PARIS, 10 juin (Reuters) - Le Rassemblement national, parti d’extrême droite, devrait remporter des élections anticipées en France, mais sans obtenir la majorité absolue, selon la première enquête d’opinion publiée après la décision choc du président Emmanuel Macron de dissoudre le Parlement.
À la suite de la défaite massive de son parti Renaissance aux élections européennes de dimanche, M. Macron a annoncé des élections anticipées pour la chambre basse du Parlement. Le premier tour est prévu pour le 30 juin, dans moins de trois semaines, et le second pour le 7 juillet.
Le parti anti-immigration et eurosceptique de Marine Le Pen, le Rassemblement national (RN), obtiendrait entre 235 et 265 sièges à l’Assemblée nationale, un bond considérable par rapport à ses 88 sièges actuels, mais en deçà des 289 sièges nécessaires pour obtenir la majorité absolue, selon le sondage réalisé par Toluna Harris Interactive pour Challenges, M6 et RTL.
L’alliance centriste de M. Macron pourrait voir son nombre de législateurs diminuer de moitié, passant de 250 à 125-155, selon le sondage de lundi. Les partis de gauche pourraient contrôler ensemble 115 à 145 sièges, bien que chaque parti puisse se présenter seul.
Il n’est pas certain que le RN dirige le gouvernement, avec ou sans alliance avec d’autres partis. D’autres scénarios prévoient une large coalition de partis traditionnels ou un parlement sans majorité.
Mais la décision choc de M. Macron offre à l’extrême droite, de plus en plus populaire, une véritable chance d’accéder au pouvoir. Cette décision, qui équivaut à un coup de dés sur son avenir politique, a immédiatement fait chuter l’euro, tandis que les actions et les obligations d’État françaises s’effondraient. Le RN a obtenu 31,4 % des voix au Parlement européen, contre 14,6 % pour la coalition des partis de la Renaissance
Même si le RN obtient la majorité au Parlement français, Macron restera président pendant trois années supplémentaires et sera toujours en charge de la défense et de la politique étrangère.
Mais il perdrait le contrôle de l’agenda national, notamment la politique économique, la sécurité, l’immigration et les finances, ce qui aurait un impact sur d’autres politiques, telles que l’aide à l’Ukraine, puisqu’il aurait besoin du soutien du Parlement pour financer toute aide dans le cadre du budget de la France.
« Nous sommes encore sous le choc », a déclaré à Reuters Emmanuel Pellerin, un député du parti Renaissance de M. Macron. "Tout porte à croire que le RN obtiendra une majorité relative ou absolue.
Mais cela oblige les Français à réfléchir aux enjeux."Dans ce contexte, les partis politiques se sont empressés de présenter des candidats et de discuter d’éventuelles alliances.
M. Bardella et Mme Le Pen se sont entretenus lundi avec Marion Maréchal, du petit parti d’extrême droite Reconquete. Mme Marechal est la nièce de Mme Le Pen et était un membre important de son parti avant qu’ils ne se séparent.
M. Bardella a déclaré après la réunion que des discussions étaient en cours pour former une alliance. Il a ajouté qu’il discutait également avec certains membres du parti conservateur Les Républicains.
« Je souhaite ardemment que nous puissions trouver les moyens de nous rassembler », a déclaré M. Maréchal aux journalistes.
Les dirigeants de la gauche française très divisée - la gauche dure LFI (La France insoumise), les communistes, les socialistes et les Verts - se sont également entretenus.
« Nous n’avons pas le temps de tergiverser », a déclaré Manon Aubry, de LFI, aux journalistes. « L’objectif est de pouvoir se retrouver, de construire l’avenir et surtout d’aller gagner ».
Une source proche de M. Macron a déclaré que le dirigeant de 46 ans, dont le pouvoir a diminué depuis qu’il a perdu sa majorité absolue au parlement il y a deux ans, avait calculé qu’il y avait une chance qu’il puisse regagner une majorité en prenant tout le monde par surprise.
Pour Mme Le Pen et M. Bardella, le défi consiste à transformer la popularité en victoire. Le vote devrait tourner non seulement autour du mécontentement à l’égard du style de pouvoir de M. Macron, du coût de la vie et des politiques d’immigration, mais aussi autour de la question de savoir si l’on peut faire confiance au RN pour diriger un grand gouvernement européen.
Parmi les politiques mises en avant par le parti, le RN a proposé d’augmenter les dépenses publiques, malgré les niveaux déjà importants de la dette française, menaçant d’augmenter encore les coûts de financement des banques.
Le RN souhaite également expulser davantage d’immigrés, mettre un terme au regroupement familial, restreindre les prestations de garde d’enfants aux citoyens français, donner la préférence aux ressortissants français en matière d’accès aux logements sociaux et aux emplois et retirer le droit de séjour aux immigrés qui sont sans emploi pendant plus d’un an.
L’euro a perdu jusqu’à 0,6 %, tandis que les valeurs sûres de Paris ont chuté de 1,4 %, entraînées par les pertes importantes des banques BNP Paribas.
L’élection anticipée aura lieu peu avant le début des Jeux olympiques de Paris, le 26 juillet, lorsque tous les regards seront tournés vers la France.