McKinsey affirme avoir informé Boeing des risques liés à la collaboration avec l’oligarque et recommandé une « diligence raisonnable ». En annexe de son évaluation figurait une seule diapositive PowerPoint dans laquelle McKinsey décrivait ce qu’elle considérait comme la stratégie du partenaire potentiel pour obtenir des permis d’exploitation minière. Cette stratégie comprenait la corruption de fonctionnaires indiens.
Le plan du partenaire, note McKinsey, était de « respecter le processus bureaucratique traditionnel, y compris l’utilisation de pots-de-vin ». McKinsey a également écrit que le partenaire avait identifié huit « fonctionnaires indiens clés » - nommés dans la diapositive PowerPoint - dont l’influence était nécessaire pour que l’accord soit conclu. Nulle part dans la diapositive, McKinsey n’a indiqué qu’un tel stratagème serait illégal ou peu judicieux.
Selon notre article, « ni McKinsey ni Boeing n’ont été inculpés dans cette affaire, et Boeing n’a pas été accusé d’avoir versé des pots-de-vin. Mais plusieurs employés des deux sociétés auraient témoigné devant un grand jury. D’après les archives, Boeing a poursuivi son projet même après avoir été informé que les plans de son partenaire prévoyaient le versement de pots-de-vin. » Il est important de noter que « l’accord a finalement échoué ».
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D’après le contenu de l’article du Times, on ne sait pas vraiment ce qui s’est passé. Il est suggéré que Boeing a examiné cette piste avant de trouver une autre source de titane. Mais nous ne savons pas vraiment ce que cela a impliqué. Examiner cette piste pourrait-il signifier une démarche de nature préventive ? Des mesures spéciales ont-elles été prises ? Boeing a-t-il, par exemple, exercé un contrôle sur chaque étape du processus ? Y a-t-il d’autres faits importants dont nous n’avons pas connaissance ? En tout état de cause, il semblerait que McKinsey ait averti Boeing de ce qui pourrait mis en jeu. Et Boeing est certainement bien expérimenté pour en comprendre les implications.
Responsabilité du fait d’autrui
Dans un contexte plus vaste, les accusations contenues dans l’article du Times montrent à quel point les questions de responsabilité du fait d’autrui peuvent se poser lorsqu’il existe des hypothèses incorrectes quant à ce qui peut exposer une entreprise à une responsabilité au titre du FCPA. Le simple fait de retenir les services d’un cabinet respecté n’exclut pas, en soi, la possibilité pour une entreprise d’être responsable du fait d’autrui.
La taille d’une entreprise ne doit jamais être déterminante. Mais l’expérience et la réputation d’un cabinet de conseil respecté peuvent s’avérer déterminantes quant à la probabilité d’exposition à la responsabilité indirecte. En effet, un cabinet d’une telle envergure est plus susceptible d’avoir mis en place un programme de conformité et des contrôles connexes qui tendent à minimiser la perspective d’une conduite douteuse. Un autre facteur important est la probabilité accrue que le cabinet possède l’expérience nécessaire. En bref, une entreprise expérimentée et réputée est moins susceptible de se tromper par pure ignorance.
Toutefois, il est trompeur de croire que le fait de retenir les services d’un cabinet de conseil respecté dispense une entreprise de toute surveillance. La loi s’applique aussi bien aux grandes et aux petites entreprises qu’aux entreprises très réputées et aux entreprises moins réputées. Une société de conseil agit au nom d’une entreprise. Ce qu’il fait au nom d’une entreprise peut exposer cette dernière à une responsabilité. En d’autres termes, une entreprise ne peut pas faire l’autruche face à ce qu’un cabinet de conseil fait en son nom. Elle doit surveiller attentivement les activités de sa société de conseil.
Responsabilité des cabinets de conseil
L’article du Times soulève également la question plus large de savoir comment une société de conseil peut s’exposer à une responsabilité en tant que complice. Ici, sans plus d’informations, il est impossible de déterminer si McKinsey a commis une erreur. Des avertissements adéquats peuvent très bien avoir été faits en conjonction avec la présentation PowerPoint ou d’autres manières. Pourtant, en l’absence d’avertissements appropriés et opportuns ou de mises en garde, une société de conseil peut être considérée ultérieurement comme complice si une relation ou une transaction proposée se déroule d’une manière particulière.
C’est fondamentalement similaire au fait de conseiller les employés sur ce qui est dit dans les e-mails. Il faut toujours partir du principe que toute information communiquée peut être mal interprétée. Par conséquent, il faut faire preuve de la plus grande prudence lors de la transmission d’informations sensibles. C’est particulièrement vrai lorsqu’un cabinet de conseil rend compte de situations ou d’une conduite qui pourraient être perçues comme douteuses. Une note de bas de page ou le recours à un langage passe-partout peut ne pas suffire. Le destinataire doit être clairement informé des sujets douteux.
En résumé, l’article du Times mérite d’être pris en considération. En l’absence de faits complémentaires, aucune conclusion ne doit être tirée quant à la conduite de McKinsey ou de Boeing. Mais d’un point de vue juridique, il incite à une réflexion approfondie et à un réexamen des relations avec les sociétés de conseil. Il rappelle le sérieux avec lequel il faut superviser le travail des consultants. À sa manière, l’article constitue également un rappel essentiel pour les consultants quant au soin qu’ils doivent apporter à la transmission des informations rassemblées au nom d’un client.