En mars 2012 Villepin déclarait sans ambages que « la France doit intervenir en Syrie » ? Citation : « Il faut mettre en place une force militaire avec la Ligue arabe qui a une légitimité et avec une Organisation inexistante, presque immorale, l’Europe… elle est frileuse, elle a peur, elle est minable, elle est misérable. » [1]. Paroles martiales aujourd’hui oubliées. Nous étions alors loin du Villepin qui, au Conseil de sécurité des Nations Unies, le 14 février 2003, disait non à la guerre d’agression - guerre fondée sur les mensonges les plus éhontés - en cours de préparation contre l’Irak baasiste, ancien membre de l’Internationale socialiste. Un “Non” exprimé au nom du Droit et de la légalité internationale qui devait durablement susciter des échos laudateurs et redorer le blason pourtant bien terni de la France, notamment dans le monde arabe… et dans le grand “Sud” ainsi nommé par opposition aux nations dites industrialisées du Nord [2]. Aujourd’hui, l’homme politique qui aurait pu occuper une place éminente sur la scène politique hexagonale, n’eut été l’affaire Clearstream, a apparemment préféré trouver provende à Doha auprès de ses amis Wahhabites, dans le sillage de son ami le président Sarkozy [3]. C’est un choix, mais il engage. Et l’on sait le rôle que joue depuis trente mois, le Qatar et ses $ - de 4 à 5 mds de $ selon les sources - dans la conduite de la guerre de Syrie.
Ce n’est pas la girouette qui tourne mais le vent
L’ancienne figure de proue de la diplomatie française n’étant pas à une contradiction près, ne disait-il pas avec panache, le 13 janvier dernier, à propos de l’engagement de la France au Mali, dans un entretien accordé au Journal du Dimanche ? « Non, la guerre, ce n’est pas la France. Le Mali, pays ami, s’effondre. Les djihadistes avancent vers le sud, l’urgence est là. Mais ne cédons pas au réflexe de la guerre pour la guerre. L’unanimisme des va-t-en-guerre, la précipitation apparente, le déjà-vu des arguments de la “guerre contre le terrorisme” m’inquiètent…Tirons les leçons de la décennie des guerres perdues, en Afghanistan, en Irak, en Libye. Jamais ces guerres n’ont bâti un État solide et démocratique. Au contraire, elles favorisent les séparatismes, les États faillis, la loi d’airain des milices armées… Jamais ces guerres n’ont permis la paix régionale… Pire encore, ces guerres sont un engrenage. Chacune crée les conditions de la suivante. Elles sont les batailles d’une seule et même guerre qui fait tache d’huile, de l’Irak vers la Libye et la Syrie, de la Libye vers le Mali en inondant le Sahara d’armes de contrebande…Un processus politique est seul capable d’amener la paix au Mali. » [4].
Positions qui sont celles de la raison et du bon sens et auxquelles nous adhérons, surtout si l’on remplace au bon endroit, “Mali” par “Syrie” mais qui contredisent le suivisme de mars 2012 en faveur du recours à la force [5]. Plus récemment, fin août, en vertu de l’adage « seuls les sots ne changent jamais d’avis », Villepin se découvrait à présent hostile à une intervention militaire en Syrie, dénonçant la « militarisation des esprits » qui régne désormais en Occident, appelant vigoureusement à une solution diplomatique en Syrie… « Notre vocation n’est pas de punir quiconque par le biais militaire… Il est tentant de vouloir balayer d’un coup de telles horreurs, mais cela ne se fait pas ainsi. La diplomatie en son principe exige de définir une stratégie au service d’une vision. Aujourd’hui, la stratégie est aveugle. » [6]. Entretemps [7] il est vrai, Dominique de Villepin avait découvert que l’on « n’avait pas vu que les Russes s’étaient autant renforcés » [8], ajoutant à quelques jours de là que « la diplomatie française a du mal à trouver sa place » [9]]. On ne saurait mieux dire. Mais qu’attend M. Villepin pour remettre un peu d’ordre dans ce pandémonium, à commencer par lui-même ?
Léon Camus