Le 12 juin 2008, selon leur communiqué final « le gouvernement de la République islamique d’Afghanistan et la Communauté internationale se sont réunis pour réaffirmer leur partenariat de long terme au service du peuple d’Afghanistan, de sa sécurité, de sa prospérité et des droits de l’Homme ».
La guerre de l’automne 2001 avait accumulé ruines sur ruines dans un pays qui venait déjà de traverser vingt années de guerre, la conférence de Paris a permis un tour de table des pays donateurs. Un bilan optimiste ?
Environ vingt milliards de dollars en promesses de dons pour financer la poursuite de la reconstruction du pays y compris le financement des élections en 2009 et 2010 ! La Conférence de Paris présentée comme « le point de départ d’un nouveau partenariat » réunissait 68 pays et 17 organisations internationales, la Banque mondiale s’engageant à hauteur d’1,1 milliard d’ici 2011, la Banque asiatique de développement 1,3 milliard $ sur 5 ans et l’UE 771 millions d’ici 2010. Peut-être un nouveau départ en effet pour l’Afghanistan, en tout cas sur le papier car jusqu’ici l’aide internationale s’est surtout contentée de faire du saupoudrage se préoccupant d’abord de transférer le modèle démocratique occidental, en développant des programmes plus centrés sur la bonne gouvernance locale - autrement dit l’apprentissage du comportement démocratique par des populations quasi-analphabètes obéissant à des structures tribales contraignantes - que de trouver des alternatives à la culture du pavot, charpente de l’économie réelle afghane.
Un nouveau partenariat pour un nouvel élan ?
Le caractère nouveau de ce partenariat s’illustre par la participation étroite de la société civile et du secteur privé reconnus comme des acteurs clés de la reconstruction de l’Afghanistan. On est parfois surpris à ce propos d’entendre la logomachie de ceux qui décident du destin des peuples ainsi M. Kouchner déclarant lors de la conférence qu’il s’agit de « mieux comprendre les attentes véritables du peuple afghan, d’entendre leurs priorités en matière de reconstruction afin de mieux définir et orienter l’aide internationale ». Or, les priorités et les besoins sont connus : assurer la sécurité alimentaire et physique des populations ce qui est loin d’être le cas dans un pays en proie à une instabilité croissante depuis 2004. L’opération qui vient d’être lancée le 18 juin au Sud par les forces de l’Otan et l’armée afghane, en sont la preuve tout comme les attentats de juin 2007 et d’avril 2008 contre le Président Karzaï montrent que le problème se situe au cœur d’un régime malade de la corruption. Car ces attentats n’auraient pas pu être perpétrés sans des complicités internes aux premiers cercles du pouvoir. Ce qui est évidemment révélateur de la très grande fragilité des institutions établies par l’occupant, l’Afghanistan reste donc une nation au bord de l’abîme.
En fait, dans l’esprit des donateurs, le caractère novateur tient essentiellement à cette participation accrue du secteur privé dans la reconstruction dans la logique libérale actuelle, l’aide devant en sorte être destinée à subventionner d’abord des initiatives et des opérateurs non-étatiques.
Sept ans après la chute de Kaboul, quel bilan raisonné de la reconstruction ?
De nombreux témoignages attestent que dans certaines zones rurales voire quelques villes les traces les plus visibles de la guerre s’effacent peu à peu. Des routes en dur sont construites, des pistes viabilisées, des ponts, des écoles sortent de terre, les dispensaires et les hôpitaux suivent à un rythme accéléré. Le Ministère afghan de l’Éducation revendique aujourd’hui près de 6 millions d’enfants scolarisés dont un tiers de filles, à comparer au chiffre de 700 000 en 2001 sous les Taliban et alors uniquement des garçons. Selon le Quai d’Orsay quelque 80 % des Afghans auraient dorénavant accès à des soins médicaux de base contre 9 % en 2004. Le taux de mortalité infantile aurait quant à lui chuté de 22 % depuis 200 soit 40 000 nouveau-nés…
Des chiffres impressionnants ?
Il y a effectivement des progrès réels, mais ceux-ci sont à mettre au regard du bilan global, moins prestigieux, qui décline hélas toutes les formes du triptyque famine, misère, corruption. Nous évoquions l’attentat contre le chef d’État afghan du 27 avril 2008 qui a fait trois morts et une dizaine de blessés. Si l’on replace cet événement dans son contexte, il est exemplaire de la situation d’insécurité permanente qui prévaut partout aujourd’hui dans le pays. Le président afghan bénéficie en effet d’une garde rapprochée mixte : forces spéciales afghanes - formées par la France - épaulées par des Rangers, les forces spéciales américaines. Un tel attentat trahit l’impuissance et la profonde corruption de la police et de l’administration afghane, entre autres en raison des allégeances tribales… Ce qui en dit long sur l’échec occidental dans un pays par essence irrédentiste c’est-à-dire rebelle à toute ingérence extérieure.
Il faut donc revisiter l’envers du décor statistique pour comprendre quel est le niveau d’efficacité de l’aide internationale. Un chiffre à lui seul résume tout : sur 100% d’aide seulement 7% vont à la reconstruction et une bonne moitié s’évapore en pots-de-vin. Autre exemple, quand la conférence de Paris annonce une augmentation de 70% du Produit intérieur brut depuis 2002, elle omet de rappeler que la partie immergée de l’économie, la production d’opium, constitue un second Pib, invisible celui-là.
Enfin, il faut relativiser le triomphalisme des membres de la coalition : bien sûr les hôpitaux, les écoles se multiplient, mais faute de place, les classes fonctionnent par roulement en fonction de l’âge et les enfants n’ont que deux à trois heures de cours par jour ! Certes le téléphone portable se généralise avec l’arrivée des opérateurs privés, Internet et les cybercafés fleurissent, la monnaie est stable, le Bazar retrouve ses couleurs… Mais seulement 6% de la population a accès à l’électricité et à l’eau courante ; les 2/3 de la population sont analphabètes et la moitié vit sous le seuil de pauvreté, enfin l’espérance de vie ne dépasse toujours pas 44 ans… Un bilan d’échec mitigé en quelque sorte !
« L’Afghanistan n’a pas besoin de renforts militaires, mais d’une véritable solidarité internationale » Arielle Denis présidente du Mouvement de la Paix.
26 mai 2008 - L’UE annonce qu’elle doublera les effectifs de l’EUPOL Afghanistan afin « de renforcer les efforts [sic] » vers une réforme de la police afghane. Les effectifs de l’EUPOL atteindront 400 personnes d’ici un an.