La destruction pour seul horizon
Les familles des sacrifiés, ces fous de Dieu, se montrent volontiers, devant les micros et les caméras incrédules ne voulant pas croire que leur fils, frère ou cousin puisse être le tueur froid qui vient de commettre un carnage… dans le théâtre du Bataclan, sur la Promenade des Anglais à Nice, à Berlin au pied de l’église du Souvenir ou plus loin à Orlando le 12 juin 2016, avec ses 49 morts dans un club gay, répétition du dernier carnage en date à Istamboul et ses 39 victimes de la St Sylvestre. Des jeunes gens qui hier avaient pour la plupart épousé les vices de la société consumériste – drogue, alcool, vagabondage sexuel, délits en tous genres, parfois indicateurs des services de police tel Merah – se transforment du jour au lendemain en martyrs d’une croisade à rebours contre l’occident mécréant. Y a-t-il ici contradiction ? Non, pas vraiment. Pas plus qu’il n’y en avait chez les terroristes de la Narodnaïa Volia – la Volonté du peuple - de jeunes bourgeois acoquinés à d’authentiques apaches, qui, pour embrasser la cause des déshérités jetaient des bombes meurtrières sur les fonctionnaires de l’autocratie tsariste… et s’enorgueillirent en 1881 de l’assassinat d’Alexandre II, le 13 mars du calendrier julien.
Lequel empereur venait tout juste, par un oukase du 19 février, d’abolir le servage en octroyant aux paysans et à leur communes - mir – la moitié des terres possédées jusque là par les hobereaux et autres barines. Observons en passant que l’histoire nous apprend que les tyrans que l’on abat au nom de la Liberté ne sont jamais aussi cruels que ceux qui leur succèdent. Les Narodniki s’inspiraient dans leurs actions, et avant Lénine, du Catéchisme révolutionnaire de Serge Netchaïev que Dostoïevski fit passer à la postérité par le biais de son roman « Les démons »… Catéchisme dans lequel on peut lire qu’un terroriste « ne connaît qu’une science - celle de la destruction » [1]. Remplacez science par loi chariatique dévoyée à la mode wahhabite et vous aurez une copié/collé de l’une des idées motrices de nos modernes djihadistes.
Nous ne reviendrons pas sur l’idée que la prédication surnuméraire d’Abdelwahhab (1703/1792) – parce qu’elle se surajoute au quatre grandes Écoles jurisprudentielles de l’islam postérieurement auxquelles fut close au XIe siècle l’exégèse coranique, l’ijtihad – s’est exorbitée de la foi pour n’être plus qu’une idéologie mortifère [2]. Que cette idéologie et la rage normalisatrice et destructrice qui l’accompagne, sont sur le fond l’exact équivalent de cet autre messianisme armé - en principe athée - que fut le bolchevisme. L’islamisme radical est un lit de Procuste tout aussi meurtrier que l’est toujours – au moins potentiellement - la vulgate marxiste lénino-trotskiste et avant elle, les Grands égalisateurs devant l’Éternel que furent les Conventionnels et les Thermidoriens. Que si donc une comparaison s’impose, ne serait-ce qu’au regard de leur prosélytisme révolutionnaire et de leur esprit de conquête à échelle planétaire, ce sera du côté des Jacobins et des communistes qui se firent féroces épurateurs en 1944, qu’il faudra rechercher le code-source, l’archétype du terrorisme moderne. À savoir la volonté de rédimer l’homme, avec pour corollaire une soif illimitée de destruction de tout, humains et monuments, ce qui pourraient porter la trace d’un état antérieur devant être aboli sans retour et de vive force. En Russie, à partir de 1918 et durant la Terreur rouge et comme à Phnom Penh en 1975, la callosité des mains sauvait ou signait l’arrêt de mort.
Quant à l’arasement du passé, la cabale lourianique (Issac Louria 1534/1572) ne dit pas autre chose qui prêche la destruction des kellipot, ces urnes maudites enfermant la lumière divine qu’il convient de libérer après les avoir brisées. Or les kellipot ne sont rien d’autre que la gangue de l’histoire et les hommes qui la composent. Soit tout ceux qui interdisent, qui bloquent – tant qu’ils n’ont pas été anéantis ou recadrés - la grande restauration, tikkoun… Ceci suppose donc la rédemption des nations par le fer, le feu, la disparition de la propriété privée, la collectivisation des terres, ou plus progressivement, de manière moins douloureuse mais tout autant efficace, la reconfiguration progressiste de nos société par le fisc, l’effacement des frontières, l’accueil volontariste de migrants invasifs, par la négation de la relation de cause à effet, par la théorie du genre … qui elle non plus n’existe pas ! Au-delà, par la diffusion à coup de pétro-dollars d’une prédication molochienne salafo-wahhabite prônant l’extermination des apostats - à commencer par les musulmans non fanatiques - et la conversion (ou la mort) des mécréants par la Terreur. Or quel que soit le loup, les brebis seront bien gardées et se serreront sous la houlette des bons pasteurs qui les conduisent aux abattoirs.
Fanatisme et déséquilibre mental du métis culturel
Chacun sait que l’entrée dans la vie s’accompagne d’une ivresse qui, sous sa forme la plus bénigne se nomme romantisme. Les jeunes gens normaux ont soif d’aventures, d’épouser un idéal qui les grandisse. La rébellion contre les malfaçons du monde peut en être une et pour qui s’est fourvoyé un instant sur les sites de l’islam radical, nous savons combien les appels à la guerre sainte peuvent s’avérer envoûtants, en un mot : convaincants. Il y a une indéniable magie dans ces appels du large, dans ces psalmodies qui font, n’en doutons pas, vibrer certaines cordes ataviques enfouies dans les tréfonds de nos déracinés – purs produits de la société ouverte, plurielle, métisse - à l’identité incertaine et au déséquilibre prononcé… ersatz de musulmans mais le plus souvent vraies cailleras. Nous ne parlerons pas ici de leurs chefs dont la formation intellectuelle est parfois supérieure comme le montre le récent exemple de ce médecin radicalisé, interne à l’hôpital de la Timone à Marseille. Croyons cependant aux gènes dominants, à la mémoire des corps chargés des empreintes laissées par les aïeux. Gustave Le Bon, ce grand penseur aujourd’hui méconnu, se montrait convaincu que nos ancêtres pesaient plus lourd dans nos vies que tous les vivants réunis. Cela sous l’influence de ces « caractères invariables, legs des ancêtres, constituant l’âme collective d’un peuple ».
Autant dire que chacun, d’Orient ou d’Occident, porte en lui, plus ou moins aigu, plus ou moins sauvage suivant son bagage héréditaire, le goût de la violence ou la propension à l’exaltation ou à la faim du sacrifice au service d’une cause transcendante. Appétence différente de l’un à l’autre et plus ou moins marquée selon les moments de sa vie. Qu’elle soit de justice sociale – en tout état de cause ce qui prétend l’incarner – ou de soumission à la loi divine telle que présentée par la dogmatique nihiliste du wahhabisme[Le djihadisme combat au premier chef ce qu’il considère comme l’apostasie, puis en second l’idolâtrie identifiée avec l’Europe croisée, mais en réalité postchrétienne. Nous sommes ainsi meurtris “non pas pour ce que nous sommes, mais pour ce que nous ne sommes plus, des chrétiens”. Peu après le 13 nov. 2015, l’ÉI s’était félicité d’avoir frappé Paris, cette capitale « qui porte la bannière de la croix en Europe ». Erreur d’appréciation, c’est un vieillard hors d’âge qui est égorgé dans l’église de St Etienne du Rouvray et les marché de Noël n’ont plus de Noël que le nom. “Il s’agit avant tout d’un marché dans une civilisation du Marché planétaire”. De fait les takfiristes ne s’attaquent pas à des symboles chrétiens mais à ceux de la société mercantile, ceux au culte de Mammon qui fait marchandise et commerce du reliquat de nos fêtes et traditions religieuses.]]. En ce domaine peu importe le contenu, seul compte la mystique qui en forme la substance. Le résultat est là, non exhaustif mais terrible en soi… Prenons le cas de la Tunisie, vivier et pépinière de djihadistes : sur les six dizaines de milliers de combattants étrangers venus en Syrie affronter l’hydre de la mécréance, l’on n’en compte pas moins de cinq mille (sur onze millions de Tunisiens) auxquels l’on doit en 2015 quelques sinistres faits d’armes ! Musée du Bardo (18 mars 22†), Sousse (26 juin 39†), Tunis (24 novembre 13†), en 2016 Ben Gerdane (7 mars 49†) de Nice (15 juillet 86†) et de Berlin (21 décembre 13†). Des Égarés qui somme toute ne sont pas différents, sauf dans la perception qu’en ont les adeptes d’une lecture mythifiée de l’histoire, des 35 000 volontaires des Brigades internationales qui, entre 1936 et 1938, ont durant la guerre civile espagnole, participé à la lutte contre le fascisme. Le Bien contre le Mal et ceci en fonction du camp où l’on se trouve puisque désormais les guerres sont essentiellement idéologiques et même eschatologiques… et non plus directement d’intérêt matériels, dynastiques, territoriaux, commerciaux !
Leçons d’histoire : balayer devant sa porte
Des tueurs rouges, baptisés Républicains dont les méthodes ne seraient certainement pas désavouées pas nos takfiristes contemporains. Car mis à part les islamistes les plus durs (ceux de l’ÉI que nul n’encense ouvertement), les démocraties occidentales considèrent que les terroristes modérés, en guerre contre le régime laïc de Damas - autrement appelés “rebelles” parce que le mots de résistants n’est hélas pas ici utilisable - sont tout aussi admirables et fréquentables que les marxistes révolutionnaires qui n’eurent de cesse de massacrer en Espagne le clergé catholique… À l’instar en Syrie de nos brigadistes sunnites radicaux avec les minorités hétérodoxes, alaouite, chrétiennes, yézidie, druze, ismaélienne, et cætera. Ce parallèle - qui pourtant s’impose - fera hurler les bien-pensants voulant ignorer que la barbarie s’invite dès que la morale naturelle ainsi que les lois et coutumes de guerre sont mises de côté. Ce que fit Washington lorsqu’il refusa à l’automne 2001 le statut de prisonniers de guerre aux Taliban vaincus déclarés prisonniers du champ de bataille… Comme Eisenhower l’avait déjà fait en 1945 pour les prisonniers Allemands [3]. Or donc, si le terrorisme vient aujourd’hui frapper à nos portes, admettons qu’en la matière nous nous sommes montrés d’excellents professeurs. S’il est coutumier que l’élève dépasse le maître et il serait cependant bon que la dive démocratie balayât un peu devant sa porte.
Bref, que les takifiristes nihilistes et suicidaires soit la plupart du temps de la graine de mauvais garçons, rien n’est plus sûr. Nous assistons avec une naïve stupeur à la conversion mystique d’une violence sui generis, laquelle se coule dans la matrice théologique schismatique que leur imposent les oulémas wahhabites et leurs épigones des Frères musulmans. Les terroristes du social-démocrate Lénine, avant 1917, furent bien entendu et avant tout des scélérats – pensons à la fascination morbide des progressistes pour le crime et les criminels - qui saisirent la formidable occasion d’exercer leur férocité, de donner libre cours à leur haine de la société et des hommes, cela sous couvert d’un idéal d’apparence grandiose. Oui nous sommes en guerre et cette guerre aujourd’hui larvée ne pourra que se développer, insidieusement, prenant des formes inédites et sournoises telles ses attaques de passants frappés au hasard dans la rue “pour le fun”. Une mode arrivée d’Amérique - mais dont l’un des précurseurs fut le pédomane philomarxiste André Gide, théoricien de l’acte gratuit et du meurtre par désœuvrement dans son roman fameux les « Caves du Vatican ».
Ceci pour dire que la guerre qui nous est et qui nous sera livrée, nous en avons déjà exploré et décrit en nous en amusant inconsidérément toutes les tribulations. Quelle pourra prendre éventuellement des tournures inédites et ludiques de la guerre à venir ? Peut-être la généralisation de ce terrifiant knock-out game… Hélas, nous sommes appelés à payer maintenant le prix de nos inconséquences, de notre permissivité et de notre déshérence spirituelle. Et parce que haine et destruction sont contagieuses, nul ne sait où s’arrêtera l’incendie. Maintenant, afin de ne pas prolonger indûment ce soliloque, il serait urgent de savoir qui instrumente réellement ces fiancés de la mort ? Qui sème la dévastation au nom d’une quête de salut poursuivie à rebours ? En croyant suivre la Voie droite – la Charia – loi divine, mais en se fourvoyant sans le comprendre sur les sombres et tortueux chemins de la Rédemption par le péché négatrice de la Loi… Sont-ce uniquement les djihadistes adossés à nos modernistes et prébendiers sociaux-libéraux ? Tous les naïfs et madrés qui escomptent qu’après le chaos ils verront l’aurore d’un nouvel Eden [4] ?
Théorie du complot et théologie de la coïncidence
Pour aller au cœur de cible posons tout de suite avec « le Corriere della Sera » une seconde question qui éclaire la première : lors du « massacre de Berlin, pourquoi le terroriste a-t-il laissé ses papiers ? ». La police et les services antiterroristes en fouillant le camion ne découvrent pas immédiatement sous le siège du chauffeur la demande d’asile rejetée en juin 2016 qu’Anis Amri aurait oubliée. Raison pour laquelle un Pakistanais est appréhendé puis relâché avec de plates excuses. Entre-temps, presque par hasard, un enquêteur découvre les papiers du terroriste dont on connaît le parcours européen exemplaire depuis son entrée par l’île de Lampedusa, son incarcération pendant quatre ans en Italie pour un incendie criminel et ses vagabondages couverts par l’immunité de l’hyper laxisme bruxellois. Il est intercepté fortuitement à Milan, en pleine nuit, et abattu par une patrouille dans le voisinage de la gare de Sesto San Giovanni à quelques encablures de l’endroit d’où était parti le camion polonais utilisé pour le massacre (ilmanifesto.info27déc16). Or çà, si vous n’êtes tenant de la théorie du complot, vous devez l’être assurément devenu de la théorie de la coïncidence ?
Rappelons que les documents miraculeux deviennent sur les scènes de crime une sorte de routine : le passeport volage de Satam Al-Suqami qui, dans l’effondrement à la vitesse de la chute libre des Tours jumelles, réchappe aux poutrelles d’acier en fusion, pour venir se déposer sagement au pied d’un passant (celui d’Aziz Al-Omari - autre membre du commando pirate de New York - sera retrouvé dans un bagage ayant manqué la correspondance pour le vol détourné). Ou encore la carte d’identité de l’un des frères Kouachi, Saïd, retrouvée dans la voiture volée et abandonnée Porte de la Chapelle après le crime de la rue Nicolas Appert. Idem, à nouveau en France, après l’attentat du 14 juillet à Nice, un permis de séjour au nom de Lahouaiej Bouhlel, connu des services de police pour des faits de violence et d’usage d’armes, est retrouvé dans le camion ayant servi au carnage de la Promenade des Anglais. Aucun de ces terroristes ne parlera ni ne passera en jugement, tous seront très vite liquidés.
Alors qui se cachent derrière les terroristes ? En première ligne des individus qui, comme le patron de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker nous assène que : « Nos valeurs, notre façon de vivre ensemble en liberté et notre ouverture sont nos meilleurs moyens de lutter contre le terrorisme ». Un homme qui préconise mezzo voce d’ouvrir en grand les frontières de l’Union afin que cesse le terrorisme islamiste. Ce pourquoi M. Junker, en lutte contre la « rhétorique de l’exclusion », prône de barrer la route aux dangereux populismes… parce qu’il est vital que « l’Europe continue à offrir un abri aux personnes fuyant les zones de guerre ». La Tunisie n’est pas une zone de guerre et pourtant…
Le terrorisme face hideuse de la mondialisation
En mai 2014, Mehdi Nemmouche, binational franco-algérien, après avoir combattu une année en Syrie dans les rangs de l’État islamique, ouvrait le feu sur le Musée juif de Bruxelles. Le 13 nov. 2015, le Bataclan et le Stade de France étaient attaqués par dix islamistes dont sept revenaient de Syrie, deux autres d’Irak. Bruxelles, mars 2016, cinq djihadistes européens attaquent l’aéroport de la capitale de l’Europe. Tous avaient fait leurs classes en Syrie. Tous en effet fuyaient une zone de guerre… mais pour mieux allumer l’incendie en Europe. Les trois derniers attentats en Allemagne ont également été perpétrés par des escrocs à la demande d’accueil. À Wurtzbourg, l’assaillant du train était un faux réfugié afghan de 17 ans. Pareil à Ansbach où un syrien fait sauter sa ceinture d’explosifs dans un festival de musique après avoir demandé l’asile en Bulgarie, en Autriche et en Allemagne…
Stupidité et/ou complicité de la part des dirigeants européens ? Une stratégie de contrôle des populations autochtones par la peur et le dévoiement de l’attention publique ? Au demeurant les véritables marionnettistes ne sont-ils pas ceux qui ont entrepris de redessiner la carte du Proche-Orient, quel qu’en soit le prix ? Ceux qui se sont engagés dans la voie d’une politique volontarisme, à marche forcée, en faveur du brassage et du métissage des populations européennes… dans le but de détruire à jamais le spectre d’identités nationales fondées sur une homogénéité ethnique, confessionnelle et historique ?
Ceux-là sont les vrais donneurs d’ordre et pas seulement ceux qui payent, qui financent les voyages périlleux et les passeurs des faux refugiés et vrais migrants à hauteur de dix mille € par tête de pipe. Un nom vient immédiatement à l’esprit : George Soros et ses richissimes fondations… Mais ce serait oublier qu’il n’est que le prête-nom d’intérêts autrement plus puissants. Ceux de groupes qui se font les promoteurs d’idéologies véhiculant un messianisme révolutionnaire et dont les centres sont à Riyad pour le wahhabisme (lequel se diffuse grâce à un océan de pétrodollars et tend à s’imposer comme la nouvelle orthodoxie de l’islam) ; Londres et New York, Zurich et Francfort pour le mondialisme transgenre prêchant l’hédonisme consumériste hors-sol dans la fusion des races, des sexes, des cultures et l’amnésie générale. Un monde sans histoire, sans passé et sans avenir autre que celui de la termitière à échelle planétaire.
La guerre sempiternelle
Finalement que penser a posteriori de nos brillants causeurs qui, voici vingt ans, annonçaient l’échec de l’islam politique et la marginalisation du terrorisme condamné à devenir un épiphénomène ? Surtout sachant que le mal ne sera pas éradiqué par la reconquête des bastions de l’ÉI au Levant même si les rebellions armées déposent les armes et concluent un armistice durable avec l’État syrien ! L’idéologie virale wahhabite à n’en pas douter perdurera au Sahel, dans la Corne de l’Afrique, dans le Golfe de Guinée ou dans les grands réservoirs islamistes d’Asie. La signature le 29 décembre d’un accord de cessez-le-feu en Syrie sous le parrainage de la Russie et de la Turquie et validé par le Conseil de Sécurité unanime, ne règle rien sur le fond. Cela parce qu’il s’agit plus largement d’une guerre véritablement eschatologique du Bien contre Mal faisant écho à la Guerre sans limites que l’Amérique lançait en défi aux Nations au lendemain du 11 Septembre. Autrement dit, la Croisade (le mot fut vite abandonné) que GW Bush annonçait le 16 septembre 2001 [5].
En retour les sites de Daech incitent - et avec une éloquence certaine - à la migration vers une Union européenne pour s’y livrer au djihad contre les « Croisés ». L’Europe, cet espace géographique sans visage qui fait tomber ses frontières pour mieux inviter sur son sol toute la misère du monde et l’écume corrosive du sous-développement… au prétexte d’accueillir les réfugiés des guerres qu’elle a elle-même allumées au service de l’Otan. Ce que confirmait encore, une fois de plus il y a quelques jours, ce 27 décembre à Ankara, l’ex grand ami de Washington, le président Erdogan en déclarant : « Ils (les États-Unis)apportent leur soutien aux groupes terroristes, y compris l’EI… Nous avons des preuves confirmées, avec des photos, des photos et des vidéos ». Inutile d’épiloguer.
Or si Daech, scission/émanation d’al-Qaïda, se mêle à la masse des migrants c’est avec l’idée bien arrêter de faire de l’Europe démographiquement agonisante, la Maison de la guerre, le Dar al-harb. Il va de soi, qu’en accord avec le précepte maoïste, les égorgeurs se meuvent comme des poissons dans l’eau au sein des foules affluant vers un sous-continent atteint de sida mental, c’est-à-dire dont les défenses immunitaires, spirituelles et intellectuelles, se sont effondrées. L’Union n’étant qu’un conglomérat de peuples perclus de mauvaises bonnes intentions, de culpabilité pour tous les crimes réels ou imaginaires qu’ils auraient commis dans un proche ou lointain passé … croisades, traite négrière, colonisation, décolonisation et tutti quanti ! Autant dire que la guerre civile larvée en Europe est appelée à durer si une paix syrienne ne parvient pas à éteindre durablement l’incendie… le Qatar comme la Turquie s’étant ralliés à Moscou devraient cesser de l’alimenter. Reste toutefois l’Arabie et d’autres États voyous, du Golfe entre autres, mais pas seulement, pour armer les armées djihadistes avec des matériels achetés aux grands marchands d’armes, étatiques ou non… Une guerre intestine plus ou moins larvée, épisodique, mais inéluctablement destinée à s’étendre pour déboucher - peut-être - à moyenne échéance, sur une guerre civile européenne ouverte. L’hypothèse aussi désagréable soit-elle, ne peut cependant pas être totalement exclue…
Le cancer terroriste
Retenons de ce qui précède que le cancer chirurgicalement excisé a déjà métastasé au sein du milliard et demi d’hommes qui composent l’Oumma islamique, la Communauté des croyants. L’incendie n’est par conséquent pas prêt de s’éteindre puisque ceux qui prétendent l’éteindre sont également ceux qui l’ont allumé… Al Qaïda (la Base), officiellement fondée en 1987, est née en réalité au Pakistan à l’initiative de la Cia dès 1977, soit deux ans avant l’entrée des troupes soviétiques sur le sol Afghan. Elle servira de prétexte et de repoussoir sur plusieurs fronts de guerre. Ainsi en Bosnie, avril 1992, puis en Yougoslavie en 1999 dans la guerre du Kosovo. En mars 2011, l’Otan ouvre les hostilité en Libye par le truchement de chefs d’Al-Qaïda tel Abdelhakim Belhadj qui, après la chute de la Jamahiriya, ira porter la dévastation et la mort en Syrie [6].
Des faits accablants pour les Euratlantistes, mais bien connus de tous les observateurs avertis, et que vient, une fois de plus, de faire ressortir l’affaire des courriels de Mme Clinton divulgués par Wikileaks… des révélations si gênantes que la Maison-Blanche a tenté d’en minimiser l’impact en accusant les Services de guerre électronique russes d’en avoir été les initiateurs. Ceci dans le but de peser dans la balance des élections présidentielles américaines au détriment du camp Démocrate. Une façon peu élégante de chercher à délégitimer (ou de jeter une ombre de suspicion sur lui), le nouveau président trois semaines avant sa prestation de serment, le 20 janvier 2017. Ajoutons que les signes négatifs se multiplient quant à un regain de tension Est/Ouest, à commencer par l’expulsion de trente cinq personnels diplomatiques Russes. Mesure vexatoire à laquelle le Kremlin, beau joueur, ne répondra pas. Ayons en mémoire que le prix Nobel de la paix fut attribué en 2009 au président Obama « pour ses efforts extraordinaires en faveur du renforcement de la diplomatie et de la coopération internationales entre les peuples ». In fine, avec l’affaire Wikileaks, nous avons-là une fort intéressante illustration de ces « efforts extraordinaires en faveur de la diplomatie et de la coopération » !
Pour ceux qui n’auraient pas tout à fait saisi, l’Administration américaine n’aura jamais cessé, ces trois dernières décennies, de financer, d’organiser, de superviser et d’armer des groupes islamistes pour déstabiliser et détruire les États nations qui ne s’alignaient pas. Cette politique du “regime change” a montré ses limites. Les échecs se succèdent et finissent par se ressembler. Même l’État hébreu qui eut dû bénéficier de l’effondrement ou de l’affaiblissement de ses voisins, se révèle aujourd’hui, à la fin du mandat présidentiel de l’Américain Obama, particulièrement affaibli nonobstant les chasseurs-bombardiers de la dernière génération F35 que les États-Unis lui livrent actuellement… Guérillas islamistes au sein desquelles se formeront et se recruteront les noyaux durs de l’ÉI et de ses succursales au Maghreb islamique, dans la Péninsule arabique, la Corne de l’Afrique, au Nigéria, en Asie… En mars 2013, le New York Times évoquera à plusieurs reprises le transfert, au printemps 2011, d’éléments combattants, notamment en Syrie pour y renverser le régime baasiste de Bachar el-Assad. Un rapport du Pentagone du 12 août 2012 (déclassifié le 18 mai 2015), précisera que « les pays occidentaux, les états du Golfe et la Turquie soutiennent en Syrie les forces qui tentent de contrôler les zones orientales », ceci devant permettre « la possibilité d’établir un émirat salafiste en Syrie orientale » (cf.ilmanifesto27déc16). La messe est dite, Manhattan et Riyad, deux idéologies différentes, apparemment en guerre mais en apparences seulement, au final, un unique catéchisme subversif, un seul et même combat.
Léon Camus 31 décembre 2016