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Kobané sous l’assaut des égorgeurs

Léon Camus

dimanche 26 octobre 2014

Ce 19 octobre 2014, après plus d’un mois de siège et de combats de rue, la ville kurde de Kobané au Nord de la Syrie n’est pas encore tombée aux mains des fanatiques de l’État Islamique. Depuis le 16 septembre, ce sont 700 morts et 300 000 déplacés qui marquent les atermoiements et les reculades des uns et des autres, Turquie, États-Unis, Royaume-Uni, Arabie, France, tous pourtant censément en guerre contre les égorgeurs takfiristes. Les États-Unis ont néanmoins consenti un geste et largué ces dernières heures vivres, armes et munitions aux assiégés. Mais sans aucun doute se préoccupent-ils davantage de l’Irak où ils entendent limiter les ambitions de leurs créatures du Daech [ÉI]. Ce qui explique que Kobané - malgré des frappes cosmétiques destinées avant tout aux caméras - ne soit pas leur souci prioritaire.

La tentative de Washington de rapprochement avec le pouvoir iranien est un enjeu d’une toute autre importance. Parce que sans Téhéran pas de stabilité politique à Bagdad. Et puis la non-intervention ou mieux, l’intervention molle, en demi-mesure, de la coalition anti-djihadiste à Kobané permet au Département d’État de ménager autant que possible l’allié susceptible voire difficile qu’est maintenant devenue Ankara. Un allié qui soutient en sous-main le califat de Mossoul et use de tous les prétextes pour laisser massacrer les Kurdes honnis du Parti des travailleurs du Kurdistan [PKK]… et leurs velléités indépendantistes. Un État kurde en Syrie et par extension à l’Est et au Sud de la Turquie, est en effet la hantise des hantises pour les islamo-kémalistes panturcs de l’AKP… alors même qu’à Erbil le clan Barzani prépare son propre Kurdistan avec pour rente le pétrole de Kirkouk… une ville arrachée à l’occasion et grâce à l’avancée des troupes du Daech au nord de l’Irak.

L’Iran en filigrane

En ce qui regarde l’Iran, la Maison-Blanche mise sur son actuel président, Cheikh Hassan Rohani représentant d’une mollahcratie libérale - et parfois corrompue - sensible aux sirènes occidentalistes… Un clergé pour cette raison particulièrement favorable à une politique d’ouverture à l’égard de l’Amérique. Cependant l’amorce de réchauffement qui se dessine actuellement entre le grand Satan américain et les « barbus rétrogrades » mais néanmoins sensibles aux charmes des royalties, reste évidemment à concrétiser et à consolider. Ce à quoi s’emploie une diplomatie secrète sur la base d’accords énergétiques en cours de négociations et grandement prometteurs pour les deux parties.

Au demeurant cette réorientation stratégique de l’Iran ne va pas sans peine et aujourd’hui le Guide suprême de la Révolution islamique, l’ayatollah Ali Khamenei, dissimule de moins en moins son désaccord avec un changement de cap en rupture avec la ligne révolutionnaire khomeyniste, nationale et islamique, celle qu’a suivie l’Iran - notamment avec le président Ahmadinejad - depuis 1979 et la chute des Pahlavi [1]. Or depuis une décennie au moins, le dossier nucléaire iranien a constitué le prétexte pour bloquer tout dialogue avec Washington et pour assujettir l’Iran à un blocus économiquement meurtrier. Un procès d’intention instruit à l’encontre de l’Iran soupçonné de vouloir se doter de l’arme nucléaire, mais également un moyen de ralentir, grâce à l’arme économique et financière de l’embargo, le développement de l’Iran en tant que puissance régionale concurrente d’Israël et de l’Arabie, voire en tant que puissance émergente au plan mondial dans le sillage des BRICS [Brésil/Russie/Inde/Chine/Afrique du Sud].

Une mauvaise querelle qui voudrait interdire à l’Iran toutes avancées significatives en matière d’ingénierie nucléaire, mais qui en contrepartie ignore totalement les programmes offensifs et le substantiel arsenal de destruction massive de l’État hébreu… État hors-la-loi situé hors de toute légalité internationale pour n’avoir ni signé - et ni a fortiori ratifié - le Traité de non prolifération nucléaire [TNP]… au contraire de l’Iran, lequel se soumet à tous les contrôles tatillons et inspections exigés par l’Agence internationale à l’énergie atomique [AIEA].

Au final le procès intenté à l’Iran pour son antisionisme belliqueux – qui ne se souvient de la phrase du président Ahmadinejad « Israël sera rayé de la carte du temps » vicieusement interprétée comme une intention génocidaire – sert et aura servi de moyen pression, avec l’active complicité de l’Union européenne, à ramener progressivement le poisson iranien dans le filet mondialiste après l’avoir asphyxié, puis à demi noyé, grâce aux sanctions… L’Iran vingt-et-unième puissance économique mondiale avec ses soixante-dix-huit millions de consommateurs et ses vastes réserves d’énergies fossiles – premier détenteur de réserves de gaz et deuxième producteur mondial de pétrole - ne pouvant être laissé pour les oligarchies régnantes à Londres et à Manhattan, hors ou en marge du Marché unique universel. Une question de vie ou de mort pour l’Empire marchand qui désormais étend démesurément son ombre sur la planète.

Kobané sous le feu takfiriste

Retour à l’actualité et à Kobané. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a habilement mis comme condition pour participer à la coalition internationale anti-djihadiste dirigée par les États-Unis, la mise en place d’une « zone-tampon » et d’une « zone d’exclusion aérienne » sur le nord de la Syrie, ceci au prétexte d’y accueillir les réfugiés… et par ce biais assurer une protection aux parties du territoire syrien encore tenues par l’opposition dite modérée. Zones qui, sauf dans l’esprit obtus des commentateurs spécialisés, ne sauraient qu’empiéter sur le territoire de la République arabe syrienne. Éventualité constituant il va sans dire, un casus belli pour Damas, mais également pour les Gardiens iraniens de la Révolution… Les Pasdaran qui se préparent à la grande bataille de Syrie, non seulement contre Daech, mais d’abord et surtout contre les coalisés qui prendraient prétexte de l’État islamique pour s’attaquer à la Syrie baasiste, multiconfessionnelle et laïque, de Bachar el-Assad.
Ce que font déjà avec une remarquable hypocrisie les Américains en détruisant des infrastructures [2] vitales pour la Syrie, notamment pétrolières… afin, aux dires du Pentagone, de « désorganiser les sources de financement de l’ÉI » ! Il est aussi vrai que la revente estimée de pétrole à destination de la Turquie [?!] - l’une des ressources financières principales de l’ÉI – se monterait à quelque trois millions de dollars/jour [AFP18oct14]. Il n’en reste pas moins que si Washington et Ankara vise le même objectif, Damas, les stratèges yankees savent qu’ils ne doivent pas impliquer ou provoquer l’Iran et qu’à ce titre ils ne peuvent parvenir à leurs fins que par des chemins de traverses.

Ayant fermé sa frontière où ses chars se trouvent massés, Erdogan a par conséquent interdit de facto aux combattants kurdes de se porter au secours de Kobané… déjà disions-nous en grande partie investie par les djihadistes de l’État islamique. À cela deux mobiles : un, laisser aux djihadistes le soin de faire le travail en éliminant la résistance kurde, secundo soutenir indirectement les salafo-wahhabites dont les forces restent quasi intactes… et s’aguerrissent par leurs victoires dans la perspective de leurs futures confrontations avec l’armée gouvernementale syrienne.

La population kurde - 11,445 millions en Turquie - n’est évidemment pas dupe qui multiplie depuis le 21 septembre les manifestations à la frontière, mais pas uniquement : toutes les grandes villes turques sont secouées par des émeutes, Diyarbakir bien entendu, première ville kurde par son importance, mais aussi Istamboul et Ankara. La liste des morts victimes de la Gendarmerie turque s’allonge quotidiennement [3] et l’on doit remarquer que le président Erdogan malgré une insolente longévité politique est l’homme qui rallumé la guerre ethnique avec les Kurdes du PKK. Un conflit gelé après l’an 2000 et la capture un an auparavant, en février 1999, de son leader Abdoullah Öcalan, à l’issue d’une opération conjointe des Services spéciaux, israéliens, turcs et américains… Une guerre intestine démarrée quatre années après le coup d’État de septembre 1980, lequel était intervenu dans un contexte de profonde instabilité intérieure qui n’est pas sans rappeler l’évolution actuelle de la Turquie…

Erdogan faisait bombarder le 13 octobre les troupes du PKK alors qu’il négociait encore récemment avec le parti kurde un accord de paix durable. Des F-16 d’Ankara ont ainsi visé des objectifs du PKK dans le sud-est de la Turquie - prétendument en réponse à l’attaque d’un poste des forces de gendarmerie de Daglica - tandis que des hélicoptères d’attaque intervenaient à proximité, dans le secteur de Geyiksuyu [opex360.com14oct14]. En prenant un peu de recul, l’on doit constater que le pouvoir de l’AKP n’est sans doute pas aussi robuste qu’il y paraît… parce qu’entre la contestation populaire qui ne se dément pas, l’exploit qui consiste à avoir réveillé une guerre ethnique au sein de la nation turque et faire bombarder sa propre population, tous les ingrédients semblent réunis pour une crise majeure… Notons que bombarder ses concitoyens est acte toujours abominable lorsqu’il est perpétré par le régime de Damas et qu’il s’agit de frapper une rébellion gangrénée par le takfirisme (justement alimenté par Erdogan et ses alliés de l’Otan), mais non pas quand il est question de réprimer des irrédentistes kurdes !

De Sarajevo à Kobané

Pour nous résumer, Recep Tayyip Erdogan, autocrate constitutionnel plébiscité par les masses nationalistes héritières de Mustapha Kémal [Atatürk], et pratiquant un nationalisme mâtiné d’islamisme [islam politique], refuse d’intervenir à Kobané ou de simplement passer la frontière aux combattants kurdes, au motif que lutter contre les fondamentalistes fanatiques soulagerait d’autant la pression exercée sur l’armée gouvernementale… dont il ne fait pas mystère qu’elle est son véritable ennemi et son unique cible. Erdogan se moque comme d’une guigne des takfiristes qu’il a protégés, hébergés, armés, et ne se préoccupe en vérité que de faire tomber le pouvoir de Damas pourtant élu selon les normes démocratiques en vigueur à l’Ouest…

La presse syrienne est évidemment plus lucide que les plumitifs du grand Ouest, cela en désignant le président turc comme un « aventurier prétendant que son but est de tuer les djihadistes de Daech alors que les faits prouvent qu’il est de la même trempe terroriste que les adorateurs du couperet »… comme l’écrit le quotidien As Saoura [AFP13oct14]. Il est vrai que « l’islamisme modéré » dont se gargarise la presse occidentale à propos de l’AKP, au risque de scandaliser tous ceux qui voient dans le Parti pour la Justice et le Développement au pouvoir en Turquie depuis 2002, un banal parti de centre droit [wiki], n’est que la forme turcisée du mouvement des Frères musulmans… né en Égypte en même temps que le royaume wahhabite des Séoud, mais désormais implanté à peu près partout dans le monde arabe. En réalité la version modérée, présentable, acceptable pour les ignorances occidentales, du wahhabisme, forme dévoyée de l’islam et idéalement compatible avec l’hypercapitalisme mondialiste. Ce dont la preuve nous a été donnée assez régulièrement jusqu’à ces derniers temps à travers les guerres et turbulences du monde arabe, ceci jusqu’à l’apparition de divergence notable entre Washington d’un côté et Paris, Tel-Aviv et Riyad d’autre part quant à la stratégie à adopter pour écraser le régime syrien et réduire l’Iran a quia [4].

Un oiseau de bien mauvaise augure

Enfin pour bien prendre la mesure des enjeux liés à la prise de Kobané par les takfiristes, sachons que l’oiseau de mauvais augure, nous avons nommé M. B-H Lévy, vient de s’inviter dans la partie par le biais d’une lettre particulièrement éclairante pour ce qui est de la malfaisance du susdit… pour le cas où le doute subsisterait dans quelques esprits. Monsieur Lévy s’est, souvenons-nous, illustré naguère sur tous les théâtres de guerre civile, à commencer par la Bosnie-Herzégovine et Sarajevo, en Libye à Benghazi, sur le Maïdan de Kief en Ukraine, et maintenant à propos de Kobané. Ce qui sent furieusement le soufre. Que nous dit M. Lévy, écoutons son docte propos digne d’un poème en prose de Charles Baudelaire !

« Kobané va tomber. C’est une question d’heures. Peut-être de jours. Mais Kobané va tomber, victime des mauvais comptes d’un Erdogan qui joue avec le feu ou, plus exactement, avec le diable et qui, en demeurant l’arme au pied, en laissant sa puissante armée stationnée le long de la frontière turco-syrienne, à quelques kilomètres à peine de la ville déjà martyre, semble bien, entre les Kurdes et Daech, avoir choisi Daech ».

« Kobané va tomber, victime du double jeu d’une Turquie qui, après avoir laissé passer tout ce que la région compte de djihadistes, après avoir fermé les yeux sur l’armement lourd que les transitaires de Daech ont acheminé, pendant des semaines, en direction de la ville assiégée et qui, aujourd’hui, la pilonnent, ferme tout, bloque tout et joue les vertueuses empêchant, non seulement ses propres troupes, mais les dix mille volontaires kurdes accourus en renfort de venir sauver Kobané »…

« Il faut rappeler, et rappeler encore, à un Erdogan au jugement décidément obscurci par sa crainte obsessionnelle de voir un embryon d’Etat kurde s’établir à ses portes, que Daech est aussi son ennemi et que c’est pour lui aussi que sonne le glas à Kobané. Il faut lui faire comprendre que s’il reste à son régime, de plus en plus autoritaire, de plus en plus crépusculaire et de plus en plus étranger aux fondements laïques du kémalisme, une chance de nouer avec l’Europe les partenariats économiques et, un jour, politiques auxquels aspirent ses élites et dont son pays a un besoin crucial, cette chance passe par Konabé, par la défense de Konabé, par le secours porté aux héroïnes et héros de Kobané ».

« Il faut aller plus loin encore et lui dire, discrètement ou solennellement peu importe, que la lutte contre Daech est l’occasion ou jamais de vérifier la fiabilité des alliances et du système de sécurité collective mis en place dans la région au lendemain de la seconde guerre mondiale et dont la Turquie est plus que partie prenante puisqu’elle en est, depuis son adhésion à l’OTAN en 1952, le pilier oriental.
La Turquie s’est associée à contre cœur, en 1991, aux opérations de soutien des populations civiles du nord de l’Irak. La « Grande Assemblée » turque a, le 1e mars 2003, en un vote qui a jeté une ombre durable sur ses relations avec ses alliés, voté contre le passage et le stationnement en Turquie de 62 000 militaires américains en route vers Bagdad. Si la Turquie, pour la troisième fois, faisait défaut, si Kobané devenait le nom d’une nouvelle mais, cette fois, inexcusable forfaiture turque, alors c’est sa place même au sein de l’OTAN qui se verrait mise en question
 ».

La litanie « Kobané va tomber » se poursuit ad nauseam, on trouvera la totalité du texte sur le site dévolu au maître-penseur [laregledujeu.org14oct14]… Bref, tout y passe parce que « Daech ne se contentera pas, cette fois, d’exciser les femmes, de décapiter les chefs ou de convertir de force les minorités mais qui prendra rang dans la longue et terrible liste des villes martyres des dernières décennies », tout le catalogue de la Redoute des horreurs nées de la pauvre imagination de M. Lévy et dont il croit utile de nous abreuver pour mieux nous convaincre du bien fondée de son raisonnement : « Erdogan doit se soumettre en franchissant sa frontière avec une armada de blindés… ou se démettre » ! En l’occurrence, si Erdogan n’obtempère pas à l’oukase de M. Lévy, il ne lui reste plus qu’a sortir de l’Otan la tête basse et à renoncer une fois pour toutes renoncer à coloniser l’Europe…

Chacun l’a bien compris, ni les heurs et malheurs des Peshmergas kurdes, ni le sort des habitants de Kobané n’affligent beaucoup M. Lévy qui verse comme a son habitude des larmes de saurien navré. Néanmoins, depuis l’invention de la Boussole l’humanité n’a jamais eu de chance équivalente à l’irruption dans l’histoire contemporaine de M. Lévy pour lui indiquer le Nord boréal. Chaque fois celui-ci nous indique avec une sureté infernale ce qui est assurément mauvais pour le camp des hommes libres. Lorsque M. Lévy exhorte M. Erdogan de franchir le Rubicon, ce que veut M. Lévy c’est la chute de Damas et rien d’autre… et ne désire qu’une chose que M. Erdogan soit assez fou pour se lancer dans la guerre en lieu et place des ses amis israéliens.

Que le ciel inspire une sainte crainte à M. Erdogan, celle de franchir la frontière et de déchaîner l’enfer au Levant… Même si ce noble sentiment se trouve associé à la vive satisfaction de voir ses concitoyens kurdes périrent en masse sous les murs de Kobané, il n’importe, il suffit que cela le dissuade d’aller affronter les forces syriennes épaulées par l’Iran et le Hezbollah libanais. Aucune personne sensée ne voulant de guerre générale, pas plus à la Noël qu’au gui l’an neuf.

Notes

[1Voir Thierry Meyssan « Avis de tempête en Iran » [reseauvoltaire7oct14]. « Le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, qui avait favorisé l’élection de Rohani, aurait décidé aujourd’hui de saboter l’accord que ce dernier a secrètement négocié avec les États-Unis et l’Union européenne »

[2« Les États-Unis ont mené 25 raids en 48 heures sur ce groupe sunnite responsable d’atrocités en Syrie et en Irak, visant notamment ses positions près de Kobané et des infrastructures pétrolières sous son contrôle] » [liberation.fr18oct14].

[3Le 8 octobre des dizaines de milliers de Kurdes défilaient dans toute la Turquie pour protester contre le refus du gouvernement turc d’intervenir pour desserrer l’étau qui broie les Kurdes de Kobané. Le bilan des heurts avec la police s’établit à 18 morts et des centaines de blessés parmi les manifestants principalement dans le sud-est du pays avec huit morts à Diyarbakir, mais aussi à Istamboul et dans la capitale, Ankara. En ce qui concerne les bombardements des « terroristes » du PKK, le chiffre serait d’une quarantaine de morts.

[4Lire JM Vernochet « Iran, la destruction nécessaire » ou comment la logique implacable du mondialisme devrait finir par digérer l’Iran révolutionnaire pour en faire un élève docile dans la classe de catéchisme du Nouvel Ordre Mondial. Vevey 2012.

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