Crédit carbone : de quoi parle-t-on précisément ?
À l’origine, le protocole de Kyoto
L’idée de créer des crédits carbone a émergé à la fin des années 1990. Durant cette période, la plupart des pays élaboraient le protocole de Kyoto, premier traité mondial sur le changement climatique. Ce dernier visait à définir, pour chaque nation industrialisée, des limites strictes d’émissions de gaz à effet de serre, et la mise en place d’un mécanisme facilitant la déclaration, l’échange et la surveillance de droits d’émission. Au centre, un organisme de régulation (en l’occurrence, les Nations Unies) qui émet des quotas.
Depuis, tout porteur de projet de réduction ou de séquestration d’émissions de gaz à effet de serre, peut recevoir des « crédits carbone » à condition de respecter certaines conditions. Un crédit carbone fonctionne comme un certificat attestant que ledit projet a bien évité ou séquestré une tonne de dioxyde de carbone équivalent (tCO2e).
Crédits carbone et projets de compensation
Crédit et compensation carbone
La compensation carbone vise à contrebalancer une certaine quantité d’émissions de gaz à effet de serre. 2 actions possibles : soit en éliminant une partie du dioxyde de carbone déjà présent dans l’atmosphère, soit en empêchant les futures émissions de CO2 d’atteindre l’atmosphère. Un projet de compensation carbone s’accompagne (presque) toujours d’un crédit carbone. Il s’agit de documents certifiant que quelqu’un, quelque part, a supprimé ou évité 1 tCO2e.
🖐 Comme souvent, si ce cadre administratif ouvre de nouvelles perspectives intéressantes, il peut aussi poser de nouveaux problèmes, notamment en matière d’éco-blanchiment.
Quel est le prix d’un crédit carbone ?
Sur le plan purement économique, valoriser les GES n’est pas une mince affaire ! Il s’agit avant tout d’inciter tous les acteurs économiques à s’engager dans une démarche bas-carbone. Ce prix peut, par exemple, envoyer des signaux de marché pertinents pour orienter les investissements vers des technologies vertes et décarbonées. En ce sens, mettre un prix sur le carbone est nécessaire à une préservation efficace de notre environnement. Il existe aujourd’hui plusieurs mécanismes pour attribuer un prix à une tonne d’équivalent CO2, notamment :
- une taxe carbone portant sur les émissions,
- la mise en place d’un marché du carbone, au sein duquel peuvent s’échanger des droits à polluer.
Le prix d’un crédit carbone dépend nécessairement des sous-jacents du projet écologique. On parle ici de la nature, de la localisation, du coût de main d’œuvre, de l’état de l’offre et de la demande, etc. Son prix est souvent compris entre 50 centimes et 50 euros la tonne d’équivalent CO2.
Le crédit carbone : un certificat
L’essor du crédit carbone
Attention ! Qui dit système d’échange de droits d’émission de CO2, ne dit pas nécessairement compensation carbone. En effet, le protocole de Kyoto aurait pu mettre en place un marché d’échange de quotas uniquement. Mais certains pays - dont les États-Unis en tête - ont fait pression pour obtenir plus de flexibilité. Avec succès : 2 programmes, connus sous le nom d’initiative conjointe et de mécanisme de développement propre (MDP).
Initialement, ces programmes visaient à permettre à chaque pays concerné d’investir dans des projets au-delà de ses frontières. Le pays était alors « crédité » de la réduction des émissions associées. Voire même investir dans un pays en voie de développement qui n’a pas ratifié le protocole de Kyoto ! Avec, derrière, un constat simple : la protection de l’environnement (et la lutte pour le climat en particulier) constitue un défi mondial. Il importait donc moins de connaître le « où » que le « combien ». La compensation carbone était née !
🖐 Le mécanisme de développement propre des Nations Unies a déjà financé des milliers de projets à travers le monde.
Un système intéressant oui, mais un système imparfait. Au lieu de réduire complètement ses émissions, l’Allemagne a par exemple décidé (aussi) d’investir massivement en Inde pour l’aider à se débarrasser du charbon. Mais des chercheurs ont rapidement constaté que la plupart des industriels et promoteurs indiens avaient déjà l’intention de réaliser ces projets - pour des raisons simplement... économiques. Ces derniers ont donc reçu (encore) plus d’argent. Dans ce cas précis, et bien que l’Allemagne réclame légitimement une compensation, la quantité d’émissions de CO2 n’a pas diminué à l’échelle mondiale.
Comment fonctionnent les crédits carbone ?
Les crédits carbone sont des unités que possèdent le porteur de projet. Si ce dernier réduit les émissions de gaz à effet de serre de son projet, alors il peut commercialiser ses crédits carbone, ce qui finance in fine son projet. Pour résumer, Un crédit carbone équivaut à une réduction d’équivalent d’une tonne de CO2.
Le marché du carbone
Les États (comme la France notamment pour respecter sa stratégie nationale bas-carbone) et les entreprises participent à un marché du carbone, un mécanisme d’échanges de droits d’émission, pour vendre ou acheter des quotas de CO2.
Crédit carbone et marché du carboneFonctionnement d’un marché du carbone
Un marché du carbone bien ficelé crée une incitation économique à réduire collectivement nos émissions. Pour qu’un échange puisse s’effectuer d’une entité à l’autre, la notion de quota est juridiquement définie. On parle d’« Allowance Amount Unit ».
🖐 Pour maîtriser tous les rouages du Système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE), faites donc un tour sur le site de la Commission Européenne.
Les crédits carbone sont transformés en une monnaie dédiée à la lutte contre le changement climatique. Cette conversion CO2/euro est possible grace aux entreprises qui compensent leurs émissions de façon volontaire, en achetant des CO2.
Pourquoi acheter et vendre des crédits carbone ?
Les crédits carbone sont une véritable monnaie de lutte contre le réchauffement climatique. La conversion CO2/euro permet d’inciter les entreprises à compenser leurs émissions par l’achat des crédits carbone. En somme, c’est une véritable incitation économique et volontaire.
Comment obtenir des crédits carbone ?
Pour les entreprises, l’achat peut s’effectuer auprès des porteurs de projets ou par l’intermédiaire d’entreprises spécialisées dans le domaine. Ces intermédiaires ont un portefeuille de crédits carbone.
Raisonnons ici à l’échelle d’un pays. Si ses émissions dépassent les quotas autorisés sur la période, il est contraint d’acheter des quotas à d’autres pays qui ont émis moins de gaz à effet de serre (GES).
Comment vendre des crédits carbone ?
À l’inverse, si un émetteur, comme un petit site industriel, parvient facilement à respecter son plafond d’émissions, il peut vendre ce quota à un émetteur qui connaît des difficultés.
🖐 Pour l’année 2020, ces quotas représentent plus de 450 millions de tCO2e rien que pour la France, soit 4/5 des émissions de dioxyde de carbone estimées pour 1990 !
Les termes « quota » et « crédit » sont parfois utilisés de la même manière. Il peut être judicieux de distinguer ces notions ainsi :
- le quota carbone pour tout document permettant de « libérer » des émissions ;
- le crédit carbone pour tout document certifiant que l’émission de CO2 a bien été évitée ou supprimée.
On notera ici qu’un quota peut devenir un crédit si son propriétaire initial ne l’utilise pas et le vend à quelqu’un d’autre.
Échange de crédit carbone
Qui émet le crédit carbone ?
Le MDP est à l’origine de plus de la moitié des crédits carbone émis depuis leur lancement, selon la Banque Mondiale. Mais l’année 2019 a marqué un (net) changement. En théorie, la compensation carbone volontaire permet à toute entreprise, quels que soient son secteur et son activité, de contribuer aux objectifs de développement durable. Pour ce faire, elle peut se porter solidaire d’autres entités et en contribuant collectivement à la nécessaire transition bas-carbone. Google, Amazon, Air France, TotalEnergies, et toujours plus d’entreprises ont ainsi décidé de « devenir neutres en carbone » en adoptant des politiques de net zero ou neutralité carbone.