Ringardise, roublardise et méga jackpot
Pour me rassurer et me convaincre que je n’étais pas tout à fait un vieux croûton – tant les années passent et que le fleuve de l’existence nous roule et nous charrie sans ménagement – je me suis rendu sur le site de référence « Allociné » [2] qui publie les commentaires des cinéphiles, du plus laudateur au plus sévère, pour y constater que nombre d’aficionados de la saga se montraient reluctants à gober la nouvelle marchandise… En résumé, quelques avis au picrate tirés des 371 – sur 3211 - critiques les moins amènes publiées par le site le 3 janvier 2016. Laissons-leur la parole, démocratie oblige : « Une resucée intégrale des épisodes précédents... Un plagiat raté de la première trilogie jusque dans ses plus infimes détails, ce qui en fait une œuvre quasi parodique… Le film est essentiellement constitué d’une série de séquences calquées pour beaucoup d’entre elles sur des scènes cultes des précédents mais sans en avoir l’intérêt, pire, elles sont nettement en dessous des originaux… Un film sans inventivité, fait pour récolter de l’argent… Plus ça nivelle par le bas, plus ça paye… C’est un navet, de luxe, mais un navet quand même. ». En résumé « rien ne rachète ce film. Pas même les décors ou la musique. C’est grâce à un film comme celui là que l’on se rend compte à quel point les critiques sont des vendus. J’ai pleuré à la fin de la séance tellement j’ai trouvé ça mauvais. ». Vox populi, vox dei.
Signalons le commentaire d’un certain Yann D. dont nous extrayons ce passage : « Et que dire de la salle qui, au générique final, applaudissait… j’ai eu l’impression qu’on enterrait la république du rêve par une dictature, et sans plus aucune résistance, mon dieu que ça fait mal d’entendre une foule satisfaite d’avoir été à ce point insultée... “Insulte” est le mot, car il n’y a rien à sauver, rien, dans cet opus cynique et lâche. Dès le générique on se prend à frissonner d’une médiocrité qui pointe déjà le bout du nez… L’espoir dure dix minutes, le temps que les nouveaux “acteurs” ouvrent la bouche, et là, catastrophe, un concours de transparence, de dialogues ridicules, de regards bovins, de lissage tout azimut... Comment est-il possible que ces ombres de comédiens aient été choisis parmi pléthore de talents qui ne demandait qu’à ? Incompréhensible. Et ce n’est malheureusement pas les anciens qui sauvent ce naufrage, entre un Han solo à la cataracte baveuse et Leia Organa liftée à la truelle... Bref, tout cela n’aurait pas été bien grave si le scénario, les intrigues, la tension dramatique soient… propres à creuser le sillon d’une histoire qui nous fasse oublier le style grossier d’une saga qui ne s’est jamais vraiment embarrassée de direction d’acteurs et de dialogues torchés. ». Tout est dit… ou presque.
Du Golem praguois à Dark Vador

Voilà pour la forme, l’extérieur, la coquille de l’œuvre, mot emphatique pour désigner un produit très bassement commercial. Alors abordons-en la face cachée, cela en laissant de côté les vols répétitifs de frelons spatiaux et autres péripéties qui forment la toile ultra convenue de l’action. Waterloo morne plaine ! Ignorons aussi l’insupportable guimauve sentimentale [3] - digne des romans-photos des années Cinquante – qui sert de collagène à l’ensemble. Passons sous la surface pour atteindre les couches subliminales du film, strates plus visibles ici que dans les « saisons » précédentes en raison de l’indigence même d’un scénario n’ayant que la peau sur les os. Or que voit-on ? Que le très vilain Kylo Ren, petit fils du cruel Dark Vador [VO. Darth Vader] est le fils de l’admirable Solo et de la princesse Leia (fille de Vador), ressemble comme deux gouttes d’eau au Golem de Prague. Le Golem est une sorte de Frankenstein qu’aurait au XVIe siècle façonné de boue un cabalo-talmudiste, le rav Juda Loew. Hélas la chose aurait un beau jour échappé à son maître pour courir les rues de la ville en y jetant la désolation. Légende parfaitement d’actualité puisque l’histoire contemporaine est jalonnée de Golem qui se seraient plus ou moins affranchis de la tutelle de leurs créateurs aveuglés d’orgueil et de chuztpah. Citons à titre d’exemple Lénine et son cadet Trotski [4] qui vont ravager en 1919 la Russie orthodoxe en libérant tous les démons de la guerre civile et de la Terreur, grâce notamment aux fonds de la République social-démocrate de Weimar et de Wall Street ; ou encore Ben Laden, créature des Services spéciaux américains, saoudiens et pakistanais ; ou dernièrement, l’État islamique largement abondé par les pétromonarchies arabes et les euratlantistes. La liste est longue.


La statue praguoise connue pour être celle du Golem est en réalité, à l’origine, celle du Chevalier de fer, mais le populaire a voulu y voir le visage du monstre légendaire [5]. La ressemblance entre le personnage de la saga hollywoodienne et celui du folklore yiddish ne serait évidemment pas tout à fait fortuite. Surtout si l’on regarde attentivement le plastron du ci-devant Darth Vader où apparaissent des inscriptions hébraïques dont la dernière est עד שלכה, soit GLM, pour Golem (tout comme pour l’arabe, en hébreu les voyelles sont absentes), et Tsits désignant l’agrafe d’or portée sur le turban des grands prêtres… l’ensemble rappelant à s’y méprendre la plaque pectorale des dits Kohen Gadol Shenmot.
Un super navet de luxe assorti d’un bonus de « vice » à peine caché
Drôle de tambouille, nulle et vicieuse à la fois. On reprend encore et encore les mêmes ingrédients, les mêmes personnages de carton pâte après avoir pillé ici et là tous les matériaux utilisables (citons par exemple, pour les anciens épisodes, « Dinotopia » de James Gurney, ou « Valerian » des français Mézières et Christin), on touille et à l’on a une énième variation sur un thème mille fois rebattu… jusqu’à plus soif. Vous souvenez-vous à ce propos, dans le roman-monument de George Orwell, « 1984 », les préposés à l’inculture de masse, s’affairant à fabriquer des romans anesthésiques façon Arlequin, en tournant de vastes roues afin de mélanger des éléments scénographiques toujours identiques, mais dont les combinaisons kaléidoscopiques créaient l’illusion d’une histoire inédite. C’est ce que font ces scénaristes et réalisateurs de série Z prime, style J.J. Abrams, sans aucune idée, mais formidablement roués et âpres au gain, qui resservent à leurs publics de l’éternel réchauffé…
Au final, pour qui a eu la curiosité de s’intéresser de près ou de loin à la kabbale [6], outre les quelques points de repères assez explicites évoqués plus haut, le décryptage des messages contenus dans ce pur produit de l’industrie de la décérébration collective, devient peu ou prou accessible. Ainsi l’idylle de Rey la ferrailleuse, maîtresse de la « Force » en trois coups de cuillères à pot, et de Fynn, l’éboueur, as du pilotage interstellaire sans être passé une seule seconde par la case simulateur de vol, tout deux considérés comme des libérateurs surhumains, est une aimable et peu discrète invitation au métissage interracial. Au demeurant les races n’existent pas comme chacun sait ! Est-ce également tout à fait un hasard si le sabre-laser rouge sang du très vil Kilo Ren s’orne d’une croix renversée ? Images dans laquelle s’amalgame le mal absolu de la Force obscure et le symbole christique suivant une évidente inversion sataniste. Il faudrait de plus être particulièrement aveugle pour n’avoir pas repéré que depuis des décennies les symboles chrétiens se trouvent très souvent associés - dans le cinéma made in America comme chez ses épigones - aux personnages les plus odieux, les plus répugnants. Et il est qu’aujourd’hui vrai la « Force » semblerait être en train de se diffuser comme une sorte de nouvelle religion de substitution au sein des générations montantes [7] en proie à un néant croissant, intellectuel et spirituel.
Sur le chemin de la maison des Ogres
Comment dans ces conditions ne pas s’intéresser en prenant du recul et en suivant la piste de cailloux qu’ont semé les Petits Poucets de l’industrie du divertissement [entertainment] pour nous conduire à la maison des Ogres ? Dès l’origine les Jedi [8] , des êtres supérieurs dotés de pouvoirs surnaturels qui ont domestiqué la Force, sont la charpente de l’univers… une idée assez courante chez les cabalistes modernes qui l’appliquent de préférence au Peuple choisi par Yhwh [9]. Yoddha, en sanskrit – langue dont se dit féru George Lucas – signifierait « combattant », et en hébreu, Yodea désignerait « le sachant ». L’ordre Jedi serait donc constitué de guerriers doublés de sages qui « pendant des centaines de générations ont su défendre la paix et la justice dans l’Ancienne République. Bien avant les jours sombres et l’avènement de l’Empire. » [Obi-Wan Kenobi SW épisode IV « Un nouvel espoir »]. Le dernier épisode ne déroge bien entendu pas à la règle en nous remémorant, pour le cas où nous l’aurions oublié, que la caste sacerdotale de ces templiers newlook, constitue la colonne vertébrale de l’ordre cosmique. Sans eux et hors d’eux point de salut.
Empire du Mal et République du Bien
Resterait à savoir qui est vraiment l’Empire du mal et la République du bien ? Les apparences sont parfois trompeuses, surtout vues à travers le prisme hollywoodien. Parce qu’heureusement, il est désormais vraisemblable que sous le vernis, l’Empire, le véritable, l’actuel, celui qui sème guerre et malheur parmi les nations, commence à se fissurer. « Il serait même en train de perdre l’ultime bataille, celle des cœurs, et il n’y a plus guère que la caste politique libérale et son clergé médiatique pour croire encore à ses tours de magie » éculés [10]. Gageons à ce titre, que comme toutes les œuvres artificielles, c’est-à-dire sans véritables racines phylogénétiques, la saga Guerre des Étoiles vieillira mal. Très mal. Elle est déjà ringarde et cela finira par se savoir.
Car ces néo mythologies de bazar ne devraient pas nous faire oublier indéfiniment notre propre imaginaire collectif déjà bien entamé par – mais pas seulement - l’exploitation commerciale outrancière du cycle du Seigneur des Anneaux… Mais non point par l’œuvre proprement dite de J.R.R. Tolkien, écrite dans la droite ligne de l’Ossian [1760 et 1765] né de la plume de Macpherson. À part « Excalibur » de l’Anglais John Boorman [1981] et « La passion du Christ » de l’Australien Mel Gibson [2004], et à un moindre degré « Troie » de l’Allemand Wolfgang Petersen [2004], bien rares en effet sont les films qui renvoient à notre héritage séculaire, à nos mythes et légendes.
Bourrage de crâne et pollution mentale
Parce que les capacités de bourrage de crâne, de pollution mentale et d’intoxication de la Circé hollywoodienne atteignent maintenant, à coup sûr, leurs limites. J’ai envie de le croire. La Guerre des Étoiles dernière mouture, en dépit de son stupéfiant succès, pourrait en définitive bien marquer un tournant quant à la fabrication d’un univers mental synthétique, revu et corrigé par un messianisme judéo-protestant singulièrement impérialiste et agressif, dévorateur des valeurs et des cultures traditionnelles de la Vieille Europe. Pendant sept décennies cette voracité expansionniste, prétendument démocratique et libérale, s’est employée avec rage, à transformer les âmes des foules consommatrices de l’Ancien Monde en troupeau de pourceaux… ceci par le biais d’une virulente guerre de l’opium visuel, faite de sexe, de violence, d’amoralisme, de soumission abjecte au dieu dollar. Mais tout cela finira par lasser. Le retour du balancier n’est plus loin…
Certes la tentative d’imposer un imaginaire déraciné, frénétique et mégalomaniaque, tel celui des Marvel Comics, des Captain America, Super Man et autres Fantastic Four – conçus à l’origine, juste avant-guerre, en tant qu’outils de propagande en vue de doper le patriotisme sacrificiel des jeunes Américains – semble pour le moment couronnée de succès. Il s’agit de lessiver la cervelle des jeunes générations – les plus malléables - qui se laissent facilement persuader que la lutte du Bien et du Mal se résume au grotesque combat entre un Empire galactique de pacotille et une Résistance dotée de chasseurs spatiaux ayant de faux airs de F16 rafistolés. Cependant, au fond, la suprématie américaine, hormis la planche à billet et le monopole universel des pétrodollars, ne tient-elle pas essentiellement aux mirages que vaporisent sur la planète ses usines à songes et à mensonges, ses manufactures d’oubli collectif et de mémoires reformatées, tous moyens qui entretiennent savamment le mythe de la Terre promise et l’apparence trompeuse de la surpuissance ? Car la bête est malade, l’édifice rongé et vermoulu, à tel point qu’un simple souffle serait peut-être en mesure de l’abattre… À la vitesse de la chute libre.
Léon Camus 3 janvier 2016