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L’incontrôlabilité des banques

mercredi 12 mai 2010

En 1933, la loi Glass-Steagall rendait incompatibles les métiers de banque de dépôt et de banque d’affaires. Elle a été abrogée sous la présidence Clinton.
En 1932, trois ans après le krach de 1929, que le système bancaire s’est retrouvé pour la dernière fois au bord de l’implosion. Roosevelt s’est dressé contre la puissance de Wall Street maîtrisée.
Dans le cadre du New Deal, il a installé un feu rouge au carrefour très fréquenté des capitaux financiers et de la cupidité incontrôlée, la loi Glass-Steagall de 1933.

Cette loi oblige les institutions bancaires à choisir leur camp.
Elle disait en substance : si vous voulez traiter avec les particuliers, très bien ! Prenez leur argent en dépôt, fournissez-leur un endroit sûr pour leur épargne et accordez des prêts raisonnables dont vous serez autant responsables que les emprunteurs. Puisque vous êtes une banque commerciale, la toute nouvelle Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) garantira les dépôts de vos clients. Nous, le gouvernement fédéral, nous réglementerons votre activité. Si vous souhaitez lever des capitauxpar le biais d’investisseurs spéculateurs dans le pays ou à l’étranger, pas de problème. Mais, en tant que banque d’affaires, vous ne bénéficierez pas de notre soutien. Vous ne vous mêlerez pas de la vie des citoyens et vous n’utiliserez pas leurs capitaux pour financer vos activités boursières.

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“Casser les banques en deux” : une solution à la spéculation ?

Dix ans après avoir été abrogé, on le remet sur le tapis. Le Glass-Steagall Act réapparaît dans les discussions comme une solution aux risques de spéculation des banques. Est-ce le cas ? “Les banques sont vouées à servir le public, et elles doivent se focaliser sur ces activités.” C’est Paul Volcker, l’ancien président de la Réserve fédérale de 1979 à 1987 et actuel conseiller de Barack Obama, qui a prononcé ces mots réclamant “une séparation entre les activités bancaires pour les particuliers et le négoce spéculatif”. Le 20 octobre, Mervyn King, gouverneur de la Banque d’Angleterre, a renchéri, jugeant cette séparation “indispensable”.

Petit retour en arrière pour bien comprendre de quoi il est question. Le Glass-Steagall Act a été adopté en juillet 1933 aux Etats-Unis. Cette loi, votée sous Roosevelt en réaction au krach de 1929, sépare les métiers de banque commerciale et banque d’investissement. Les banques commerciales servent à gérer les dépôts et crédits consentis aux particuliers. En gros, les opérations courantes de n’importe quel citoyen. Les banques d’investissement, elles, émettent des actions et des obligations (c’est-à-dire des dettes) sur le marché et gèrent les fusions et acquisitions d’entreprises. Jusque-là rien de bien compliqué.

Tout colère des spéculations de 1929, les congressmen obligent les banques à choisir entre ces deux métiers. JP Morgan décide ainsi de devenir une banque commerciale, contrairement à Lehmans Brothers, qui se spécialise dans l’investissement.

Voici un bref résumé de cette loi (en Anglais), tiré du film Fall of the Republic de Max Keiser et William Black.

Abrogé sous la pression des lobbies, le Glass-Steagall Act a survécu jusqu’en novembre 1999. Il est abrogé cette année-là, sous la pression des lobbies du Fire (terme regroupant les secteurs de la finance, de l’assurance et de l’immobilier : ”finance, insurance and real–estate”). Pourquoi ? Régis de Laroullière, ancien directeur général de Crédit foncier de France, le résume simplement :

“Le Glass-Steagall Act avait été progressivement contesté à partir du milieu des années 1970, car ne permettant pas de créer de grands établissements, analogues aux banques universelles européennes, notamment françaises.

De plus, la distinction entre activités de prêteur et d’investisseur s’estompait avec la titrisation. Les innovations et les nouvelles pratiques étaient réputées stabilisatrices en permettant une large dispersion des investissements et des risques.

Enfin, les banques d’investissement, moins régulées et soumises à de moindres exigences de fonds propres, apparaissaient plus rentables.”

Le Glass-Steagall Act est abrogé – sous la présidence Clinton, rappelons-le - pile lors de la fusion de Citicorps et Travelers pour créer le géant Citigroup.

“Une banque doit faire des crédits. Les autres activités sont parasitaires !”

Alors, le retour de cette loi s’avérerait-elle utile aujourd’hui pour lutter contre la spéculation ? Dans un long article du Monde, paru vendredi, les thuriféraires de ce choix arguent que “pour éviter que l’histoire ne se répète [comme en 1929], [pour] empêcher que les pertes de marchés ne “contaminent” la banque de détail, il serait donc nécessaire d’appliquer un nouveau Glass-Steagall Act”. Pour Jean-Paul Pollin, professeur d’économie à l’université d’Orléans, “une banque doit faire des crédits, collecter les dépôts, gérer des comptes. Les autres activités sont parasitaires !”

A contrario, ses détracteurs repoussent cette idée avec deux arguments majeurs :

  • les banques d’affaires peuvent proposer aux entreprises des produits sophistiqués pour les protéger des variations des matières premières ou des devises.
  • les banques d’affaires ne font pas “que spéculer”. Selon Michel Pébereau, PDG de la BNP Paribas, “l’essentiel de nos activités de marché sont dédiées aux clients”.

D’autant que, comme le rappelle les Echos, la faillite de la banque de détail britannique Northern Rock, en septembre 2007, est là pour prouver que “ce n’est pas parce qu’une banque n’exerce pas des activités de marché qu’elle est forcément vertueuse et ne présente aucun risque pour le système.”

Plutôt que le retour du Glass-Steagall, qui peut s’avérer une fausse bonne idée, Challenge recommande l’instauration de la taxe Tobin :

“Ce retour au Glass-Steagall Act de 1933, souhaité aussi par George Soros dans le Financial Times, ne se réalisera pas, tant est intense la pression des lobbies bancaires sur le monde politique, et ce pas seulement aux Etats-Unis.

C’est pour cela que le grand retour de la taxe Tobin est si intéressant, à condition que son assiette et son objectif soient redéfinis.”

Souce http://webcache.googleusercontent.com/

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