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L’affaire des sous-marins australiens : entre pantalonnade et prémonition de guerre nucléaire

mercredi 29 septembre 2021

Retenez-moi ou je fais un malheur !

La vente annulée (parce que court-circuitée par le Pentagone) de douze sous-marins conventionnels à propulsion diesel à l’Australie pourrait n’être qu’une pénible péripétie économique parmi quelques autres, l’Inde se présentant déjà comme un marché de substitution. Mais c’est par ce qu’elle révèle quant à la reconfiguration des alliances au sein du monde anglo-saxon (avec la constitution d’une triplice, États-Unis, Royaume-Uni, Australie, l’AUKUS), dont l’Europ se trouve a priori exclue. Un accord stratégique autant offensif que défensif puisqu’il s’agit à terme de faire entrer l’Australie dans le club très fermé des puissances atomiques, une ouverture évidemment destinée à contenir l’expansion maritime chinoise dans la Région et qui met en évidence le déplacement du centre de gravité géopolitique mondial, lequel passe de l’Atlantique nord et du Vieux continent au Bassin indo-pacifique. Ce que fut pour l’Europe la Méditerranée de l’Antiquité à la Renaissance, c’est à présent en Extrême Orient que se joue le destin de la planète. Ceci parce que nul n’ignore que les tensions s’exacerbent actuellement entre les thalassocraties anglo-américaines et la Chine populaire dont la menaçante montée en puissance semble de plus en plus irrésistible.

Le ridicule made in France

Chacun sait que la majorité des comédies cinématographiques made in France, richement subventionnées sur fonds publics, sont nulles (à ch…), lourdingues, bref à fuir. Les actrices pour la plupart jouent comme des manches et ont une diction effroyable : elles sont quasi inaudibles. Ce jugement n’est pas celui d’un homme avancé en âge et un peu dur de la feuille, mais, comme j’ai pu le vérifier, celui tout autant des nouvelles générations adeptes des produits Netflix autrement mieux ficelés. Ce n’est d’ailleurs pas tout à fait par hasard ni totalement injuste si les grosses machines d’outre-Atlantique à produire du fric politiquement correct, notamment les GAFAM et Hollywood, marquent des points, dévorent des parts de marché et imposent par ce biais leur sous-culture à prétention universaliste. Retenons que ce qui vaut pour les industries du divertissement et du numérique, vaut aussi pour le commerce et la géopolitique : nous autres céfrans nous sommes hélas à la ramasse.

Non seulement les groupes américains dictent leur loi, rachètent, s’échangent et démantèlent les fleurons de notre parc industriel, mais en outre, ils nous ridiculisent, l’affaire de la vente des sous-marins à l’Australie n’étant que le dernier des camouflets en date. En effet la liste est longue et non clôturée* de nos grandes entreprises qui ont été dissoutes dans l’acide mondialiste des fusions-acquisitions… Parmi celles-ci, Pechiney, Alsthom, Lafarge, les Chantiers de l’Atlantique… Des industries dont certaines - comme la filière énergie d’Alsthom qui comprend la maintenance de nos centrales nucléaires - ont évidemment un lien étroit avec la sécurité nationale ce qui devrait, en principe, les rendre inaliénables… Toutefois, aujourd’hui, les principes se sont effacés au profit des valeurs, et quelles valeurs (et pas seulement boursières) … Celles de la désintégration économique, sociétale et politique de la nation digérée dans et par l’ensemble magmatique européo-atlantiste.

L’incohérence européenne

Cette histoire de submersibles qui prend l’eau n’est évidemment pas isolée : le sieur Parmelain, président de la Confédération helvétique, assistait cette année à Paris au défilé du 14 juillet tout en sachant pertinemment que les aéronefs américains F.35 auraient la préférence sur les Rafale auparavant commandés à la France. Une volte-face dont la Belgique avait donné l’exemple en 2018. La Suisse rejoindra ainsi, sans se faire prier, le club des sept pays européens qui ont déjà opté pour le chasseur-bombardier américain. Alors que la France connaît un fiasco diplomatique et industriel retentissant, les Allemands négocient de leur côté un partenariat stratégique avec l’Australie dans le domaine de la sécurité spatiale… Certes le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, se déclare solidaire de Paris, tout en s’essuyant au coin de l’œil des larmes de crocodile : « Je peux comprendre la colère de nos amis français. Ce qui a été décidé – et la manière dont cela a été décidé – est irritant et décevant. Pas seulement pour la France ». Dans le même temps, le chef d’état-major de la Bundeswehr, le général Eberhard Zorn, se félicitait, via Twitter, de la signature d’un protocole d’accord ayant pour objet d’accroître la coopération allemande avec les forces australiennes dans le domaine spatial… « À cette fin, l’amiral David L. Johnston [numéro deux de l’état-major australien] et moi-même avons signé aujourd’hui, à Berlin [le 20 septembre], une lettre d’intention pour un Military Space Partneship ». Parce que la Bundeswehr, qui a récemment inauguré un Commmandement spatial [WRKdoBw pour Weltraumkommando der Bundeswehr] à Uedem et se préoccupe visiblement beaucoup du « renforcement de la sécurité dans l’espace extra-atmosphérique… sachant que l’Allemagne est après le Royaume-Uni, le deuxième partenaire commercial de l’Australie en Europe (et non pas, bien sûr, le voisin hexagonal) !

L’Union européenne donne évidemment avec cet exemple du “chacun pour soi et Bruxelles pour tous”, une image désolante de sa prétendue unité solidaire. De ce point de vue, l’Europe puissance n’est pas pour demain. Alors arrêtons de parler Europe et recentrons-nous sur nos intérêts vitaux, non ? Et puis nous sommes assez mal venus de râler aujourd’hui quand nous avons à notre compte le précédent des deux bâtiments de commandement porte-hélicoptères Mistral que nous avons à la dernière minute refusés (2014), pour de plates raisons politiques, de livrer à la Russie (et qui aboutirent en Égypte).

Au fond M. Macron n’est vraiment bon qu’en VRP (représentant) de la firme Pfizer car pour l’heure, après Israël, la France est l’un des pays les plus vaccinés au monde, 81,2 % des personnes âgées de plus de 12 ans s’étant vu inoculer sa dose venimeuse de thérapie génique… Les Kangourous et les Rosbifs n’ont finalement fait à Macron que ce qu’il a lui-même fait aux Français avec le pass-sanitaire, c’est-à-dire en leur mentant dans les grandes largeurs et de façon éhontée, en les méprisant et en trahissant leur confiance… « La vaccination ne sera jamais obligatoire » avait-il dit ! Si Macron a cru que sa soi-disant amitié avec le Premier ministre australien ferait pencher la balance en faveur des intérêts nationaux, soit il s’est montré d’une naïveté confondante (et donc un imbécile), soit il joue (mal à l’instar de nos acteurs actuels) une sinistre comédie. Les deux éventualités sont aussi déplorables l’une que l’autre tout en ne s’excluant nullement.

Trahison !

Or, à entendre nos dirigeants qui poussent des cris d’orfraie, ameutent le bon peuple, parlent de « trahison » à propos de cette vente manquée (une affaire apparemment mal engagée eu égard à l’allongement des délais, les dépassements de budget, le non-respect des accords relatifs à la proportion de travail réalisé en France et en Australie passée de 90 à 60) … Il s’agirait en la circonstance d’un coup de Jarnac, imprévisible et imprévu… Avec pour immédiate et sévère mesure de rétorsion, l’annulation d’un cocktail à Washington et l’annonce du rappel pour consultation de nos ambassadeurs. Une intention puérile tout aussitôt démentie… En guise de lot de consolation, M. Macron s’est vu octroyer l’insigne privilège d’un entretien téléphonique le 22 septembre avec le sénescent M. Biden. Au demeurant, si nous n’avons vraiment rien vu venir, alors il faut faire illico le ménage au Quai d’Orsay et limoger d’urgence le patron et les directeurs de la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE), indignes de leurs postes et des indemnités qui vont avec. La vérité est plus consternante : tout le monde savait et Florence Parly, ministre des Armées ainsi que Le Drian aux Affaires étrangères, font étalage, une nouvelle fois, de leur poly-incompétence à l’image de cette classe politique dont les préoccupations essentielles ne vont pas plus loin que le déplacement des zonards fumeurs de crack, les femmes battues pour cause d’irréductible différentiel culturel (les statistiques ethniques seraient les bienvenues en ce domaine), les états d’âmes transsexualistes… Pendant ce temps les nuées d’orage monte au Maghreb où un conflit n’est pas totalement à exclure entre l’Algérie et le Maroc avec pour conséquences, dans cette éventualité, un raz-de-marée de plusieurs millions de réfugiés fuyant ce nouveau pot-au-noir… et la guerre civile assurée !

Maintenant, dans la mesure où Paris voudrait retrouver une crédibilité perdue (que cette affaire à mise en pleine lumière), peut-être lui faudrait-il – avec un courage et une hauteur de vue politiques qui lui font cruellement défaut – tourner le dos à l’Otan (et pas seulement se retirer de son commandement intégré ce que De Gaulle avait fait en mars 1966 avant que M. Sarkozy n’y revienne en avril 2009, comme le chien à son vomi), se rapprocher de la Fédération de Russie, reprendre autant que faire se peut la main dans une Europe sans âme ni énergie… et enfin, pourquoi pas, ne pas empêcher au-delà du raisonnable, les migrants de passer outre-Manche. Ce que fait bien la Turquie, pilier oriental de l’Otan, en particulier avec la Grèce, n’est-ce pas ?

Autre leçon de ce revers militaro-commercial – sans doute le plus dur à avaler pour le futur titulaire de la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne – la découverte tardive que la France ne compte plus que pour du beurre dans le Grand jeu extrême oriental de la superpuissance militairement hégémonique… À savoir que, si États-Unis ont encore besoin de supplétifs dociles pour livrer leurs guerres asymétriques non conventionnelles (Libye, Syrie, Yémen), ils n’ont encore besoin d’alliés que lorsque les enjeux véritables sont ceux de la domination mondiale. Or la fenêtre de tir contre la Chine ne restera pas indéfiniment ouverte. La République populaire se déploie sur terre (les Nouvelles routes de la soie) et sur mer elle sera vraisemblablement, dans un délai rapproché, en mesure de faire pièce à la puissance maritime des États-Unis voire de la confronter.

La question de Taïwan reste pendante et s’exacerbe graduellement avec le temps… Là réside certainement la clef de compréhension du camouflet infligé au petit chef de la République en Marche : la résiliation unilatérale du contrat d’armement australo-français n’est à n’en pas douter que la conséquences d’une coalition préparant une guerre – nécessairement nucléaire - au cours des deux décennies à venir avec la Chine pop. L’ancien Premier ministre anglais, Theresa May, n’a-t-elle pas demandé sans ambages aux Communes, dans quelle mesure le Pacte tripartite prévoyait ou non, explicitement ou dans ses clauses cachées, d’entrer en guerre au cas où la Chine tenterait de reprendre pied à Taïwan… « N’a-t-on pas cru faire une bonne affaire sur le dos des Français sans se rendre compte que l’on s’engageait à faire la guerre à la Chine ? ». Question pertinente sur laquelle nos énarques feraient bien de plancher.

27 septembre 2021

À suivre…

*Le producteur d’aluminium Pechiney est avalé fin 2003 par le canadien Alcan au terme d’une OPA hostile de 4 milliards d’euros. En 2007, le groupe canadien passe à son tour sous contrôle de l’anglo-australien Rio Tinto. Les usines aussitôt démantelées sont vendues en pièces détachées. En 2008, le président Sarkozy admet mezzo voce que Pechiney « a disparu sans que personne ne lève le petit doigt » - Arcelor géant européen de la sidérurgie voit le jour en 2001 de la fusion du français Usinor avec l’espagnol Aceralia et du luxembourgeois Arbed. Début 2006, l’indien Mittal Steel lance une OPA hostile de 18,6 milliards d’euros sur Arcelor. L’aciérie de Gandrange en Moselle sera fermée en avril 2009 - Avril 2006, le français Alcatel et l’américain Lucent Technologies annoncent leur fusion pour donner naissance au numéro deux mondial de la télécommunication. Le groupe finit par atterrir dans les mains du finlandais Nokia en 2015 - Le numéro deux mondial du ciment, Lafarge s’unit en juillet 2015 avec le numéro trois, le suisse Holci - Les Chantiers de l’Atlantique (Saint-Nazaire), sont cédés en janvier 2006 au norvégien Aker Yards par Alstom avant de passer au groupe sud-coréen STX Shipbuilding qui en août 2008 rafle la mise. Lourdement endetté le sud-coréen est mis en liquidation en octobre 2016. En mai 2017 STX France échoit finalement à l’italien Fincantieri - Partagé entre le ferroviaire et les systèmes de production d’énergie, Alstom est dès 2014 convoité par l’américain General Electric et par l’allemand Siemens en partenariat avec Mitsubishi Heavy Industries. Finalement c’est GE qui emportent les faveurs d’Alstom et du gouvernement socialiste en novembre 2014.

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