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Le général de Gaulle et l’Europe

Pierre Dortiguier

lundi 26 janvier 2009

Les confessions des contemporains de De Gaulle (1890-1970) dissimulent autant la force que la faiblesse d’un homme dont un historien belge a dit qu’il avait été « faux fasciste » et « faux démocrate », car il ne fut point, quoique rendu puissant par la loi et une nouvelle constitution, et enveloppé d’un mythe, soutenu par un mouvement populaire constant. Compte tenu aussi que, s’il y eut bien une doctrine du fascisme, il y eut, en réalité, autant de régimes que de peuples.

Mais ce qui éloignait De Gaulle de la démocratie était une sorte de désespérance de l’homme car il était de formation nietzschéenne, pour laquelle l’Homme, selon le mot de son poème Zarathoustra, du nom de l’antique prophète iranien, n’est pas une fin, mais un pont vers le Surhumain, sous peine de s’éparpiller en des passions vaines. Comme nous l’apprîmes, de sa bouche en 1970, son père était professeur de philosophie à Versailles.

Il y a un paradoxe chez cet homme dont les qualités sont reconnues.

Il était un excellent germaniste, maniait l’allemand avec élégance, estimait son armée. Il honora sa conduite à Stalingrad dans un discours allemand prononcé en Sarre devant des élèves officiers et releva, dans un de ses jugements sur l’Europe, que l’idée européenne était présente chez l’Allemand Charles Quint (1500-1558), le corse Napoléon (1769 –1821) qualifié de « bourgeois catholique italien » par le Rhénan et chancelier d’Autriche, ministre de la co-présidence de l’Union Allemande, Klemens Metternich (1773- 1859).

De Gaulle avait développé une vision catholique sociale, mise en forme par un officier supérieur, ancien prisonnier français de la guerre de 1870 en Allemagne. C’était son camarade de captivité, un ancien de Saint-Cyr, l’officier Albert de Mun (1841-1914) qui apportait une conception neuve et durable de la collaboration de classe, de l’union des catégories sociales.

De Gaulle et sa génération lut le livre « Vers un ordre social chrétien » du lieutenant-colonel François René de la Tour du Pin (1834-1934), natif de Picardie, également élève de l’Ecole Militaire de Saint-Cyr.

C’est en prenant connaissance des pensées et de l’action ouvrière du haut clergé allemand, dont l’évêque de Mayence, Monseigneur de Ketteler (1811-1877), et du parti du Centre, que l’officier en question, attaché militaire en Autriche, approfondit la doctrine sociale autour de penseurs germaniques, créateurs des cercles sociaux qui allaient influencer l’Europe chrétienne et arracher son masque au libéralisme qui s’identifiait, comme encore aujourd’hui, avec tout progrès.

De Gaulle, qui est un homme du Nord par son père, connut ce mouvement, et l’on en retrouve la trace dans sa doctrine de la participation et de l’élection corporative syndicale et provinciale, proche des corps de métiers, qu’il voulait, pour parachever son œuvre législatrice, substituer au Sénat. Ce fut le point qui lui fit quitter le pouvoir.

L’échec d’avril 1969, qui rejeta cette réforme, aura été le coup d’arrêt de l’opposition au libéralisme mondial ou « américanisme » dont la politique étrangère de De Gaulle avait posé les assises. « Ce qui est à l’intérieur est à l’extérieur, il n’y a pas de noyau » selon le vers de Goethe. L’on ne peut en effet séparer la vision sociale de De Gaulle de sa vision générale du monde.

Le malheur de De Gaulle est qu’il n’eut ni un peuple, ni un parti, ni une puissance suffisante pour appuyer de solides intentions sociales et géopolitiques.

Sa formation ou son éducation politique et militaire n’était point européenne et, du reste, peu de Français de sa génération connaissaient l’Europe, à part des exceptions comme le ministre Caillaux qui fut partisan d’un arrêt des hostilités en 1917 et dont l’influence se fera sentir dans les conceptions du chef de l’Etat d’après guerre ; l’Afrique ou les autres colonies leur étaient plus proches.

Ne parlons pas de l’Allemagne ou même de la petite Belgique demeurées pour nos élites une « terre inconnue ».

« C’était la Belle Epoque », a-t-il dit de sa jeunesse, mais justement, précise-t-il, l’ « on ne se développait pas ! »

Et les autres pays, au contraire, en Europe, évoluaient.

Le système social était bien plus développé en Allemagne qu’en France, et les réformes du Front Populaire de 1936 conduisant au désastre financier et à des ruines, étaient en retrait relativement, non pas aux fascismes contemporains, mais déjà à l’Allemagne de Bismarck de 1883 qui avait mis au point les assurances-accidents, au point que l’Allemagne, en pleine seconde guerre pouvait célébrer le cinquantenaire de sa sécurité sociale, ce dont un Breton, que nous interrogions, engagé volontaire comme nationaliste, confirma devant nous, il y a peu.

N’oublions pas qu’en Autriche, un couple de paysans ne passait devant un prêtre que s’il savait lire ! La guerre de 1914 a ouvert les yeux sur l’Europe. De Gaulle fut prisonnier et le choc fut la découverte d’un état d’esprit que n’ont point les élites de maintenant, formées à l’école du profit rapide, à l’ère des Madow, et ce que nous disons de De Gaulle vaut pour Mitterand et autres contemporains.

Que la France ait été nationaliste, soit, mais qui ne l’est pas aujourd’hui ?

Il faut être la Suède pour accepter avec répugnance l’existence d’une fête nationale ! L’Allemagne même, qui vivait dans une mythologie poétique et un fort sentiment de soi, n’avait pourtant pas d’hymne national officiel à l’époque du Kaiser Guillaume, ni l’Angleterre avec la loi de mobilisation générale en 1914 ! Elle y fut contrainte par la guerre ! Cette hypertrophie française de la Nation opposée à l’Europe est constante. Elle explique la ténacité de Clémenceau à poursuivre la guerre en 1917.

Un de mes maîtres de philosophie au Lycée Henri IV qualifiait De Gaulle de « général républicain » et avait, ceci pour l’anecdote, Cohn Bendit, lequel l’avait traité en des termes que condamne la loi « républicaine », en horreur.

Le médecin, Henri Dreyfus-Le Foyer, me montrait à Paris, près de son domicile, rue de Mondovi, le trottoir où Clémenceau posa son pied, et sérieusement rétorqua à son interlocuteur sénateur qu’il refuserait les propositions de paix germano-austro-hongroises : « je m’en fous, je joue la carte américaine » ; deux ans de guerre de plus et une révolution russe à la clef avec des dizaines de millionnaires américains qui nous vendaient acier et autres denrées.

Cette hypertrophie française explique aussi la seconde guerre mondiale, car Pétain était aussi nationaliste que De Gaulle, et tous deux eussent en leur temps approuvé la Grandeur d’un Louis XIV, et mené leurs campagnes, pour le dire à la manière de Descartes dans le discours de la méthode : « en Allemagne, dans ce pays où les guerres n’y sont pas encore terminées ».

Mais alors d’où vient cette idée européenne gaullienne ?

Est-ce de la constatation que Churchill avait faite que « nous avons tué le mauvais cochon » ? De la terreur que le communisme ne s’étende attisé par les armes des Etats-Unis « venues de l’autre côté de l’Océan » pour s’établir brutalement en Asie, comme le dit De Gaulle à Pnom-Pehn ? Il est vrai que l’oppression communiste orientale a eu et possède encore la vertu de susciter le « rêve américain », d’ouvrir la porte à la superficialité matérialiste et sentimentale ?

Ce n’est point par bonté d’âme ou par sensibilité que De Gaulle s’est ouvert à l’Europe. Peyrefitte rapporte ce mot terrible de De Gaulle sur les souffrances des Sudètes dont des centaines de milliers étaient massacrés sur le long trajet vers l’Allemagne, jusqu’en 1949, comme l’étaient au même moment les Palestiniens : « Les Sudètes, je m’en fous. ». Il l’a fait par nécessité mais son esprit s’était, par l’éducation, formé à saisir la réalité durable derrière les bruits de la propagande destinée à ce que le fabuliste La Fontaine nomme dans un Conte, « franche moutonnaille »

« Le monde n’est qu’une franche moutonnaille.
Je le répète, et dis, vaille que vaille. »

Retournons à De Gaulle présentant l’Europe :

« Ainsi serait garantie la sécurité de tous, entre l’Atlantique et l’Oural, et créé dans la situation des choses, des esprits et des rapports, un changement tel que la réunion des trois tronçons du peuple allemand y trouverait sans doute sa chance. » (De Gaulle dans « Mémoires d’espoir » 1970).

Il s’agit de la réunion de l’Ouest allemand, du centre ou Mitteldeutschland (le territoire de l’Allemagne sous administration soviétique, dite inexactement Allemagne de l’Est) et de celle méritant géopolitiquement le nom d’Orientale, juridiquement « sous administration polonaise », y compris le territoire prussien de Koenigsberg « sous administration russe » dont naguère l’Union Soviétique de Brejnev a proposé le rachat au chancelier Kohl.

Nous prétendrions volontiers que De Gaulle a voulu européaniser la France, contrairement à ce que pensent les souverainistes qui voient dans l’idée européenne, et ils n’ont pas tord, un degré d’abandon de la souveraineté ; abandon déjà fait, leur répondra l’Histoire, par l’Allemagne quand la France de Mitterand (1916-1996) lui a demandé de changer son Mark en Euro ! Mais l’Allemagne compte sur sa puissance, sa force interne pour s’affirmer par elle-même, et la France doit imiter cet exemple. En somme l’Europe devait être pour De Gaulle la « boîte à outil » que Merkel indique à Sarkozy !

L’Europe est une ruche, autrefois « la plus belle des Républiques » avant que la France ne devint la « partie se prenant pour le tout » encore un joli mot de Goethe, dit sous une occupation napoléonienne qu’il supportait, et pourquoi, demanderons-nous, alors que l’on trouve jusqu’en Russie des familles germaniques russifiée, et qu’en Pologne les paysans usent de termes allemands pour désigner les ustensiles de la ferme, n’y -a-t-il que peu de Français, alors que les frontières de notre Histoire ont tendance à avancer vers l’Est et non à reculer, si l’on considère les siècles écoulés depuis le premier Bourbon !

N’est-ce pas la perte de puissance qui affaiblit en France le sens de l’Europe ?

Or De Gaulle était attiré par la puissance et non pas l’apparence seule.

La clef de cette ouverture à l’Europe fut d’abord politique. Il y avait, quand il fut appelé au pouvoir par les politiciens en désarroi, une exploitation, et précisons-le, au Maghreb comme en Allemagne, une morgue française, sous couleur démocratique. De Gaulle l’a remplacée par une coopération. Il y a, chacun le constate, comme il l’avait fait et avec lui, tous les anciens prisonniers ayant séjourné dans l’Empire d’Allemagne, un moteur en Europe, il y a une jeunesse au Maghreb. Il fallait, pensait De Gaulle, que cela ne se retournât point contre l’avenir des Français, mais concourut à leur avantage. Il y a des habitudes que ces deux régions possédaient, mais qui sont en horreur à une majorité de Français jusqu’à aujourd’hui : l’organisation sociale allemande, qui jusque dans les années quatre-vingt interdisait la grève dans le domaine public, de la poste, de l’enseignement etc, et la fécondité islamique des familles. Au lieu donc de s’épuiser à lutter, pour profiter de leur domination, contre le Maghreb et le reste de l’Afrique d’une part, et d’autre part d’affronter le voisin européen qui n’avait jamais pu être vaincu par la France seule depuis Napoléon premier, force était de composer, de coopérer, quitte à proposer à l’Allemagne de la représenter politiquement et de lui accorder une liberté indirecte que les Anglo-américains et les Soviétiques lui refusaient.

Ce sera le couple De Gaulle-Adenauer, Schmidt-Giscard, Kohl-Mitterrand et Schröder-Chirac ! La politique africaine, soutenue matériellement par l’Allemagne, particulièrement en Côte d’Ivoire, ainsi que nous eûmes l’occasion de le vérifier avec mon collègue et distingué musicien et germaniste Lien Dang-Van, coopérant vietnamien et camarade d’étude du lycée Henri IV, en était le corollaire.

L’immigration impliquait des accords avec l’Etat fournisseur de ces immigrés. Cette situation permettait à la France de perpétuer des avantages anciens, ceux de son ère coloniale ou de ses réparations en Allemagne, mais de manière durable, justifiable aux yeux des générations qui avaient assisté à la défaite du pays.

L’armement atomique de la France fut l’œuvre des savants allemands prisonniers en France, dont l’un d’eux, connu à Savigny- Sur- Orge, le Professeur Himpan, sudète ( c’est-à-dire Allemand du plateau de Bohème ou Tchéquie), et qui sachant qu’ils étaient sur des listes russes avaient, comme lui, demandé à être transporté en France. Ils exercèrent leur art en Egypte, et naturellement partout, dont dans l’entité sioniste. Je me souviens même, dans les années 1969, que ce même professeur physicien qui racontait avoir eu Werner von Braun sous ses ordres, un temps, avant son ascension favorisée, me dit-il, par Goebbels, avait dû revenir prendre un poste à l’institut polytechnique de Cologne, pour avoir protesté vers la moitié des années soixante de ce qu’un Français voulait signer à sa place un article scientifique du C.N.R.S. « Vous êtes prisonnier » lui avait dit quelque commissaire, réponse qui nous fit perdre un savant, devenu un second Lavoisier interpelé par le nouveau Jean-Paul Marat ( 1743-1793) des années soixante ! C’est cette atmosphère que De Gaulle a purifié, dans le même temps qu’il demandait aux Américains d’abandonner leurs bases, dont la principale à Châteauroux et que l’OTAN s’installait en Belgique !

L’Empire français avait été une force étonnante de plus de deux-cents millions d’âmes, sans lesquelles la France n’eût pu échapper à une défaite pendant la première guerre mondiale, ni les Britanniques ; en revanche la faiblesse de la France militaire fut ressentie en Algérie, en 1918 par exemple, quand les Allemands n’étaient qu’à 25 kilomètres de Paris et que les descendants d’Abd- el- Kader (1808-1883) célébraient l’Empereur Guillaume ou ailleurs dans le Rif marocain, quand Abd El Krim (1882-1963) attendit la victoire allemande avant de se lancer dans la résistance armée contre laquelle le maréchal Pétain fut envoyé.

Cette grande force nationale et coloniale française, pour se maintenir, songeait De Gaulle, devait convertir ses adversaires en coopérateurs et ce fut ainsi que l’Europe servit, sous l’alliance franco-allemande privilégiée, à nourrir la coopération et notre système économique.

Un Mark valait un « nouveau Franc » et si nous avons fléchi, ce fut une baisse ralentie par cet alignement.

Le choix n’est donc pas entre ceux qui sont pour l’Europe et ceux qui veulent la France seule, notion utopique : on ne sépare pas une montagne de son massif ! L’Europe « de l’Atlantique à l’Oural » est, nous l’avons vu, une zone de sécurité donnant sa chance à la réunion, pour user de l’image juste de De Gaulle, des trois tronçons du peuple allemand, découpés depuis la fin de la Première Guerre.

A cela s’oppose l’emprise américaine et celle de ses alliés, en France, et, à l’époque de De Gaulle, la taupe dont on parle tant aujourd’hui, qui s’inquiétait des progrès européens, était le parisien américanophile et sioniste Maurice Schumann, converti à trente ans au catholicisme (1911-1986) (à ne pas confondre avec l’avocat catholique de naissance allemande luxembourgeoise, Robert Schumann (1886-1983) qui fut capitaine dans l’armée impériale et royale pendant la première guerre, élu sur un programme autonomiste alsacien qu’il oubliait arrivé à Paris, et qui vota les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain !).

Les Anglo-américains, dit-on, veulent une Europe : en effet, ils ont favorisé l’Europe du frère maçon Jean Monnet (1888-1979), qui fut à la tête d’une banque américaine et conseiller du frère maçonTchang Kaï Chek et proposa une unité politique franco-anglaise en 1940, car ils ont besoin d’une Europe forte pour leur propre bien-être !

Ce qu’ils refusent, c’est l’Europe politique, et à cet effet, ils mobilisent tous les partis de la gauche à la droite la plus extrême, de Fabius à l’autre couleur du prisme, en y employant naturellement le successeur de Maurice Schumann, qui est Sarkozy-Coppet-Kouchner ! Ils veulent, selon le mot d’Heidegger, une « décapitation de l’Europe », qu’elle se réduise, selon le mot de Paul Valéry, à n’être qu’une « péninsule de l’Asie » et que tout soit un marché où les rivalités tiennent lieu de vie démocratique ! Une Europe hyper-cool, en somme, avec un général De Gaulle, enterré à Colombey, tout aussi respectable que les plages de Normandie où un monument américain annonce « un nouvel ordre mondial », le même marqué sur la version du dollar d’entre deux-guerres. Tout le reste est littérature !

Dans le courant européen, « par les conditions mondiales où elles se trouvent désormais placées » De Gaulle, appuyé sur le rapprochement franco-allemand, qui est la direction de ce courant, a marqué une volonté de réforme des accords de Bretton-Woods établissant en 1944 la suprématie du dollar, et marqué, tout comme l’a fait Franco n’ayant jamais reconnu l’entité sioniste, son hostilité à l’immigration aveugle du sionisme, dans son discours de novembre 1967, et enfin, annoncé un dépassement de la lutte des classes par la concertation : trois raisons de le démonter. Cela fut confié à l’équipe des Cohn-Bendit/Marcuse/Kouchner, des émeutes de 1968, dont l’origine, le déroulement et le but furent au bénéfice de ce que nous voyons maintenant et qui est la saveur amère de notre avenir : une Europe sans Européens, une France affaiblie, un Nihilisme ou abandon de tout effort moral ou métaphysique, de quelque nom qu’on le nomme, partout : des gens qui clignent de l’œil, pour reprendre une image de Nietzsche cité par De Gaulle, lors de l’inauguration de l’aérogare d’Orly, soit une image d’un Européen ! Mais le mot est trop grand pour être entendu des « derniers hommes » davantage occupés à bombarder les fêtes de mariage en Afghanistan ou à tenir des voleurs adoptant une constitution et pourchassant les victimes qui se défendent « et qu’à leur tour ils qualifient de terroristes » (allocution sur l’agression sioniste de novembre 1967) comme « un fait majeur » !

Cette attitude européenne de De Gaulle ne fut jamais comprise par l’ensemble des Français ; nous n’avons point insisté sur la formule connue par laquelle il se moquait des gens qui sautaient comme des cabris en répétant le terme d’Europe ; il avait le sens de la caricature apprécié par un peuple léger, mais qui l’a oublié, à la façon dont le chansonnier dit que la meilleure façon de faire taire une pensée est de la statufier ! Au contraire, la dialectique est l’art de liquéfier les pensées, assure Hegel dans un ouvrage dont je ne conseille pas au lecteur bienveillant de demander à la ministre de la culture ni au chef actuel de l’Etat la référence.

1968 est passé par-là : il a balayé De Gaulle, la culture et déchainé des eaux qui n’auront d’autre barrage qu’une Europe élevée !

Quels furent les adversaires de De Gaulle en matière européenne et géopolitique ? Ils furent très nombreux, dans son propre camp. N’oublions pas que le parisien Pierre Mendès-France (1907-1982) , opposant de gauche, avait été son ministre des finances à Londres, que le montpelliérain, ancien gouverneur d’Algérie, l’ethnologue Jacques Soustelle mort à Neuilly (1902-1990) , son opposant, agrégé de philosophie et ancien élève de l’Ecole Normale, avait été son bras droit à Londres, bref tous ceux qui s’étaient engagés aux côtés des Américains et des Britanniques, en étaient resté à leur point de vue personnel et n’avaient aucune idée, autre qu’électorale, de la France, à leurs yeux une expression civique. Un autre intellectuel représentait cette opposition à De Gaulle, qui lui fut opposé par le clan atlantiste : Jean Lecanuet, sorte de Démocrate- Chrétien, normand bellâtre, qui avait certainement un but bien arrêté, mais manifestement une idée confuse de son rang à l’agrégation de philosophie et des circonstances du concours, ce qui valut une polémique avec l’autre agrégé de sa promotion, l’essayiste et journaliste aujourd’hui oublié, qui défendit De Gaulle et était adversaire de l’Atlantisme, Maurice Clavel(1920-1979) dans « le Monde », et dont l’épouse louchait du côté de la politique israélienne-sioniste, et qui appuiera plus tard Valery Giscard d’Estaing, dont le père, l’inspecteur des finances Edmond (1894-1982), que nous vîmes à l’Institut de France en compagnie de notre défunt maître de Sorbonne René Poirier, fut entre les deux guerres un adversaire, dans les articles du Temps, de l’inflation américaine, ce qui ne fait que mieux ressortir l’ombre et la lumière sur le rôle politique européen de son fils adopté par un certain clan libéral américain et rejeté quand il fut avéré que l’alliance franco-allemande prenait un tour dangereux pour les puissants du jour !

Une réflexion récente de Valéry Giscard d’Estaing, ministre des finances sous De Gaulle et président de la République de 1974 à 1981, nous paraît traduire, pour les générations actuelles, françaises, européennes et immigrées magrébines et africaines surtout, qui sont tenues dans l’ignorance de l’action du De Gaulle indépendant, celui de l’après-guerre, de la fin de la guerre d’Algérie, ce qu’aurait été l’estimation par De Gaulle du rôle ou de l’absence plutôt de l’Europe dans le conflit mondial actuel, identique au deux du dernier siècle ! « L’Union européenne est le premier donneur d’aides à la Palestine. Rien ne l’empêchait dans le conflit israélo-palestinien de décider de continuer d’acheminer sous sa propre responsabilité, son aide humanitaire. Elle ne l’a pas fait. » (Interview dans le Monde du13 Janvier 2009 )

Pierre Dortiguier pour Geopolintel

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