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Brexit Apocalypse

Léon Camus

jeudi 30 juin 2016

Rien n’y a fait. Les résident du Commonwealth ont pu voter, les Pakistanais, les Australiens, les Néo-Zélandais, les Canadiens - mais pas les ressortissants européens – cela n’a rien changé au verdict des urnes. Les Brits ont claqué la porte de l’Union. La finance se déclare assommée, les bourses chutent, 8% à Tokyo, la Livre Sterling dévisse, le Premier ministre Cameron démissionne (annonce sa démission pour octobre, qui vivra verra), le Cohn-Bendit anglais Boris Johnson se tient en embuscade prêt à forcer la porte de Downing Street, le Hollandais Geert Wilders demande un référendum de sortie, le Front national également. En Irlande du Nord, le Sinn Fein veut une Irlande réunifiée et les Écossais veulent rejouer leur votation pour ou contre l’indépendance afin de rester dans le giron bruxellois. Dans ce cas de figure, le Royaume-Uni serait menacé d’éclatement. L’apocalypse vous dis-je !

Alors l’apocalypse ?!

Et l’on est en effet presque certain que le ciel nous est tombé sur la tête quand radios et lucarnes nous assènent avec des trémolos pathétiques que les étudiants paniquent à l’idée de ne plus pouvoir circuler, que les retraités exilés ignorent s’ils pourront encore vivre dans leur pays d’accueil, que les 300 000 français présents à Londres s’inquiètent de leur sort, que les agriculteurs se demandent s’ils toucheront encore de grasses prébendes bruxelloises et que les transporteurs routiers s’alarment à propos de la circulation des marchandises… Ou pire, que selon un sondage irrécusable, « un cinquième des dirigeants d’entreprises britanniques envisagent de délocaliser une partie de leur activité » [1]. La presse joue excellemment sa partition dans le grand concert de l’intox et ajoute de la confusion à la confusion en mettant sur le même plan l’ouvrier agricole polonais immigré européen et le demandeur d’asile érythréen. La messe est dite. En tout cas une chose est vraiment sûre, les chefs d’État occidentalistes serrent les fesses en craignant l’effet domino !

Donc rien ne va plus. Que faire ? Paris préconise l’application dare-dare l’Article 50 – une demande qui reste néanmoins du ressort exclusif de Londres - pour évincer les Rosbifs et ce, afin d’éviter l’effet de contagion. Il faut couper le mal à la racine, tout de suite, sans barguigner. À Berlin autre son de cloche, il faut utiliser à plein le délai de carence qui est de deux ans, faire traîner les choses. Quelques-uns avancent que dans huit ans cette sortie manquée sera toujours au point mort. Le temps de voir venir. D’ici là de l’eau aura coulé sous les ponts. Les uns jouent le chronomètre, l’atermoiement, les autres le divorce au galop.

D’autres encore, plus proactifs et moins résignés, veulent faire revoter les mal-votants. Il est bien connu que lorsqu’un vote ne plaît pas, l’on renvoie le peuple aux urnes et à son sens du devoir européiste. Les Irlandais qui ne voulaient pas de l’avortement en savent quelque chose, parce que pour pouvoir bénéficier de la carotte des aides européennes il leur faudra certainement passer très bientôt sous les fourches caudines du formatage politiquement correct comme l’exigeaient encore le 17 juin dernier, les Nations Unies et Bruxelles. En 2015, les Irlandais avaient déjà consenti, plus ou moins contraints et forcés, à de substantielles concessions avec l’adoption du mariage homosexuel. Mais ce n’est pas suffisant, il faut aller plus loin, la manne céleste est à ce prix. Et ils n’ont pas été ni ne seront les seuls à se coucher devant les oukases du soviet bruxellois. D’autres encore font circuler des pétitions dont la masse pharamineuse de signatures recueillies en un temps record a aussitôt suscité des doutes. Et il est apparu que des robots graphomanes se chargeaient de remplir les cases… 3 millions 70 000 signatures en moins de 48 heures, excusez du peu [2] !

Détramage accéléré : le rêve d’un Grand Chelem

De l’autre bord, beaucoup attendent avec un optimisme débordant, mais peu réaliste, le Grand Chelem qui en 2017 verra en France l’arrivée aux Affaires du Front national ; Donald Trump [3] succédant à Obama malgré les multiples embûches semées sur son chemin ; les Hongrois sous la houlette de Viktor Orban fermant hermétiquement leurs frontières ; la Slovaquie [4] s’émancipant à son tour en compagnie du Danemark à l’instar de la Hollande et de la Finlande ; la Grèce envisageant à nouveau un Grexit, et peut-être aussi l’Italie, et pour finir, l’élection finalement annulée d’un « Vert » anonyme à la présidence autrichienne. Il est vrai que le détramage européen peut aller très vite d’où le débat stratégique en cours à Bruxelles et à Luxembourg pour tenter autant que possible de limiter la casse.

Au demeurant, il est loisible de voir dans ce Brexit la revanche du « pays réel » insulaire contre le « pays légal » siégeant à Bruxelles ainsi que le voudrait l’éloquent Nigel Farage, président de Ukip… celui que les médias vomissent en silence tout en finissant, volens nolens, par en admettre l’existence. Et qui en toute logique devrait succéder à Cameron… si les règles du bon sens et de la bienséance prévalaient encore de nos jours. Farage qui dit commencer « à rêver d’un Royaume-Uni souverain », sonnant ainsi « la victoire des gens authentiques, des gens ordinaires ». C’est cependant quelque peu s’aveugler et oublier qu’une partie de la City a joué le Brexit… Nombre de compagnies d’assurance, de fonds spéculatifs (hedge funds), la banque juive (les établissements financiers protestants et les banques de dépôt s’étant prononcés plutôt en faveur du maintien) ne seront certainement pas mécontents de sortir du carcan réglementaire de l’Union afin de se lancer seuls dans la course au marché mondialisé. George Soros, toujours prévoyant ne s’était-il pas prémuni contre le risque de sortie en investissant dans l’or, les métaux précieux et leurs produits dérivés ?

Le candidat Républicain Donald Trump commentant le Brexit, affirme, au contraire de la classe occidentaliste quasi unanime qu’il s’agit d’« une grande chose » et que la baisse de la Livre sera propice aux entreprises britanniques exportatrices. Ajoutant « fondamentalement, ils (les Brits) ont reconquis leur pays »… « les gens sont en colère dans le monde entier… en colère au sujet des frontières, en colère sur les gens qui entrent… et prennent le dessus, et personne ne sait qui ils sont… en colère contre beaucoup, beaucoup d’autres choses ». Concluant que la rupture initiée au Royaume-Uni a vocation à faire tache d’huile : « Ce n’est pas le dernier (appelé à retrouver son indépendance) ». Et CNN de titrer : « Le Brexit annonce-t-il l’élection de Donald Trump ?  ». Acceptons en l’augure.

LC 27 juin 2016

Notes

[1AFP27 juin16

[2N’importe qui pouvant signer avec un code postal britannique bidon. On relève 40 000 signatures en provenance du Vatican et 22 000 de la Corée du Nord. Décidément les manipulateurs et intimidateurs européistes en reculent devant rien [europe-israel.org/2016/06/brexit-la-petition-demandant-un-autre-referendum-manipulee-elle-aurait-signee-a-la-chaine-par-des-robots].

[3Trump était présent le 23, jour du vote pour le Brexit en Écosse où il inaugurait un parcours de golfe. Intuition et/ou pari, toujours est-il qu’il faut peut-être voir dans cette visite impromptue un signe prémonitoire de vastes changements politiques géopolitiques à venir.

[4Paradoxe et/ou signe des temps, la Slovaquie candidate potentielle à l’émancipation doit le 1er juillet prendre la succession des Pays-Bas à la tête de la présidence tournante du Conseil de l’UE pour la durée du deuxième semestre 2016.

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