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La révolte des peuples contre l’horreur mondialiste. Lettre ouverte au président Macron

mercredi 27 mars 2019

Monsieur le Président,
Ainsi que vous vous en apercevez un peu plus chaque semaine, le peuple français, la France profonde, le pays réel, rejettent en bloc votre mal-gouvernance. Certes il s’agit en principe des politiques poursuivies par le gouvernement. La constitution est à ce sujet sans équivoque  : le gouvernement fixe la politique de la nation tandis que le président supervise la bonne marche des institutions. Néanmoins, dans les faits, les politiques gouvernementales aujourd’hui ne sont plus que l’interprétation d’une partition écrite sous votre dictée. À ce titre vous incarnez l’État en ce que, capitaine du navire, vous déterminez la direction que doit suivre la nef commune. Un bateau passablement ivre roulant bord sur bord et qu’aujourd’hui beaucoup de Français identifient à l’infortuné Titanic… tant se multiplient les signaux d’alerte d’une plongée verticale dans les abysses. La France n’est-elle pas en passe d’être un État failli  ? Ne serait-ce qu’au vu de son endettement réel  : 2 300 milliards d’€ en 2018 auxquels viennent s’ajouter des engagements hors bilan pour un montant estimé à quelque 4200 milliards d’euros, soit une dette totale dépassant les 6500 milliards d’euros ? Ces chiffres vous les connaissez, M. le président, mieux que quiconque. Et c’est ce pourquoi une majorité encore silencieuse de nos concitoyens vous ont irrévocablement retiré leur confiance. Que n’en tirez-vous pas les conclusions qui s’imposent  : démission du gouvernement et dissolution de l’assemblée nationale…

Le 24 mars 2019 – XIXe acte de Gilets jaunes

La surenchère sécuritaire

Car sur le plan intérieur voici dix-neuf semaines que la France des oubliés a revêtu des gilets jaunes pour tenter de se faire entendre d’une classe politique apparemment sourde à leurs appels de détresse. Colère que vous vous êtes efforcé de juguler par une constante surenchère sécuritaire, le dernier exploit en date de votre ministre de l’Intérieur, M. Castaner, étant, après l’incendie du Fouquet’s, haut lieu de la privilegiatura, de faire appel aux personnels armés de l’opération anti-terroriste Sentinelle. Or, après cette décision tout à fait singulière de recourir à l’armée pour des actions de maintien de l’ordre, le général Leray, gouverneur militaire de Paris, n’a pas craint de déclarer que la troupe était prête à ouvrir le feu sur les émeutiers  ! Propos ébouriffants qui cependant transcrivent à la lettre l’esprit des instructions reçues de la bouche du  ministre Castaner. Celui-ci, le 21 mars, lors de la prise de fonctions du nouveau préfet de police de Paris Didier Lallement, ne lui a-t-il pas enjoint de prendre exemple sur Georges Clemenceau, le briseur de grèves, fût-ce au prix de quelques vies  ? « La main de Clémenceau n’a jamais tremblée quand il s’agissait de défendre la France… protéger les manifestations c’est briser l’émeute »  !

En effet, le ministre de l’Intérieur radical-socialiste Clémenceau - à l’instar du socialiste Jules Moch en 1948 - n’hésitera pas à faire tirer sur des manifestants en 1907 à Raon-l’Étape où deux réfractaires furent tués  ; en 1908 des gendarmes abattaient à Vigneux des grévistes réunis dans leur permanence  ; le 30 juillet 1908, à Villeneuve-Saint-Georges, des dragons tuent quatre manifestants. Et bien ce samedi 23 mars, l’ordre de «  briser l’émeute  » a été obéi, toutefois, pendant que Paris était placée en état de siège, des villes comme Metz ou Montpellier s’embrasaient… et à Nice, une manifestante septuagénaire a été si sérieusement blessée par une charge aveugle de police, que sa famille entend porter plainte pour  “violence volontaire en réunion avec arme par personnes dépositaires de l’autorité publique et sur personne vulnérable”. Est-ce à ce prix que force doit rester à la loi tandis que les gauche-extrêmes cassent et pillent en marge des manifestations pacifiques, et ce, dans la plus flagrante et odieuse impunité  ? À telle enseigne que certains s’interrogent mezzo voce sur le rôle exact de ces casseurs. Pourraient-ils être des provocateur destinés à discréditer le mouvement des Gilets Jaunes aux yeux de l’opinion et à justifier une escalade dans la répression, le tout participant d’une sorte de stratégie de la tension  ? Une hypothèse jugée si plausible qu’elle vient à charge dans le lourd contentieux opposant la France des grandes périphéries peuplés sédentaires habitant des maisons de pierre à celle qui s’incarne dans la société liquide, plus ou moins virtuelle, des nomades de la startup nation.

Toujours est-il que les résultats ne se sont pas révélés pas à la hauteur des espoirs placés dans les violents, lesquels ne sont effectivement pas parvenu à casser la dynamique du mouvement de contestation des Gilets Jaunes en dépit de la multiplication des feux de joie et des pavés arrachés sur l’avenue des Champs-Élysées. De l’inédit depuis 1814 quand les cosaques y campaient et en brûlaient les ormes  ! Le fameux et inénarrable Grand débat – de l’art de parler pour ne rien dire et brasser du vent - n’a lui également débouché sur rien quoiqu’il ait charrié d’immenses flots de jactance grisâtre… si ce n’est sur des propositions et contrepropositions aussitôt démenties ou annulées dans un même souffle. En dépit de vos indéniables talents de bonimenteur virtuose, M. le président, et malgré la complaisante jobardise - ou la complicité active - de vos Marcheurs, vous n’êtes pas parvenu à cacher le fait qu’aucun des dossiers fondamentaux – Europe, euro, immigration invasive, désindustrialisation, chômage de masse, paupérisation, dépeçage du pays par des intérêts prédateurs - n’ont été abordés et encore moins traités. Ce Grand débat, ces palabres vaines et ces parlottes inutiles, si elles ont rempli un bon moment les écrans télévisuels, ont abouti en fin de comptes au contraire du but recherché  : au lieu d’éteindre la colère et de noyer le poisson, elles n’ont fait qu’attiser le ressentiment et exaspérer les frustrations. Toutes raisons pour lesquelles, M. le président, et peu importe le résultat des élections européennes, vous êtes devenu un corps étranger à la nation qu’une saine réaction immunitaire tend à expulser. Hélas tous voient dorénavant que le roi est nu. Soyez-en assuré… et peu rassuré  !

Tous feignent de ne pas comprendre les racines de la colère populaire

La haute fonction publique à l’image de vos thuriféraires de l’intelligentsia – par définition pléonasmique, de gôche – qui, à peine descendus des barricades de Mai 1968, se sont partagés les grasses prébendes du secteur public, ou encore la médiacratie triomphante, tous feignent de ne pas comprendre que la colère populaire ne trouve pas seulement sa source - ou ne plonge pas uniquement ses racines – dans des revendications trivialement matérielles  : niveau de vie tendanciellement décroissant  ; baisse de la rémunération du travail mis en concurrence déloyale avec le Tiers-monde, qu’il soit importé à domicile ou celui plus lointain des confins planétaires  ; fiscalité insupportable et inéquitable  ; déclassement social  ; érosion des pensions de retraite  ; corsetage réglementaire et réduction subséquente comme peau de chagrin des libertés  ; disparition du concept de services publics  : le client ayant remplacé l’usager qui désormais doit payer des prestation hier gratuites… Cette liste est longue et vous la connaissez aussi bien que nous, mais apparemment vous n’en avez cure puisque la soi-disant modernisation du pays passe avant toute autre considération. Et puis, n’est-ce pas, l’on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs  ? Mme Albright, alors Secrétaire d’État américaine, ne raisonnait pas autrement lorsque, interrogée sur CBS News le 12 mai 1996, elle faisait passer par pertes et profits les centaines de milliers de morts imputables à l’embargo imposé à l’Irak  : «  Nous pensons que le prix en valait la peine  ! ». De la même façon cela en vaut certainement la peine que de réduire à l’indigence une partie de la population productive de ce pays alors que les moyens financiers existent en abondance qui permettraient de corriger le tir et de rétablir les équilibres… si tant est que l’on ait l’intelligence et le courage politique de revoir de fond en comble la copie budgétaire… Réduisons les prélèvements obligatoires, les parts patronale et salariale et le revenu du travail aura meilleure figure. Ramenons à de justes proportions le budget de l’État qui a crevé tous les plafonds et représente actuellement plus de 57% du produit intérieur brut  !

Mais pour ce faire encore faudrait-il que nos classes dirigeantes – celle du conglomérat européen – renonçassent à l’idéologie ultralibérale libertaire, outrancièrement égotiste, nombriliste et cosmopolitiste, qui les anime. En sont-elles capables  ?
Sans doute pas, parce qu’il leur faudrait admettre – ou découvrir - que de facto leur “liberté” ne peut exister qu’au détriment des classes laborieuses soumises, elles, à des règles toujours plus contraignantes. La Liberté des uns est la privation d’une foule de libertés pour les autres. En effet, pour que l’économie soit libéralisée, déréglementée, que tout passe et circule sans entrave ni temps mort, dans une société sans frontières d’échanges universels, il faut que les ultimes producteurs de richesses soient réduits à la portion congrue, ici et plus encore dans cet ailleurs que sont les ateliers du monde, en Asie, où ont réapparu des modes renouvelés de la servitude. L’histoire se répète indéfiniment et les excès du pouvoir se reproduisent sans relâche quelque soit les régimes dès lors que la vertu morale n’est plus a priori cultivée et qu’a contrario la corruption des mœurs s’installe, sous forme d’une soif de jouissance sans frein et d’une volonté de puissance habillée des oripeaux des droits de l’Homme.

Révolte ou révolution systémique

Aussi, les demandes de nos Gilets Jaunes - d’une incontestable légitimité - ne sont en réalité que l’antichambre d’attentes plus pressantes, lesquelles sont les conditions sine qua non de la satisfaction des premières. À savoir une profonde réforme institutionnelle en faveur d’une démocratie directe, plus morale, plus transparente, en un mot pour une démocratie intégrale qui rende la parole au peuple réputé “souverain” au regard des fondements philosophiques et juridiques de la République. Ce second étage est lui-même coiffé par un pyramidion, l’aspiration moins clairement ou moins souvent exprimée, mais assurément plus puissante, d’une réorientation de notre société afin de replacer l’Homme au centre du projet sociétal… en mettant notamment l’économie prioritairement au service de ceux qui par leur labeur sont ou ont été les principaux producteurs de la richesse collective concrète.

Cela suppose que nos sociétés reviennent à un ensemble de principes comportementaux qui ne cessent d’être combattus, notamment à travers la destruction programmée de l’Église. Ceux qui ont prétendu substituer une morale laïque – en vérité un matérialisme athéistique - à de la foi héritée de nos aïeux, non seulement n’y sont pas parvenus – et ils n’y parviendront pas – mais se sont comportés en purs nihilistes, destructeurs de la Cité, à commencer par la négation du sens du sacré inhérent à toute l’espèce humaine… et in fine en s’attaquant à son noyau fondamental, la famille  ! Inéluctablement les communautés nationales seront appelées à se reconstruire autour d’une forme ou d’un autre de transcendance. Certains favorisent la montée de l’islam, y voyant – se donnant l’illusion d’y voir - comme une sorte de socialisme confessionnel, propice au métissage culturel et ethnique et, au demeurant, compatible, dans ses versions les plus édulcorées – ou au contraire les plus rigoristes tel le wahhabisme - avec l’unification du marché mondial. Nous n’irons pas chercher les racines messianiques de cette vision de l’avenir – très incertain - de l’Humanité et de l’Occident… Ce dernier étant condamné de par son génie propre, à expier éternellement le péché originel d’être parvenu à bâtir une civilisation sur le droit, la liberté et la responsabilité individuelle.

Désarroi et dislocation sociale

Les Français commencent à bien comprendre que la dislocation de la société, son dépérissement économique, la part croissante que prend la bureaucratie dans leur vie quotidienne, que tous ces phénomènes et leurs contraintes asphyxiantes, sont étroitement liés au progrès de cette mondialisation dont vous êtes le chantre et l’efficace fidéicommis. Que la politique européenne que vous menez, tout comme la désindustrialisation et la vente à l’encan du patrimoine industriel de l’État, nonobstant leur intérêt vital ou stratégique - pensons ici à la filière nucléaire d’Alstom ou aux Aéroports de Paris - n’ont qu’un seul but et une unique raison, dissoudre la nation dans l’immense marmite du creuset globaliste.

C’est ce contre quoi - plus ou moins bien formellement exprimé - lutte le peuple des émeutiers que vos forces de maintien de l’ordre républicain ont pour charge de contenir et de réprimer. Mais peut-on conduire une guerre contre sa propre nation  ? En outre, nous ne sommes plus à l’heure de simples abandons de souveraineté, ce mot n’a déjà plus lieu d’être, car la vie de la nation - telle que nous la concevons et telle que nous l’avons connue jusqu’à l’arrivée du parti socialiste au pouvoir en mai 1981 - ne tient plus qu’à un fil… et peut-être est-ce justement ce fil que tiennent les Gilets Jaunes entre leurs mains  ? Peuple en marche, semaine après semaine, dont l’inlassable et froide colère défie l’obstination d’un régime illégitime, sortis des urnes par le truchement de mécanismes électoraux biaisés parce que ne visant depuis quatre décennies qu’à marginaliser ou pire, à exclure, une majorité réduite à un absolu silence médiatique, voire parfois, à la mort sociale. Ce qui vaut bien les hôpitaux psychiatriques de la défunte Union soviétique, non  ?

Convergences des luttes  : le vent se lève  !

Qui à présent ne peut voir que le «  système  » se trouve assiégé de toutes parts  ? En France, terre de ces «  Gaulois réfractaires à tous changements  » - surtout s’il s’agit de leur disparition en tant que peuple et nation – qui ont fait l’objet de vos sarcasmes, tout comme en Italie, en Hongrie, en de nombreux pays d’Europe et dans le monde, se lèvent des forces réfractaires au changement. Soit la révolte des peuples contre une modernité dissolvante qui, sous couvert de progrès, de Liberté abstraite et de primauté solipsistique de l’individu, conduit à grands pas vers une régression évolutive. Il vous faudra admettre, volens nolens, que se développe à travers le monde une culture de la résistance qui fait, et fera, pièce à un système déjà révolu pour ne pas écrire, moribond. Vous même en avez eu l’intuition lorsque dans vos vœux du 31 décembre 2018 vous prophétisiez ubi et orbi que «  le capitalisme ultra-libéral et financier, trop souvent guidé par le court terme et l’avidité de quelques-uns, va vers sa fin  »  ! Que n’avez-vous tiré les conséquences d’un tel éclair de lucidité  ? Parce que cette dissidence à laquelle vous vous trouvez confronté est la même qui commence à se dresser un peu partout contre l’utopie meurtrière d’une conquérante démocratie de marché et de ses dérives totalitaires. Contre également la volonté à peine voilée de quelques uns qui, à Washington, à Chicago ou à Londres, œuvre avec acharnement à détruire une à une les souverainetés nationales encore existantes… par le renversement des gouvernements à l’occasion de révolutions de couleurs, en fragmentant les nations, en les divisant contre elles-mêmes, en promouvant et en exacerbant les rivalités ethniques et confessionnelles, ceci dans le but à peine caché de régenter l’univers par la diffusion tous azimuts du chaos.

Cet ordo ab chao auquel apparemment vous souscrivez sans défaillir, a déjà valu à l’humanité des millions de morts et à l’Occident des dépenses abyssales – 5900 milliards de $ déboursés par les États-Unis pour perdre une à une les guerres post-11 septembre et conduites le plus souvent sous couvert de l’Otan, c’est-à-dire de l’Europe – tout en suscitant haine et mépris à l’endroit des gouvernements et des hommes politiques qui ont conduit ces conflits. Des aventures impies menées contre la souveraineté des peuples – principalement au sein de l’aire géographique musulmane - avec pour arrière-pensée le changement de tous les régimes non totalement alignés sur les “valeurs” devant servir à établir une démocratie universelle prélude à une gouvernance mondiale. Des ingérences armées dans la vie des peuples parfois sous des prétextes humanitaires comme en Libye ou en sous-main comme en République arabe syrienne, au service d’une utopie tout aussi meurtrière que le fut le marxisme-léninisme, et dans cette occurrence conduites sous la bannière du mensonge… Irak, Libye, Syrie pour citer les plus éhontées manipulations de l’opinion, toutes ayant débouché sur d’effrayants désordres sociaux et politiques. Mais peut-être était-ce là le but recherché ?

Jean Michel Vernochet Paris, le 24 mars 2019

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