Russie : Entreprise à risque ? 18.06.2010
P. Gaillard
Expert en risk management
En tant que candidat éternel à l’OMC, la Russie n’a pas vécu ces événements de la même manière. Entravé par aucun engagement international formel, le gouvernement de V. Poutine n’avait pas hésité à introduire en 2008 tout un chapelet de restrictions douanières qui firent dire plus tard à ce dernier que « grâce à sa non-participation à l’OMC, la Russie avait pu limiter efficacement les effets de la crise sur son économie », laissant également entendre qu’elle pourrait retirer dans la foulée sa demande d’adhésion.
L’OMC représente en effet un défi majeur pour la Russie. Frustré qu’on le fasse attendre à sa porte depuis 17 ans, V. Poutine avait annoncé en juin 2009 que la Russie allait réaliser une union douanière avec le Kazakhstan et la Biélorussie, et que l’OMC aurait désormais à considérer les trois pays comme une entité unique. On sait que cette démarche n’avait pas beaucoup plu à l’OMC, laquelle avait déclaré que cette décision créait de facto une situation nouvelle et que le travail de rapprochement accompli jusqu’à présent devrait être réexaminé à la lumière de cette nouvelle constellation.
La Russie a pu se rendre compte entre-temps de la difficulté à défendre cette position. Si le Kazakhstan se montre un partenaire plutôt conciliant, la Biélorussie, avec son président fantasque A. Loukachenko, ne cesse de se rebeller contre les règles que cherche à lui imposer son grand frère de l’Est. Agendée initialement pour le 1er janvier 2010, l’entrée en application de l’union douanière a déjà été reportée une fois au 1er juillet prochain. Mais rien n’indique qu’elle aura lieu à cette date tant les divergences demeurent. Mécontente des conséquences néfastes de cette union sur son économie, la Biélorussie a d’ores et déjà annoncé qu’elle n’appliquerait pas l’accord douanier à la date prévue. Excédé par ce nouveau revirement de Minsk, le président D. Medvedev vient de donner cinq jours à son partenaire biélorusse pour s’acquitter de sa dette de gaz envers Gazprom, faute de quoi l’approvisionnement sera réduit en conséquence. Sergueï Moucienko, membre du Conseil consultatif auprès du président biélorusse, marque sa lassitude : « Cette façon de régler les différends est détestable. C’est la puissance impérialiste qui resurgit. On en a marre. S’ils veulent nous couper le gaz, et bien qu’ils le coupent ».