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L’ordre oligarchique bancaire

Les tenants et aboutissants du contrôle politique mondial

samedi 26 septembre 2015

L’existence d’une banque centralisée aux mains d’acteurs financiers privés qui régissent la monnaie dite d’État et qui règlementent plus ou moins directement le secteur des banques privées est le cœur nucléaire de la question monétaire. Les banques centrales [1] sont le centre névralgique de l’organisation du système financier actuel.

La naissance de ce qui deviendra «  le système des banques centrales  » remonte, dans une forme archaïque, unicellulaire, à la création de la Banque d’Angleterre (27 juillet 1694) puis de la Banque de France (18 janvier 1800).

De l’ordre bancaire et financier oligarchique

Chronologiquement, la longue marche pour la prise du pouvoir financier, conduit en 1913 à l’apparition du «  système Fed  » sur le territoire américain [2]. Le système américain que le commun des mortels connaît sous le nom de «  Fed  » est en réalité une organisation pyramidale et hiérarchique dont la tête est la banque centrale fédérale [3]  ; une sorte de système fédéral de banques indépendant du système fédéral étatique mais prospérant, comme un parasite, sur ce dernier qui lui sert d’hôte.

L’année 1930 correspond à une nouvelle substantielle avancée de l’ordre mondial bancaire oligarchique. L’année 1930 a en effet vu, à l’occasion du plan Young, la création du joyau de la couronne du système politique «  banques centrales  »  : la Banque des règlements internationaux [4] (BRI en français, BIS en anglais) dont le siège est situé à Bâle en Suisse et qui joue le rôle de «  banque centrale  » des banques centrales en fédérant, au moyen de réunions régulières, les différents banquiers centraux de l’occident et des pays affiliés. Cette institution particulière bénéficie de tous les privilèges d’immunités possibles et détient la capacité diplomatique, ce qui en fait un État dans l’État. Il faut signaler au passage que les statuts de la BRI ont servi de modèle à la création du Mécanisme Européen de Stabilité (MES) apparu en 2012 sur le front européen [5] .

Cette BRI, que peu de gens connaissent, est au cœur du miracle économique nazi de l’entre-deux guerres puisqu’elle a permis le financement de la reconstruction ainsi que la remilitarisation allemande (alors sous domination nazie). Très concrètement, ce sont les prêts octroyés par la BRI qui ont permis à Hitler (qui en a remboursé les intérêts rubis sur l’ongle jusque fin 44) de mettre en œuvre ses préparatifs de guerre.

Cette BRI a eu pour objectif premier, comme cela a été parfaitement décrit par l’historienne Annie Lacroix-Riz, de liquider les réparations de guerre dues à la France par l’Allemagne au moyen d’un tour de passe-passe. L’oligarchie française à la manœuvre lors de la négociation du traité de Versailles a accepté, dès le début des années 20, de se plier aux vues anglo-saxonnes et de renoncer à ses réparations de guerre au profit des intérêts qu’elle tirerait avec d’autres acteurs financiers oligarques (en particulier anglo-saxons) des prêts que la BRI accorderait à l’Allemagne.

Ce système de communauté de banques centrales a eu de récents rebondissements dans l’ordre juridique international par le biais de l’Union Européenne avec la création du SEBC, le fameux système européen de banques centrales, chapeauté par la BCE (banque centrale européenne), indépendant des gouvernements politiques des Etats et qui obéit aux ordres de la Fed et de la Buba, banque centrale allemande. Dans le système SEBC, la Buba sert d’intermédiaire aux volontés oligarchiques de type financières au même titre que le gouvernement allemand sert, en Union Européenne, de courroie de transmission pour les directives de l’oligarchie lorsque celles-ci nécessitent la mise en œuvre d’un processus législatif. Le rôle fondamental joué par l’Allemagne dans le processus oligarchique s’explique par le poids de l’histoire qui mêle, depuis le XIXe siècle une profonde imbrication des capitaux germano-américains et, depuis et après la seconde guerre mondiale, la domination militaire du territoire allemand par les armées américaines et la récupération des «  élites militaires nazies  » par le système financiaro-politique américain (CIA, NASA etc.) [6]. Ajoutons au passage que le système d’exfiltration des hauts dignitaires nazis a largement dû son succès à la participation active du Vatican [7] .

La suprématie anglo-saxonne, version hégémonie américaine, en matière monétaire s’est consolidée et a été juridiquement cristallisée par les accords de Bretton Woods [8] qui ont accordé à l’oligarchie américaine la suprématie définitive sur les oligarchies occidentales [9]. Bretton Woods a finalisé l’ordre monétaro-financier à l’anglo-saxonne sous le joug duquel nous vivons actuellement en organisant le fonctionnement, la gestion et la direction des institutions financières internationales telles que la Banque mondiale, le FMI et d’autres institutions bancaires «  régulatrices  ».

Au désordre politique

La BRI est une des pierres angulaires du dispositif actuel de domination à l’anglo-saxonne  : à savoir l’enrichissement des oligarchies par les intérêts financiers et non plus directement, comme ce fut le cas auparavant sur le continent européen, par la mise sous tutelle directe des biens et matières premières.

Concrètement, le paiement des intérêts, qu’il soit fait par des institutions publiques ou par des individus isolés, réalise en réalité un transfert des capitaux des poches publiques (alimentées par les citoyens-con-tribuables) vers les poches des prêteurs d’argent  ; c’est précisément notamment - car nous laissons ici délibérément de côté le processus strictement monétaire - ce transfert de capitaux qui autorise, à terme, le rachat et la mainmise des acteurs financiers sur une part de plus en plus importante des biens, matériels et immatériels, matières premières et produits manufacturés de cette terre.

C’est aussi ces transferts massifs de capitaux qui alimentent ce que l’on pourrait appeler «  le clientélisme  » ou «  mafia  » politique, systèmes politiques dans lesquels les prétendus dirigeants politiques, «  élus du peuple  » ou non, sont en réalités les émissaires de l’oligarchie qui finance leurs campagnes politiques ou leur accession à des postes «  en vue  » et/ou bien rémunérés et leur demande l’hommage-lige en contrepartie d’un statut social privilégié. L’hommage lige consiste en l’espèce à «  voter  » ou «  faire voter  » (ce qui est facilité par la «  discipline de parti  ») des lois favorables à l’oligarchie.

C’est encore ces vastes transferts de capitaux qui permettent l’accélération de la concentration des capitaux dans tous les domaines de l’économie (médias, agro-alimentaire, pharmaceutique, chimique, transports, extraction minière etc.) au moyen, notamment, des fusions-acquisitions.

Au fond, la méthode financière, d’origine anglo-saxonne, plus discrète que la prise de contrôle directe sur les biens, s’avèrent être bien plus efficace en terme de concentration du capital que toute autre méthode auparavant en vigueur dans les pays d’Europe continentale. Sa discrétion en termes de contrôle permet tous les espoirs aux détenteurs anonymes de capitaux pour aboutir à leur rêve d’accaparement maximum, lequel signifie, pour les populations, une mise en esclavage aussi méthodique que légale et définitive.

Il faut ajouter que cet anonymat n’est rendu possible que par l’existence des sociétés de capitaux et autres trusts qui utilisent le paravent de la personnalité morale (personnalité fictive juridiquement accordée à un groupement) et de l’anonymat pour cacher les véritables détenteurs des capitaux et leur laisser ainsi une grande liberté d’action sans que le public ne s’en émeuve.

L’entreprise sous sa forme actuelle, obligeamment tournée vers la prédation économique, est un acteur essentiel du jeu de pouvoir anglo-saxon, lequel développe sa domination par le contrôle monétaire et par le libre-échange. Ce système global de domination, fortement intégré, est aujourd’hui en phase d’expansion rapide.

Le lien systémique entre banque et gouvernement

Pour revenir sur la mécanique politique systémique, il faut rappeler deux choses. La première est que «  la main qui donne est au-dessus de celle qui reçoit  » dixit Napoléon, qui connaissait bien son sujet puisqu’il fût le promoteur de la Banque de France. La seconde est que les capitaux en circulation aujourd’hui sont de plus en plus concentrés dans les mêmes mains. Bien que peu d’études sérieuses soient réellement disponibles, on peut quand même en citer une de 2011 en provenance de la Suisse [10]. Une simple observation est au surplus à la portée de n’importe quel citoyen, permettant à chacun de comprendre par soi-même l’ampleur de la concentration des capitaux : il s’agit de la fureur, devenue au-delà d’un effet de mode un des fleurons de l’activité d’avocats d’affaires, des activités de fusion-acquisition (fusac pour les intimes) de ces vingt à trente dernières années.

Il faut aussi se rappeler que la politique étrangère, mais aussi et dans une très large mesure interne, de la France a été durant tout le XXe siècle aux mains de la synarchie, laquelle n’est autre que l’oligarchie française. Annie Lacroix-Riz a parfaitement documenté ce qu’il faut considérer comme un état de fait  ; je renvoie les lecteurs sceptiques, ceux qui croient en la pureté et en l’innocence du «  vote  » populaire sous l’égide de partis politiques, à l’intégralité des ouvrages et conférences d’Annie Lacroix-Riz, en particulier celui traitant du «  Choix de la défaite  » [11]. A cet égard, il faut préciser de façon incidente que le caractère «  national  » acquis par la Banque de France en 1945 [12] ne doit pas faire illusion, il n’a pas et en aucune façon changé la structure fondamentale du contrôle économique et politique opéré par l’oligarchie euro-atlantiste de l’après-guerre sur les institutions de la France.

Cette constance dans la direction effective de la politique française, quels que soient par ailleurs les aléas contextuels, est d’ailleurs ce qui explique le départ de De Gaulle, résolument hostile aux partis politiques [13], du gouvernement après la fin des hostilités de la seconde guerre mondiale  : il ne voulait ou ne pouvait pas cautionner le retour aux «  affaires  » d’une grande partie des collaborateurs vichystes.

Le lien entre tous ces événements est toujours le même  : celui qui contrôle l’État est «  celui qui distribue l’argent  », à savoir la main oligarchique. C’est en vertu de ce dernier principe immuable que les collaborateurs vichystes de l’Allemagne nazie ont tôt fait de se transformer en collaborateurs de l’empire dominant américain pour pouvoir conserver leur rang social et leurs prérogatives économiques.

C’est ainsi que le projet d’union européenne, né dans les cercles oligarchiques dès le XIXe siècle, a pu prospérer dans un premier temps sous la domination du continent par l’Allemagne nazie et dans un second temps sous la domination du continent par les USA [14] et l’OTAN  ; domination militaire d’abord larvée pour la France (par le seul biais des armées secrètes de l’OTAN [15]) puis ouverte et décomplexée depuis la récente réintégration par celle-ci, sous la houlette de Nicolas Sarkozy, du commandement intégré de l’OTAN.

On le voit, les armes ne sont jamais loin de la politique et de la géopolitique. Mais on le voit aussi, les armes sont actuellement au service d’une géopolitique entièrement dominée par l’argent collectée par l’oligarchie occidentale.

La débauche des moyens de la collecte des capitaux est d’ailleurs impressionnante, elle utilise un très large panel allant du légal à l’illégal, légalité par ailleurs entièrement dévouée à la cause de la concentration du capital.

Parmi les moyens légaux facilitant la concentration du capital, citons par exemple le contrôle - discret autant qu’efficace - des capitaux des entreprises financières par quelques personnes et l’instauration à l’échelle mondiale du système dit d’« optimisation fiscale des entreprises ». Il faut aussi, cerise sur le gâteau, mentionner le projet juridique scélérat de «  propriété économique  » [16].

Le libre-échange [17] , fait aussi parti de la panoplie juridique favorisant la concentration du capital  ; initialement prévu pour être institutionnalisé par les accords de Bretton Woods, l’oligarchie aura dû attendre la création en 1947 du GATT [18] et surtout sa descendance en 1994, pudiquement appelée OMC [19], pour voir aboutir ses ambitions commerciales prédatrices.

En bonne place des moyens légaux favorisant la concentration du capital il y a aussi le vaste mouvement de dérégulation bancaire (d’origine anglo-saxonne) lequel est intimement lié à l’ouverture du fonctionnement économique et financier à la «  théorie des jeux  » - dont l’importance dans l’analyse économique s’est considérablement accrue depuis que le prix Nobel d’économie a été attribué en 1994 par la Banque de Suède aux travaux de John Nash [20] - et à la spéculation sans fin «  grâce  » au développement de la créativité débridée, élevée au rang de vertu ultime  : autorisation de la titrisation au moyen de special purpose vehicule, High Frequency Trading, autorisation des opérations des banques pour compte propre.

Tous ces moyens de concentration des capitaux autorisant in fine un contrôle total des places financières et des marchés, tous les marchés y compris ceux s’occupant des obligations d’État, par les principaux acteurs financiers de la place.

S’agissant de collecte des capitaux, il existe également un moyen (non des moindres) officiellement illégal mais faisant en réalité l’objet d’un consensus géopolitique, c’est-à-dire un moyen illégal contre lequel tout le monde fait semblant de lutter sans se donner aucun des moyens de la lutte. Il s’agit du développement d’un réseau de paradis fiscaux fondé sur l’opacité des propriétaires des entreprises et sur une législation fiscale très allégée. La lutte de l’oligarchie anglo-saxonne pour le contrôle des fonds situés dans les paradis fiscaux est passée par une lutte sans merci contre les paradis fiscaux autonomes (limités par des frontières étatiques) fondés sur le secret des comptes bancaires, la Suisse en sait quelque chose. Le tout au profit des paradis fiscaux fondés sur les trusts anonymes [21] et dominés par les établissements bancaires anglo-saxons.

Parmi les moyens illégaux de la concentration du capital : mentionnons pêle-mêle, le trafic de drogue [22], trafic d’humains en tout genre, de la prostitution au trafic d’organe [23] , trafic d’armes…

On le voit, aucun moyen pour collecter les capitaux, et par voie de conséquence pour favoriser leur concentration, n’échappe à l’oligarchie occidentale prédatrice, laquelle fait vraiment «  feu de tout bois  », le terme «  feu  » étant pris au sens propre comme au sens figuré.

Conclusion

La concentration maximale des capitaux par création fictive de monnaie au moyen de l’octroi de prêts par les banques privées de façon quasi illimitée (la seule limite consiste en le respect d’une dérisoire réserve fractionnaire [24]) et par le processus de captation du capital et des biens ci-dessus décrit apporte à l’oligarchie les moyens de financer des guerres légales et illégales, licites (faite par des armées régulières) et illlicites (faites au moyen de mercenaires dument rétribués, contras au Nicaragua, jihadistes en Syrie etc…).

Cette énorme concentration de capitaux permet aussi la création ou la facilitation de l’apparition «  d’ennemis  » qui se retournent, immanquablement, contre les populations appauvries par l’accaparement érigé en système.

Ce cercle, vicieux pour les peuples, et vertueux pour les tenants de l’oligarchie, dure déjà depuis plus d’un siècle. Nous avons ainsi connu différents «  grands ennemis  » financés  : le bolchevisme [25], le nazisme [26], aujourd’hui l’islamisme intégriste avec l’apparition de groupes de mercenaires bientôt constitués en État (État islamique) [27].

La conclusion ultime de cet exposé est que les peuples du monde, au premier titre desquels le peuple français bercé de l’illusion révolutionnaire, doivent s’organiser en dehors de tout système de parti politique pour s’approprier leur destin collectif  ; une telle action est seule de nature à permettre le rejet par les populations de la prédation économique, laquelle se transforme immanquablement en prédation tout court.

Valouchkaïa Septembre 2015

Notes

[1Cf. à ce propos Martin Armstrong : https://www.youtube.com/watch?v=qld...

[2Cf. « La guerre des monnaies » de Hongbing Song, éditions Le retour aux sources

[3Sur l’organisation du système américain de banques centrales cf. : https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%...

[6Cf. l’opération « Paperclip » : https://fr.wikipedia.org/wiki/Op%C3...

[9Voir sur ce sujet Annie Lacroix-Riz : https://vimeo.com/18006526

[11« Le choix de la défaite », 2e édition, d’Annie Lacroix-Riz, chez Armand Colin

[14Cf. Annie Lacroix-Riz : https://vimeo.com/18006526

[15« Les armées secrètes de l’OTAN » de Daniele Ganser, aux éditions Demi Lune, collection résistances

[16Cf. « L’absolutisme du droit de propriété » http://www.agoravox.fr/actualites/s... ; ; « Le projet de propriété économique ou le retour au servage » http://www.agoravox.fr/actualites/s...

[22Cf. en particulier « La machine de guerre américaine » de Peter Scott Dale, éditions Demi Lune collection Résistances

[24Sur la notion de réserve fractionnaire, voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Syst%...

[25Cf. les travaux de l’universitaire américain Antony Sutton ; voir par exemple cette vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=S12...

[26En plus du financement par les prêts de la BRI, les multinationales ont elles-mêmes sérieusement financé le régime nazi, à cet égard, voir par exemple : https://www.youtube.com/watch?v=GGc...

[27Cf. interview de Bachar El Assad : https://www.youtube.com/watch?v=foK...

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