd’hui indisponible, et les marges s’avèrent extrêmement limitées. Décryptage.

Baisser son chauffage d’un degré, éviter les bains ou encore limiter l’usage de ses appareils électroménagers : depuis le début de la guerre en Ukraine, les appels se multiplient pour inciter les Européens à réduire leur consommation d’énergie, afin de se désintoxiquer du charbon, du pétrole et surtout du gaz russes. Mais si les tensions internationales ont remis le sujet sur la table, la dépendance du Vieux Continent à son voisin de l’Est est loin d’être son seul talon d’Achille en matière énergétique. Y compris en France, où le système électrique a montré de graves failles, à moins d’une semaine du premier tour de la Présidentielle.

En effet, alors que la production nationale était inférieure à la consommation ce lundi à cause de la vague de froid qui touche le pays, le réseau a été mis à rude épreuve. La veille, son gestionnaire, RTE, avait même déclenché une alerte orange et appelé les citoyens aux écogestes, aux côtés du fournisseur historique EDF. Si une coupure d’électricité a finalement pu être évitée, avec 800 mégawatts (MW) économisés grâce à la mobilisation collective, la France a dû importer jusqu’à 9 gigawatts (GW) dans la matinée, depuis l’Allemagne et l’Angleterre notamment, contre une production domestique totale au moment du pic de 63,6 GW.

Autrement dit, une demande de près de 70 GW a suffi à faire vaciller le système, alors même que la puissance installée du parc s’élève à plus de 130 GW. Un constat d’autant plus surprenant que, ces dernières années, les appels ont plusieurs fois dépassé les 100 GW, tandis que l’alerte rouge lancée par RTE en janvier 2021 tablait à l’époque sur une consommation de presque 90 GW. Force est de constater que, peu à peu, les capacités de production de la France se sont donc effritées, mettant en péril sa sécurité d’approvisionnement. Une « situation catastrophique », s’alarme Nicolas Goldberg, senior manager Energie chez Colombus Consulting, qui a d’ailleurs fait grimper en flèche les prix spot dans l’Hexagone, ceux-ci ayant atteint jusqu’à 3.000 euros le MWh vers 8 heures du matin, contre près de dix fois moins ailleurs en Europe.

La disponibilité du parc nucléaire mise à mal

Et l’explication tient d’abord dans un phénomène conjoncturel. Car alors que le mix électrique de la France repose toujours, en théorie, à presque 70% sur son parc nucléaire, celui-ci peine en ce moment à atteindre les 50%. Selon le réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d’électricité ENTSO-E, 26 des 56 réacteurs du territoire se trouvent en effet à l’arrêt, privant les consommateurs d’une puissance de 29 GW (sur 61 GW).

En cause : le décalage des maintenances du fait du coronavirus, qui tombent donc, pour plusieurs centrales, en ce moment-même, mais aussi les fermetures pour recharger le combustible, qui ont traditionnellement lieu à la fin de l’hiver. Reste que la principale raison réside dans un événement totalement imprévu : celui de l’identification récente d’un défaut de corrosion sur plusieurs infrastructures, et dont les causes et l’ampleur réelle restent inconnues. En février, EDF avait ainsi présenté un programme de contrôles afin de vérifier le nombre de réacteurs concernés par l’anomalie, et annoncé qu’il arrêterait en priorité, et d’ici à fin avril, Bugey 3 et 4, Cattenom 3, Chinon 3 et Flamanville 1 et 2.

« C’est vraiment structurant. Sans ce problème de fissuration qui pousse EDF à fermer une partie du parc, on aurait un réseau sans marges, mais pas à marge négative, comme c’est le cas actuellement », avance Nicolas Goldberg.

Moins de centrales pilotables

En outre, des facteurs plus profonds s’ajoutent à cette situation et l’aggravent. « Pendant de nombreuses années, nous n’avons plus construit de moyens de production pilotables [qui permettent de fournir de l’électricité bas carbone sans variation liée aux conditions météorologiques ou géographiques, ndlr]. Nous en avons même fermé, en ne construisant que des éoliennes et des panneaux solaires à la place. Forcément, cela a déstabilisé le réseau, et accru le risque d’une non satisfaction de la demande », glisse à La Tribune André Merlin, le premier directeur de RTE.

Le gouvernement a notamment acté la fin de la centrale nucléaire de Fessenheim, en Alsace, définitivement mise à l’arrêt en 2020, ou plus récemment celle de la centrale à charbon moselloise Emile Huchet, qui a fermé ses portes le 31 mars.

« Fessenheim ne représentait qu’1,8 GW, son maintien n’aurait donc pas suffi, même s’il aurait apporté des marges bienvenues. Mais nous avons par ailleurs fermé plus de 10 GW d’énergies fossiles depuis 2012. Ce qui est bon pour le climat, mais aboutit à un manque significatif de pilotables. A cela s’ajoute notre retard sur l’efficacité énergétique, notamment dans les bâtiments, qui permettrait de réduire en parallèle la consommation », précise Nicolas Goldberg.

Retards dans le déploiement de nouvelles unités de production

D’autant que les rares projets mis en route pour compenser ces fermetures ont en réalité accumulé les déboires. Notamment la construction du réacteur nucléaire EPR de Flamanville (1,6 GW), qui essuie plus de dix ans de retard, et n’est toujours pas raccordé au réseau. Mais aussi la centrale au gaz de Landivisiau, opérée par TotalEnergies et mise en service il y a quelques jours seulement, après de très nombreux glissements du calendrier.

Du côté des installations non pilotables, le bilan de la France s’avère également peu reluisant, puisque l’Hexagone ne compte encore, par exemple, aucun parc éolien en mer. De manière globale, la filière éolienne reste à la peine : fin septembre 2021, la puissance installée s’élevait à un peu plus de 18,5 GW, soit à peine 1 GW de plus que l’année précédente, et deux fois moins que les objectifs de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

A cela se sont ajoutées des conditions météorologiques peu favorables ce lundi, puisque le manque de vent a fait monter l’éolien à près de 4 GW seulement au moment du pic. Quant au solaire, logiquement, sa contribution au réseau n’a commencé qu’après 9 heures, tandis que la consommation a, elle, explosé vers 8 heures.

« En l’occurrence, ces sources d’énergie n’ont pas beaucoup aidé. Bien sûr, c’est mieux de les avoir que de s’en passer totalement, mais il est finalement difficile de dire à quel point », note Nicolas Goldberg.

Une instabilité qui devrait durer

Surtout, la situation ne devrait pas s’améliorer avant plusieurs années, et les alertes pourraient devenir fréquentes. « Cela risque de se reproduire jusqu’à ce qu’on mette en service de nouveaux moyens de production pilotables », assure André Merlin. « C’est sûr que ce sera tendu chaque hiver jusqu’en 2025 au moins », abonde Nicolas Goldberg.

D’ici là, un ensemble de facteurs pourraient cependant stabiliser le réseau, et permettre d’éviter des coupures de courant inopinées pour les citoyens. « Il y aura d’abord le chargement de l’EPR Flamanville, qui devrait être mis en service dès l’an prochain. On pourra compter aussi sur la centrale à gaz de Landivisiau, même si elle ne représente même pas un réacteur de Fessenheim en termes de puissance, ainsi que sur le raccordement du parc éolien offshore de Saint-Nazaire. Mais il faudra aussi faire des efforts dans l’efficacité énergétique, ou encore s’appuyer sur une amélioration des interconnexions avec nos voisins, qui devraient normalement passer de 13 à 26 GW en termes de capacités », liste Nicolas Goldberg.

Malgré l’urgence climatique, le gouvernement pourrait également décider de prolonger les dernières centrales au charbon du territoire, et même décider de rouvrir celle d’Emile Huchet, « en cas d’absence d’approvisionnement en charbon russe », a précisé la semaine dernière le ministère de la Transition écologique.

Reste que la situation pourrait dégénérer dans le cas où l’approvisionnement en gaz en provenance du pays de Vladimir Poutine se trouverait lui aussi coupé. « Le cas échéant, si les travaux de RTE montrent que des centrales françaises pourraient être indisponibles faute de gaz, il faudra arbitrer pour savoir si l’on rationne le gaz pour le chauffage et l’industrie, de manière à le prioriser pour la production d’électricité », explique Nicolas Goldberg. En attendant, Emmanuel Macron temporise, et concentre les discussions sur un éventuel embargo sur le pétrole et le charbon russes, moins essentiels pour la France.

Marine Godelier

—  0 commentaires  —

© Geopolintel 2009-2023 - site réalisé avec SPIP - l'actualité Geopolintel avec RSS Suivre la vie du site