Ce lundi 15 septembre 2014, s’ouvrait à Paris, à l’initiative de MM. Hollande et Fouad Massoum, le président kurde de l’Irak, une Conférence réunissant 29 pays ou organisations interétatiques. Un tour de piste international pour le président français après un vain aller et retour à Bagdad et à Erbil le 12 septembre, au frais de la Nation. Une occasion pour l’homme politique français de se donner l’esquisse d’une apparence de stature politique… laquelle en vérité lui fait désespérément défaut. Car scandale après scandale et en dépit d’une inouïe dégringolade dans les sondages, la marionnette parisienne de Bruxelles et de la Cité de Londres – la Banque Rothschild n’est-elle pas dans le nouveau gouvernement désormais officiellement installée au cœur du pouvoir ? – n’en continue pas moins imperturbablement à s’agiter sur la scène du théâtre d’ombres mondialiste. Croit-il qu’en se déguisant à nouveau en chef de guerre – après le Mali et la Centrafrique – il parviendra à remonter la pente fatale des avis défavorables ? Une écrasante majorité de Français pense ouvertement « qu’au lieu d’aller faire le guignol en Irak », l’élu du suffrage universel ferait mieux de redresser la barre… D’autant que personne n’est plus dupe des trémolos idéalistes relatifs à la défense de la veuve et de l’orphelin, de la démocratie et des minorités opprimées, alors qu’il s’agit de venir au secours des intérêts pétroliers israélo-anglo-américains au Kurdistan et subsidiairement d’éreinter la Syrie que traverse, on l’oublie trop souvent, l’oléoduc devant à terme acheminer le pétrole de Kirkouk vers la Méditerranée, à savoir le terminal de Tripoli et in fine Haïfa en Eretz Israël [1].
Avec l’inénarrable pathos dont il a le secret M. Hollande a rappelé sans surprise dans son discours d’ouverture « que l’ÉI contrôle quelque 40% du nord de l’Irak et 25% de la Syrie, et est aussi un groupe qui s’en prend aux plus faibles, aux plus fragiles, aux femmes, aux enfants, aux minorités religieuses… La menace est globale et il doit donc y avoir une réponse globale » M. Hollande de La Palice concluant avec la Syrie en arrière pensée : « Le chaos fait le jeu des terroristes » ! Qui l’eut cru ? Resterait d’ailleurs à savoir et à oser dire qui a installé en 1991, toujours aux mêmes prétextes, le chaos au Levant, en Irak et en Syrie ?
Conférence tenue en l’absence de l’Iran – pourtant un acteur régional majeur mais dont la participation n’a pas jugée « adéquate » par le Secrétaire d’État américain, John Kerry – au cours de laquelle l’Australie a pris les devants en s’empressant d’annoncer l’envoi de quelque 600 personnels militaires aux Émirats Arabes Unis… d’où devaient partir en principe, dès le lundi 15, les premiers raids aériens tricolores [2] ! Un effet d’annonce tombé à plat, la Conférence de Paris ayant été, au final, un relatif échec. Le Royaume-Uni est suspendu pour sa part au vote d’indépendance de l’Écosse. Et quoique l’un de ses citoyens [3] vienne d’être égorgé en direct sur Facebook par pure coïncidence, en dépit des déclarations martiales de M. Cameron « les responsables [de cette exécution] seraient traqués quel que soit le temps nécessaire » - M. Chirac tenait il y a trente ans des propos strictement identiques après l’attentat de la Galerie « Point Show » à Paris, avenue des Champs Élysées, le 20 mars 1986 - le Royaume Uni n’est pas chaud pour s’embarquer dans une nouvelle galère levantine !
Enjeux stratégiques
Ce pourquoi M. Cameron s’est bien gardé, au contraire de l’actuel président hexagonal pour tous, de sortir de l’ambiguïté quant à une éventuelle participation de son pays aux frappes aériennes américaines à venir en Irak et… en Syrie. Pays explicitement désigné comme étant la base arrière de l’État islamique et dont le gouvernement baasiste est nommément désigné comme coupable d’avoir encouragé, voire favorisé et même suscité les factions islamistes dans le dessein de diviser les oppositions. Notons que plus les raisonnements sont alambiqués et défient l’entendement, plus ils trouvent d’échos, cela jusqu’à devenir la thèse officielle diffusée sans vergogne par nos médias « libres » et bien pensants [4]. Assurément si l’état-major syrien l’eut imaginé et délibérément voulu, le résultat n’eut pas été plus probant. Car à Damas, les dirigeants n’ont pu que se frotter les mains en voyant les factions islamistes takfiristes s’entretuer en raison de leurs mortelles rivalités ou mieux, éreinter l’Armée syrienne libre abondamment armée et soutenue par les fauteurs de guerre occidentalistes… au premier rang desquels il faut compter l’Arabie, le Qatar, la Turquie, la Jordanie ! À ce stade, nous touchons le tréfonds de la mauvaise foi.
Pour ne pas conclure, nous souscrirons ici à ces analyses : « Cette alliance [hétéroclite et en laborieuse construction] n’a pas pour but d’endiguer le terrorisme ou de l’anéantir, mais de le réemployer ! Les dérobades turques et les réticences britannique et allemande sont venues compléter l’image floutée de la situation »[neworientnews.com12sept14]… « Ankara est effectivement soupçonné d’entretenir des liens étroits avec les milices proches d’Al-Qaïda opérant en Syrie, que ce soit Daech ou le Front al-Nosra. Il est vrai que pendant longtemps, et de l’aveu de nombreux d’entre eux, les miliciens de ces deux groupuscules entraient en Syrie en passant par la Turquie. Celle-ci est à ce titre devenue leur principale base arrière » [almanar.com15sept14]… Au final « Une coalition antiterroriste, regroupant des pays ayant fourni leur soutien financier, logistique et militaire aux groupes terroristes actifs en Irak et en Syrie... comme l’Arabie, le Qatar, la Turquie, la Jordanie. En réalité, le plan américain vise à contrôler par la force et à rediriger le terrorisme pour l’engager, de nouveau, au profit de ses intérêts et de ses alliés dans une guerre de longue durée qui leur permettra d’intervenir partout où bon leur semblera ». Des fuites révèlent à ce sujet que les É-U s’apprêtent à renvoyer 5000 hommes en Irak, formateurs, logisticiens, forces spéciales, en vue d’une guerre longue, sans doute de plusieurs années. Dans ce contexte une évidence s’impose : « la Syrie stable, unifiée, sécurisée et puissante, reconstruite par un soutien russe, chinois et iranien, devient désormais une exigence stratégique urgente pour la nouvelle doctrine militaire russe »[alahednews.com/al-akhbar13sept14]… et l’établissement d’un nouvel équilibre géopolitique mondial.
Allons à l’Orient convulsionnaire avec des idées simples mais non simplistes
Le 29 juin 2014, premier jour du jeûne [ramadan], l’État islamique est proclamé à Mossoul qui vient de tomber aux mains des salafo-wahhabites. Il s’agit d’une tentative de refondation du Califat aboli en 1924 par le totalitarien athéiste Mustapha Kémal [mieux connu sous le nom d’Atatürk]. Une double fonction sacerdotale et souveraine, la direction de l’Oumma, la Communauté des Croyants, que s’était bien gardée de restaurer le wahhabite Ibn Séoud, lorsqu’il chasse de la Mecque le Chérif Hussein et y entre habillé en pèlerin le 13 octobre 1924. C’est en septembre 1932 qu’il se proclame roi d’Arabie mais en simple gardien autoproclamé des Lieux Saints. Un acte montrant de ce fait la rupture existant entre l’hérésie wahhabite – aujourd’hui idéologie motrice de l’ÉI et nouvelle orthodoxie de l’Islam prêchée dans les banlieues de l’Occident en déshérence – et la foi mahométane traditionnelle dans sa continuité historique. C’est d’ailleurs se condamner à ne rien comprendre aux événements actuels et à se laisser piéger par les apparentes contradictions de la situation si l’on ne remonte un peu pas le cours de l’histoire et surtout si l’on reste ignorant des sources idéologiques du takfirisme prôné et mise ne œuvre par les égorgeurs de l’ÉI [5].
Juste un rappel, dans et pour sa conquête du pouvoir Ibn Séoud crée en 1972 la milice des Ikhwan, la Fraternité, les Frères combattants fanatiques du puritanisme wahhabite. L’exact équivalent des hordes sanguinaires de l’actuel ÉI. Lorsque le futur roi est au bord d’accéder au trône de ses aïeux, il détruit en 1929 l’instrument de sa conquête en passe de menacer son pouvoir absolu. Nous sommes aujourd’hui dans un cas de figure très analogue si ce n’est identique.
Califat qui n’est ni pas tout a fait un État de facto, malgré des finances qui se chiffrent en milliards de dollars, et pas du tout de jure, il existe néanmoins de manière embryonnaire depuis 2007. Un fait à souligner. Un État aux structures de gestion des territoires conquis relativement élaborées mais qui en soi est une négation du concept d’État. Ne rejette-t-il la notion de frontière et se passe largement d’institutions ? D’étranges similitudes avec l’État hébreu tout aussi sanguinaire (2147 morts à Gaza en trois semaines, beaucoup mieux que la fièvre hémorragique Ebola), sans Constitution depuis sa création en 1948 (la Thora et un faisceau de lois organiques en tenant lieu), et aux frontières mouvantes (pensons à la colonisation invasive et à la cannibalisation progressive de la Cisjordanie), c’est-à-dire sans frontières reconnues ou établies. De ce seul point de vue Israël, à l’instar de l’ÉI, est une sorte d’anti État en dépit du brouillard démocratique qui l’enveloppe.
Au demeurant l’État Islamique est le frère puîné d’Al-Qaïda dont il a pris le relais sous diverses étiquettes en Irak et en Syrie. Al-Qaïda est à l’origine une création de la CIA destinée dès 1978 à attirer l’Union soviétique dans le piège afghan, soit un an avant l’intervention de l’armée rouge en décembre 1979… l’Arabie saoudite étant dès cette époque le premier bailleur de fonds du djihad afghan. Le mot « Al-qaïda » [la Base], désigne une « base de données », autrement dit la « liste » des djihadistes mercenaires recrutés par la CIA et par le truchement de l’ISI [Inter-Service Intelligence] pakistanais. Ben Laden n’est alors que le chargé de mission du Prince Turki al-Fayçal, patron des Services spéciaux saoudiens, en charge de ventiler les sommes allouées à la résistance afghane pour le compte de Washington. Ce sont au total 25 000 « arabes » de toutes origines géographiques, dont 12 000 de première ligne, qui viendront combattre sur le sol Afghan. Que les monstres ainsi créés se soient ensuite retournés contre leur géniteur occidental, est une autre histoire.
Un nombre significatif d’entre eux recyclés par la CIA, se battront en Bosnie, au Kosovo, en Libye et en Syrie. Liste non exhaustive. En Syrie, ces mercenaires d’un nouveau type, financés, entraînés, armés diplomatiquement seront soutenus par les têtes de file occidentalistes… avec pour horizon, détruire le dernier régime nationaliste arabe souverain se revendiquant comme tel (en mars 2011 départ de l’insurrection sunnite en Syrie et en Égypte, montée en puissance les Frères musulmans), ouvrir des voies d’écoulement du pétrole depuis le nord de l’Irak, faire main basse sur les réserves gazières continentales et maritimes de la Syrie, élargir le périmètre de sécurité de l’État hébreu, lequel n’a de cesse depuis sa création de faire le vide autour de lui. Chrétiens assyro-chaldéens, syriaques ou nestoriens, Yézidis « adorateurs du diable », ne sont qu’autant d’élégants prétextes pour émouvoir l’opinion et faire accepter ce que nous avions refusé en 2003 et manqué en 2013, la participation à une nouvelle guerre au profit des oligarchies promotrices de l’Ordo ab chao. Un excellent dérivatif d’un bord à l’autre de l’Atlantique face à la crise endémique qui ronge l’Occident… et un bon stimulus pour les industries de l’armement !
Des mercenaires au service de l’Empire de la Marchandise universelle
L’État Islamique de l’Irak et du Levant relève à n’en pas douter de l’une des formes les plus achevées de la guerre indirecte, subversive, avec un recours intensifs au mercenariat. Avec le recours, pour le combattre, des grandes armées privées transnationales (de type Academy ex Black Water), ou du côté islamiste les troupes surabondantes du fanatisme idéologique et confessionnel… sur le modèle des Brigades internationales de la guerre d’Espagne. Une non-guerre contre un non-État, une entité para étatique qu’extraordinairement nul ne se risque à qualifier de « terroriste » : car ni Bruxelles, ni Londres, ni Washington, ni Paris n’ont encore désigné l’EI comme entité terroriste… tout en claironnant faire la guerre au terrorisme, une abstraction hors-sol certainement ? Alors que le Hamas palestinien, parti de gouvernement régulièrement élu avec la bénédiction de des israélo-euraméricains, est labellisé « terroriste » par Tel-Aviv, Washington, Londres et… Bruxelles ! Un comble, sachant que les destructions de Tsahal en Cisjordanie et à Gaza sont régulièrement prises en charge par l’Union européenne sempiternellement invitée à essuyer les plâtres. L’Europe n’a-t-elle pas une dette inextinguible à l’égard de l’État hébreu ? En tout cas, seule l’Arabie, autre paradoxe, a apparemment classé l’ÉI dans cette catégorie paria. Du côté israélien l’ÉI est très cyniquement considéré comme une « organisation illégale ». Des dispositions qui en disent long sur le degré de connivence entre l’Occident dit chrétien et les tueurs de minorités décrétées mécréantes. Mais aussi sur la complicité des médias paresseux et arrogants. La seule différence est que les journalistes coupent la parole mais ne coupent pas encre de têtes devant une obscène caméra.
Aussi lorsque le quotidien Daily Star publie que d’ex soldats britanniques formeraient en ce moment même les terroristes de l’ÉI… et l’on ne peut s’empêcher d’être tenté de le croire. Cette conclusion, outre des sources au sein du Renseignement britannique, s’appuie sur de frappantes similitudes entre l’organisation et les modes opérationnels des combattants de l’ÉI et ceux de l’armée britannique
[6] . Ce seraient environ 600 terroristes britanniques commandés et formés par des musulmans ayant un passé militaire au Royaume-Uni qui seraient à l’œuvre sur les divers théâtres d’opérations en Irak et au Levant [3sept14]. Étiage qui n’a rien d’extraordinaire si l’on en croit le ministre français de l’Intérieur, Bernard Cazenave, qui annonçait dans le Journal du Dimanche du 14 septembre, puis réitérait le lendemain sur la station France-Inter, que 930 ressortissants français avaient à l’heure actuelle rejoints les rangs des djihadistes égorgeurs. Avec parfois femmes et enfants… plusieurs affaires ont émaillé récemment la chroniques des familles éplorées sans grand émoi des la part des autorités publiques. Ah si ! Un avion officiel a été dépêché à Istamboul avec le susdit ministre qui n’a rien d’autre à faire [ouest-france.fr3sept14], toujours au frais du cochon de payant, le contribuable saigné à blanc, pour y récupérer une fillette de deux ans à qui son père avait souhaité faire partager les joies ineffables de la guerre sainte [7].
Extirper le cancer djihadiste que nous avons généreusement inoculé à la planète
Alors que le président Obama prétend « extirper le cancer » djihadiste, le doute n’est plus permis. L’État islamique est un monstre providentiel prospérant sur le chaos semé par les stratèges du nouvel ordre mondial et par leurs relais idéologiques et politiques de l’hémisphère nord. Le sénateur et ancien candidat à la présidence américaine John Mc Cain n’avait-il pas, en mai 2013, sur la chaîne CNN qualifié « d’émouvante » une amicale visite rendue aux takfiristes syriens [8] ? Les images qui ont immortalisé cette émouvante rencontre nous montre John Mc Cain vis-à-vis de celui qui allait devenir le Calife de Mossoul, el-Baghdadi en personne ? Impressionnant, non ? Dans un tel contexte comment remonter de nos seules forces le Niagara d’informations falsifiées qui se déverse dans la presse ? Une cause perdue ? Peu importe. Notre devoir n’est-il pas de souffler sur la braise de l’Esprit que chacun recèle au fond de lui-même ?
Léon Camus 16 septembre 2014