Geopolintel

C’est la guerre !

mardi 5 avril 2011

Savoir et comprendre…

Ordo ab chao tel se présente le Nouvel Ordre Mondial

Nicolas & Bernard-Henri partent en guerre… Bibi savoure

La propagande étant ce qu’elle est, l’opinion publique européenne reste persuadée que l’initiative de la guerre revient au président français. Qu’il s’agirait d’un grand succès diplomatique effaçant l’opprobre du discours de Villepin de février 2003 devant le Conseil de Sécurité appelant au respect de la légalité internationale et refusant la guerre. C’est bien du contraire dont il s’agit. Villepin avait fait l’objet d’une ovation debout, quant à la prestation du triste factoton Juppé, il ne fit face qu’à des visages aussi consternés que fermés. Or il n’en est rien : la guerre en cours, car c’est bien de cela dont il s’agit, et cela ne s’annonce pas comme pas une promenade de santé, est appelée vraisemblablement à durer dans la mesure où les opérations terrestres sont interdites par la R. 1973 du Conseil de Sécurité.

Remarquons que la Résolution en question est suffisamment floue pour autoriser toutes les interprétations et tous les dérapages imaginables. À telle enseigne que la coalition trouvant que les Français ont commencé très fort, se délite déjà. Amr Moussa, ci-devant Secrétaire général de la ligue arabe, et qui postule à la présidence égyptienne, a déjà battu en retraite se ridiculisant au passage ; l’Italie pourtant aux premières loges « refuse [pour sa part] que la coalition mène une guerre contre la Libye » ; quant à la Russie, elle vitupère par la voix de son premier Ministre, Vladimir Poutine, lequel fustigeait ce lundi une nouvelle « croisade des États-Unis » contre le monde arabe, position aussitôt contredite par l’occidentaliste Medvedev, Président de la Fédération. Ce faisant la crise révèle des fractures au sein du pouvoir russe que la presse occidentale s’évertuait à ne pas voir. Qui plus est V. Poutine vend la mèche : Paris n’a joué dans cette affaire que le piteux rôle d’homme de paille au service d’une Amérique bien empêtrée dans deux conflits sans issue et dont l’opinion est à 60% opposée à un nouvel engagement.

Une guerre dans la quelle la France après avoir été en pointe risque par conséquent de se retrouver rapidement isolée, les É-U refusant eux aussi de couvrir les frasques de la coalition Cameron-Sarkozy-Netanyahou (représenté par son ambassadeur extraordinaire en Sarkosie, M. B-H Lévy, l’homme au débraillé le plus in de la planète médiatique). Washington s’est en effet, jusqu’au lundi 21 mars, refusé à s’impliquer directement dans une offensive qu’elle désavouait, s’opposant catégoriquement au renversement de Kadhafi. Entre temps la Maison-Blanche opportuniste et versatile tout à la fois avait changé d’avis ! Comment d’ailleurs expliquer qu’un chasseur-bombardier F-15 de l’Air Force se soit écrasé mardi en Libye ? Quelle stupéfiante hypocrisie (en langage châtié on parle de double langage) quand on sait au demeurant que ce sont eux qui justement assurent le commandement des Opération Aube de l’Odyssée et de sa filiale française franchisée « Harmattan ». Un pilotage exclusivement américain de la guerre (mais sans l’Otan où la Turquie aurait eu son mot à dire) depuis le Quartier général de l’Africom basé à Stutgart...

« Harmattan », le vent du Sud qui rend fou l’homme à la carabine, n’est en fait que le précurseur d’Aube de l’Odyssée, dénomination assez explicite pour désigner une phase de guerre ouverte (c’est-à-dire destinée à passer moins inaperçue que d’autres telle la récente partition du Soudan qui aura pris trois décennies et commence déjà à se traduire par une amorce de guerre civile au sein du nouvel État africain né de la partition Nord-Sud) en vue du contrôle général d’un Continent africain âprement disputé à la Chine.

Car quels que soient les alibis humanitaires, c’est dans cette perspective géopolitique qu’il faut également inscrire la crise libyenne. Une interprétation qui s’applique à l’identique aux révoltes populaires arabes qui, du Yémen à la Syrie via Bahreïn, montent actuellement en puissance. Des soulèvements de la jeunesse (talon d’Achille des régimes dictatoriaux ou autoritaires musulmans) et des laissés-pour-compte des mirages de la modernité, s’inscrivant volens nolens dans un projet tout aussi vaste mais un peu oublié, celui du Greater Middle East Initiative lancé en février 2003 par G.W. Bush, un petit mois avant l’invasion de l’Irak. Un vaste dessein qui, de l’Indus à l’Atlantique, du Pakistan à la Maurétanie, vise au redécoupage des États sur des bases ethno-confessionnelles et à leur reformatage selon les normes et valeurs de la démocratie ultralibéraliste… bref la conversion de gré ou de force des peuples musulmans à la nouvelle religion dominante celle du Monothéisme du Marché avec pour idole le dieu dollar !

Notons que les bombardements sur la Libye ont débuté l’exact huitième anniversaire de l’invasion de l’Irak. L’opération « Choc et effroi » débutait à l’aube du 20 mars 2003 et devait induire le retour de l’Irak baasiste et moderne à l’âge de pierre. Un but de guerre évidemment ignoré des GI’s américains persuadés qu’ils étaient de venir au secours de la veuve, de l’orphelin, de la démocratie gynécocratique menacés par une infâme dictature laïque qui pourtant avait assuré une liberté historiquement inégalée à ses communautés chrétiennes. Des Chrétiens qui aujourd’hui sont ethniquement épurés sans que cela émeuvent outre mesure les judéo-chrétiens de Washington, de Londres et de Paris.

Notons que cette guerre contre la Libye, une guerre non formellement déclarée (sachant que la déclaration de guerre est acte juridique prévue par les traités, les attaquants sont donc de facto hors la légalité internationale - en dépit de la R.1973 – comme à l’occasion de toutes les guerres engagées depuis vingt ans). Un conflit qui monopolise les temps d’antenne et permet très opportunément à l’État hébreu, ce 51e état américain, d’escamoter la douzaine de raids aériens que l’armée israélienne a lancé lundi 21 sur la bande de Gaza. Mais comme le remarque subtilement M. Bernard-Henri Lévy le sauvetage des tribus libyennes et autres djihadistes entrés en dissidence contre leur gouvernement central, serait outrecuidant. Le massacre des populations palestiniennes civiles enfermées dans un camp de concentration à ciel ouvert lors de l’opération Plomb durci en janvier 2009 par des forces d’une supériorité écrasante face à des hommes désarmés (il n’y a pas eu de combat faute de combattant, ce pourquoi il est abusif de qualifier du terme de guerre une vulgaire ratonnade), ne souffre aucune comparaison et encore moins la critique. L’on a vu le sort réservé au rapport des NU sur les tueries de l’hiver 2009 : la poubelle ! Avec une telle politique du deux poids deux mesures, nous ne devons plus nous étonner de l’aversion développée par le monde musulman à l’égard du modèle sociétal occidental (assortie il est vrai d’une affolante fascination pour la permissivité de nos société, une licence des mœurs confondue avec la Liberté).

Ce qui conduit à envisager qu’une fois de plus les maîtres à penser de l’intégration bon gré mal gré des nations au sein d’un marché universel unifié, jouent aux apprentis sorciers. L’enlisement en Libye comme Irak et en Afghanistan, nous pend au bout du nez, mais cette fois ce sont les frenchies qui sont en première ligne. Et même si nos soldats professionnels ne sont que des mercenaires déguisés, il sont en principe affectés à la défense de nos intérêts vitaux et non à ceux de l’hyperclasse cosmopoliticienne. Et puis au fond, la stratégie du chaos n’est-elle pas la meilleure pour la City et Wall Street dont la prospérité, à la hausse et à la baisse, se nourrit sur les décombres des nations et le fumier des peuples anéantis ? Le chaos dans cet ordre d’idée n’est-il pas la version actualisée du divide et impera ? Semons le chaos, labourons le champ de la guerre et la moisson sera belle enrichie du sang des autres…

Bref, si M. Sarkozy espérait à la veille d’élections cantonales redorer son blason, l’affaire est loupée. Les résultats affligeants pour la majorité parlementaire montrent que la grosse ficelle n’a pas marché. Suivant la voie tracée en décembre 1998 par William Clinton qui, empêtré dans la jupe maculée de Monica (Judith) Lewinski, foudroyait Bagdad sous des salves meurtrières de missiles de croisière, notre foutriquet national a fait le méchant calcul de vouloir, lui aussi sans consultation du Parlement à l’instar de Jospin en 1999 contre la Fédération yougoslave, s’embarquer dans un conflit matamoresque (littéralement pour tuer des Maures) pour regagner le cœur des Français. Mal lui en a pris, parce qu’une seule question se pose à l’heure actuelle qui est, en vertu d’une accélération vertigineuse de l’histoire, à l’époque de catastrophes diverses et variées, de savoir « ce que nous sommes allés faire dans cette galère » ?

Léon Camus

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