
Onze membres de la communauté juive syrienne de New York ont assisté dimanche soir à une réunion avec le président syrien Ahmed al-Sharaa, en compagnie de centaines d’autres Syriens vivant aux États-Unis qui avaient répondu à l’invitation des représentants du nouveau leader de la Syrie.
Sharaa est actuellement en déplacement à New York où il prendra la parole à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies, mardi. Il sera ainsi le premier dirigeant syrien à s’exprimer devant les membres de l’Assemblée depuis six décennies.
Joe Jajati, un homme d’affaires juif d’origine syrienne qui a assisté à l’événement organisé dimanche dans la soirée à l’hôtel Mandarin, a dit au Times of Israel que la réunion avait été « une source d’inspiration » et « très émouvante ».
Il a ajouté que le président syrien avait accueilli tout le monde, « y-compris les Juifs, très chaleureusement ». Il a laissé une très bonne impression, a-t-il précisé.
Sharaa a été accueilli avec enthousiasme par la foule qui était rassemblée dans la salle. Il a été longuement applaudi et acclamé.
Jajati a indiqué que la question d’Israël n’avait pas été abordée lors de la réunion et que personne n’avait rencontré directement Sharaa. Il a noté qu’il ignorait comment les onze participants juifs avaient été choisis, indiquant toutefois que l’invitation à l’événement avait été envoyée par le ministère syrien des Affaires étrangères.
Jajati a expliqué au site d’information Ynet que « deux Juifs portant la kippa se sont levés pour prendre la parole [lors de l’événement] et ils ont déclaré qu’ils étaient fiers d’être Juifs. L’un d’entre eux, David Shelly, a même proposé de faire un don de 100 000 dollars pour aider à la reconstruction de la Syrie. Le président a ri et il a répondu que ce n’était pas suffisant, mais son émotion face à ce geste s’est lue sur son visage ».
« Le ministre syrien des Affaires étrangères [Asaad Al-Shaibani], qui était assis à côté de lui, était également très heureux. Ils n’avaient pas besoin d’argent mais ils ont été ravis de constater ce soutien », a-t-il déclaré.

Sharaa avait confié, mercredi dernier, que les négociations en cours avec Israël en vue de la finalisation d’un accord de sécurité pourraient aboutir « dans les prochains jours », tandis que le Premier ministre Benjamin Netanyahu a fait savoir, dimanche, que « certains progrès » avaient été réalisés dans les discussions consacrées à ce pacte. Un responsable américain a par ailleurs expliqué au Times of Israel que l’accord était « conclu à 99 % » et qu’un accord final était attendu dans les deux prochaines semaines.
« Nous sommes plus optimistes », a dit Jajati au Times of Israel, « surtout au vu de ce qui va se passer dans les prochains jours ».
Jajati avait contribué à organiser la visite en Syrie, la semaine dernière, d’un groupe de neuf Juifs – avec parmi eux David Horovitz, le rédacteur en chef du Times of Israel.

Le groupe a rencontré plusieurs ministres et responsables gouvernementaux. Il s’est rendu sur plusieurs sites juifs et il a pu exceptionnellement accéder aux fresques de Doura-Europos qui se trouvent au Musée national de Damas – il s’agit de la plus ancienne série de peintures figuratives au monde représentant des événements de l’Ancien Testament.
Au cours de cette visite, Qutaiba Idlbi, directeur des affaires américaines au sein du ministère des Affaires étrangères, a accusé Netanyahu de tenter d’utiliser les combats meurtriers de cet été à Soueïda « pour créer une nouvelle guerre » et il a affirmé que le Premier ministre semblait vouloir mettre en place une situation, à proximité de la frontière israélienne, où le gouvernement syrien ne serait plus en capacité d’exercer son contrôle.

Ce qui est une erreur, du point de vue israélien, selon Idlbi. « Nous avons eu la chance de pouvoir chasser l’Iran et le Hezbollah de Syrie le 8 décembre… Mais l’Iran est prêt à intervenir », a-t-il averti. « Le Hezbollah est prêt à intervenir ». Netanyahu risque donc de « semer les graines d’une nouvelle confrontation… Un esprit réaliste peut comprendre qu’une Syrie stable est, dans les faits, d’un intérêt prioritaire pour Israël ».
Sharaa est un ancien djihadiste qui, jusqu’au mois de décembre dernier, avait une prime de 10 millions de dollars sur sa tête pour terrorisme. Ce sont ses forces forces rebelles qui avaient renversé le régime de Bachar al-Assad, le 8 décembre 2024.
Dans une interview accordée à l’émission « 60 Minutes », sur CBS, avant son voyage aux États-Unis, Sharaa a félicité le président américain Donald Trump pour « sa décision rapide, courageuse et historique » de lever les sanctions contre la Syrie après leur rencontre en Arabie saoudite au mois de mai. Il a ajouté qu’il espérait pouvoir s’entretenir à nouveau avec Trump aux États-Unis.

Dans des extraits de l’entretien qui ont été diffusés dimanche, le journaliste a fait remarquer à Sharaa, que, si certains le considéraient comme un pragmatique, « d’autres, plus sceptiques, disent que vous changez pour répondre à ce dont vous avez besoin actuellement ».
« Êtes-vous en train de nous dire que vous êtes simplement un homme complètement différent ? », a-t-il interrogé.
Le nouvel homme fort de la Syrie a alors répondu : « Regardons ce qui se passe en ce moment, indépendamment de ce qui a été dit dans les médias. Aujourd’hui, nous avons vraiment sauvé le peuple de l’oppression qui lui était imposée par un régime criminel. Et nous avons redonné espoir aux réfugiés et aux personnes déplacées à l’intérieur du pays, afin qu’ils puissent retourner dans leur patrie ».
« Nous avons apporté notre soutien à tous ceux qui avaient été attaqués à l’aide d’armes chimiques. Nous avons également affronté Daesh. Nous avons expulsé les milices iraniennes et le Hezbollah de la région. Tous ces actes nobles que nous avons accomplis en Syrie auraient dû être le fait de la communauté internationale… La communauté internationale n’était pas parvenue à dissuader le régime d’utiliser des armes chimiques. Je ne pense donc pas que nous devions être accusés… C’est nous qui devrions demander aux autres : ‘Pourquoi êtes-vous restés silencieux alors que ces crimes terribles étaient commis en Syrie ?’ », a-t-il ajouté.
Sharaa a poursuivi en disant que « je pense que le monde ne doit pas se rendre à nouveau complice du massacre du peuple syrien en ralentissant ou en empêchant la levée des sanctions et en l’empêchant de reconstruire son pays. Quiconque s’oppose à la levée des sanctions se rendrait à nouveau complice du massacre du peuple syrien ».