Qui ne se souvient des mots « mission accomplie » prononcé par le matamore [1] GW Bush depuis le porte-avions USS Abraham, le 1er mai 2003 au lendemain de la chute de Bagdad… si la mission était de renvoyer l’Irak à l’âge de pierre, d’y semer chaos et dévastation, et bien la mission est alors en effet pleinement accomplie !
Tout cela pour quoi ?
Aujourd’hui, huit ans, huit mois et 26 jours après le début de l’Opération Iraqi Freedom (autrement nommée Choc et Effroi) les Américains ont achevé, de se retirer d’Irak en traversant à l’aube du dimanche18 décembre - presque à la sauvette - la frontière koweitienne. Alors que reste-t-il de neuf années d’occupation ? Rien, si ce n’est une ambassade à la soviétique dans la Zone verte, au cœur de Bagdad, avec ses 16.000 personnels qui y seront rattachés… un corps étranger sur une terre qui rejette avec dégoût et mépris ceux qui prétendaient les délivrer d’une odieuse dictature et leur apporter la démocratie et ses bienfaits.
Que reste-t-il de neuf années de bruit et de fureur ? Rien, si ce n’est des monceaux de cadavres et l’exaspération de haines inexistantes du temps de l’épouvantable dictature baasiste, nationale, socialiste et laïque. L’Amérique rappelle aujourd’hui ses troupes dans la honte et le déshonneur, lesquels ont éclaté dans l’ultime descente de la Bannière étoilée le 15 décembre, dans l’arrière cour d’une zone aéroportuaire sécurisée… c’est le dos à un mur vaguement masqué par un filet de camouflage usagé que Leon Panetta, Secrétaire américain à la Défense, a prononcé l’éloge funèbre d’une entreprise qui restera dans l’histoire comme une extraordinaire foirade achevée en apothéose avec le refus de Bagdad d’accorder une quelconque immunité aux soldats américains qui auraient été chargés de poursuivre la formation de l’armée indigène. C’est sur ce cinglant camouflet que le président Obama s’est en vérité résigné a signer le 21 octobre le retrait total des troupes… Désormais, ne subsistent plus de la formidable armée de 171 000 hommes et de leurs 505 bases que 157 soldats devant poursuivre la formation des officiers Irakiens et un contingent de Marines pour la protection de l’ambassade !
Précisons que lors de cette pitoyable cérémonie d’adieu aux armes, ni le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki ni aucun autre ministre n’avait cru nécessaire de se déplacer, déléguant la représentation du gouvernement au seul chef d’état-major de l’armée irakienne, le général Babaker Zebari. Quelle humiliation pour l’Amérique et pour l’Occident embarqués tout entier, volens nolens, dans la faillite de l’impérialisme mégalomaniaque et irresponsable des néoconservateurs judéo-protestants américains… À moins, bien entendu, à ce que semer le chaos n’ait été le véritable objectif pour la faction de schizophrènes, ou de grands initiés, qui - tels l’emblématique Michael Leeden [2] - se font adeptes et chantres de la théorie du chaos constructif et ont trouvé dans l’Irak martyr, pour leur psychopathie messianique, un terrain d’expérience grandeur nature.
Un bilan consternant ou pire, effrayant !
Un bilan consternant au regard des fleuves de sang versés et de l’infini cortège de misères et de douleurs. Un avis d’ailleurs assez largement partagé dans le camp des vainqueurs si l’on en croit les réflexions publiés par le Figaro [16 déc.11] du colonel John Nagl, président du Center for a New American Security et proche du général David Petraeus, lui-même ancien commandant en chef des forces de l’Otan en Afghanistan et actuel patron de la Central Intelligence Agency :« Cela fait plus de vingt ans que nous nous battons en Irak si vous remontez à la première guerre du Golfe. Le prix payé dans ce pays par nos forces a été gigantesque, bien supérieur à tout ce que les militaires américains auraient pu imaginer. Nous avons mis à bas un dictateur qui était une menace pour la sécurité du monde, mais le prix payé pour organiser l’après-Saddam a été incommensurable… ». Ajoutons, un fiasco total !
Ceci étant l’avis d’un homme du sérail, il ne peut s’empêcher de se payer de mots lorsqu’il déclare – et semble ou feint de croire - que la Grande Amérique a « mis à bas un dictateur qui était une menace pour la sécurité du monde ». Une bien dérisoire menace après douze année de blocus, une armée dépenaillée et des pertes humaines - depuis février 1991 et avant mars 2003 - estimée au-delà du million par les organisations spécialisées des Nations unies que sont la FAO, l’UNICEF, l’OMS. Même si les chiffres produits ne sont pas vérités d’Évangiles, et même fortement minorés, ils donnent malgré tout la mesure de l’état de santé d’un pays déjà saigné à blanc en 2003 avant même le premier assaut. Que pouvait peser alors un pays de 23 millions d’habitants face au bloc démographique de quelque 400 millions d’âmes face à la coalition initiale associant les É-U, le R-U et l’Australie avec son gigantesque potentiel en terme de puissance militaire, économique et industrielle [3] ?
Au final, un bilan officiel corrigé et maquillé qui n’en demeure pas moins désastreux pour ces presque dix années de conflit : officiellement 4481 GI’s morts, 32 000 blessés et mutilés, 802 mds de $ évaporés en pure perte – pas pour tout le monde ! - et sans doute près de 600 000 d’Irakiens passés ad patres ou au fil de l’épée pour leur apprendre – une fois pour toutes - à vivre en bons démocrates [4] ! On pourra toujours dire que ce départ « la queue entre les jambes » [5] est un succès pour la présidence Obama puisque sa promesse de rapatrier les guys aura été tenue… Oui mais à quel prix ? Reste le goût amer des mensonges éhontés relatifs aux armes de destruction massives ou à la complicité irakienne avec Al Qaïda, des tortures avilissantes infligés aux détenus sans jugement d’Abou Grahib – qualifiés de « mauvais traitements » dans les colonnes du Figaro – ou encore les Chasses du Comte Zaroff façon Blackwater [6]… une impressionnante série de meurtres et de viols perpétrés par l’armée et ses mercenaires – contractants - qui ne sont sans rappeler certains comportements qui accompagnèrent en 1944 l’avancée des Libérateurs… [7]
Sans oublier l’exode des chrétiens d’Irak soumis à des persécutions inédites depuis l’avènement de l’Islam, et contraints à chercher leur salut dans l’exil. Mais qui en cure à Washington sachant que la majorité des 4 ou 500 000 chrétiens qui vivait en Irak encore en 1991 [moins de 200 000 aujourd’hui] est composée de « papistes », c’est-à-dire d’Assyro-Chaldéens catholiques…
De mortelles « erreurs ?
Des « erreurs qui ont altéré le prestige des États-Unis dans le monde arabe et leur influence mondiale » nous dit encore le quotidien de M. Dassault, et c’est peut dire… Car c’est tout l’héritage civilisationnel de l’Occident qui sort avili d’une guerre livrée pour le pétrole certes, mais plus encore pour assurer les arrières de l’État hébreu, lequel prétend ne pas devoir survivre hors d’une culture obsessionnelle du complexe obsidional de l’assiégé permanent.
À l’issue d’un calvaire de vingt et un ans, l’Irak s’apprête donc à assurer désormais seul sa sécurité, mais, comme disent les commentateurs, la capacité de ses forces armées à assurer la stabilité du pays pose question ! Car l’Irak, en dépit des 900 000 membres de ses forces de sécurité formés à grand frais est loin d’être « pacifiée » quoiqu’en dise M. Obama qui parle à son endroit, certainement sans savoir, de « stabilité » ! Qu’attendre en effet d’un État majoritairement chiite dans l’actuel contexte de tension régionale et de désignation comme cibles de la Syrie et de l’Iran, également chiites, eu égard à la volonté affichée des mousquetaires occidentalistes [R-U/Fr/Alle/É-U] d’en découdre avec la Syrie baasiste, socialiste et nationale ?
À Bagdad, les signes avant coureurs d’épuration - ou à tout le moins de règlements de comptes – se multiplient entre les forces régulières à majorité chiite et les milices sunnites notamment la Sahwa - le Réveil. Celle-ci, forte d’une dizaine de milliers d’hommes, a été constituée par le Pentagone vers la fin 2006 dans les zones tribales sunnites afin d’y contrer la montée en puissance des islamistes radicaux soutenus et armés par l’Arabie saoudite. Or, l’intention annoncée du Premier ministre Nouri al-Maliki de démanteler ces milices – devenue inutile selon lui - est de fort mauvaise augure, d’autant que ces dernières semaines quelque 600 personnes soupçonnées d’appartenir à l’ex Parti Baas ont été arrêtées !
Et un avenir immédiat passablement inquiétant
Sur le fond, les Américains laissent – faut-il dire abandonnent ? - un pays plongé dans une crise profonde politique avec la décision du bloc laïc Iraqiya de suspendre sa participation aux séances du Parlement. Cette formation politique – celle de l’ancien Premier ministre Iyad Allaoui – forme le second groupe parlementaire avec 82 députés contre 159 pour la coalition des partis religieux chiites de l’Alliance nationale. Aujourd’hui, Iraqiya dénonce sans ambages « l’exercice solitaire du pouvoir » de Nouri al-Maliki. Celui-ci a d’ailleurs demandé au Parlement de démettre son Vice-Premier ministre sunnite, Saleh Moutlak, appartenant à Iraqiya et accusé d’avoir appartenu au Baas ! Celui-ci ne s’est d’ailleurs pas gêné pour déclarer à chaîne CNN que « Washington laisse maintenant l’Irak aux mains d’un dictateur pire que Saddam Hussein, qui ignore totalement le partage du pouvoir, contrôle étroitement les forces de sécurité et a fait procéder ces dernières semaines à plusieurs centaines d’arrestation » !
Pour ne pas conclure, disons que le retrait d’Irak intervient dans un contexte régional de plus en plus volatile, celui des soulèvements populaires et des velléités maintes fois annoncées au plus haut sommet des États, en France, au R-U, aux É-U et en Israël par la bouche du président Pérès, de frapper l’Iran de façon préventive et sans exclure a priori l’emploi de l’arme nucléaire… Capacité de rétorsion ou assurance vieillesse que la « Communauté internationale » reproche vertement à Téhéran de vouloir acquérir ! En fin de compte, l’enjeu et l’issue véritable de la guerre d’Irak se situe à n’en pas douter en Syrie car sans changement de régime à Damas, l’axe irano-syro-libanais se maintiendra et alors, selon toute vraisemblance, l’Irak, s’agglomérerait naturellement à un bloc chiite dominant la Région. Une perspective et une hantise indicible pour les pétromonarchies au premier rang desquelles l’Arabie saoudite et le Qatar qui savent que dans ce cas de figure leurs jours seraient comptés !