Geopolintel

Licenciement chez airbus, le covid 19 cache le plan Power 8

lundi 6 juillet 2020

C’est après l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007 que le groupe EADS a annoncé vouloir délocaliser ses unités de production à l’étranger sous zone dollar pour augmenter la rentabilité du géant aéronautique.
Le plan visait initialement 2,2 milliards d’euros d’économies nettes et cinq milliards de cash supplémentaire.
Power 8 prévoyait également 10.000 suppressions de postes sur une période de quatre ans.
Maintenant c’est près de 4 400 postes de travail qui seront supprimés et 100 000 postes de sous traitance qui attendent le verdict.
Retour en 2007 pour comprendre l’agonie d’un géant managé par des incompétents.

Cette fois Airbus entre bien dans le plan social. Le but est de supprimer 10 000 postes d’ici 2 010 dont 50 % chez les sous-traitants. Bénéficiant désormais du feu vert de Nicolas Sarkozy qui avait pourtant contesté le plan pendant la campagne présidentielle, Power 8 va désormais faire connaître ses effets sociaux. Et pour Toulouse la note est salée puisqu’elle s’élève à 3 269 postes supprimés.

1. Le détail des postes visés

Mais où passera la lame du couteau ? Depuis des semaines, les salariés d’Airbus se demandent si leur poste sera concerné ou pas. Les cols bleus n’ont pas de souci à se faire car le carnet de commandes de l’avionneur ne permet pas de relâcher la pression sur les cadences qui ne cessent d’augmenter. Airbus France embauchera même 200 personnes en production en 2007. Non, ce sont les emplois de structure, les fameux « overhead » qui sont dans le collimateur. La réunion du Comité central d’entreprise (CCE) qui s’est tenue hier à Saint-Martin-du-Touch sous l’autorité de Jean-Marc Thomas, président d’Airbus France, n’a révélé aucun détail sur le nombre précis de postes. La Dépêche s’est procuré, fonction par fonction, la ventilation des suppressions de postes (infographie ci contre). Les départements les plus impactés sont les effectifs qui dépendent des centres d’excellence, de la politique industrielle et certaines fonctions propres à Airbus France puisque 3 500 postes sont visés dans ces trois grandes entités. De son côté, la direction des programmes qui doit bénéficier d’une meilleure organisation verra partir 2 200 personnes.

L’informatique paiera pour sa part un tribut de 850 postes. Cette division est en effet au cœur d’une profonde réorganisation menée à l’échelle du groupe EADS qui vise à regrouper dans la maison mère une partie des services informatiques (SSD) jusqu’ici éclatés dans ses différentes filiales dont Airbus.

2. Une batterie de mesures de départ

« Il est trop tôt pour savoir comment la direction va s’y prendre pour faire partir tout ce monde » confiait, hier, un syndicaliste. Les mesures d’accompagnement ne seront connues qu’au mois de septembre après que des experts, sur la demande des syndicats, ont rendu leur rapport sur la situation de l’avionneur. Mais alors que Fabrice Brégier évoque « une batterie de mesures » sans plus de détail, les leviers d’action se situeront à plusieurs niveaux. Tout d’abord, les reclassements au sein du groupe EADS seront encouragés. Ainsi les postes libérés par des départs à la retraite dans le groupe (Eurocopter, Astrium…) pourraient être réservés en priorité à des Airbusiens. Les préretraites seront massivement utilisées. Pour l’instant l’âge de départ a été fixé par la direction à 58 ans mais Françoise Vallin (CFE CGC) évoque déjà une revendication pour abaisser cet âge à 57 ans pour toucher un maximum de personnes. Des aides à la création d’entreprise seront également mises en place ainsi que des incitations au travail à temps partiel. Dans tous les cas, ces mesures ne se feront que sur la base du double volontariat.

3. 14 repreneurs pour les sites

Autre sujet brûlant : la vente des sites industriels dont l’usine picarde de Méaulte. On a appris, hier, qu’au total 14 repreneurs s’étaient portés candidats à la reprise de 6 sites industriels européens d’Airbus. Pour Méaulte, Latécoère concourt face à l’Italien Alenia et à l’Américain Spirit. Le même trio auquel s’ajoute le Français Ségula se retrouve pour Saint-Nazaire ville. La décision sera prise par Airbus d’ici fin juillet. D’ici là Nicolas Sarkozy et Angela Merkel se seront rencontrés à Toulouse « mi-juillet » a déclaré, hier en marge du G8, le président de la République.

Gil Bousquet
L’A350 fait le plein de commandes

Louis Gallois en avait parlé en début de semaine, sans révéler ni le client ni le nombre d’appareils,mais c’est la compagnie irlandaise Aer Lingus qui a passé commande hier de nouveaux appareils. La vente porte sur six A350 et six A330 achetés ferme pour un montant total de 2,4 milliards de dollars. Ces appareils seront livrés entre 2014 et 2 016 pour les A350 et entre 2 009 et 2 011 pour les A330. Aer Lingus a également pris une option pour commander six A350 supplémentaires livrables à partir de 2 018.

Cette nouvelle commande intervient après la méga vente récente de 80 A350 décrochée auprès de Qatar Airways qui atteignait 16 milliards de dollars. Toutefois, la compagnie irlandaise a concédé avoir obtenu des « ristournes significatives » par rapport au prix catalogue de l’appareil. Il est cependant courant que les compagnies aériennes de lancement bénéficient d’un geste commercial afin d’aider le nouvel avion à décoller commercialement.

Jean-Cyril Spinetta déclarait récemment à propos des deux A380 supplémentaires qu’Air France vient de commander : « Personne ne paie le prix catalogue ! ». D’autres commandes d’A350 sont attendues à l’occasion du salon du Bourget notamment de la part de l’Indien Kingfisher Airlines.
Interview. Fabrice Brégier, n°2 d’Airbus explique la réorganisation présentée hier.
« Nous travaillerons de façon plus efficace »

Comment avancez-vous sur le déploiement de Power 8 ?

Le plan Power 8 est en marche depuis le 28 février. Toutes les deux semaines nous avons une revue d’une bonne demi-journée avec l’ensemble des directeurs et des personnes impliquées dans le projet pour décider en équipe des mesures spécifiques aux modules de Power 8. Nous économiserons ainsi 200M€ dès 2007 grâce à la réduction de notre train de vie et en étant plus sélectifs sur nos budgets informatiques ou de consultance tout en réduisant nos frais de structure.

Le volet social a commencé d’être négocié hier…

Oui, nous avons débuté hier les négociations avec les partenaires sociaux sur les réductions d’effectifs de structure qui se montent, pour la France, à 4 300 postes d’ici 2010. Nous confirmons deux choses : qu’il est possible d’atteindre cet objectif notamment en travaillant différemment, grâce à une nouvelle organisation. Et que nous estimons que la moitié de l’effort sera atteint par la réduction de contrats de sous-traitance ou d’intérims.

Quel tempo pour la réduction de ces effectifs ?

Depuis septembre 2006, nous avons gelé les recrutements dans les structures et non-renouvelé certains contrats de sous-traitance de court terme. Les mesures sociales pour le personnel Airbus ne prendront effet qu’à partir du mois d’octobre et pèseront assez peu sur les objectifs 2007.

Comment faire plus avec moins de personnel ?

C’est tout le sens du projet que nous avons lancé hier : intégration, simplification de nos processus, priorité aux opérations industrielles et renforcement de notre métier d’architecte avion basé à Toulouse. Il faut intégrer davantage Airbus pour que nous fonctionnions comme une société unique. L’ensemble des opérations industrielles, par exemple, est encore géré nationalement, provoquant, des absences de synergies, des rivalités entre nationalités que nous ne pouvons plus nous permettre. Ainsi, en passant de sept à quatre centres d’excellence, nous travaillerons de façon plus efficace, en réduisant les niveaux de management.

Quand les repreneurs potentiels commenceront-ils à visiter les sites ?

La procédure s’engagera dans les deux semaines à venir, avec la visite sur ces sites des éventuels partenaires avec pour objectif une sélection d’ici fin juillet. Plusieurs équipementiers aéronautiques sont intéressés, dont Latécoère pour Meaulte, et pour l’activité d’usinage de St-Nazaire Ville. Les personnels souhaitent avoir rapidement des réponses à leurs questions sur l’avenir des sites C’est légitime. Ils veulent rentrer dans une phase de discussion avec nous et les repreneurs pour connaître le niveau d’engagement de chacun. Pour ça il faut des visites de sites.

Les repreneurs de sites seront-ils tenus à des garanties sur l’emploi ?

Ils prendront des engagements de nature à rassurer les personnels sur la pérennité à long terme des sites. Nous y veillerons. N’oubliez pas que l’objectif est précisément d’assurer l’avenir de ces sites qui actuellement ont une charge de travail considérable. Néanmoins, les repreneurs doivent être en mesure d’investir pour accéder aux nouvelles technologies, notamment composites, qui assureront leur pérennité bien au-delà des programmes actuels, et se positionner au cœur de notre réseau de partenaires baptisé « entreprise Airbus étendue ».

Quid des sous-traitants in situ ?

Une cellule s’assure que pour les petits sous-traitants il n’y ait pas de décisions trop brutales, car il est clair que les « petits » auront plus de mal à absorber la transition. Plus globalement Airbus s’est engagé à un « code de conduite » à travers une charte que Louis Gallois vient de signer. Nous voulons aider ces sous-traitants et fournisseurs dans leur transformation pour leur assurer un avenir.
réactions

Jean-François Knepper (FO). « Le projet de la direction n’a pas bougé d’un poil depuis sa présentation le 28 février. Dans le partage industriel, la France est à la tête de six sites dont cinq vont être cédés alors que l’Allemagne est responsable de 90 % de l’avion. Peut-on parler d’équilibre ? On ne nous a pas non plus démontré la plus-value qu’apportait la vente des sites comme Méaulte ! »

Xavier Petrachi (CGT). « Il n’y a pas de place pour la concertation. Tout est ficelé d’avance avec des calendriers de négociations tellement serré qu’on ne pourra même pas faire de contre-propositions. Les experts que les syndicats ont nommés n’auront qu’un mois pour travailler. Nous nous opposons à la fermeture des sites mais tout semble déjà joué ! »

Françoise Vallin (CFE-CGC). « La réunion s’est tenue dans une ambiance inquiète. Le plan social se déroule dans un climat de très forte activité en production. C’est inédit ! Nous espérons que la batterie de mesures d’aide aux départs qui nous sera proposée suffira à atteindre les objectifs de la direction sans quoi des mesures plus contraignantes risquent d’être prises ».

La Dépêche du Midi
Publié le 07/06/2007

—  0 commentaires  —

© Geopolintel 2009-2023 - site réalisé avec SPIP - l'actualité Geopolintel avec RSS Suivre la vie du site