La Banque de France a terminé l’année 2024 avec un résultat négatif de 7,7 milliards d’euros. En 2023, l’activation de provisions pour risques avait pu éponger la perte opérationnelle de 12,4 milliards. Quelles sont les raisons de cette évolution ? Cette crise de la rentabilité peut-elle être dangereuse ?
Bundesbank, Banque nationales belge, italienne ou hollandaise et même Banque centrale européenne (BCE)... Toutes sont frappées par le même phénomène : après des années de bénéfices, elles enregistrent des pertes et ne peuvent plus rien verser à leurs actionnaires, les États. La Banque de France a rendu public le montant de ses pertes dans son rapport annuel 2024, publié le 19 mars 2025.
Pourquoi la Banque de France a-t-elle enregistré une perte de 7,7 milliards ?
En France, l’État est, comme dans la plupart des pays européens, l’actionnaire unique de la banque centrale. C’est l’État qui la capitalise ou recapitalise en cas d’insuffisance financière et c’est lui qui reçoit ses bénéfices. La dernière fois que la Banque de France a enregistré un résultat net négatif remonte à 2003. En revanche, entre 2004 et 2024, le Trésor a perçu environ 65 milliards d’euros au titre de l’impôt sur les sociétés et des dividendes de la part de la Banque de France.
Depuis 2019, les bénéfices de la Banque de France diminuent sous un double effet :
- baisse de la rémunération des titres dans son actif - la baisse des taux de la BCE pour lutter contre les crises diverses s’est progressivement répercutée sur l’ensemble du stock d’actifs ;
- début de la hausse des taux sur les réserves bancaires, mouvement qui s’est accéléré pour lutter contre l’inflation élevée avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
La fin des taux d’intérêt négatifs incite les banques commerciales à placer leur argent à la Banque de France, qui les rémunère au taux de dépôt de la BCE, remonté jusqu’à 4% en 2023. Ceci a causé une perte opérationnelle de plus de 12 milliards d’euros en 2023 et de près de 18 milliards en 2024. L’activation d’un fond pour risques permet de la réduire à 7,7 milliards en 2024.
Pertes de la Banque de France, un enjeu politique et financier
La politique monétaire étant la même dans toute la zone euro, les résultats des banques centrales évoluent ainsi largement de concert. La Bundesbank a fait état pour 2024 d’une perte encore plus importante que la Banque de France puisqu’elle atteint 19 milliards d’euros.
En théorie, ces résultats ne posent pas de problème. L’objectif des banques centrales de la zone euro est de combattre l’inflation, pas de faire des bénéfices. C’est justement dans le cadre de cet objectif que l’Eurosystème a fortement assoupli sa politique monétaire avant de la resserrer nettement à partir de 2022, puis de la desserrer à nouveau à partir de l’été 2024. Cette politique de stabilisation macroéconomique a contribué à éviter la déflation des années 2010, l’éclatement de la zone euro lors de la crise de la dette et aidé à combattre le choc de la crise sanitaire, puis celui de l’inflation. Mais l’effet de cette politique pèse sur le bilan de l’Eurosystème.
Cependant, quand une banque centrale enregistre des déficits c’est une ressource en moins pour le Trésor qui, pour la remplacer, doit arbitrer entre une hausse des impôts, une baisse des dépenses ou l’emprunt sur les marchés. Il peut même arriver que l’actionnaire principal, l’État, soit amené à la recapitaliser si les fonds propres sont en dessous du niveau réglementaire. Ce n’est pas le cas de la Banque de France, qui, comme les autres banques de l’Eurosystème, a des réserves à faire valoir : son stock d’or s’est nettement valorisé en 2024.
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