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2020 : New York, Pékin, Delhi et les autres par Jacques-Henri David

dimanche 27 décembre 2015

A quoi ressemblera l’économie mondiale en 2020 ? Quels seront les rapports de forces entre les Etats-Unis, les pays européens, la Chine, l’Inde ? Où seront les grands pôles de croissance ? Ces questions nous taraudent aujourd’hui, alors qu’un vaste débat de société s’est engagé sur la mondialisation et ses conséquences.

Je voudrais apporter ma pierre à cette discussion à partir des résultats d’une récente étude du groupe Deutsche Bank qui analyse les évolutions macroéconomiques des grands continents pour les quinze ans à venir.

Combinant les théories de croissance et une analyse des évolutions actuelles dans les 34 principaux pays du monde, cette étude appréhende les principaux facteurs de croissance et de progrès aujourd’hui à l’œuvre. Elle dresse une carte probable de la situation économique du monde en 2020. Les résultats de ces projections sont fascinants.

En 2020, les Etats-Unis resteront la superpuissance mondiale, avec un PNB global d’environ 17 à 18 trillions de dollars.

Grâce à une démographie dynamique (1% de croissance annuelle de la population), une productivité et une compétitivité parmi les meilleures du monde (actuellement la deuxième mondiale loin devant l’Allemagne [13e] ou la France [26e] selon les statistiques du World Economic Forum), grâce aussi à un effort soutenu de formation, d’innovation et à la flexibilité comme la mobilité de sa main-d’œuvre, les Etats-Unis conserveront une nette avance sur la Chine et sur l’Inde et creusent l’écart avec l’Europe. Avec un PNB/habitant d’environ 55 000 $, le revenu de l’Américain moyen serait en 2020, 1,5 à 2 fois supérieur à celui de l’Européen ; cinq fois plus élevé que celui du Chinois et neuf fois supérieur à celui de l’Indien (environ 6 000 $/h).

La Chine sera indiscutablement la seconde puissance économique mondiale avec un PNB de quelque 14 trillions de dollars, trois fois plus élevé qu’aujourd’hui.

Bien sûr cela suppose qu’au-delà des aléas inévitables à court terme, aucune crise sociale majeure ne remette en cause les dynamiques de long terme : ouverture progressive sur l’extérieur, accroissement de la consommation intérieure, forte croissance des investissements notamment étrangers, ou encore amélioration rapide de la qualification de la population active chinoise (on trouve déjà en Chine les mêmes ingénieurs et techniciens qu’en Occident et en plus grand nombre que dans les grands pays européens). La Chine sera en 2020 encore plus qu’aujourd’hui l’atelier industriel du monde.

Paradoxalement, l’un de ses handicaps sera le vieillissement de sa population, dû à l’impact décalé de sa « one child policy ». Vers 2020, l’âge médian en Chine sera d’environ 40 ans, plus élevé qu’aux Etats-Unis.

La troisième puissance économique mondiale sera l’Inde, loin derrière les deux premières, avec un PNB d’environ 7 trillions de dollars.

L’Inde devrait être le champion incontesté en terme de croissance en raison de sa démographie, le très bon niveau de qualification de sa main-d’œuvre, sa facilité à s’intégrer dans le jeu économique mondial grâce à la maîtrise de l’anglais d’une fraction importante de sa population et grâce aussi à sa maîtrise du développement des technologies de communication, Internet notamment. Si la Chine peut être présentée comme le futur atelier industriel du monde, l’Inde en sera à coup sûr l’une des grandes sociétés de service.

En Europe, l’Allemagne, la France, comme l’Italie et le Royaume-Uni devraient perdre du terrain dans la compétition mondiale avec un PNB par pays de 2 à 2,5 trillions de dollars.

Si les pays européens restent des pays riches en se référant au PNB par habitant (32 500 $ environ), leur poids relatif décline avec leur démographie, et avec la faiblesse de leur croissance (presque 2 fois moins en tendance qu’aux USA). Des pays comme l’Espagne ou l’Irlande connaîtront un développement supérieur à la moyenne européenne, grâce à l’ouverture de leurs économies sur l’extérieur, au dynamisme de leurs investissements, à de bonnes perspectives démographiques et à des politiques d’immigration efficaces. L’Irlande, par exemple, aura en 2020 le second PNB par tête du monde, juste derrière les USA. Le poids accru de ces nouvelles étoiles dans le concert européen ne sera cependant pas suffisant pour compenser le recul des champions historiques qui subiront de plein fouet le poids de charges sociétales lourdes et une démographie déclinante.

Ce constat ne peut nous laisser indifférents et suggère un certain nombre de remarques, il est aussi un appel à l’action. Il y a d’abord une bonne nouvelle : la résilience et la performance des Etats-Unis. En effet, une inquiétude majeure des milieux économiques et financiers aujourd’hui est la montée des déficits américains et la crainte de voir le système monétaire imploser avec une chute accélérée du dollar, qui déboucherait sur une grave crise économique mondiale.

En réalité parce que les Etats-Unis resteront la superpuissance mondiale des 2 prochaines décennies, le dollar a encore de beaux jours devant lui, comme monnaie de réserve internationale et de ce fait, le déficit de la balance courante américaine dès lors qu’il restera maîtrisé, pourra être financé, ce qui devrait nous éviter une crise internationale majeure.

Autre conclusion : les pays européens doivent sans tarder, reconstruire un projet politique pour retrouver une réelle dynamique d’intégration. Sans cela, individuellement, nous serions tous relégués en troisième division. Nous devons tout faire pour inverser les tendances actuelles, en mobilisant nos atouts : nos infrastructures, nos capacités de recherche et développement, nos « rules of law », la profondeur et l’efficacité de nos marchés financiers, l’importance de notre épargne... Nous devons valoriser tout cela au maximum pour compenser nos handicaps : une démographie stagnante et un manque de flexibilité de nos structures sociales.

Pour prendre un seul exemple dans les technologies du futur : nous maîtrisons parfaitement en France les technologies du nucléaire. C’est un avantage considérable, le nucléaire étant le pétrole de demain. Beaucoup d’autres domaines relèvent de la même logique : les biotechnologies, les technologies de la communication et de la connaissance, la pharmacie, la santé, etc. Nous devons nous mobiliser totalement sur ces enjeux à partir de projets européens.

Quels que soient les aléas du processus d’approbation d’une Constitution européenne aujourd’hui en panne, rien n’empêche nos gouvernements de promouvoir des projets concrets, alliant volonté politique et moyens budgétaires. C’est comme cela que seront relancés la dynamique européenne et le projet politique qui nous manquent.

Oserais-je dire enfin que pour surmonter le handicap démographique de l’Europe dans les années à venir, il nous faudra définir et mettre en œuvre une politique d’immigration maîtrisée. Malgré la sensibilité du sujet, nous ne devons pas sous-estimer le rôle déterminant qu’auront à l’avenir les structures des populations, et notamment leur âge moyen et leurs qualifications, dans la croissance des grandes zones géographiques du monde. C’est aussi un des défis majeurs à relever en Europe.

* Jacques-Henri David*
25 Aout, 2005 Président du groupe Deutsche Bank en France.

Jacques-Henri David Le grand banquier devenu petit entrepreneur


YANN VERDO - Les Echos | Le 15/07/2010

A l’âge où d’autres songent à goûter aux plaisirs de la pêche à la truite ou à profiter de leurs petits-enfants, l’ancien grand commis de l’Etat Jacques-Henri David a décidé, lui, d’entamer une nouvelle vie de... petit entrepreneur ! A soixante-six ans, l’ex-président de Deutsche Bank France s’est associé avec le banquier d’affaires Régis Prunier pour créer un nouvel acteur du conseil en fusionsacquisitions à destination des « mid-caps » : Acxior Corporate Finance. La complémentarité entre les deux hommes est un premier gage de succès de l’entreprise : Régis Prunier a apporté son équipe de jeunes loups aux dents longues ; Jacques-Henri David, sa réputation sur la place de Paris et ses nombreuses accointances dans le gotha de la haute finance et de la non moins haute administration. Une notoriété et des contacts qui ne sont certainement pas étrangers à la présence dans le capital d’Acxior d’une maison aussi respectée que Viel & Cie.

Pedigree idéal
Il faut dire que l’homme a le pedigree idéal pour rassurer d’éventuels investisseurs. Polytechnicien, inspecteur des finances, ancien directeur de cabinet d’un ministre de l’Economie, ancien numéro deux de Jean-Louis Beffa chez Saint-Gobain et de Guy Dejouany à la Compagnie Générale des Eaux... La liste est longue des fonctions de tout premier plan qu’il a exercées au cours de sa carrière. Il n’est qu’à voir le nom de ses prédécesseurs immédiats à ses différents postes pour se faire une idée des sphères dans lesquelles a toujours évolué ce petit homme à la courtoisie délicieuse, un brin vieille France : en 1981, il succède à Michel Pébereau comme directeur de cabinet de René Monory ; trois ans plus tard, Roger Fauroux l’appelle aux finances de Saint-Gobain à la place d’un certain Alain Minc ; puis, en 1989, c’est des mains de Jean Peyrelevade qu’il prend les rênes de la Banque Stern, tout juste tombée dans l’escarcelle du géant bancaire suisse SBS. Il est aussi arrivé que cela marche dans l’autre sens : après des années de cours de politique monétaire à Sciences po, Jacques-Henri David cédera son fauteuil dans l’amphi à un autre inspecteur des finances appelé à faire parler de lui : Philippe Jaffré.

De ce long et riche parcours, ce fils d’un professeur de lettres né dans un petit village de l’Allier retient quelques temps forts. Comme son arrivée à la Banque de France en 1968, en pleine crise du SMI qui aboutira à la fin du système de Bretton-Woods - une page qu’il a vue se tourner en direct. Ou les grandes lois de l’ère Monory, telles que la refonte du marché de l’épargne et la libération des prix -souvenez-vous : la fameuse baguette !

Mais deux faits d’armes surtout font aujourd’hui sa fierté. Le premier est la privatisation de Saint-Gobain, qu’il a copilotée avec Jean-Louis Beffa sous le regard attentif de toute la place : première des grandes privatisations du gouvernement Chirac de 1986-1988, elle fut ensuite copiée par toutes les autres entreprises publiques qui se pressaient aux portes du Palais-Brongniart. Son second titre de gloire est plus récent. Comprenant qu’il ne sera pas le successeur de Guy Dejouany à la tête de la Générale des Eaux - J2M était passé par là... -, Jacques-Henri David accepte en 1995 la proposition d’Alain Juppé de créer « la » banque des PME. A partir d’une CEPME en déshérence, il invente le concept de cofinancement en partenariat avec les réseaux bancaires traditionnels et lance la BDPME, devenue depuis Oséo. Un avant-goût de ce métier d’entrepreneur qui est désormais le sien.

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