Aussi peut-être serait-il plus que temps de ne plus nous plier mécaniquement, avec une veulerie consommée, aux oukases et chantages du mercenariat juridique d’outre-Atlantique. De rejeter cette politique mortifère des concessions à perpétuité, du faible au fort, qui nous détruit moralement, économiquement et politiquement. Prenons l’exemple de la condamnation de BNP Paribas le 1er mai 2015 à 8,9 mds de $ d’amende américaines pour avoir facilité des transactions en dollars avec le Soudan, l’Iran et Cuba alors sous embargo. En supplément et complément de l’extorsion de fonds, les autorités judiciaires de l’état de New York ont exigé que le service de sécurité financière de la première banque hexagonale devait être transféré aux États-Unis, ceci devant permettre à des fonctionnaires du ministère de la Justice de contrôler – c’est-à-dire surveiller et espionner - l’ensemble ses activités [1].
La BNP a été l’objet d’un chantage et elle a payé après avoir été abandonnée par l’État français. Tout comme les syndicats ouvriers de l’industrie automobile d’ordinaire si forts en gueule, ont laissé Peugeot perdre en 2012 suite à son pacsage avec General Motors, quelque 458 000 véhicules annuels vendus à l’Iran. Même cause, mêmes effets, l’Iran subissait les rigueurs d’un implacable embargo à géométrie variable… draconien pour les alliés, très souple voire accommodant pour les industries nord-américaines [2]. Nous avions déjà vu cela en détails à l’occasion de l’affaire « Pétrole contre nourriture » dont le dernier acte se joue en ce moment précis au Palais de Justice de Paris [3]. Volkswagen est donc, elle aussi, en proie à une offensive juridique ayant une finalité toujours et partout identique dans ce type de cas de figure : éjecter la concurrence en maniant avec dextérité la trique juridique sous couvert de faire respecter des règles du jeu applicables seulement à ceux qui y souscrivent [4]. La firme allemande emportée dans la tourmente médiatique ne sera évidemment pas non plus mieux défendue par l’État allemand que la BNP par une classe dirigeante européiste, mondialiste et complice.
Poussons notre réflexion un peu plus loin. De la même façon, Michel Platini (lequel n’a bien entendu rien d’une oie blanche), candidat favori à la présidence de la FIFA, se trouve désormais en ligne de mire de gens apparemment atteint d’un virulent prurit moralisateur. L’actuel président démissionnaire de la Fédération internationale de football, Joseph dit Sepp Blatter et Michel Platini, patron de l’Union des associations européennes de football (UEFA), font tout deux l’objet d’une enquête du comité d’éthique de la FIFA [5]. Ce dernier se voit suspecté pour un juteux contrat datant de 2006… au demeurant la démarche prétendument éthique masque mal le dirty trick, l’embrouille vicieuse de dernière minute pour éliminer un gêneur de la course à la présidence et tenter de faire passer aux forceps le candidat américano-qatari Ali Ben al-Hussein ci-devant prince jordanien. Cui bono ? En fin de compte à qui ou à quoi profite l’épisode ?
Quant à la vente récusée des deux bâtiments de classe Mistral à la Fédération de Russie nous atteignons là des sommets abyssaux dans la soumission à l’Administration Démocrate de Washington. Après que le 25 septembre l’Élysée eut annoncé la revente des deux navires de commandement à l’Égypte pour 950 millions d’€euros, le temps est venu de faire les comptes de cette pitoyable opération ! Notons que le manque à gagner par les arsenaux sera assumé par la COFACE (assurance parapublique contre les risques à l’export), autant dire par le contribuable voué à être tondu jusqu’à l’os.
Avec un coût d’un million d’€ par mois et par bateau, au printemps 2016, date de la livraison à l’Égypte, la facture de gardiennage s’élèvera à près de 25 millions d’euros. Le déshabillage des équipements russes devra de son côté se poursuivre au-delà de janvier 2016, ce pour un montant estimé à dix millions d’euros. La transformation des Mistral conçus exclusivement pour les mers froides atteindrait, elle, une centaine de millions, voire 3 à 400 ! Auxquels viendront s’ajouter la formation des personnels égyptiens non chiffrée. Etc.
Bref une transaction ultra loufoque, quand on mesure l’incidence désastreuse de cette contrevente sur notre crédibilité commerciale et politique. La France décrédibilisée et son inénarrable président, échappé mais non rattrapé des tréteaux de la Comedia del arte, sont une nouvelle fois la risée des chancelleries. Revirement, mévente et revente bien dans la ligne des redditions sans concessions successives de nos acteurs économiques et étatiques face aux prédateurs nord-américains. Au reste ne sommes-nous pas en guerre ? En 2005 paraissait le testament politique François Mitterrand, nous y lisons… « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique… une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique… Les Américains sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. C’est une guerre inconnue, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort. ».
Léon Camus 28 septembre 2015