Interview de Macron : pourquoi on confond fraude, évasion et optimisation fiscale
Figaro
Lors de l’interview du Président de la République , Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin ont délibérément confondu « évasion et optimisation fiscale », une tentation à laquelle les pouvoirs publics eux-mêmes succombent également de plus en plus.
L’un des mérites de l’interview fleuve d’Emmanuel Macron dimanche soir aura été de démontrer qu’il n’y a aucune différence de méthodes entre le populisme de droite et le populisme de gauche que revendiquent respectivement Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel. Les deux journalistes, qui se targuent d’être l’un et l’autre les plus « grandes gueules » de la place de Paris , ont réussi à faire sortir de ses gonds le Présidents de la République à plusieurs reprises. Notamment lorsque les interviewers ont sciemment assimilé « fraude fiscale et optimisation fiscale ».
C’était à propos de l’affaire Kering, le deuxième grand groupe de luxe français que le site d’information Mediapart dirigé par Edwy Plenel accuse d’avoir « évadé (sic) environ 2,2 milliards d’euros d’impôts depuis 2002, pour l’essentiel au préjudice de l’Italie, mais aussi de la France et du Royaume-Uni ».
De même Emmanuel Macron, comme n’ont cessé de l’appeler pendant 2 heures 40 les deux interviewers - le terme « Président de la République » leur écorche la bouche - a stigmatisé « les insinuations » (sic) de Jean-Jacques Bourdin parlant de son « ami Bernard Arnault », le patron de LVMH , premier groupe mondial de luxe.
Le fiel, l’amalgame et les confusions de termes constituent les procédés favoris du populisme, et l’interview présidentielle de dimanche soir en a apporté la confirmation tonitruante.
Une note du ministère de l’Economie et des Finances
Sur le papier les différences entre « fraude, optimisation et évasion fiscale » semblent évidemment bien tranchées comme l’explique une note du Ministère de l’Économie et des Finances.
Tout d’abord, selon le texte de Bercy, « la fraude fiscale vise à contourner illégalement l’impôt par un comportement volontaire et délibéré. Elle expose le particulier ou l’entreprise à des poursuites judiciaires » est-il souligné.
Toujours selon la même source, « l’optimisation fiscale est un mécanisme d’évitement de l’impôt respectant la légalité. Elle consiste à contourner la législation fiscale ou à en exploiter les failles (niches fiscales ou régimes dérogatoires). ». Et la note de Bercy fait ce commentaire plus ambigu : « Si l’optimisation fiscale n’emprunte pas directement la voie de l’illégalité, elle peut néanmoins être considérée comme illégale dans certains cas précis, en ce qu’elle constitue parfois un abus de droit ou une injustice ».
On notera que le concept « d’abus de droit » appartient au domaine juridique et est bien défini alors que la notion d’« injustice » s’avère beaucoup plus floue et sujette à interprétation.
Troisième point du triangle, « l’évasion fiscale relève à la fois de l’optimisation et de la fraude », selon la définition du Ministère de l’économie et des finances, qui ajoute : « L’évasion fiscale rassemble l’ensemble des comportements des particuliers et des entreprises qui cherchent à réduire le montant des impôts normalement dus. Souvent l’évasion se caractérise par le déplacement d’un patrimoine ou d’une activité vers un pays dont les conditions fiscales sont considérées comme avantageuses (paradis fiscal) ».
Politique fiscale de Macron : qui sont les grands perdants ?
Selon une étude, les ménages modestes et les retraités aisés sont les plus pénalisés par la politique fiscale menée par le président de la République.
Emmanuel Macron, « président des riches » ? Les riches toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres ? Selon les calculs de l’Institut des politiques publiques (IPP), révélés par Les Echos, les classes moyennes et les ménages les plus fortunés sont les grands gagnants de la politique fiscale d’Emmanuel Macron. A contrario, les ménages modestes et les retraités aisés sont les plus pénalisés à cause du quasi-gel des prestations et des pensions.
Selon les économistes de l’IPP, qui tiennent compte des mesures proposées dans le projet de budget pour 2019, la baisse de la taxe d’habitation produit l’effet le plus massif (ainsi que la baisse des cotisations salariales), pour le portefeuille des classes moyennes. Cela compense la hausse de fiscalité énergétique et le gel des prestations sociales. Quant aux plus riches, ils ont largement bénéficié de la réforme de la fiscalité du capital.
« Selon les calculs de l’Institut des politiques publiques, les classes défavorisées sont désavantagées par les deux derniers projets de loi de finances, tandis que les 1% les plus riches voient leur niveau de vie grimper. » via @Challenges https://t.co/4HcJwHLpi4
— IPP (@IPPinfo) October 11, 2018
Les retraités aisés sont les plus pénalisés
Seulement, les 20 % les plus modestes apparaissent comme les perdants de cette politique fiscale, constate le quotidien économique. En cause : la très faible revalorisation des prestations sociales (hors RSA) et des retraites alors que l’inflation repart à la hausse. A cela s’ajoute la hausse de la fiscalité du tabac et de la fiscalité verte qui concernent tout le monde. Les grands perdants sont finalement les retraités figurant parmi les 20 % de Français les plus aisés car, d’après l’IPP, ces foyers perdent jusqu’à 3 % de revenu disponible en deux ans.
Interpellé sur cette évaluation par Les Echos, l’ex-rapporteur du budget à l’Assemblée, Valérie Rabault (PS), a dénoncé la montée en puissance de la fiscalité écologique. Quant à Eric Woerth, le président LR de la commission des Finances à l’Assemblée, il a critiqué un « budget illisible pour les Français » et notamment les « transferts entre catégories de population ».