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Les impôts australiens et marocains de McKinsey (eux aussi) dans le viseur

vendredi 1er juillet 2022

Après que le parlement français a jugé anormal le niveau des impôts payés par McKinsey, en Australie et au Maroc, la fiscalité du cabinet apparaît également très en deçà des taux moyens.

Le recours aux cabinet de conseil comme McKinsey est une volonté de délaisser les fonctionnaires pour privatiser les décisions des gouvernements avec une rentabilité appelée New Public Management.

McKinsey, BCG, Valyans, Southbridge... : la toute-puissance des cabinets de consultants au Maroc

"Ils contrôlent tout »
« leur emprise sur les politiques publiques est totale »
« ils opèrent dans l’opacité » « ils décrochent les marchés à tour de bras sans forcément passer par des appels d’offres »
« les ministères leur sous-traitent la matière grise de l’État
« … Les grands cabinets de conseil sont au centre de toutes les spéculations."

Il n’empêche, le McKinsey Gate français étant dans les esprits, par un parallèle mécanique, ce marché en vient à symboliser une certaine impéritie de l’État, incapable, pense-t-on, de définir ses propres stratégies, amené, par facilité, à traduire, en missions cher payées, des tâches qui incombent pourtant à ses services.

Pour les ministres, l’objectif est simple : parvenir à des résultats sans bouleverser la gestion de leur département, ni bousculer un organigramme souvent figé dans le granite.

Seule solution donc, s’adresser à un cabinet reconnu de la place. Et dans ce registre, tous les sujets y passent. Même la stratégie de déconfinement du pays a été confiée à BCG. Sur des thèmes aussi divers que la modernisation de l’administration publique, la stratégie énergétique, et le gros morceau que constitue désormais la numérisation des parcours au sein des administrations, ils sont présents.

  • “Nous avons laissé tomber des carrières ultra-lucratives en Angleterre, et partout en Europe, pour venir au Maroc, attirés par le fait de servir le pays”
    Hassan Belkhayat, co-fondateur du cabinet Southbridge

C’est bien simple, les conditions salariales des fonctionnaires n’attirent plus les profils d’élite. La sphère privée a supplanté le secteur public en matière d’incitations salariales. Par conséquent, les “premiers de cordée” désertent la sécurité de l’emploi que propose l’État pour tenter l’aventure du privé, plus risquée certes, mais autrement plus rémunératrice.

TelQuel

Le Centre for International Corporate Tax Accountability and Research (CICTAR), un groupe australien de recherche sur la fiscalité des entreprises, s’est récemment ému du niveau d’impôt sur les sociétés acquitté par McKinsey en Australie.

Selon des chiffres du CICTAR rapportés par la presse australienne, sur les 850 millions de dollars de chiffre d’affaires atteint par le cabinet sur deux exercices fiscaux, 2019-2020 et 2020-2021, le cabinet n’aurait réglé un impôt sur les sociétés que de 1 million de dollars australiens.

En cause : les charges portées dans les comptes du cabinet au titre des services facturés par des entités internationales qui lui sont rattachées ont, elles, atteint 134 millions de dollars en 2019 puis 91 millions de dollars en 2020.

« Des transactions discutables vers des tierces parties à l’international permettent de soustraire aux obligations fiscales australiennes qui, ironiquement, paient les contrats que McKinsey continue à remporter », déclare le CICTAR.

Ce n’est pas la première fois que McKinsey est mis en cause sur ce sujet.

La cour d’appel (Court of Tax Appeals) des Philippines a offert une belle victoire à McKinsey. Le cabinet se voit rembourser pour plus d’un million d’euros (57 millions de pesos philippins) au titre des années 2011 et 2012. C’est plus de la moitié des 97 millions de pesos initialement payés.

Au Maroc, un mois plus tôt, les médias marocains mettaient en avant les pratiques d’optimisation similaires du cabinet en ce qui concerne ses activités marocaines et africaines (le Maroc fait office de hub subsaharien). Sur les 287 millions de dirhams (environ 26 millions d’euros) de chiffre d’affaires de McKinsey au Maroc et en Afrique subsaharienne, le cabinet réglait cette année, sur un résultat négatif de 33 millions de dirhams, un impôt de 565 209 dirhams (soit environ 52 000 euros).

Et d’année en année, la logique est la même : des résultats imposables continuellement négatifs et ce alors que le cabinet établi au Maroc depuis 2004 a vu ses effectifs passer de 66 à 111 consultants entre 2016 et 2020, pour 8 partners.

En cause comme en Australie : des rémunérations de consultants venus de l’international en assistance du bureau marocain ainsi que des charges d’expertise qui sont refacturées au bureau et diminuent de manière significative son résultat.

Ce même mécanisme est mis en cause par le Sénat français au sujet de McKinsey dans son rapport sur l’influence des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, rendu public le 17 mars 2022.

Les sénateurs regrettaient alors que le cabinet ait systématiquement présenté des résultats fiscaux négatifs par le mécanisme des prix de transfert – qui permet à une maison mère de refacturer à ses filiales des frais qui lui permettent d’arriver à un résultat négatif (relire notre article).

Une pratique dont s’est saisie la justice française : le parquet national financier (PNF) français indiquait le 6 avril avoir ouvert une enquête préliminaire du chef de blanchiment aggravé de fraude fiscale.

Australie, Maroc, France… mais aussi en Norvège, en 2015.

Consultor

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