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Amérique versus le Monde

Dans l’œil du cyclone de la guerre commerciale tous azimuts

dimanche 17 juin 2018

Le samedi 2 juin, Jens Stoltenberg, Secrétaire général de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, levait tout ambiguïté quant au rôle que seraient amené à jouer les É-U dans l’hypothèse d’un conflit entre l’État hébreu et l’Iran. Chose assez surprenante pour être surlignée, Stoltenberg a averti que l’Otan n’apporterait aucun appui défensif à Israël au cas où celui-ci serait l’objet d’une attaque de la part de l’Iran [1]… « Israël est un partenaire, mais il n’est pas membre de l’Alliance [à part entière]… Les garanties de sécurité fournies par l’Otan à ses membres ne s’appliquent donc pas à Israë » [2]. Précisons qu’en 2016 Tel-Aviv avait ouvert une représentation diplomatique au sein de l’Organisation du pacte de l’Atlantique Nord et que du 3 au 15 juin 2018, Tsahal doit participer à de vastes manœuvres qui couvrent l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne, sous le double commandement Otan/États-Unis. Ce simple fait indique l’actuelle hiérarchie des préoccupations géostratégiques américaines qui, a priori se situent à l’est de la Vistule. Reste que l’offensive d’intimidation et de mise au pas lancée tous azimuts par l’Administration Trump - aussi bien contre les rivaux et adversaires des États-Unis que contre ses proches alliés vassalisés sans ménagement dans le cadre d’une guerre commerciale ouverte avec la surtaxation de l’acier et de l’aluminium - ne laisse pas d’inquiéter dans une conjoncture de surtension internationale, en particulier au Levant. Tsahal ne vient-il pas, quelques après la déclaration de Jens Stoltenberg, d’effectuer des frappes vicieuses sur quinze objectifs désignés comme militaires dans la Bande de Gaza. Qui s’en émeut ? Qui s’en indigne ?

Dans l’œil du cyclone

L’œil est cette zone de calme qui sépare le passage de l’un puis de l’autre bord du tourbillon cyclonique. Le calme précède le second assaut de l’ouragan. Suite au retrait fracassant des États-Unis de l’accord dit 5+1 relatif au contrôle international du programme nucléaire iranien civil, le 21 mai, nouvel éclair de foudre dans l’azur tourmenté et strié d’écarlate du Levant… Mike Pompeo annonce des sanctions sans précédent contre la République islamique. De toute évidence il s’agit d’un acte délibéré de guerre économique ouverte ! Peut-on voir là les prémices de l’embrasement du Proche-Orient que tous annoncent et à propos de laquelle le likoudnick Netanyahou piaffe d’impatience ? On se croirait revenu aux mois qui précédèrent la guerre d’agression du printemps 2003 quand les écrans des grandes chaînes de télévision américaines présentaient quotidiennement le baromètre du risque terroriste et du shutdown en préparation (le coup d’arrêt). Conflit désiré pour lequel le Premier ministre israélien ne ménage aucun effort, battant frénétiquement le briquet pour allumer la mèche de l’instable poudrière du Levant : des salves de missiles s’abattent en Syrie à fréquence soutenue sur des positions supposées appartenir aux Gardiens de la Révolution iraniens… Tout en appelant l’Iran à la retenue ! Ces gens ne manquent décidément pas d’air. Ou encore en faisant bombarder à proximité des hauteurs du Golan des dépôts logistiques du Hezbollah libanais. Ce dernier sempiternellement désigné – aussi bien à Tel-Aviv qu’à Washington - comme une faction terroriste à abattre, quoique depuis 2005 il participe au gouvernement du Pays du Cèdres et qu’il ait remporté les premières élections législatives tenues depuis une décennie le 6 mai dernier.

Le 31 mai la présidence américaine en remet une couche avec la surtaxation de l’aluminium et de l’acier européen, mexicain et canadien. De fait, l’Administration Trump s’en prend paradoxalement à ses plus proches alliés et partenaires, menaçant ipso facto la viabilité de l’Alena – le Traité de libre échange Nord-Américain - affichant sa volonté de mettre à genoux l’Allemagne et son arrogant excédent commercial dû en grand partie à l’exportation outre-Atlantique de ses véhicules haut de gamme. Ce qui est en outre visé ? Ce sont indirectement les industries aéronautiques franco-allemandes dont le fleuron Airbus concurrence durement la firme Boeing. M. Macron se rebiffe et trépigne [3] radotant l’habituel mantra : « le nationalisme – économique - c’est la guerre ». M. Mitterrand plus subtil ne parlait lui que de « guerre [économique] inconnue, permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde » [4]. Donc la chose n’est pas nouvelle, elle est seulement entrée dans une phase moins sournoise et plus brutale. Madame Merkel s’insurge et dénonce « des mesures illégales » contraires aux Traités. Pauvre Madame Merkel qui n’en finit pas de tomber de la dernière pluie. Quant à Justin Trudeau, alors que s’ouvre un nouveau G7 au Québec, celui-ci veut engager des « mesures de rétorsion » et couine que M. Trump veut laminer le secteur agricole canadien… lequel certes concurrence durement les entreprises agricoles familiales du Middle West. Au fond, M. Trump, de ce point de vue n’est pas si éloigné que ça du Président Poutine - l’agressivité hégémonique en plus - celui-ci se préoccupant en priorité du sort de ses concitoyens, de redressement économique et de plein emploi. M. Macron devrait en prendre de la graine.

Déclaration de guerre économique au monde

M. Trump a-t-il déclaré la guerre économique au monde ? Assurément la question se pose. N’oublions pas le blocus économique renforcé établi autour de la Fédération de Russie. Mais in fine que veulent donc les Yankees ? Où vont-ils ? Où nous entraînent-ils en créant avec l’Iran une crise qui n’avait pas lieu d’être ? Ou de gravissimes différends commerciaux avec leurs alliés et ce, au plus mauvais moment, dans une conjoncture armée d’instabilité diplomatique détestable ? Le rendez-vous prévu le 12 juin à Singapour avec Mister Rocket Man – ainsi que le désigne D. Trump – alias Kim Jung-un, en vue d’une normalisation des relations entre les deux Corée via un processus de dénucléarisation du Nord, avait été remis en cause par la Maison-Blanche, puis remit à l’ordre du jour à l’issue d’un ping-pong épistolaire assez déconcertant. M. Trump souffle le chaud et le froid et déroute ses adversaires, une tactique au final assez payante puisque l’Amérique est adulée par Wall Street et retrouve la voie perdue du plein emploi… Même si le Venezuela - fournisseur stratégique des États-Unis en pétrole brut avec 750.000 barils/jour – demeure un méchant caillou dans la botte de l’Oncle Sam eu égard aux échecs répétés de renverser de l’intérieur le pouvoir bolivarien de Nicolàs Maduro qui s’avère singulièrement résilient.

À mettre dans le même sac de la montée générales des périls, la décision de Donald Trump de transférer l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, acte pour symbolique qu’il soit, rompt néanmoins le statu quo existant depuis 1949. Une rupture qui met à mal la légalité internationale et s’inscrit à contre-sens des démarches et effort consentis depuis des décennies pour un règlement négocié du contentieux israélo-palestinien. Jérusalem est le cœur palpitant des trois monothéismes et ne saurait être confisquée par le plus sournoisement agressif des trois. Certes cette décision incongrue aux yeux des Européens catholiques que nous sommes, dont les pieds sont baignés par la Méditerranée, Mare Nostrum berceau de la civilisation gréco-latine, répond à une promesse électorale faite à la Bible Belt, autrement dit la ceinture évangéliste où se concentrent les adeptes des différentes Églises réformées pour l’essentielle calvinistes.
L’imposant électorat évangélique américain – composé de quelque 91 millions de fidèles judéo-chrétiens majoritairement sionistes sur 340 millions de citoyens américains – souhaitait et attendait ardemment qu’enfin Jérusalem soit reconnue comme capitale d’un État hébreu rassemblant tous les juifs de planète, condition préalable au retour du Messie. Et pour cause, parce que ces messianistes grand teint sont persuadés que le retour de la totalité des Juifs en Terre Sainte s’accompagnera automatiquement du retour du Messie. Ceci à l’instar de ces Juifs orthodoxes - naguère très hostiles au sionisme - qui se sont convertis au volontarisme messianique [5]. Rejoignant la cause de ces faux laïcs [6] - tout aussi messianistes et qui se rendent assidûment à la Synagogue tout en se déclarant athée comme Éric Zemmour - que sont les adeptes de Theodor Herzl, ceux qui jouent simultanément sur tous les tableaux et s’adossent (tout en récusant la nature religieuse du judaïsme) à la supposée promesse de Yahweh pour revendiquer une terre qu’ils ont annexée de vive force. Des athées tacitement racialistes, tribalistes ou pour le moins ethnicistes, puis que leur Parlement, la Knesset a voté le 1er mai 2018 le caractère spécifiquement juif de cet État d’exception… à tous point de vue (un cas unique dans les annales de la modernité), qui justifient leurs prétentions par un argument archaïque, mais massue, de nature eschatologique. Et personne n’y trouve à redire. Personne ne voit que le roi est nu !

Léon Camus - 3 juin 2018

Notes

[1Associated Press

[2Der Speigel

[3Lire « L’Imposture – La destruction programmée de l’État souverain » JM Vernochet. Kontre Kulture. Mai 2018.

[4Georges Marc Benamou « Le Dernier Mitterrand » témoignage 2005.

[5Sur le messianisme actif lire : Youssef Hindi « Islam et Occident - Sources et genèse messianiques du sionisme, de l’Europe médiévale au Choc des civilisations » Sigest 2015.

[6Les grands militants socialistes de la laïcité tels Vincent Peillon, ancien ministre de l’Éducation, sont en fait, du propre aveu d’icelui, de faux athées militant pour imposer la kabbale judaïque dans la l’enseignement. Voir « La mystique de la laïcité » Youssef Hindi Sigest 2016.

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