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Gaz de schiste, la grande hypocrisie française

lundi 15 mai 2023

C’est un trou dans la raquette de la stratégie climat du gouvernement. Alors que la production et l’exploitation de gaz de schiste est interdite depuis 2011, son importation, elle, est légale. Légale, mais embarrassante....

Une enquête de Disclose par Alexiane Lerouge et Alexander Abdelilah

C’est un trou dans la raquette de la stratégie climat du gouvernement. Petit rappel, le gaz de schiste est ce gaz souterrain que l’on obtient avec des procédés de fracturation hydraulique extrêmement polluants pour nos nappes phréatiques. interdit, donc, d’en exploiter en France, et partout en Europe. Mais alors que la production et l’exploitation de gaz de schiste est interdite depuis 2011, son importation, elle, est légale. Légale, mais embarrassante. Résultat, lorsque les Alexiane Lerouge et Alexander Abdelilah ont voulu mettre des chiffres sur ces importations de ce gaz, le Ministère de la Transition Énergétique est resté très évasif. Impossible selon lui de déterminer ce qui provient ou non de gaz de schiste dans l’ensemble des importations de Gaz Naturel Liquifié en provenance des Etats Unis.

QL : Sauf que…

Sauf que les deux journalistes ont décidé d’enquêter et de remonter le chemin du gaz avant qu’il ne soit liquéfié…

Alexander Abdelilah : On a essayé de remonter en fait la chaîne des fournisseurs et on s’est rendu compte qu’on tournait assez vite en rond, en fait, que c’était assez opaque et qu’on retombait sur la société de départ au bout de trois ou quatre sociétés. Ensuite, on a changé de stratégie et on s’est dit bon, on va regarder les documents qui sont soumis par les sociétés américaines qui gèrent les terminaux d’export au département de l’énergie américain. Et là, normalement, ils expliquent un peu d’où vient le gaz parce qu’ils ont besoin d’une autorisation pour l’exporter. Et là encore, ce n’était pas clair.Et puis on est tombé sur une déclaration d’un des principaux exportateurs de GNL américains qui s’appelle Cheniere Energy. Et lui. En fait, il expliquait, dans le cadre d’une présentation des résultats de sa boîte, que l un des terminaux d’export se procurait quasiment à 100 % dans une région bien précise des États-Unis en gaz. Et ensuite, grâce à d’autres données publiques, on a pu constater que dans cette région, c’était plus de 90 % de gaz de schiste qui était produit. Et c’est là qu’on a commencé à remonter ce fil.

Grace à ces données en sources ouvertes, les journalistes ont enfin un exemple précis qui identifie la part de gaz de schiste dans les importations français. Alexiane Lerouge et Alexander Abdelilah se penchent ensuite sur le terminal d’export de Cheniere Energy, qui porte le joli nom de Corpus Christi (ça ne s’invente pas), se situe au Texas, et qui contient plus de 90% de gaz de schiste liquéfié. Objectif, identifier les financeurs…

Alexandre Abdelilah : On s’est penché sur les les financeurs de Cheniere Energy et on a trouvé un financement particulièrement problématique qui était en fait un financement, on va dire fléché, c’est à dire dédié à l’extension de ce terminal qui exporte en République 90 % du gaz de schiste. Et dans ce financement là, c’est trois banques françaises qui apparaissent. Donc le groupe BPC ou Banque populaire, Caisse d’épargne, la Société Générale et le Crédit Agricole. Et en fait, ce sont trois banques qui communiquent beaucoup sur le verdissement de leur bilan, sur leur responsabilité sociétale, le fait qu’elle s’engage pour le climat et qui ont aussi pris beaucoup de bonnes mesures ces dernières années. Et pour autant, on les retrouve là dans un deal qui favorise, qui soutient une énergie très, très polluante, très destructrice pour l’environnement. Et là, c’est vrai quand c’est dit oui et là, c’est effectivement un peu un double langage. C’est vrai que pour la Société Générale, c’est particulièrement frappant parce qu’il s’était engagé très précisément à ne plus financer ou soutenir les expansion d’exportation de GNL américain. Donc, c’est vraiment exactement le projet sur lequel on a travaillé.

Du Gaz de Schiste, exporté grâce aux fonds de banques frnaçaises qui s’engage à ne pas en financer, est exporter en France où il est interdit d’en exploiter. Le tableau se dessine. Mais les enquêteurs veulent aller plus loin, et identifier les clients français de ce gaz polluant. Ils recensent entre novembre 2021 et février 2023 pas moins de 45 livraisons de GNL effectuées par tankers entre Corpus Christi et les ports français de Dunkerque (Nord), Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) et Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique).Plus de 4,5 milliards de mètres cubes de gaz naturel liquéfié selon leur estimation…

Alexandre Abdelilah : En regardant un peu qui étaient les clients de Cheniere Énergie, qui donc gère le terminal d’export de GNL Corpus Christi au Texas, on s’est rendu compte que l’un des clients, Cheniere Energy, était Engie, le fournisseur français d’énergie, et on a pu consulter un document interne d’Engie qui montrait que déjà en 2021, il était, il alertait en interne sur le fait que Cheniere n’était pas très transparent sur l’origine du gaz qui était envoyé en France. Engie, l’actionnaire de référence, c’est l’État. (...) Pourquoi c’est gênant ? Parce qu’en fait c’est si vous voulez, c’est contradictoire avec les objectifs climat du gouvernement français, tout simplement. C’est à dire que la France veut être l un des premiers pays à sortir des énergies fossiles, d’après la première ministre. Et en même temps, si on favorise par nos importations ou par nos achats des énergies qui sont particulièrement destructrices pour l’Environnement et c’est le cas du gaz de schiste. Quelque part on annule les efforts qu’on fait ici. C’est en quelque sorte une hypocrisie, c’est à dire à la fois on se repeint en vert ici en disant on interdit le gaz de schiste parce que c’est polluant et de l’autre côté, on importe massivement et donc on soutient l industrie du gaz de schiste dans un autre pays, en l’occurrence les Etats Unis. Donc c’est une hypocrisie parce que le climat et les gaz à effet de serre ça ne fonctionne pas comme ça. Ce qui est émis aux États-Unis aura un impact en France.

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