Du point de vue du journaliste du Monde, les pays européens sont incapables de se passer des hydrocarbures en provenance de l’Est. Il accuse les pays occidentaux de financer la guerre de Poutine en lui achetant son pétrole et son gaz.
Mais à bien regarder la provenance du gaz et du pétrole, pourquoi risquer de changer les approvisionnements et se risquer à choisir d’autres pays dont on ne peut se fier à leur fidélité comme le Qatar.
Il y a une guerre d’approvisionnement, malgré les efforts de la transition écologique et la diversification des sources énergétiques, le pétrole russe est de loin celui qui possède la meilleure qualité avec un tarif attractif.
Il existes des contrats et des accords qui ne peuvent être cassés devant le droit économique international. L’OPEP s’est donné les moyens à la fois de négocier avec les multinationales pétrolières et d’instaurer des quotas de production visant à redresser les cours du pétrole.
Dans l’échiquier économique, la société Novatek qui est devenue le premier producteur et exportateur de gaz naturel liquéfié russe, notamment grâce à ses méga-projets dans l’Arctique, dont le français TotalEnergies est un partenaire privilégié. Une première usine géante de GNL dans la péninsule de Yamal (Yamal LNG) est entrée en service en 2017. Arctic LNG 2 est le deuxième projet de cette envergure, situé dans la péninsule de Gydan, à une trentaine de kilomètres de Yamal LNG. Il est chiffré par Novatek à 21,3 milliards de dollars (18,7 milliards d’euros). Le Figaro
Le département d’État américain a annoncé le 2 novembre 2023 avoir placé Arctic LNG 2 sur la liste SDN (specially designated nationals) des entités sous sanctions, dans le but de limiter les futures capacité d’exportation et production d’énergie russes. Les États-Unis interdisent à toute compagnie faisant affaire dans leur pays de traiter avec des entités inscrites sur la liste SDN. Malgré le contexte de la guerre en Ukraine, Totalénergies a jusqu’à présent conservé une participation directe de 10 % dans Arctic LNG 2.
Maintenant on comprend l’enjeu du Groenland et du Canada dans la stratégie du président Trump. La bataille sera à la fois sur la stratégie des corridors commerciaux et des sources d’approvisionnement que même Total ne peut ignorer.
La commission d’enquête sénatoriale du mois de juillet 2024 a évoqué « l’évolution des menaces qui pèsent sur la souveraineté énergétique de la France et de l’Europe, de l’évolution de la structure de l’actionnariat de Totalénergies », très tourné vers les États-Unis, « et de la nécessité d’accompagner une major européenne dans ses efforts de transition énergétique ».
Si nos parlementaires écologistes nous poussent à nous éloigner de la Russie et du projet arctique américain, que restera-t-il de nos sources d’approvisionnements ?
Ces tankers hors d’âge permettent à la Russie de vendre son brut à des pays tiers en contournant le plafonnement des prix (60 dollars le baril). Par ce système, « près de 90 % du brut russe se négocie au-dessus de ce plafond depuis mi-2023 », selon l’Ecole d’économie de Kiev, auteure d’un rapport sur la question publié en octobre dernier. Soit, pour l’Etat russe, une belle marge de 10 milliards de dollars, qui alimente l’économie de guerre mise en place par le Kremlin. Quand donc les Occidentaux, qui continuent à acheter - indirectement - du pétrole russe, prendront-ils la mesure de ce problème, pourtant central ? Car la machine de guerre russe dépend pour une large part du prix du baril de brut. Plus celui-ci descend, plus la Russie aura de difficultés à financer sa guerre. Comme l’expliquait récemment un haut diplomate ukrainien, « si le prix du baril descendait à 40 dollars, la Russie serait au bord de la banqueroute en six mois ». Et si l’on commençait par faire respecter le plafonnement du prix du baril, mesure-phare des sanctions occidentales mises en place en décembre 2022 ?
L’Inde joue sur les deux tableaux
Sachons-le, les moyens de s’attaquer à ce trafic inique existent. D’abord, les Occidentaux peuvent immobiliser les nombreux navires pétroliers russes dépourvus d’assurances conformes. Ensuite, ils peuvent menacer d’embargo ou de sanctions secondaires les acteurs (raffineries, négociants) qui, dans certains pays tiers, transforment le brut russe… avant de le revendre aux Européens. En 2023, l’Inde est ainsi devenue le premier importateur mondial de pétrole russe, tandis que ses exportations de produits raffinés vers l’UE ont bondi de 115 % ! Enfin, les Européens pourraient apprendre à se sevrer de cet or noir russe qui permet à Poutine de poursuivre sa meurtrière fuite en avant. En menant par exemple des négociations avec d’autres pays, comme l’Arabie saoudite. Et en arrêtant également d’acheter du GNL [gaz naturel liquéfié] à la Russie.
La France a doublé ses importations de GNL russe
Les importations de GNL russe dans l’Union européenne ont ainsi augmenté de 11 % au cours du premier semestre de 2024 par rapport à la même période de l’année précédente, selon une étude de l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis. Champion toute catégorie, la France, qui a plus que doublé ses importations de gaz naturel liquéfié russe durant les six premiers mois de l’année, tout en baissant ses importations de GNL en provenance du Qatar, des Etats-Unis et du Nigeria ! Un choix difficilement compréhensible, quand on sait à quoi sert l’argent versé à l’Etat russe. La semaine dernière, Moscou a envoyé 370 drones, 280 bombes planantes et 80 missiles sur l’Ukraine…
Charles Haquet