Politico a appris que la rédaction de ce projet de loi avait été établie avec le concours de McKinsey, selon des e-mails internes de 2015 échangés entre personnes impliquées dans le dossier.
Macron « a personnellement présidé le comité de pilotage », qui comprenait des fonctionnaires et des « personnalités qualifiées » telles qu’Éric Labaye (relire notre article sur sa promotion à la tête de Polytechnique), alors à la tête de la branche française de McKinsey, qui a fourni un travail de fond sur le projet de loi, selon l’un des documents consultés par Politico.
Le lien entre Emmanuel Macron et McKinsey est ancien et amplement documenté. Il démarre au sein de la commission Attali, le cercle de sages voulu par Nicolas Sarkozy en 2008 pour libérer la croissance de l’économie tricolore.
Cette commission verra se lier tout particulièrement Emmanuel Macron, alors inspecteur des finances, qui en était rapporteur, et Éric Labaye, mais aussi Karim Tadjeddine, associé chez McKinsey et rapporteur de la commission.
La relation Emmanuel Macron-Karim Tadjeddine ne cessera de perdurer ensuite, jusque dans la campagne présidentielle d’En Marche (dans laquelle nombre de consultants en stratégie se sont investis, relire notre article) au cours de laquelle Karim Tadjeddine a été jusqu’à donner de son temps pour comparer les prestataires possibles pour le développement d’un site internet pour la campagne.
Puis, plus tard, une fois Emmanuel Macron élu, McKinsey s’est engagé auprès de la Présidence de la République française dans l’organisation du sommet Tech For Good
Economie numérique - Noé : le futur projet de loi d’Emmanuel Macron
Publié le
10 novembre 2015
par Michel Tendil
Cohésion des territoires, Développement économique
Lors d’un grand show organisé à Bercy en présence de stars de l’ « économie disruptive », le ministre de l’Economie a présenté les grands axes de son futur projet de loi baptisé #noé (nouvelles opportunités économiques), annoncé pour le mois de janvier. Au programme : financement de la transformation numérique, formation, assouplissement du marché du travail, partage de données, promotion de l’entreprise individuelle...
Nanotechnologies, biotechnologies, numérique, robotisation, économie collaborative, intelligence artificielle, réforme du droit du travail… c’est sans doute parce qu’on assiste à une déferlante de ruptures en tous genres que le nouveau projet de loi d’Emmanuel Macron s’intitule curieusement #noé. Noé comme : nouvelles opportunités économiques. Thème sur lequel le président de la République lui avait demandé de plancher cet été.
Plus qu’un projet de loi, le ministre prépare une « stratégie ». Car si certaines mesures relèvent de la loi, avec un projet de loi sur l’économie numérique qui sera présenté « en janvier », « d’autres éléments relèvent de la négociation collective » et « parfois de la mobilisation des acteurs privés » eux-mêmes, a indiqué Emmanuel Macron, lors d’un grand show organisé à Bercy, le 9 novembre, en présence de la secrétaire d’Etat au commerce Martine Pinville et d’un aréopage d’acteurs de cette « économie disruptive » : de la jeune génération de patrons décontractés incarnée par le président fondateur de BlaBlaCar Frédéric Mazzella au docteur en neurosciences Laurent Alexandre fondateur du site Doctissimo, en passant par le professeur de droit Jean-Emmanuel Ray pour qui le droit du travail a été « conçu sur un modèle militaro-industriel » dépassé…
Dès la mi-décembre, le ministre fera une première série de propositions. Toutes ces évolutions numériques et technologiques sont « en train de s’accélérer formidablement ». « On n’a pas le choix », a expliqué le ministre, reconnaissant que « personne n’a la clé du sens profond de ce système ». Les réformes annoncées devront permettre d’ « innover plus vite mieux, en pensant tout de suite mondial ». Il s’agira de « former différemment », « d’attirer les talents (...) des super-talents, des super-stars », d’ouvrir davantage le marché des données (en facilitant les croisements de fichiers), de trouver de nouveaux financements, tout en garantissant de la « sécurité » (sur la formation grâce notamment au futur compte personnel d’activité, sur les infrastructures numériques, le tout en instaurant un climat de « confiance » dans l’utilisation des données…).
Fonds de pension à la française
Le nerf de cette « bataille de l’adaptation » sera le financement. « Si on n’est pas en capacité de financer cette innovation, très vite on se fera distancer. » « Il faut ramener le capital qui est celui de nos épargnants vers le financement de l’économie réelle (…) Il faut développer une forme de fonds de pension à la française, et adapter le cadre fiscal, et c’est cela aussi que je vais proposer dans les prochaines semaines », a précisé le ministre.
L’autre chantier sera l’adaptation du marché du travail à l’évolution numérique. « L’économie numérique ouvre l’accès au marché du travail aux outsiders peu qualifiés », souligne Bercy. L’ubérisation revient en force… Selon le ministère, le salariat sera de moins en moins la règle. Depuis 2006, la part de l’emploi non-salarié « connaît un regain », précise le ministère, dans son dossier. « Cette tendance est favorisée par l’émergence des plateformes numériques et des nouveaux statuts. Elle est aussi liée à l’évolution des aspirations individuelles. » Emmanuel Macron veut encourager la création d’entreprises en levant les contraintes qui bloquent le pays. Il a pris pour exemple de ces blocages « le besoin d’avoir un local » pour la garde de personnes âgées à domicile, ou encore l’obligation de posséder un BEP pour ouvrir « un salon de coiffure afro »… Bercy compte « des dizaines voire des centaines d’activités sousmises à qualification obligatoire, sans que l’on puisse comprendre pourquoi ». Le bâtiment, qui impose un CAP, serait lui aussi visé.
« Scoring » professionnel et individuel
Emmanuel Macron souhaite dans le même temps promouvoir le travail indépendant, l’entreprise individuelle. « Ce n’est pas en protégeant le salariat qu’on résoudra le problème », a-t-il insisté, mettant en garde contre « le risque d’être malthusien » en voulant protéger les secteurs existants. Son idée serait de rapprocher les statuts d’autoentrepreneurs avec les autres travailleurs indépendants et de favoriser les passerelles entre les différents statuts.
Etrangement, alors que l’école tend à supprimer les notes, jugées discriminantes, l’une des grandes tendances est celle du « scoring » professionnel ou individuel. C’est-à-dire de la notation des individus. « L’élaboration du scoring professionnel est un vecteur de réduction des inégalités », a assuré Anne Perrot, économiste au CAE (Conseil d’analyse économique). Ce système de notation est aussi la clé de voûte de sociétés comme Uber ou BlaBlaCar. Pour Frédéric Mazzella, « le scoring individuel arrive très très fort aujourd’hui ». Sa société d’autopartage repose sur une échelle de valeur qui va jusqu’au statut envié d’ « ambassadeur ». Ce statut traduit « un degré de confiance très fort (…) qui correspond à celui d’amis ou de membres de la famille », s’est-il enthousiasmé.
A l’appui d’un graphique, Emmanuel Macron a montré que « tous les secteurs vont être touchés à court terme » par ces évolutions. Les médias et l’audiovisuel sont « déjà dans la disruption », a-t-il insisté, à l’attention des journalistes. Un domaine pourtant bien caricatural de la précarisation du marché du travail où, dans l’ombre de journalistes vedettes, travaillent généralement des armées de pigistes. Avec Noé, il n’est pas sûr que tout le monde trouve une place à bord de l’arche.