Geopolintel

L’Europe face à son destin

Le piège du nationalisme israélo-compatible

mardi 2 octobre 2018

Le Brexit, les crises économiques et politiques à répétition que connaissent les pays membres de l’Union européenne, et l’élection de Donald Trump, sont les symptômes avant-coureurs du décès de la globalisation. Ce qui laisse naturellement place à une remontée en puissance de l’idée de nation en Occident.

Dans un article du 14 novembre 2016 – titré « L’élection de Trump : mort de la globalisation et renaissance de la nation ? » [1] – j’annonçais que l’élection du protectionniste et isolationniste Donald Trump à la tête des États-Unis indiquait un tournant idéologique majeur qui aurait à terme un impact, d’une manière ou d’une autre, sur la réalité matérielle, car les structures et l’idéologie qui les sous-tend sont interdépendantes. Et j’ajoutais que cette fenêtre historique qui venait de s’ouvrir offrait à l’Europe une marge de manœuvre qui permettrait éventuellement au continent de s’émanciper de la tutelle américaine et de réorienter sa politique.
J’émettais cette hypothèse partant du fait que les États-Unis sont, dans le monde occidental contemporain, à l’avant-garde idéologico-politique, puisqu’ils sont au centre de la production « culturelle » de l’Occident.

Si le Président américain Donald Trump est favorable à un démantèlement de l’Union européenne (voire de l’OTAN), ce n’est pas uniquement pour servir sa politique relativement isolationniste – Trump a suggéré, en avril 2018, au Président français Emmanuel Macron de quitter l’UE [2] – mais surtout parce que l’oligarchie sioniste et anglo-américaine a pris acte de la renaissance en Europe de l’idée de nation sur fond de décomposition de l’Union européenne.

Aujourd’hui, le danger pour l’Europe n’est pas la montée du populisme et du nationalisme, mais plutôt leur reprise en mains par Israël. La présente analyse exposera comment l’État hébreu, via ses relais aux États-Unis et en Europe, tente de récupérer et détourner la vague souverainiste qui balaye le Vieux Continent.

Vers la fin de l’Union européenne ?

La première fissure idéologique dans l’édifice globaliste a été le Brexit de juin 2016. Je posais alors la question, dans un article du 26 juin 2016 [3] : « La sortie de la Grande-Bretagne de l’Union va-t-elle entraîner un effet domino ? »

L’oligarchie semblait alors commencer à paniquer. Georges Soros avait déclaré (pour ne pas dire menacé) que les Britanniques seraient appauvris en cas de Brexiti (il faut rappeler que ce financier judéo-américain s’était considérablement enrichi, en 1992, en spéculant contre la monnaie britannique). D’ailleurs, dès l’annonce du résultat du vote, la bourse de Londres avait chuté.
Mais, en soit, la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne n’a pas de conséquences directes, car elle n’y avait qu’un pied ; en effet, elle n’a adhéré ni à l’Euro ni à l’espace Schengen. Toutefois, comme je l’expliquais, la crainte affichée des oligarques et des européistes aux ordres venait de ce que pouvait inspirer aux autres peuples d’Europe le Brexit. Et je prévoyais un effet domino s’étendant à toute l’Europe, avec la sortie future de l’Union européenne et de l’Euro d’un important pays d’Europe comme la France ou l’Italie.

Le cas italien

Déjà en 2012, le grand reporter britannique Ambrose Evans-Pritchard, dans un article publié dans le Daily Telegraph[Ambrose Evans-Pritchard, « Mario Monti’s exit is only way to save Italy », 10/12/2012, Daily Telegraph.]], expliquait en substance que le principal handicap économique de l’Italie était l’Euro. Et il appuyait notamment son argumentation sur des chiffres qui ne mentent pas : en terme de revenu par habitant, l’Italie est plus riche que l’Allemagne, avec une richesse privée qui s’élève à plus de 9 000 milliards d’Euros. Elle avait, en outre, le plus fort excédent budgétaire primaire des membres du G7 ; et sa dette, publique et privée, de 265% du PNB, était plus basse que celle de la France, de la Hollande, du Royaume-Uni, des États-Unis et du Japon.

Andrew Robert, de RBS (Royal Bank of Scotland) expliquait quant à lui :

« Les Italiens ont un secteur d’export très dynamique et un excédent primaire. S’il y a un pays dans l’Union Monétaire Européenne (UME) qui bénéficierait d’une sortie de l’Euro, c’est évidemment l’Italie. »

Une simulation de la Bank of America concluait que l’Italie gagnerait plus que les autres membres de l’UME à se libérer et à restaurer son contrôle souverain sur ses politiques.

Evans-Pritchard pointait du doigt Mario Monti, l’homme de la banque américaine Goldman Sachs (pour laquelle il a été consultant) alors président du Conseil des ministres italien (de 2011 à 2013). Le grand reporter expliquait :

« Rome possède une poignée d’atouts. Mais le grand obstacle est son premier ministre, Mario Monti, installé à la tête d’une équipe de technocrates, lors du putsch de Novembre 2011, par la Chancelière allemande Angela Merkel et la Banque Centrale Européenne, sous les applaudissements de la classe médiatique et politique.
M. Monti est peut être un gentilhomme d’Europe mais il est aussi un grand prêtre du projet d’Union européenne et un acteur clé de l’appartenance de l’Italie à l’Euro. Plus vite il partira et plus vite l’Italie cessera de glisser vers la dépression chronique.
 »

La politique d’austérité qu’a mené Mario Monti était totalement injustifiée : une fiscalité de 3,2% du PNB en 2012, et 4,9% en 2013, ce qui a conduit à une contraction de l’économie et une augmentation du ratio de la dette. Résultat de cette politique ? Un taux de chômage qui a atteint 11,9% en 2015.

Ambrose Evans-Pritchard prédisait alors :

« Il serait étonnant que les électeurs italiens tolèrent cette débâcle longtemps ».

Plus récemment, l’économiste américain (ancien économiste en chef de la Banque mondiale) Joseph Stiglitz prédisait, lors d’une interview accordée le 5 octobre 2016 au quotidien allemand Die Welt [4] :

« À moins de deux mois du référendum constitutionnel, crucial pour l’Italie comme pour Matteo Renzi (Président du Conseil des ministres italien de 2014 au 12 décembre 2016), les signaux d’alarme sur un possible « Italexit » (ou d’un « Quitaly ») se multiplient. Ce pourrait être l’événement cataclysmique » qui pulvérisera l’Union européenne. », et il précise ainsi sa pensée « l faut s’attendre à ce que, dans les prochaines années l’Italie quitte la zone euro. Les principaux facteurs économiques responsables de cette débâcle sont l’Allemagne et sa politique d’austérité, ainsi que la monnaie unique, l’Euro. » [5].

Une étape décisive menant probablement à cette sortie attendue de l’Euro a été franchie en mai 2018 avec l’arrivée au pouvoir de la coalition réunissant les deux partis anti-systèmes : le Mouvement 5 étoiles et la Ligue.
Outre les réactions hostiles de la presse ouest-européenne vis-à-vis de ce gouvernement de coalition, l’agence de notation anglo-américaine Fitch Rating (de même que ses consœurs Standard & Poor’s et Moody’s) a dégradé, le 31 août 2018, la note (BBB) de la dette souveraine à long terme de l’Italie, en l’assortissant d’une perspective « négative » contre « stable » auparavant [6].
L’agence de notation dit s’attendre à un relâchement de la discipline budgétaire ; et par « discipline budgétaire » il faut comprendre « austérité économique menant à un appauvrissement de la population »… Ce qui est donc reproché au nouveau gouvernement italien c’est de vouloir mener une politique de relance économique, par une baisse d’impôts, accompagnée de hausses des dépenses sociales.
Les agences de notations ne sont rien d’autre qu’une arme sournoise du système financier international, lequel augmente ainsi les taux d’intérêts sur les emprunts des pays que l’ont veut punir et mettre à genou.

Aujourd’hui, dans la zone euro, seule la Grèce emprunte plus cher que l’Italie, avec un emprunt à 10 ans qui se négociait à 4,29%, le 30 août 2018.

Chose intéressante : le quotidien Corriere della Sera affirmait que le président américain « Donald Trump aurait offert à l’Italie une aide des États-Unis pour financer la dette l’année prochaine ». Des propos qui auraient été tenus lors de la visite à Washington début août, du chef du gouvernement italien Giuseppe Conte.
La visite (fin août) du ministre italien de l’économie à Pékin fait par ailleurs l’objet de nombreuses spéculations sur la demande éventuelle aux Chinois d’une aide financière [7]. Ce qui indiquerait, si l’information est confirmée, une volonté du gouvernement italien de se défaire de l’emprise de la finance judéo-protestante et de sortir de la sphère d’influence géopolitique anglo-américaine.

Tout cela ne peut conduire l’Italie qu’à l’inéluctable sortie de l’Euro. En juillet 2018, un autre économiste, Charles Gave, affirmait avec aplomb :

« L’Italie va sortir de l’Euro. Elle va sortir de l’Euro parce qu’ils (les dirigeants italiens) vont faire l’analyse très rapidement qu’ils ne peuvent pas s’en sortir s’ils ont des taux de change fixe avec l’Allemagne, et donc, qu’est-ce qui va se passer en Italie ? Les deux partis au pouvoir vont demander des choses que l’Europe de Bruxelles ne peut pas accepter. On va donc tout droit vers un clash. Le gouvernement italien à ce moment là démissionnera et fera de nouvelles élections et à ce moment vous aurez probablement un seul candidat pour les deux partis au pouvoir… Et ils auront 90% du Parlement. » [8]

Depuis 2012, les analystes et observateurs cités (et d’autres) arrivent à la même conclusion : l’Italie sortira de l’Euro et la monnaie unique explosera.

Il est par conséquent inconcevable que les tenants du système oligarchique occidental n’aient pas anticipé ces événements.

Le plan B de l’oligarchie euro-atlantiste

La question qui se pose aujourd’hui concernant l’avenir de l’Union européenne avec la sortie italienne de l’Euro se posait déjà au moment du Brexit en juin 2016.

Au lendemain du Brexit, l’on a entendu des responsables politiques déclarer, à l’instar de Manuel Valls que « c’est le moment d’être digne des pères fondateurs, de refonder une nouvelle Europe »[Europe 1, Brexit : « révélateur d’un malaise trop longtemps ignoré au sein de l’UE », pour Manuel Valls.]].
La même année, en novembre 2016, Hubert Védrine (ministre des Affaires étrangères de 1997 à 2002), qui bénéficie d’une certaine crédibilité politique et d’une image de démocrate-souverainiste, a publié un livre au titre explicite « Sauver l’Europe », dans lequel il propose une rénovation de l’Union européenne pour « préserver la souveraineté des nations »…

Sauver l’Union européenne et préserver la souveraineté des nations, c’est là une contradiction politique insoluble.

« La nation renaît, feignons d’en être les instigateurs », c’est ainsi que l’on pourrait résumer l’attitude des tenants du système face à l’inéluctable décomposition de l’Union européenne et la renaissance de l’idée de nation.

La stratégie proposée par Hubert Védrine aux élites, dès 2016, à la suite du Brexit, est la suivante : il préconisait une réconciliation avec les peuples, pour sauver le projet européen et se prémunir de la colère qui gronde.
Dans son livre Sauver l’Europe ! (paru en novembre 2016 aux éditions Liana Lévi), Hubert Védrine proposait un plan, une stratégie, consistant à se réconcilier avec les peuples pour sauver le projet européen et éviter un inéluctable retour de flamme venant du bas de la société. Une colère qui gronde et qui se traduit par des « insurrections électorales » [9].

Hubert Védrine mettait ainsi en garde :

« Le populisme c’est la réaction violente de peuples qui se sentent abandonnés et méprisés… Il faut comprendre les causes du populisme et essayer de les désamorcer. Apporter une réponse raisonnable pour canaliser ces demandes qui, sinon, prendront des formes extrêmes. Mais si le système européen demeure incapable d’entendre ces demandes et de se réformer en conséquence, tout peut arriver…

Le risque de divorce remonte à longtemps. La prise de conscience, pour moi, c’est le très faible score du oui dans le résultat du référendum de Maastricht. Plus tard, il y a quinze ans déjà, lors d’un Conseil européen à Laaken, on reconnaissait déjà que certains citoyens européens avaient l’impression que leur identité était menacée par la construction européenne !

Mon essai Sauver l’Europe ! est un appel pour réconcilier les peuples et l’Europe.
Pour cela, il faut une révolution mentale des élites qui ont voulu faire l’Europe par le haut et à marche forcée. Méditons ce qu’a dit récemment Wolgang Schäuble : ‘‘Cela devient difficile de ne jamais tenir compte des peuples.’’
Les chefs d’État doivent donc prendre une initiative spectaculaire. Il faut montrer au peuple qu’on l’a entendu et pour cela faire une pause. Organiser une conférence refondatrice qui commencerait sans les institutions européennes (Commission, Parlement, Cour de justice). Avec une déclaration solennelle qui affirmerait, en substance : nous ne serons plus une usine bureaucratique, notre principal objectif sera de garantir la survie du mode de vie européen dans le monde. On distinguerait mieux ce qui doit être traité au niveau européen et ce qui relève, encore ou à nouveau, de la souveraineté des États membres. Ce préalable permettrait ensuite l’organisation d’un nouveau référendum, en même temps, dans tous les pays qui accepterait ce processus de relégitimation.
 » [10]

Jacques Attali, qui a visiblement bien reçu le message d’alerte envoyé par Hubert Védrine, a fini par revoir sa copie mondialiste pour l’adapter au contexte actuel.

Jacques Attali actualise sa stratégie

Le 8 juillet 2018 le Cercle des économistes a organisé une conférence intitulée « Vers un choc des nationalismes ? », où étaient invités, entre autres, Jacques Attali et Mario Monti. Conférence organisée pour répondre à l’inquiétude de ces élites qui voient « la construction européenne menacée par le retour du sentiment de préférence nationale » [11].

Signe de cette panique, les déclarations de Jacques Attali lors de cette conférence qui contrastent avec l’idéal mondialiste et l’éradication des identités qu’il préconise depuis des décennies. Ainsi, il propose :

« Il ne faut pas laisser la nation aux nationalistes… La nation c’est le cœur des choses… Je pense que la francophonie devrait être un espace aussi intégré, aussi puissant politiquement que l’Union européenne. On peut appartenir à deux ensembles structurés…  »

Et il termine son raisonnement par cette contradiction dans les termes : 

« La nation n’est pas un obstacle à la globalisation »

Or, la globalisation a pour principe la destruction des nations, ou du moins le transfert de leur souveraineté (politique, juridique, monétaire et militaire) à des institutions supranationales.
La globalisation consiste, en définitive, à faire de la nation une coquille vidée de sa substance.

Israël et l’Union européenne en rupture

Le 11 décembre 2017, la cheffe de la politique étrangère, Frédérica Mogherini, recevait le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou au siège du conseil européen, mais en refusant, au nom des États membres, la reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l’État hébreu. Dans la même journée, Netanyahou a rencontré les 28 ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne pour une discussion durant laquelle le Premier ministre israélien a tenté d’assouplir la position de l’UE concernant la politique expansionniste d’Israël au détriment des Palestiniens. Mais les Européens n’ont visiblement pas été convaincus par l’outrecuidant Bibi ; ce dernier a, suite à ce revers, annulé à la dernière minute la rencontre prévue avec le président de la commission européenne, Jean-Claude Junckeri.

Commentant cet épisode, une source diplomatique a affirmé au journal Times of Israël :

« Netanyahou a le sentiment que c’est une cause perdue. Nous sommes dans une crise très profonde. C’est une crise réelle, authentique. Et si les choses ne changent pas, on va aller très rapidement dans le mur. »

La crise avait déjà atteint un pic en 2015 lorsque l’Union européenne a pris la décision d’étiqueter les produits provenant des implantations coloniales israéliennes. À tout cela s’est ajouté, en 2018, le refus de Bruxelles de s’aligner sur la décision américaine de se retirer de l’accord sur le nucléaire iranien.

Les ministres israéliens, furieux, multiplient depuis lors les attaques contre l’UE, qu’ils accusent de financer le boycott anti-Israël et des organisations liées à des groupes terroristes.

Le diplomate israélien cité précédemment a déclaré à ce propos :

« L’UE défend encore âprement l’accord sur le nucléaire iranien que nous considérons comme une menace existentielle. Comment sommes-nous supposés la traiter ? »

La crise que connaît l’Union européenne et les relations diplomatiques tendues entre Tel-Aviv et Bruxelles conduisent les dirigeants israéliens à faire un choix évident : favoriser des accords bilatéraux passés avec les États-membres au niveau individuel.

Le repositionnement israélien face à la remontée du nationalisme européen

Dans l’actuelle séquence historique, qui tend vers un retour aux nations, Israël s’est repositionné en vue d’accompagner la vague populiste aux États-Unis et en Europe. Plus que cela, l’État hébreu tente de faire une OPA sur le souverainisme renaissant sur le Vieux Continent, souverainisme qui défie l’Union européenne.

La manœuvre de récupération a démarrée dès 2016, comme nous le verrons plus loin.
Et ce processus de récupération est aujourd’hui à un stade avancé, notamment avec un livre écrit par le journaliste israélien Anshel Pfeffer, correspondant de The Economist et éditorialiste au journal israélien Haaretz. Son ouvrage, intitulé Bibi, est une biographie valorisante de Netanyahou, dont Anshel Pfeffer redessine les traits pour en faire un homme cultivé, un brillant visionnaire, un leader mondial et un exemple que suivraient des dirigeants tel qu’Orban, Trump et Poutine[http://www.medias-presse.info/netan...]] .
Dans un entretien - titré « Pour les Trump, Poutine, Orban… Netanyahou fait office de patriarche » [12] - accordé au journal Libération, le journaliste israélien tente de nous faire croire que :

« Pour les Trump, Orban, Salvini, Duterte, Abe ou même Modi et Poutine – toute une génération de leaders qui défient le modèle progressiste occidental fondé sur le respect des droits de l’homme – Netanyahou fait office de patriarche, de modèle. Ils se disent : ‘‘Ce type est en poste depuis si longtemps, gagnant élections après élections, et il fait ce qu’on a toujours voulu faire : dire à la gauche et aux médias d’aller se faire foutre’’. La conséquence, c’est que dans le club des grands de ce monde, les dirigeants à la Macron ou Merkel sont mis en minorité. Il est plus difficile que jamais de peser sur Netanyahou… »

Le but de la manœuvre est de raccrocher au wagon israélien les nations occidentales qui tentent de s’émanciper des structures mondialistes (Union européenne, OTAN…), alors que Netanyahou et son pays sont de plus en plus isolés diplomatiquement, et mis en difficulté sur le plan géopolitique, avec la défaite quasi-totale des groupes terroristes en Syrie et en Irak, et la présence de l’armée iranienne et du Hezbollah à la frontière israélienne.

Mais cette récupération de la vague populiste européenne ne peut pas se faire par Israël seul. L’étude de l’histoire des communautés juives a mis en évidence que leurs élites ont, depuis l’Antiquité, utilisé des tiers, des relais, pour accomplir leur projet eschatologique ; et cette stratégie est aussi usitée sur le court terme, pour prendre le pouvoir politique et économique [13].

Soros/Bannon : une opposition contrôlée

Dans un article du 7 août 2018, titré « Les milliardaires américains s’affrontent pour le contrôle politique de l’Europe » [14], Eric Zuesse rapporte :

« Un concours pour le contrôle politique de l’Europe se prépare entre deux camps américains, l’un dirigé par Soros, établi de longue date, et l’autre mis sur pied par Steve Bannon, l’ancien directeur de campagne de Donald Trump. Soros a longtemps conduit les milliardaires libéraux américains à contrôler l’Europe, et Bannon est en train d’organiser une équipe de milliardaires conservateurs américains pour arracher ce contrôle aux milliardaires libéraux… »

Le 20 juillet 2018, le site américain The Daily Beast se faisait l’écho de cette compétition entre Soros et Bannon pour le contrôle de l’Europe. On y apprend que Soros a « donné 32 milliards de dollars a des causes libérales » tandis que Bannon s’installe en Europe pour créer The Movement, une « fondation populiste, afin de rivaliser avec Georges Soros et déclencher une révolte de droite à travers le Continent ».
Interviewé par le Daily Beast, Steve Bannon a déclaré qu’il était en train de créer une fondation en Europe appelée The Movement qui, espère-t-il, mènera une révolte populiste de droite à travers le Continent à partir des élections du Parlement européen au printemps 2019 [15].

Steve Bannon serait alors en mission sur le Continent européen pour mener les partis politiques populistes et anti-systèmes d’Europe dans une lutte finale contre le mondialisme.
Depuis le premier trimestre 2018 il fait le tour des pays européens pour coordonner les partis populistes en vue des élections européenne à venir. Ainsi, il fit une grande tournée, en Italie, en Suisse, en Allemagne (pour rencontrer la droite alternative).
Il s’est aussi rendu, en mars 2018, au congrès du FN, où il a rencontré Marine Le Pen ; et à cette occasion il a déclaré à propos de Marion-Maréchal : « Elle n’est pas simplement une étoile montante en France, elle est l’une des personnes les plus impressionnantes au monde ». [16] Une façon d’expliquer à sa tante, Marine, que l’oligarchie qu’il représente en Europe lui ordonne de s’écarter gentiment au profit de Marion.

Bannon nous est présenté comme une sorte de philanthrope de droite, nationaliste, opposé au philanthrope libéral, internationaliste, Soros.

Mais celui qui a étudié l’histoire du rapport dialectique entre capitalisme et communisme, verra aisément dans cette lutte entre les réseaux de Soros et ceux que représente Bannon une opposition contrôlée.

Qui est Steve Bannon ?

Bannon est un ancien officier de renseignement dans la Marine, qui a eu une grande carrière dans la finance, notamment au sein de la banque américaine Goldman Sachs, pour finir producteur dans le cinéma et la télévision [17].

Il fut le président exécutif (de 2012 à 2016, puis du 18 août 2017 au 9 janvier 2018) du média américain Breitbart News, lequel ambitionne, paraît-il, de « remplacer Fox News » [18].

Breitbart, le média de l’alt-right (droite alternative), fut fondé en 2007 en Israël. Et à ce propos, le consultant stratégique, André Archimbaud, explique :

« Bannon a relancé Breitbart, organe conçu en Israël pour les États-Unis avec la bénédiction de Netanyahou afin d’utiliser, à droite, les méthodes de disruption de l’extrême gauche »

D’ailleurs, Breitbart a lancé, le 17 novembre 2015, le site Breitbart Jerusalem, qui traite de l’actualité israélienne et proche-orientale.

Bannon et le lobby pro-israélien

Alors que durant la campagne électorale de 2016 Steve Bannon (qui était directeur de campagne de Donald Trump) se voit accusé d’être antisémite, la Zionist Organization of America (ZOA) prend sa défense.
Dans un communiqué publié sur son site internet, Morton A. Klein, le président de ZOA, déclare, en réponse à l’Anti-Defamation League (ADL) :

« Steve Bannon est un patriote américain qui défend Israël et qui a une profonde empathie pour le peuple juif… Le site Breitbart News de M. Bannon lutte courageusement contre la haine du Juif et d’Israël…
Est-ce que les extraordinaires conseillers pro-israéliens de Trump, tels que Newt Gringrich, Rudy Giuliani, Mike Pence, Mike Huckabee, Sheldon Adleson, et le gendre juif de M. Trump, Jared Kushner, ou David Friedman, et Jason Greenblatt, permettraient à un antisémite et anti-israélien de travailler avec eux ? Est-ce qu’Ivanka Trump, convertie au judaïsme et dont les enfants vont à l’école juive orthodoxe, permettrait à un antisémite de travailler avec son père ? 
 » [19]

L’Anti-Defamation League, qui a accusé Bannon d’être antisémite, est une organisation juive américaine fondée par la loge maçonnique juive B’naï B’rith (Les enfants de l’Alliance). Cette organisation, qui est l’équivalent américain de la LICRA, se charge de « soutenir les Juifs contre toute forme d’antisémitisme et de discrimination ». L’ADL, qui combat « l’extrême droite », serait, en France, classée à la gauche du spectre politique.

Dans ce jeu d’opposition contrôlée, les juifs libéraux (à gauche) diabolisent Bannon, tandis que les juifs conservateurs (à droite) le soutiennent et le défendent. C’est ainsi qu’on borde la voie et qu’on maintient sous contrôle un pion qui aurait des velléités d’indépendance… S’il venait à l’esprit de Steve Bannon de s’émanciper, ses soutiens juifs de droite le jetteraient en pâture à l’ADL et aux grands médias américains.

Steve Bannon a participé, en novembre 2017, à la conférence de la ZOA durant laquelle il a déclaré :

« Je ne suis pas un modéré, je suis un combattant. Et c’est pourquoi je suis fier de soutenir l’État d’Israël. C’est pourquoi je suis fier d’être un sioniste chrétien. » [20]

Il a aussi profité de l’occasion pour remercier Sheldon Adelson qui a « conseillé et guidé Trump pour surmonter le scandale sexuel » qui l’a touché en pleine campagne électorale. Adelson, qui se trouve être également le principal financier de la ZOA [21].

Sheldon Adelson est un milliardaire juif d’origine ukrainienne. Il est roi des casinos, un des hommes les plus riches des Etats-Unis ; il est un ami proche de Benjamin Netanyahou, et un des principaux donateurs du parti républicain et de la campagne de Donald Trump : en 2016, il a versé 80 millions de dollars au parti républicain, et 25 millions pour la campagne de Trump. [22]

Une des raisons pour laquelle Bannon se montre si reconnaissant :

« La victoire de Trump à l’élection ne serait pas advenue sans Sheldon Adelson. »

Toujours à la conférence de l’organisation juive sioniste, Bannon tint des propos contre l’establishment et la « global class » (l’hyper classe mondiale) :

« Nous menons un mouvement insurrectionnelle contre l’establishment républicain, contre la classe mondiale permanente à Washington »

Bannon s’oppose verbalement à l’hyper classe, dans une organisation de l’hyper classe… C’est un peu comme si un commissaire politique soviétique tenait des propos anticommunistes devant le Politburo.

En toute logique, comme le rapporte le Times of Israel, « cette phrase n’a pas reçu d’applaudissement de la majorité de l’assemblée juive » [23]. Assemblée qui devait se sentir visée.

Sheldon Adelson n’était pas présent à cette conférence où Bannon lui a rendu ce vibrant hommage. Son absence s’explique sans doute par une volonté de ne pas apparaître comme un soutien de Bannon dans le combat que mène ce dernier contre des élus républicains.
Le site américain Politico rapportait (le 13 novembre 2017) que Sheldon Adelson ne soutiendrait pas Bannon en 2018 dans les élections (qui auront lieu le 6 novembre 2018) de mi-mandat (élections des deux chambres du Congrès) contre les Républicainsi.

Mais depuis lors, Steve Bannon est concentré sur le projet de coordination des partis populistes européens.

Israël derrière « The Movement » de Steve Bannon

The Movement a été fondé dès le 9 janvier 2017 [24] - alors que Bannon occupe le poste de conseiller du président des États-Unis à partir du 20 janvier 2017 – à Bruxelles par Steve Bannon et Mischaël Modrikamen, qui en est le directeur exécutif [25].

Mischaël Modrikamen est un avocat et homme politique belge qui a créé en novembre 2009 un parti politique, le Parti populaire, qui se situe à la droite de l’échiquier politique, plutôt sécuritaire et anti-immigration mais ultra-libérale sur le plan socio-économique.

Le vice-président du Parti populaire est Joël Rubinfeld, ancien secrétaire général des amitiés belgo-israéliennes, et ancien président (de 2007 à 2010) du Comité de coordination des organisations juives de Belgique (CCOJB) [26]. Il est aussi membre fondateur et président de la Ligue Belge contre l’Antisémitisme, vice-président du Congrès Juif Européen (EJC) en 2009 et 2010 et co-président du Parlement Juif Européen (EJP) de 2012 à 2014 [27]. L’on peut d’ailleurs trouver une photo de Joël Rubinfeld, tout sourire, aux côtés d’Avigdor Liberman (l’actuel ministre israélien de la Défense) [28].

Mais revenons à l’associé de Steve Bannon, le véritable fondateur de The Movement, Mischaël Modrikamen.
Il fut, de 2000 à 2003, le président de la Communauté israélite libérale de Belgique. Durant cette période, il fut l’avocat de la communauté juive dans les négociations sur les biens spoliés sous l’occupation [29] . Au terme des négociations, les banques, les assurances et l’État belge ont versé plus de 100 millions d’euros aux survivants juifs des déportations naziesi.
Information que je livre au passage : M. Modrikamen a été inculpé, le 25 mars 2010, pour faux et blanchiment [30], dans le cadre de la faillite de la société Donaldson dont il présidait le conseil d’administration.

Mischaël Modrikamen est un agent d’Israël en Europe et un relais de la propagande sioniste.

En décembre 2016, il participe à l’International Leaders summit à Jérusalem ; il fut reçu, en tant que président du Parti populaire, avec sa délégation, par le chef du Shomron (Samarie) Council et à la Knesset (le Parlement israélien)ii.
À cette occasion, Modrikamen tint un discours qui témoigne bien de la stratégie sioniste de récupération de la vague populiste en Europe :

« On me traite de populiste, cela ne me dérange pas. Le populisme c’est exprimer ce que les gens ordinaires souhaitent… Les élites ne se rendent pas compte de ce qui se met en place au niveau mondial. Le Brexit et Trump ont montré la voie. C’est une vraie révolution qui est en marche ! 

Nous sommes des citoyens du monde et nous ne rejetons personne, mais nous voyons que nous ne sommes pas souvent respectés dans nos pays et dans le monde. Cela nous fait un point commun avec Israël, souvent critiqué par des gens qui n’y ont jamais mis les pieds et se laissent intoxiquer par les médias occidentaux. Non, ce n’est pas un pays en guerre perpétuelle. Beaucoup de gens y vivent et travaillent normalement, Israéliens comme Palestiniens. Tout ne se résume pas à la situation à Gaza. Nous avons beaucoup à apprendre de ce pays, dans la lute contre le terrorisme, mais aussi en matière économique. »

Lors de ce sommet, co-organisé et dirigée par Yasmine Dehaen, qui se trouve être l’épouse de Mischaël Modrikamen, on trouvait des participants américains, belges, indiens, israéliens, et anglais ; des partis eurosceptiques comme le UKIP de Nigel Farage étaient également présents.

Je rappelle ici que le principal financier du parti UKIP de Nigel Farage est Richard Desmond, un millionnaire juif anglais, détenteur, entre autres, du journal Daily Express, de OK magazine et de chaînes de télévision pornographiques. Précisons aussi, qu’il apportait son soutien financier au parti Travailliste puis au parti Conservateur avant de se tourner vers le parti de Nigel Farage, afin de prendre le contrôle de cette opposition. D’ailleurs, Richard Desmond avait maintenu l’ambiguïté en déclarant, en 2015, qu’il était favorable au référendum mais qu’il ne savait pas s’il voterait pour ou contre [31].

Le sommet à Jérusalem a été l’occasion, pour les participants, d’exprimer, comme le rapporte Didier Swysen (envoyé spécial à Jérusalem), leur défiance vis-à-vis de l’Union européenne – conformément au repositionnement israélien que j’ai décrit précédemment – et d’ajouter : « Ils ont appelé au respect de l’État de droit trop malmené au goût des orateurs, s’inquiétant de la lutte contre le terrorisme et des flux migratoires incontrôlés, chevaux de bataille du Parti populaire et de ses alliés européens. »

Et le sommet s’est terminé par la signature de la « Déclaration de Jérusalem », un document qui, selon les termes de M. Modrikamen :

« Réaffirme l’État de droit, la libre entreprise, les taxes sous contrôle, la défense des valeurs de la société occidentale ou la lutte contre l’islam radical »

C’est donc à Jérusalem qu’a été officiellement élaborée la nouvelle stratégie attribuée à Bannon, et ce, le mois précédant la création de The Movement. Une stratégie qui ne vise pas à émanciper les peuples d’Europe, mais à les ramener dans l’escarcelle israélienne.

Tel est le piège tendu aux peuples d’Europe.

Youssef Hindi

Notes

[9Le Monde, « Hubert Védrine : ‘‘L’ère des insurrections électorales’’ », 11/11/2016.

[10Le Figaro, « Hubert Védrine : ‘‘Après le coup de gong, que faire ?’’ », 12/13 novembre 2016.

[13Cf. Youssef Hindi, Occident & Islam – Tome II : Le paradoxe théologique du judaïsme. Comment Yahvé usurpa la place de Dieu, 2018, Sigest, chapitre IV.

[17Cf. André Archimbaud, « Présent au congrès du Front national, Steve Bannon construit patiemment son International populiste », Boulevard Voltaire, 10/03/2018.

[18L’Observatoire du journalisme (OJIM), 15/09/2017.

[31Henry Mance, Ukip donor Richard Desmond unsure over EU exit, FT.com, 12/06/2016.

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