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Guerre terroriste, France Inter lâche le morceau

jeudi 10 décembre 2015

À toute chose malheur est bon. Après le rouge 13 Novembre, des voix excédées s’élèvent pour exiger la dissolution du Syndicat de la magistrature… Au motif que ce prétendu syndicat n’est pas constitué de magistrats, mais d’idéologues sectaires, de véritables commissaires politiques ! Or voilà que dans le même ordre d’idée, France Inter se lâche et se met à parler vrai. Enfin presque, parce qu’il ne faut pas trop rêver. Ex abrupto, la radio du service public se met ainsi à poser des questions ébouriffantes, c’est-à-dire impensables jusqu’ici sous peine d’excommunication majeure [1] ! Et si ce sont « eux » qui le disent, alors cela vaut de l’or, car ce ne sont plus seulement de misérables conspirationnistes – qui œuvrent lâchement à dénigrer notre si loyale et désintéressée classe dirigeante - mais des stipendiés du pouvoir eux-mêmes. Toutefois gardons la tête froide : ces demis aveux ne sont que des révélations partielles destinées à toujours masquer l’essentiel. Présentation des faits et réécriture de l’histoire qui signalent au final que se poursuit sans relâche un subtil travail de sape et de désinformation de l’opinion… certes maintenant à partir de nouvelles positions de repli.

Extraits du reportage avec commentaires en italiques

« Les Occidentaux ont-ils fermé les yeux sur la montée en puissance de ce groupe terroriste ? A-t-on volontairement ignoré le rôle joué par l’Arabie saoudite et le Qatar [y ajouter évidemment la Turquie – un oubli qui n’est pas du tout anodin] ? Comment expliquer les incohérences de la diplomatie française après le 11 septembre 2001 ? ».

Drôles d’incohérences comme on le voit ensuite : « L’État français a tout coordonné avec les services secrets, manipulant des islamistes comme des marionnettes, et ce dans leur [sic] propre intérêt : changer la Constitution, pour faire et imposer un Patriot Act à la française, comme les américains après les attentats du World Trade Center. Ils se sont servis de Daesh et de ses agents… pour tenter de renverser Bachar al Assad en Syrie ». [Renversant ! Quel prodigieux aveu : l’État hexagonal en tant que parrain de Daech est, par conséquent, lui-même un État terroriste !?]

Remontons en 2003 et à la guerre d’Irak… « Lorsque les américains décident de renverser le dictateur irakien, ils commettent deux erreurs [non pas des “erreurs” mais de froid calculs, totalement délibérés – nous vivons dans un monde de falsification sémantique permanente ou les crimes prémédités sont rebaptisés “erreurs”]. Ils mentent sur les armes de destruction massives et sur les liens supposés entre Saddam Hussein et Al-Qaïda… Pire ils marginalisent les sunnites afin de porter les chiites au pouvoir. Paul Bremer, gouverneur [proconsul] américain à Bagdad, commet une bourde [idem – il s’agit d’une décision parfaitement volontaire prise sur ordre de Washington] qui va jeter des dizaines de milliers de soldats aguerris [500 000 plus leurs familles, soit deux millions de personnes – on remarquera le sens de la précision de deux journalistes réputés pour leur professionnalisme] dans les bras du futur État Islamique… Alain Juillet, ex patron du renseignement de la DGSE, commente : « Brenner fait une erreur colossale. Il donne l’ordre de licencier tous les militaires de l’armée irakienne. Ils partent avec leurs armes, ils n’ont plus rien ni emplois. Cela va créer un ressentiment, une frustration et une haine terrible envers l’occupant et envers les occidentaux »… ». [Le commentaire de Juillet n’est pas non plus totalement exempt de langue de bois puisque l’homme soi-disant le mieux informé de France, parle encore d’erreur de la part de Brenner – cela douze ans après les faits !].

« Les américains produisent donc un terreau de haine, un terreau sur lequel va se développer le groupe terroriste autoproclamé “État islamique” »… [Ajoutons que les cadres de la nation irakienne, les deux millions de militants baasistes sont aussi renvoyés voire traqués dans le cadre d’une politique de débaasification… laquelle rappelle évidemment la dénazification d’après guerre !].

« Sans l’appui des Russes [en dépit d’un net refus de Moscou, échaudé par le coup libyen], l’opération de déstabilisation de Bachar El Assad est donc lancée… pour des raisons économiques liées à l’acheminement du pétrole, mais pas seulement. En effet si l’Arabie Saoudite et le Qatar soutiennent des groupes rebelles c’est aussi dans le but de provoquer la chute du régime laïque syrien et y instaurer à terme un régime islamique extrêmement sévère… telle est l’analyse d’Alain Juillet, cité plus haut » [Nous avons ici un état des lieux particulièrement pertinent : si aujourd’hui, après un an d’inaction et d’esbroufe, Paris commence réellement à cogner sur Daech, ce n’est que pour éliminer les éléments incontrôlables de Daech ; un ménage préalable à l’établissement sur le territoire de l’État islamique d’un Sunnistan – Pays de sunnites – à cheval sur l’Irak et la Syrie ; un moyen de faire éclater ces deux États dans le cadre d’une fragmentation générale impliquant le Yémen et l’Arabie. Un préalable à la recomposition de l’espace géographique du Machrek en vue de la création d’un Grand Israël].

« Les opposants religieux, c’est-à-dire les Frères musulmans - dont le Qatar est un des supports reconnus – et les Saoudiens, vont financer des gens [les islamistes takfiristes] pour réinstaller dans ce pays laïc la vraie religion : la religion vue par les Salafistes [appelons un chat un chat et les terroristes des wahhabites, religion officielle du Qatar et de l’Arabie]… « L’Arabie saoudite, un Daesh qui a réussi » titrait le New York Times - nytimes.com21nov15]. Ainsi se consolident peu à peu deux mouvements terroristes, Daech et Al Nosra, financés par le Qatar et l’Arabie Saoudite, comme le relevait en mai 2015, dans un rapport du congrès américain » [Deux pays étroitement liés aux É-U et à la France, l’un et l’autre finançant les mosquées dans lesquelles sont lancés des appels au djihad avec la criminelle complicité des autorités judiciaires nationales ; on en voit les résultats].

Fin 2011, Paris arme Al-Qaïda sous couvert de l’Armée syrienne libre

« Tandis que Qatar et Arabie saoudite financent les groupes rebelles djihadistes, la France elle, soucieuse de soutenir les forces dites progressistes, soutient l’ASL, l’Armée Syrienne Libre qu’on décrit alors à Paris alors comme une alternative démocratique crédible à Bachar El Assad [en fait ces forces progressistes liées aux Frères musulmans rivalisent largement de cruauté avec leurs homologues takfiristes]. Dès le départ, la France prend fait et cause pour les rebelles contre le dictateur Syrien. « Le départ de Bachar n’est qu’une question de semaines » explique alors Laurent Fabius [qui prenait ses désirs pour des réalités !]. Et en août 2012, lors d’un déplacement à la frontière turque, le ministre des affaires étrangères déclare encore : « M. Bachar El Assad ne mériterait pas d’être sur la terre »… » !

« Officiellement, on livre [fin 2011] des gilets pare-balles, des outils de communication cryptée, des masques contre les armes chimiques, ou des lunettes de vue nocturnes. Dans les faits, ce sont bien des canons de 20 mm, des mitrailleuses, des lance-roquettes, et des missiles antichars que la France livre à l’ASL … Mais on ne sait pas trop dans quelle main elles sont tombées ».

« On réalise en effet aujourd’hui que l’ASL ne pesait rien. Ceux qu’on appelait “les rebelles” correspondaient en réalité à une nébuleuse illisible. Certaines de ces armes sont donc effectivement passées dans les mains de Daech et d’Al Nosra, [le clone d’Al Qaida]. À ce sujet Alain Juillet, n’hésite pas à parler de faillite des renseignements dans ce domaine [ou, insistons de cécité ou pire, de falsification volontaire] ».

Comment expliquer cet aveuglement ?

« La faillite française dans cette affaire est aussi imputable aux intérêts économiques français [à court terme et au prix de flots de sang]. Ryad et Doha sont des partenaires économiques importants pour Paris. Et face à eux Damas ne pèse pas lourd… Alain Chouet, l’ancien patron de la Sécurité de la DGSE qui s’est rendu plusieurs fois en Syrie [en réalité, chef d’antenne, il y a séjourné plusieurs années notamment de 1976 à 1979] se souvient de ce qu’on lui répondait quand il alertait les autorités françaises sur la situation réelle du terrain : « Écoute, tu ne vas pas nous embêter avec la Syrie, ce n’est même pas le PNB de la Slovénie, alors on a mieux à faire avec nos amis qataris et saoudiens » ».

« Cette erreur de jugement [comme s’il s’agissait d’une erreur de jugement et non de choix mûrement réfléchis, non seulement à Paris mais dans tous les “think tanks” bruxellois, londoniens et américains qui décident prioritairement de notre politique extérieure] fait tragiquement songer à une autre, lors de l’intervention en Libye, où la France a commis le même type d’erreur d’appréciation [idem ; si les responsables militaires et politiques commettent à répétition de telles erreurs, ils devraient être démis et traduits devant les tribunaux, non ?]. Au moment où Paris s’engage contre Kadhafi, c’est en réalité le Qatar qui tire les ficelles en s’appuyant sur sa chaîne de télévision Al Jazira. L’ancien diplomate Patrick Haimzadeh en poste à Tripoli au moment des faits témoigne « L’objectif, était de faire sauter Kadhafi. Al Jazira avait dès le départ mis en place une cellule de désinformation pour relayer la parole [des opinion et des témoignages inventés] des Libyens depuis les studios d’Al JAzira à Doha et qui ont notamment évoqué [c’est-à-dire fabriqué de toutes pièces] l’histoire [le bobard] des [faux] bombardements reprise par Nicolas Sarkozy à Bruxelles le 21 Février, 4 jours après le début de l’insurrection, pour déclarer la logique [sic] de guerre contre Khadafi. Or des bombardements, il n’y en a jamais eu » [quel aveu et quel crime !] ».

Quand les Saoudiens changent de stratégie

« À la mi 2013, les saoudiens prennent conscience que les rebelles qu’ils ont aidés peuvent se retourner contre eux… À ce moment-là les plus hauts dignitaires du pays reconnaissent qu’ils ont commis des erreurs [toujours et encore des erreurs]. C’est le cas du Prince Alwaleed Bin Talal. L’un des grands investisseurs saoudiens en France et la vingtième fortune du monde. Il possède entre autres l’hôtel Georges V à Paris et plusieurs à Disneyland. Mais en réalité l’Arabie continuerait indirectement [pourquoi indirectement et pourquoi un conditionnel ? au contraire très directement] de financer DAESH, en achetant son pétrole au marché noir, avec la complicité de la Turquie » [le conditionnel en exprimant une simple hypothèse n’établit pas un fait pourtant parfaitement documenté. Le président Poutine, à la récente conférence du G20 d’Antalya en Turquie, parle de “colonnes de camions citernes longues de plusieurs dizaines de kilomètres” progressant vers la frontière turque. Des colonnes que la coalition anti Daech s’est bien gardée de frapper jusqu’à présent].

Les États terroristes amis privilégiés de la France

« En dépit de tous ces éléments, la France entretient les meilleurs rapports avec ces pays… Hollande s’est rendu dans le Golfe en mai 2015. Il signe avec le Qatar un contrat portant sur la vente de 24 rafales. Et il y a un mois à peine, en octobre dernier, Manuel Valls se rend à son tour à Ryad pour signer des promesses de contrats [à hauteur de 11 milliards d’€, là encore beaucoup d’indécente pudeur dans cette absence de chiffres]. La France n’est d’ailleurs pas seule à avoir joué avec le feu en Syrie… Les États-Unis qui ont déstabilisé l’Irak, les pays du Golfe qui ont financé des mouvements djihadistes [armés par les É-U, l’UE, le RU, Israël, etc.], la France qui a joué les rebelles contre le pouvoir Syrien sans voir qui elle avait en face d’elle. Et la Turquie qui laisse prospérer les trafics sur son territoire [et beaucoup plus encore puis que les hommes et les armes y transitent, que l’on y a découvert des ateliers d’armes chimiques opérationnels avec l’active protection de l’État profond] ».

Conclusion provisoire

« Il est clair que la seule réponse possible est donc politique [il aura fallu quatre ans et demi de guerre atroce pour s’en rendre compte !]. Mais en attendant, depuis les tragiques attentats du 13 novembre 2015 la réponse apportée reste militaire. Or cette campagne de frappes est un remarquable sergent recruteur pour l’État islamique. La campagne aérienne de la coalition a peut-être tué 400 civils, tout ça alimente le ressentiment sur place [est-il ici sous-entendu qu’il ne faudrait rien faire ?]. Aucune solution simple ne semble au moins à court terme se dégager [faux : il n’y aura effectivement pas de solution tant qu’Obama, Hollande, Cameron & Cie imposeront comme condition préalable à tout compromis politique le départ impératif du président Assad]… Reste la question qu’il est temps de poser, celle de nos alliances… Avec notamment le Qatar et l’Arabie saoudite. Peut-on adopter une posture morale lorsqu’il s’agit de Damas et fermer les yeux sur ce que font Doha et Ryad ? Comment peut-on être crédible si l’on fait du commerce avec des pays qui soutiennent un terrorisme que l’on dénonce par ailleurs ? » [Bravo les gars, encore un effort et les écailles vous tomberont peut-être des yeux… sur le Chemin de Damas].

Comprenons en fin de compte que toutes ses révélations que nous livrent ces journalistes fonctionnaires, étaient bien connues dès l’origine. Alors pourquoi maintenant ? Parce qu’il faut faire la part du feu, amorcer un virage et préparer l’opinion à un changement de cap à l’égard de l’Arabie promise désormais officiellement au démantèlement au même titre que l’Irak, la Syrie et le Yémen. Avec ses schistes bitumineux les États-Unis sont quasiment énergétiquement auto-suffisants et le royaume wahhabites qui surproduit et brade son brut à prix cassé fait perdre beaucoup, beaucoup d’argent aux pétroliers américains dont les seuils de rentabilité sont significativement plus élevés. Le pacte du Quincy passé en 1945 entre Ibn Séoud et Roosevelt est à ce jour implicitement dénoncé et Paris, toujours à la remorque est fermement convié à tirer toutes les conséquences de ce nouvel état de fait.

Léon Camus 24 novembre 2015

 

Notes

[1« Daesh : autopsie d’un monstre » Benoît Collombat et Jacques Monin - France Inter 20 nov. 2015 - http://www.franceinter.fr/emission-...

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