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Faillite de l’€uropole ?

Léon Camus

mardi 27 septembre 2011

Tout cela va s’achever en eau de boudin ! La Grèce est déjà en faillite. Car qui va lui prêter les 8 mds d’€ dont elle a un pressant besoin ? Quant à l’Espagne, l’Italie, l’Irlande, le Portugal, ils sont eux aussi au bord d’un gouffre dont la France elle-même s’approche à grands pas. D’ailleurs, en ce qui concerne le collapsus grec, on en est maintenant à débattre du pourcentage des pertes que subiront ses créanciers. Ceux-ci trop sûrs qu’ils étaient de se goinfrer à bon compte, se retrouvent à présent gros Jean comme devant et pleurent misère… Cela pour avoir largement encouragé la Grèce à persévérer dans la démagogie de l’argent facile corollaire de la démocratie clientéliste. Celle qui achète les suffrages à coup de niches sociales, d’avantages acquis et d’encouragement au droit à la paresse [1]… faillite des États dont la devise est « aujourd’hui l’on rase gratis !

L’€uro, idole et colonne du temple européiste.

En débat donc la possibilité d’un défaut de paiement partiel de la Grèce, au mieux de 30%. Ce qui serait un moindre mal compte tenu de l’obstination forcenée des Eurolâtres à maintenir la Grèce dans l’€uro, obstination qui creuse chaque jour davantage l’abîme de la dette hellénique. Pourtant si Athènes quittait le triste Eden de l’Euroland et revenait à la Drachme, les Grecs détiendraient alors cet outil inestimable de réajustement qu’est la capacité de dévaluer. Mais ce serait trop simple. Non, il faut coûte que coûte maintenir l’intégrité de la zone euro et refuser d’en exclure la Grèce… parce que - selon la vulgate des eurocrates têtus et obtus peuplant les cabinets gouvernementaux - c’est sur l’€uro que repose la fiction de l’Europe bruxelloise.

Les idéologies ont la vie dure, périssent les peuples pour qu’elles perdurent ! Reste que seulement seize pays sur vingt-sept sont membres de l’€uroland. Il ne viendrait par conséquent à l’idée de personne de dire que l’Europe, avec ou sans l’€uro, n’existe pas. Alors pourquoi une telle persévérance dans l’aberration ? Et bien parce que l’€uro avons-nous déjà dit à de multiple reprises, est beaucoup plus qu’une monnaie, elle est aussi et d’abord un outil politique utile à enchaîner les nations les unes aux autres… à les fondre dans le creuset fédéraliste et à réaliser l’utopie meurtrière – car toutes les Utopies sont meurtrières ! - d’une Union européenne, vaste société anonyme à irresponsabilité illimitée, ventre mou d’un monde occidental en pleine déliquescence… Exception faite peut-être d’une Allemagne travailleuse mais vieillissante, qui pour l’heure tire assez bien sont épingle du jeu ! Un Occident en déliquescence rapide eu égard à sa désindustrialisation catastrophique (l’industrie financière ne pouvant se substituer à l’industrie tout court car ce que l’on ne produit pas chez soi, on l’achète au dehors et là, les déficits se creusent vertigineusement [2]. Des déséquilibres croissant exponentiellement que ne viendront certainement pas sauver, effacer ou compenser des expéditions néocoloniales à terme généralement assez peu probantes !

C’est la zone euro tout entière qui risque d’être en cessation de paiement ?

À ses débuts cantonnée aux seuls PIGS, la crise obligataire menace désormais d’avaler toute la zone euro dans son vortex. La rétrogradation de l’Italie par les Agences de notation traduit - dit-on - la défiance des « marchés » (resterait à savoir qui se cache réellement derrière le vocable mystérieux de « marché » ?) augmentant par un effet pervers les risques financiers pour les bailleurs insuffisamment prudents. Le surcroît de risque constitue en fait une bonne excuse pour se montrer toujours plus gourmand au moyen de taux d’intérêts sans cesse plus élevés. Or la perte de confiance – la confiance étant une sorte d’éther incorporel où se déploie la trame de l’univers financier - s’étend désormais à l’ensemble l’€urozone : les bourses décrochent spasmodiquement, l’€uro plonge et démontre chaque jour qui passe l’incapacité pathologique des dirigeants européens à prendre le taureau par les cornes. Serait-ce donc le début de la fin pour l’€uroland ?

En ce qui nous concerne nous n’allons pas pleurer. L’Europe existait avant l’€uro, elle continuera d’exister avec ou sans l’€uro, et plutôt sans en tant que monnaie unique… Sachant ce que le maintien du statut de monnaie unique l’€uro va nous coûter en austérité indue ; sachant que les classes moyennes européennes et tout ceux qui n’ont d’autre revenu que celui de leur travail, tous ceux qui ne bénéficient pas des largesses de l’État, en un mot qui ne sont pas subventionnés, vont être saignées à blanc ! Ceci pour maintenir l’€urozone conçue comme noyau fusionnel de l’Union fédérale, ces États-Unis d’Europe en construction depuis la victoire des « Alliés » en 1945 qui enclencha la conversion de l’Europe au modèle libéral-démocratique américain. C’est bien ce à quoi les eurolâtres ne veulent pas renoncer car ce serait effacer d’un seul coup soixante-six ans de patients et insidieux efforts, soixante-six ans de mensonges et de manipulations.

Cependant le remède à la plupart de nos maux économiques actuels est relativement simple : mettre une fin définitive au fétichisme idolâtrique de l’€uro… Non, le monde ne s’arrêtera pas de tourner si la Grèce, et d’autres, sortent de l’€uro. Si l’€uro n’est plus monnaie Unique mais devient plus raisonnablement monnaie commune. Non, il n’y aura pas de catastrophe spectaculaire. Il faudra retrousser les manches et déblayer les ruines laissées par la secte libérale-libertaire, par un anarcho-capitalisme parasite qui s’est cru tout permis au point de détruire les économies en gavant les masses de crédits à la consommation à gogo. Il va falloir payer la note et affronter des lendemains qui déchantent pour toutes les vaines promesses dont étaient profuses les équipes socialistes au pouvoir à Athènes et dans toute l’Europe libérale, social et démocrate.

C’est seulement en tournant le dos à la facilité et aux politiques qui nous ont trahis que nous pourrons donner le coup de pied salvateur sur le plancher de la rivière pour remonter à la surface. Bien sûr les Européistes vont pousser des cris d’orfraies, ils vont se déchirer le visage et leurs lamentations retentiront sous la voûte des cieux, mais plutôt crève la Commission européenne que nous autres !

Depuis Philippe Auguste l’État nation ne s’est jamais si bien porté contrairement à ce qu’en disent les malfaisants qui nous conduisent à notre perte !

Si les Européistes sincères étaient plus malins, plus lucides et plus cohérents avec leur ambition de créer une Europe puissance - car c’est là l’un des nombreux paradoxes du projet dit européen, certains euro-souverainistes se sont laisser abuser par les idéocrates et autres commissaires politiques à la manœuvre pour détruire l’Europe réelle sous couvert de construire l’Union dite européenne – ils pousseraient à la sortie de la Grèce de l’€uro. Au-delà ils soutiendraient l’idée d’un urgent retour aux monnaies nationales en ramenant l’€uro à une dimension raisonnable, celle de monnaie commune. Mais les écailles leur tomberont-elles à temps des yeux ? S’ils veulent faire une grande Nation de l’Europe des peuples, nous leur donnerons cent fois raison car si l’on jette un coup d’œil circulaire que voit-on ? Partout le triomphe de l’État-Nation, concept puissant né sans doute avec Philippe II Auguste, premier à prendre le titre de Roi de France le 14 juillet 1223… l’État-Nation qui s’incarne aujourd’hui dans toutes les puissances émergentes, de la Turquie néo-impériale et post-kémaliste à l’Inde, pour ne pas évoquer la Chine, Singapour, etc. la liste est longue.

La faillite étatique ce n’est pas la mer à boire !

Quant au spectre de la faillite dont « on » nous rebat les oreilles, la belle affaire ! Partout dans le monde au cours des derniers siècles [3] la faillite des États a été chose très courante et personne n’en est mort. Au contraire une bonne fièvre permet de chasser les miasmes morbides. À titre d’exemple la France détient un record avec huit déconfitures entre le XIVe et le XVIIIe siècle. Ne parlons pas de la faillite des assignats, acmé de l’impéritie et des brigandages révolutionnaires. Le XIXe Siècle est celui des défauts dans l’Hispanidad, en Amérique du Sud et en Espagne qui connaît sept faillites successives. La Grèce après son indépendance en 1830 se distingue déjà en faisant défaut de façon chronique. Les États-Unis ne sont pas épargnés qui connaîtront un certain nombre de cessation de paiement au cours des deux derniers siècles : défaut Continental de 1779 sur sa première émission de monnaie émise par le Congrès continental de 1775 ; défaut Greenback de 1862 dans le contexte de la guerre civile qui avait éclaté l’année précédente ; défaut de 1934 sur les « Liberty Bonds » émis à partir de 1917 pour financer l’entrée des É-U dans la Grande guerre… jusqu’au défaut partiel de 1979, momentané il est vrai !

Avec la Grande Dépression, au commencement des années 1930, nombreux sont les États européens incapables de rembourser leurs dettes : l’Allemagne, la Grèce, la Hongrie, la Roumanie. La seconde vague de faillite touchera l’Amérique latine et l’Europe de plein fouet, notamment l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne... En 1982 c’est au tour du Mexique qui déclenche de nouvelles faillites en cascade en Amérique latine ; ne parlons pas de l’Afrique où c’est un mal endémique ! La Russie en 1998, comme en 1917 après l’Octobre rouge, en passera également par là. Bref, la faillite est un moment difficile pour tous, créanciers et débiteurs, mais ce n’est pas la mer à boire. Or si cela constitue la condition nécessaire pour retrouver, au moins pour partie, la santé économique et remettre l’Europe nationale sur ses rails, alors vive le défaut de paiement, la sortie de l’€uro de la Grèce… vive la fin de la monnaie et de la pensée unique… et plus encore, de la langue de bois !

Notes

[1« Le droit à la paresse »1880 - Paul Lafargue, gendre de Karl Marx, pour lequel ce sont « les prêtres, les économistes, les moralistes » qui prêchent l’amour absurde du travail. Ajoutons à cette liste, tous les patrons, encartés ou non au Parti communiste de la République populaire de Chine !

[2Fin 2010 le déficit commercial avec la Chine atteignait 22 mds d’€ de l’aveu même du ministre de l’Economie, Christine Lagarde, lors de la visite en France du président chinois Hu Jintao.

[3« Cette fois, c’est différent Huit siècles de folie financière » Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff - 2010

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