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Guerre économique : Ere du soupçon dans les secteurs sensibles

vendredi 28 janvier 2011

La France perd inexorablement son tissu industriel depuis plus de trente ans, sans qu’aucun élu ne parvienne – mais le tentent-ils véritablement ?- à endiguer les délocalisations vers l’Europe de l’Est et l’Asie. Ré industrialiser la France devient une priorité politique afin d’arrêter la braderie de nos entreprises historiques à tel ou tel fonds de pension étranger ou capitaux souverains ; comme on l’a vu avec les entreprises Alcatel et Gemplus qui étaient premières sur leur marché et qui se sont vues déposséder de leur gouvernance par quelque biais douteux pour ne pas dire suspect.

Ré industrialiser la France passe aussi par la lutte contre l’intelligence économique dont a été victime le groupe Renault ces dernières semaines. Ces déstabilisations sont-elles le résultat de stratégies étrangères qui ont pour but d’affaiblir le pays, ou bien de mener une guerre « sans mort » au profit de groupes apatrides, pour lesquels le mot patriotisme n’a jamais rien voulu dire ?

Qui relèvera le défi de restructurer notre économie ? Pour l’instant ni les politiques, ni même les entreprises concernées ne relèvent le pari puisque les premiers sont bloqués par les règles de Bruxelles et les secondes obnubilées par la gestion de leurs dividendes et non pas par l’innovation et l’investissement à long terme.

Rappelons que la France dispose d’un Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie qui reste bien discret sur les succès ou échecs de sa mission !

http://www.minefe.gouv.fr/

Conseil des ministres du 8 décembre 2010
publié le 21 décembre 2010

http://www.gouvernement.fr/gouverne...

La ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a présenté une communication relative à la politique publique d’intelligence économique.

Cette politique participe des objectifs de la politique économique, et a ainsi pour finalité de contribuer à la croissance de l’économie ainsi qu’à la préservation et à la création d’emplois sur le territoire national. Elle s’articule autour de trois axes :

mener une veille stratégique sur les évolutions et les défis auxquels est confrontée l’économie française ;

renforcer la sécurité économique des entreprises et des établissements de recherche face aux menaces qui peuvent peser sur eux, par exemple en matière de propriété intellectuelle ;

contribuer au soutien de la compétitivité de l’économie française, notamment dans ses aspects de valorisation de la recherche publique, de développement de l’influence de la France dans les organisations internationales et les enceintes de normalisation et d’aide aux exportations.

Cette politique est animée au niveau central par la délégation interministérielle à l’intelligence économique. Elle est placée, au niveau déconcentré, sous la responsabilité des préfets de région, qui délèguent sa mise en œuvre à un membre du corps préfectoral, le coordonnateur régional de l’intelligence économique. Par ailleurs, les ambassadeurs coordonnent l’action en matière d’intelligence économique des services économiques et des services scientifiques des ambassades.

Grégoire Biseau et Nicolas Cori

Libération 24 novembre 2004

L’entrée de capitaux américains dans des groupes stratégiques est surveillée de près.
Conquête de secteurs stratégiques, batailles d’influence, tentatives de déstabilisation... Il arrive que des fonds d’investissement anglo-saxons prennent le contrôle d’entreprises françaises. Dans une stricte logique économique. Ou, parfois, au service des intérêts moins avouables de l’administration américaine. Etudes de cas.

Gemplus, la tentative du dépeçage

L’histoire de Gemplus est devenue « le » cas d’école français. Celui qui sert d’argument à tous les défenseurs d’une politique agressive en matière de renseignement économique. Pour eux, le leader mondial de la carte à puce, fondé par Marc Lassus, a été la victime, entre 2000 et 2002, d’une tentative de démantèlement et de transfert de ses brevets aux Etats-Unis, par le biais d’un fonds d’investissement américain, Texas Pacific Group (TPG). Délire paranoïaque ? Pas sûr. Les Etats-Unis sont en retard en matière de cartes à puce, technologie dont les applications dans la sécurité sont devenues très sensibles. De l’aveu même de plusieurs sources gouvernementales à l’époque, l’affaire Gemplus a été jugée suffisamment crédible pour mobiliser plusieurs services de l’Etat, dont la DST. De là à voir la main de la CIA derrière les intérêts de TPG, il y a un pas que certains salariés de Gemplus ont franchi allégrement...

Beaucoup de détails troublants et de questions sans réponses ont alimenté ce scénario. Ainsi, l’arrivée, à l’invitation de Marc Lassus, de TPG au capital de Gemplus (en tant que premier actionnaire à hauteur de 26 %) s’est accompagnée d’une série de décisions étranges. La nouvelle direction américaine de l’entreprise française a d’abord cherché à déménager aux Etats-Unis (décision retoquée finalement par le conseil d’administration) après avoir, dans un premier temps, transféré une partie du département des ressources humaines et des affaires juridiques à Genève. Après un an et demi de mobilisation des cadres-actionnaires de Gemplus, le fonds TPG a nommé un nouveau patron, Alex Mandl. Détail inquiétant, ce dernier se révèle être administrateur d’In-Q-Tel, le fonds d’investissement en nouvelles technologies créé par la CIA. D’autant plus bizarre que Mandl (toujours en poste, mais qui a démissionné de son mandat d’In-Q-Tel) avait omis de préciser son ancienne fonction dans son CV remis aux administrateurs. Depuis la fin 2002, le groupe a retrouvé une certaine stabilité. Pour l’instant, plus personne n’évoque le transfert aux Etats-Unis. On parle juste d’une délocalisation progressive d’une partie de la production dans une usine en Pologne. La routine.

Arianespace, un nouveau passager à bord

Le Pentagone embarqué dans Arianespace ? Voilà comment on pourrait, avec un brin de provocation, résumer l’arrivée du fonds d’investissement Carlyle, réputé proche des milieux de la défense américains et de l’actuelle administration Bush, au tour de table du lanceur européen. En prenant, en juillet 2003, le contrôle de 70 % du capital de l’industriel italien Fiat Avio (filiale de Finmeccanica), l’américain fait son entrée dans les plus importants programmes de l’industrie militaire et spatiale européenne (le futur avion de transport militaire A400M, l’avion de combat Eurofighter, Arianespace...). Le fonds d’investissement assure qu’il n’est là que pour des raisons financières. Les industriels et les politiques européens restent sceptiques. Dans la foulée de l’arrivée de Carlyle, la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, appelle « à la vigilance » des intérêts français et européens et lance un groupe de travail sur les moyens de protéger l’industrie française de défense.

Arisem, quand l’Etat s’en mêle

Même les sociétés qui œuvrent dans le secteur de l’intelligence économique peuvent voir leur destin bouleversé en raison de l’intérêt qui est porté à cette discipline... Se présentant comme spécialiste du knowledge management, l’entreprise Arisem a mis au point un logiciel de recherche de données, applicable sur le Web ou dans des bases de données internes, utilisé notamment par le ministère de la Défense. En 2003, la société cherche à se vendre. Un fonds d’investissement canadien fait une offre, qui est acceptée. Un communiqué est même publié en novembre 2003 pour annoncer l’opération. Mais les réseaux français de l’intelligence économique se mobilisent, pour « favoriser une solution française », dixit le député UMP Bernard Carayon. En avril 2004, nouveau communiqué. C’est le français Thalès qui se porte acquéreur d’Arisem, pour lui apporter « la sécurisation nécessaire à la croissance de son marché civil face à ses concurrents, souvent américains ».

Saft, même un européen doit rassurer

Autre entreprise à avoir fait l’objet de l’intérêt de l’Etat français, Saft. Propriété d’Alcatel, qui cherchait à la vendre, cette société spécialisée dans les batteries industrielles a pour clients l’armée et la Marine. En octobre 2003, elle est revendue à Doughty Hanson, un fonds d’investissement européen. Mais, sur pression de Bercy, l’acquéreur a dû s’engager « à promouvoir l’expertise industrielle et technique de Saft » et « à maintenir les activités sur les différents sites industriels français de la société ».

Otor-Carlyle, soupçons sur une reprise

C’est le monde de l’intelligence économique à l’envers, où un fabricant de cartons ondulés français résiste au fonds d’investissement américain Carlyle en martelant les soupçons qui pèsent sur lui dans d’autres affaires. Tout commence en 2000 quand Carlyle prend une participation minoritaire au capital d’Otor. A partir de 2001, Carlyle entre en conflit avec les dirigeants de l’entreprise, Jean-Yves Bacques et Michèle Bouvier. Le fonds conteste la stratégie menée, qui ne permet pas de redresser suffisamment la rentabilité du fabricant de carton. Et demande à prendre le contrôle anticipé d’Otor, comme le prévoyait le pacte signé avec ses dirigeants. Bacques et Bouvier refusent. Depuis, c’est la guerre entre les deux camps. Plusieurs procédures judiciaires ont été engagées, aucune n’a abouti.

Dernier rebondissement en septembre : Otor s’est retourné contre le Crédit Lyonnais, son conseil lors de l’arrivée de Carlyle, et a déposé une plainte aux Etats-Unis, accusant la banque d’avoir eu partie liée avec le fonds. Des arguments « ridicules », et une « manœuvre de harcèlement de plus », dénonce Jean-Pierre Millet, patron de Carlyle Europe. Prenant parti pour Bacques et Bouvier, le député Carayon a déposé une proposition de loi « tendant à sécuriser l’accès au capital des entreprises ayant leur siège en France » qui s’inspire du conflit Otor-Carlyle. Alain Juillet, le « monsieur intelligence économique » de Matignon, reste en retrait, affirmant que c’est « une affaire privée » qui ne regarde pas l’Etat français.

http://www.liberation.fr/page.php?A...

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