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Transhumanisme : Et si on arrêtait de dormir ?

vendredi 21 mai 2021

Encouragés par la société à être toujours plus actifs, hyperconnectés, les Français en oublient de dormir, déplore le neurologue Marc Rey. Les bénéfices d’une bonne nuit de sommeil ne sont pourtant plus à prouver : régénération cellulaire, renforcement immunitaire, régulation de l’humeur...

La robotisation de la population n’aura plus de limite, chaque perte de temps effectif de travail est une perte financière pour les élites mondiales.

Dormir, c’est un repos nécessaire et parfois du plaisir. Mais c’est aussi une perte de temps… du temps qu’on pourrait économiser, mais comment ?

Chaque jour, de nouvelles activités s’offrent à nous : de nouvelles distractions, sources d’informations et découvertes, opportunités personnelles ou professionnelles, avancées technologiques, etc… Cependant, nous n’avons pas le temps d’explorer tous ces domaines ou tout du moins, pas encore. Alors, comment pourrions-nous y parvenir et, en quelque sorte, optimiser notre temps de vie ? Et si on arrêtait de dormir ?

23 : 00 s’affiche sur mon réveil. La fatigue commence à se faire ressentir après une journée bien remplie au boulot. J’ai les yeux qui commencent à piquer et mon cerveau qui réclame la pause nocturne quotidienne. Pourtant, au fond de moi je n’ai pas envie de dormir. En moyenne, 8 heures d’inactivité se profilent devant moi pour recharger les batteries et recommencer la journée demain matin. Mais je pourrais faire tellement d’activités tout en profitant un peu plus de mon existence, qui m’est comptée, durant la nuit. Si je travaille 8 heures par jour (ou moins dès que possible), pourquoi n’aurais-je pas le droit de me distraire 8 heures de plus en contrepartie ? Cela me semble un bon deal, alors je vous pose la question : et si on arrêtait de dormir ?

Dormir a toujours été pour moi une réelle perte de temps. Les siestes encore plus et d’ailleurs je n’en fais quasiment jamais. Le temps passe trop vite dans une vie et pourquoi sommes-nous contraint de le “gâcher” à dormir ? Et surtout en cette période de crise sanitaire où nos loisirs sont grandement impactés. En moyenne, nous passons près d’⅓ de notre vie à dormir : ⅓ où on ne fait rien, tout du moins pas volontairement à part se prendre pour Iron Man dans nos rêves. En effet, le sommeil est actuellement indispensable d’un point de vue biologique. Bien que beaucoup d’hypothèses doivent encore être confirmées (mémoire, apprentissage, métabolisme, immunité, etc …) car son rôle exact demeure inconnu.

Quoi qu’il en soit, nous dormons avant tout car nous en avons besoin. Et comme chaque besoin appelle satisfaction, nous dormons pour satisfaire ce besoin. Comme avec d’autres contraintes biologiques, nous avons fait de ce moment obligé quelque chose de positif avec ses rites sociaux associés et globalement présenté positivement. Mais il y a fort à parier que si le besoin était levé alors les choses se réorganiseraient.

De plus, un sommeil de mauvaise qualité (mais aussi de trop faible quantité) risque d’entraîner des maladies cardiovasculaires, de l’obésité, du diabète, de l’anxiété, et tout un tas d’autres trucs pas très cool.

Nous sommes peut-être physiquement inactifs bien au chaud sous la couette. Mais notre corps, lui, est bien actif durant la nuit pour faire le “ménage”, en somme, de toute notre journée de labeur et nous rendre le plus opérationnel possible le lendemain matin pour affronter les jours qui défilent.

Le sommeil est donc vital pour chaque être humain, j’en ai bien conscience. Néanmoins, en écartant ce côté biologique, arrêter de dormir ne nous ferait certainement pas prolonger notre espérance de vie au sens strict. Mais nous gagnerions tout de même ⅓ de notre temps à pouvoir vaquer à toutes sortes d’occupations. Tous ces loisirs que nous n’avons pas le temps de faire durant la journée, nous pourrions les faire la nuit (finir le catalogue Netflix par exemple). Nous aurions “tout le temps devant nous” : ne serait-ce pas en quelque sorte une forme de longévistisme ?

11 jours et 24 minutes : c’est le record Guinness de la plus longue période passée sans dormir pour un être humain, établi par Randy Gardner, à l’Université Stanford, en 1965.

Il n’est pas possible d’être “mort de fatigue” comme le dit l’expression, mais plutôt des conséquences qui découlent de ce manque de sommeil.

Alors comment gagner du temps sans mourir ?

Un autre moyen un peu moins radical est le sommeil polyphasique ou sommeil fractionné. Il en existe de plusieurs sortes qui sont principalement utilisées par les travailleurs de nuit ou encore les navigateurs en mer.

En voici quelques exemples :

Le sommeil biphasique :
Une longue durée de sommeil la nuit et une sieste en début d’après-midi

Le sommeil Everyman :
On raccourcit sa nuit d’autant de siestes qui sont faites dans la journée. On parle de rythme Everyman 2, Everyman 3 ou Everyman 4 en fonction du nombre de siestes effectuées
Remarque : Everyman 1 est un rythme biphasique, car la nuit principale n’est complétée que par une sieste.

Le sommeil Uberman :
6 siestes de 20 à 24 minutes
Le sommeil Dymaxion
4 siestes de 30 à 35 minutes

Les 2 dernières méthodes permettent donc de réduire son temps de sommeil total à 2 heures par jour. Mais adopter ce rythme de vie est très difficile d’une part physiquement et mentalement mais risque aussi d’être inadapté à notre mode de vie et à notre société en général : “Réunion dans 20mn ? J’peux pas, j’ai sieste”, moyen comme réponse. Dans un autre contexte, on imagine difficilement un chirurgien en pleine opération, laisser son patient sur la table pour aller faire ses 20 minutes de sieste.

Et pourtant beaucoup de personnes ont déjà tenté l’expérience, et beaucoup de personnes reviennent au sommeil monophasique après quelques semaines voire mois d’expérience pour les plus courageux. Les effets à long terme sur le métabolisme du sommeil polyphasique sont donc encore très méconnus car il est peu répandu chez l’Homme.

Dans la nature, comme souvent, on peut trouver des comportements extrêmement variés : certains animaux peuvent passer 4 à 6 mois en hibernation dans une léthargie presque totale, ou devoir dormir 22 heures par jour comme le koala. A l’opposé, l’éléphant ou la girafe ne dorment que 2 à 3 heures par jour. Quant aux dauphins, ils alternent les phases de sommeil et d’éveil mais un seul hémisphère cérébral à la fois ! Encore un rappel, si c’était nécessaire, que nos comportements n’ont rien d’universel et que d’autres perspectives existent. De quoi s’inspirer et réfléchir, au minimum.

Dans la prospective transhumaniste, il est souvent question de modifier nos systèmes digestifs pour économiser de l’énergie et des ressources. La question du sommeil est tout aussi légitime. Alors, à quand le super vaccin révolutionnaire anti-sommeil ? Ou la petite pilule qui simulera une bonne nuit réparatrice et permettra en quelque sorte de prolonger notre vie ? Ces exemples n’existent peut-être pas encore. Mais nous avons en notre possession d’autres moyens et outils bien réels pour influer sur notre sommeil. Nous y reviendrons dans un prochain article. En attendant, je vous dis bonne nuit !

Auteure de l’article :
Fanny Hermez

Sciences et Avenir : L’enquête menée par l’Institut national du sommeil et de la vigilance en 2020 a montré que les Français dorment de moins en moins…

Sciences et Avenir a interviewé Marc Rey, neurologue, président de l’Institut national du sommeil et de la vigilance.

Marc Rey : Dormir est pourtant fort utile ! Le sommeil joue en effet un rôle prépondérant dans les processus de consolidation de la mémoire, mais aussi dans la restauration physique, notamment parce que c’est lorsqu’on dort qu’est secrétée l’hormone de croissance. Celle-ci est non seulement indispensable aux enfants, mais aussi à la régénération cellulaire chez l’adulte. De récents travaux scientifiques ont également établi l’effet bénéfique du sommeil sur le système immunitaire ainsi que sur la régulation de l’humeur.

Quand s’endort-on ?

C’est notre horloge interne qui décide. Le système veille-sommeil est réglé sur un rythme circadien, c’est-à-dire d’une durée moyenne de 24 heures. Celui-ci a été mis en évidence par le spéléologue Michel Siffre, dont les rythmes biologiques naturels ont été enregistrés pendant deux mois alors qu’il se trouvait au fond d’un gouffre, coupé de toute lumière extérieure. Ce rythme est sous la dépendance des noyaux suprachiasmatiques, des structures appartenant à une petite région du cerveau, l’hypothalamus. L’activité de ces noyaux, véritables horloges internes, est synchronisée en particulier par la lumière du jour. Le soir, l’hypothalamus envoie un faisceau d’hormones facilitant le sommeil. Le matin, un autre faisceau d’hormones stimule nos systèmes d’éveil.

« Nos » systèmes d’éveil, dites-vous… Nous en avons donc plusieurs ?

Absolument. Ils mettent en jeu différents neurotransmetteurs stimulants, comme l’adrénaline, la dopamine, l’acétylcholine. Récemment, on a même découvert un nouveau réseau faisant intervenir l’histamine et l’hypocrétine. Ceci explique pourquoi les antihistaminiques, prescrits en cas d’allergie, provoquent souvent une somnolence. Et pourquoi un déficit en hypocrétine est observé dans la narcolepsie, une pathologie responsable de brusques endormissements. La redondance de ces systèmes d’éveil est capitale pour notre organisme. C’est une sorte de système de sécurité. Si l’on n’en possédait qu’un, on tomberait dans le coma à la première défaillance !

NB : le professeur Fourtillan a été emprisonné pour avoir découvert les trois hormones du sommeil : Mélatonine, valentonine, sérotonine.

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