Parce que le conflit larvé - et plus que cela - en cours contre la République islamique d’Iran (l’actuel blocus, en particulier pétrolier), est évidemment déjà une forme aiguë d’agression, un moyen de soumettre un pays autrement que par les armes. Mais ce n’est là que l’un des aspects – certes spectaculaire - de la guerre totale que livrent les forces messianiques pour l’Unification du marché mondial et la Gouvernance planétaire. Les enjeux liés aux énergies fossiles sont une chose, et ils occupent légitimement une place importante dans le tableau du grand dérangement global aux côtés de considérations géostratégiques plus larges [1], mais ils ne constituent en aucune façon l’ultima ratio – le moyen ou le but ultime - de la reconfiguration politique et idéologique des continents à laquelle nous assistons… sans bien nous rendre compte que ce qui se passe sur le plan culturel et sociétal. Un phénomène pourtant - géopolitiquement parlant - peut-être similaire à la constitution (dans l’ordre géologique) de la Pangée au cours du Carbonifère, ceci avec aujourd’hui, la formation d’un super continent métaculturel. Ceci se passe sous nos yeux couverts d’épaisses écailles, sans que nous sachions interpréter dans ses vraies dimensions (ou tirer les mortelles conséquences) de ces mouvements sociétaux en action… ni des séismes qui accompagnent la subduction des socles historiques littéralement avalés par la montée des nouvelles plaques métahistoriques postmodernes [2].
Métahistoire et postmodernité
Nous parlons ici des grandes mutations culturelles actuelles, lesquelles annulent ou falsifient le passé, l’histoire politique et anthropologique de l’homme pour le précipiter dans l’éternité d’un présent consumériste sans la moindre épaisseur ontologique. Or si les guerres ouvertes en sont l’expression géopolitique visible (mais rarement perçues ou interprétées comme telles), elles couvrent par ailleurs une guerre d’une toute autre ampleur parfaitement intelligible pour qui accepte de faire l’effort d’y réfléchir. Cette dernière entend en effet reformater le genre humain selon une idéologie (autrement pernicieuse et virulente que le marxisme) et peut s’interpréter – là où le communisme a échoué à le faire - comme la tentative d’édifier une nouvelle religion… athéiste, matérialiste, antinomique contre naturelle et monadologique, c’est-à-dire hyper individualiste au sein d’un corps social atomisé à l’extrême… chaque être humain devenant un universel en soi et rien de plus, toute distinction et toute différenciation étant abolies d’un individu à l’autre.
Ne jamais oublier que le père spirituel de l’Europe en Marche, Coudenhove- [3], fut le théoricien précurseur du grand brassage des peuples devant en principe aboutir – sauf à ce que nous y mettions le holà ! – aux sentines génétiques promises pour très bientôt. Et en vérité les choses avancent vite depuis le discours de Palaiseau le 17 décembre 2008 [4] par lequel le président Sarkozy nous prévenait que le “métissage” était érigé au rang d’obligation d’État, au besoin en recourant si nécessaire à la force de la Loi ! Au total, une religion et une world culture profondément régressives faisant appel à toutes les ressources de la pensée prélogique et des structures archaïques de l’imaginaire collectif… Tous égaux et misérables sous le soleil de Satan ! Cette guerre de l’esprit se livre contre l’Homme et la nature humaine qu’il s’agit de déconstruire – et selon nos critères, d’avilir – en application du Troisième principe de la thermodynamique [5]. L’Humanité, morne plaine, étant conviée in fine à tendre vers un encéphalogramme plat… Exception faite bien entendu de la caste sacerdotale appelée à régner sans partage ! Le règne de la marchandise désacralisant tout - à commencer par l’homme essentiellement en son principe masculin sauf une soi-disant Terre Mère érigée en idole - égalise et ne différencie plus le vivant qu’au regard d’une valeur marchande, essentiellement quantifiable et contractualisable, unique hiérarchisation acceptable dans un monde substantiellement normé et uniformisé (standardisé).
La guerre est globale, ni dehors, ni dedans
Nous avions naguère évoqué les guerres du dehors, guerres de conquête hégémonique que lancent régulièrement l’Amérique et ses tributaires (au premier rang desquels la France depuis 1991 [6]. En attendant, revenons un instant aux guerres de surface et à l’architectonie des tensions et des affrontements potentiels, en gestation ou en évolution (in process) !
Doctrine russe de la résistance au Nouvel ordre mondial
Le deuxième jour du Forum Économique International de Saint-Pétersbourg, le 7 juin 2019, le président Poutine prenait le contre-pied de la bienséance internationale et de l’ordinaire géopolitiquement correct. Certains y ont vu un – sans doute à juste titre – un deuxième discours de Munich [7] annonçant ubi et orbi qu’à partir de maintenant la Russie ne reconnaît définitivement plus le système établi de domination mondiale des États-Unis, plus gracieusement appelé unilatéralisme. La Russie lance de ce point de vue un défi au système judéo-protestant et entend s’unir à la Chine et aux nations du monde qui n’ont pas encore perdu le désir ou la volonté d’échapper au joug américain (Cf.A.Khaldeï11juil19) [8]. C’est dire sans ambages que deux « blocs » antagonistes dorénavant se font face. Ce qui était encore récemment implicite - et quoique que des pudeurs de jouvencelles aient empêchés jusqu’ici les diplomates de l’admettre ouvertement – devient donc une réalité particulièrement fâcheuse… et le rugueux fondement de la doctrine géopolitique officielle de la Fédération de Russie… Laquelle entend s’établir sur un ferme pouvoir d’État et une souveraineté non discutable.
Une telle politique, affirmée dans le discours du 7 juin, prend à rebrousse-poil les élites cosmopolitistes (progressistes à Paris et occidentalistes à Téhéran) qui se présentent partout dans le monde développé comme les seuls forces de progrès et contre pouvoirs valables (quant ils ne sont pas aux Affaires comme en France). À l’instar des Démocrates américains, ils ne veulent pas entendre parler de frontières ni d’intérêts qui ne soient pas strictement ceux de groupes privés étrangers à l’intérêt public et a priori indifférents à la défense du bien commun. En un mot ces élites apatrides par vocation exigent la subordination des intérêts nationaux de la Russie et de sa classe dirigeante souverainiste aux intérêts des oligarchies anglaises et américaines.
En l’occurrence, Vladimir Poutine n’a fait, au fond, que nommer une situation que les mots et les postures ne parvenaient plus à cacher… Une situation palpable en Syrie, dans le Golfe persique et ailleurs où la concurrence pour intégrer tel ou tel État à la sphère d’influence de l’un ou de l’autre n’en finit pas de dégénérer et d’évoluer vers une confrontation directe. L’étincelle fatidique ne s’est pas encore produite mais rien n’empêche d’imaginer maintenant une guerre de soixante-douze secondes au cours de laquelle des échanges de tirs nucléaires interviendraient contre des bases ou des points d’appui stratégiques des deux blocs belligérants avec pour théâtre d’opération, la Grande périphérie de l’État hébreu, 51e état américain et hypothalamus de la Maison-Blanche, de l’Indus à la confluence des deux Nils.
Il a fallu attendre douze années pour que Poutine reprennent l’avertissement solennel à l’Occident - trop sûr de lui et dominateur - contenu dans son intervention de Munich, prévenant que le monde approchait d’une dangereuse confrontation et que dans l’éventualité d’une telle rencontre, l’occident se fourvoyait en surestimant ses forces. Cette fois-ci Poutine annonce l’intention de la Fédération de Russie d’inciter l’Europe à se séparer des États-Unis en soulignant l’existence d’une irréductible contradiction entre les intérêts vitaux de l’Europe et une soumission de plus en plus prononcée et coûteuse aux lois coercitives et aux règles envahissantes américaines [9] par l’Administration américaine sous couvert du respect des embargos unilatéralement décrétés par le Département d’État (ibidem). L’Europe découvre – ou feint de découvrir – que l’amitié américaine se paye au prix fort et qu’elle – la vache à lait - est de plus en plus ouvertement vouée à être traite jusqu’au sang. C’est ce que personne n’osait dire ni même penser et que Poutine vient de dire haut et fort.