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Levant… Fronts de guerre

Brèves géopolitiques

mercredi 22 janvier 2014

Genève II, la négociation en principe destinée à sortir la Syrie de l’enfer de la guerre, semble vouée à l’échec. À l’initiative du Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, les représentants iraniens doivent ou plutôt devaient, participer à la conférence de paix ce mercredi 22 janvier à Montreux. Mais l’invitation a été retirée au dernier instant. Téhéran en geste de bonne volonté a mis à l’arrêt ses centrifugeuses cessant du même coup l’enrichissement de son uranium. Las, la Coalition syrienne refuse sa présence si l’Iran s’assoit à la table des négociations tandis que Paris se distingue une fois de plus en interdisant le survol de son territoire par l’avion devant transporter mardi la délégation officielle syrienne. Preuve aux yeux de Damas du peu d’empressement du gouvernement hexagonal à voir aboutir positivement les discussions et même, peut-être, avec le secret espoir de les faire capoter. Bien sûr le Quai d’Orsay s’est empressé de démentir, mais le doute demeure [AFP 20janv14].

Par ailleurs M. Valls a bien confirmé ce qu’avait auparavant annoncé le président Hollande à l’occasion de sa conférence de presse, mardi 13 janvier : ce sont bien 700 jeunes ressortissants français issus des banlieues de l’immigration qui combattent actuellement aux côtés des salafo-wahhabites contre le régime baasiste syrien [europe1.fr19janv14]. Et non 700 français et européens ainsi que l’avait rapporté initialement l’Agence officielle France Presse. Nombre d’entre ces combattants commencent d’ailleurs à regagner le territoire national fort d’une expérience qui ne restera pas évidemment sans emploi dans l’actuelle conjoncture de délitement accéléré de l’État.

En Afrique de l’Ouest, bientôt terre d’élection du djihadisme anti babtou, les troupes françaises sont débordées. Elles sont en effet incapables de distinguer l’ami de l’ennemi. Le nombre de morts civils va croissant. Car comment tenir et pacifier un pays grand une fois et demie comme la France avec seulement seize cents hommes et quatre mille quatre cents supplétifs africains ? Devant la détresse du pathétique M. Hollande, et au vu des risques encourus de déstabilisation régionale, les Européens se décident à faire un geste grandiose avec l’envoi de 400 personnels. Ce sera la première opération européenne au sol depuis l’EUFOR Tchad/RCA lancée en janvier 2008 lors de la crise humanitaire du Darfour. Ici il s’agit de venir au secours d’un État failli, la Centrafrique, dans lequel un million de personnes sur 4,6 millions d’habitants seraient actuellement “déplacées”. Reste que les perspectives ne laissent pas augurer une évolution favorable de la situation avant longtemps : au-delà de quelques kilomètres du centre de la capitale Bangui commence l’inconnu… noyé dans la nuit et le brouillard des zones interdites.

À Istamboul, la Turquie n’en fini pas de se débattre avec les sinistres démons qui hantent encore son passé et tout autant son présent. Quelques milliers de manifestants se sont ainsi rassemblés dimanche à Istamboul comme chaque année pour marquer l’anniversaire du meurtre demeuré impuni du journaliste arménien de nationalité turque Hrant Dink et exiger que les commanditaires de ce crime passent devant la justice. Le fondateur du journal Agos a été Abattu de deux balles dans la tête le 19 janvier 2007 pour avoir dénoncé la négation du génocide des Arméniens en 1915… non par l’Empire ottoman comme le répètent mécaniquement les médias mais par les « Jeunes Turcs » dönmeh alors au pouvoir, le Sultanat n’existant plus de facto après le coup d’État d’avril1909.

Dans l’Irak en guerre depuis dix ans, le “triangle sunnite” de la région d’Al-Anbar résiste depuis dix ans. D’abord aux Américains, puis aujourd’hui au pouvoir Chiite installé à Bagdad. Celui encercle à présent la ville de Falloujah où se sont putativement retranchés des éléments de l’EIIL [État islamique en Irak et au Levant], appendice des Services du Prince Bandar, chef des Moukhabarat séoudiens. L’assaut de la ville de Ramadi, regardée par le président Maliki, comme le « Quartier général d’Al-Qaïda », aurait pour sa part vraisemblablement commencé. Simultanément le siège de Falloujah se resserre. Il existe cependant un hic ! “Al-Qaïda en Irak n’aurait jamais été maître de Falloujah. Nouri al-Maliki agitant la menace du leadership de l’organisation islamiste à l’instar de qu’avait fait les Marines américains lors des deux grandes batailles d’avril 2004. AQI concentrait en fait ses activités près de la frontière avec la Syrie” [france-irak-actualite.com20janv14]. À tout bien comprendre, il est indéniable que dans et autour de cette ville clefs du territoire sunnite, se joue ou se jouera l’une des batailles majeures qui présideront à la recomposition du Pays des deux Fleuves… dans le contexte d’une grande reconfiguration géopolitique de la région. L’un des enjeux, si ce n’est l’Enjeu de la Conférence Genève II.

Pour mémoire Falloujah a été longtemps considéré comme le centre intellectuel du sunnisme irakien, elle est à ce titre appelée la “ville des mosquées” en raison de ses quelque 200 édifices religieux. Le 31 mars 2004, quatre mercenaires américains de la société Blackwater étaient tués à Falloujah. Les corps brûlés dans l’incendie de leur véhicule, sont pendus aux poutrelles d’un pont. L’événement suscite aux États-Unis une vive émotion. En représailles les forces américaines assiègent Falloujah à partir du 9 avril. 70 000 femmes, enfants et vieillards sont autorisés à quitter la ville, mais non les hommes valides. L’opération Vigilant Resolve est alors engagée et Falloujah se trouve noyée sous un déluge de feu au sens propre du terme puisqu’il est établit que des bombes au phosphore furent utilisées - tout comme lors de la libération de la Normandie, ou sur Dresde et Hambourg - mais cette fois au prétexte judicieux d’éclairer les cibles.

Léon Camus 20 janvier 2014

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