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L’Occident victime d’un terrorisme qu’il a créé

Général Pierre Marie GALLOIS

mercredi 15 mai 2013

Après Madrid, Londres et Charm el Cheikh les manifestations du terrorisme islamique sont devenues si préoccupantes, si alarmantes qu’à Paris le défilé du 14 juillet est, soudain, apparu particulièrement anachronique. Ni la garde républicaine à cheval, ni les motorisés et les blindés, ni les grandes écoles, ni les avions, encore moins la contribution aérienne et terrestre du Brésil, n’avaient de rapports directs avec la lutte anti-terroriste. Seuls les 146 chiens répondaient à l’un des plus cruels évènements de l’actualité, leur flair ajoutant une dimension aux enquêtes humaines.

septembre 2005

Certes, indispensable est l’ensemble de l’appareil militaire de la France, mais dans les circonstances présentes le déploiement de fantassins, la surveillance du ciel et des océans peuvent être contournés par les auteurs des attentats, leurs méfaits exigeant d’autres moyens que la force des armes, ceux des services de renseignement, le travail des sans uniforme, celui des hommes de l’ombre.

Selon une déclaration récente de M. Sarkozy, « il n’y aurait aucune explication au terrorisme ». En réalité, si rien ne l’excuse il est relativement aisé d’en discerner les vraies causes. Comme toute entreprise humaine il résulte de la convergence de divers motifs. En l’occurrence, les principaux mobiles sont d’ordre politique, religieux, social, économique. Avec les seuls moyens dont il dispose, l’Islam intolérant mène le combat contre un Occident belliqueux, prédateur et impie.
Les évènements internationaux ont réuni les conditions de l’affrontement. Et cela au cours des années 1990 (démantèlement du mur de Berlin neutralisé à la fin de l’année précédente) et 1991 (fin de l’Union Soviétique en décembre).

Ce fut le cas de la Déclaration islamique d’Alija Izetbégovic publiée à Sarajevo, en 1990. Aujourd’hui le texte prend toute sa signification alors qu’à l’époque de sa publication, sauf à Belgrade, la Déclaration passait pour l’œuvre d’un respectable philosophe isolé. En voici quelques extraits :

…. « Un monde de 700 millions d’hommes, qui possède d’énormes ressources naturelles, occupe une toute première place géographiquement, est, de surcroît, l’héritier d’une colossale tradition culturelle et politique et qui est le porteur de la pensée vivante islamique, ne peut rester dans une position de mercenaire ».

« Nous voulons la réalisation de l’Islam dans tous les domaines de la vie privée des particuliers, dans la famille et dans la société, par la renaissance de la pensée religieuse islamique et la création d’une communauté Islamique unique, du Maroc à l’Indonésie ».

« Le Musulman ne peut que mourir au nom d’Allah et pour la gloire de l’Islam, ou bien déserter le champ de bataille ».
« La plus brève définition de l’ordre islamique le définit comme l’unité de la foi et de la loi.. » et plus loin…

« Le Musulman, en général, n’existe pas en tant qu’individu ».

« S’il veut vivre et demeurer Musulman il doit créer un milieu, une communauté, un ordre. Il doit transformer le monde, ou alors c’est lui-même qui sera transformé ». Izetbegovic prêchait la révolte et la guerre. « Nous sommes asservis : à un moment, en 1919, il n’existait aucun pays musulman indépendant, une situation sans exemple dans le passé »…
Or, poursuivait-il « l’Islam exclut clairement le droit et la possibilité de la mise en œuvre d’une idéologie étrangère sur son territoire. Il n’y a donc pas de principe de gouvernement laïque et l’Etat doit être l’expression et le soutien des concepts moraux de la religion… d’où l’impossibilité du lien entre l’Islam et d’autres systèmes non islamiques ».

" Nous devons être, alors, tout d’abord, des prédicateurs et ensuite des soldats. Nos moyens sont l’exemple, le livre, la parole.
A quel moment la force accompagnera-t-elle ces moyens ? Le mouvement islamique doit et peut prendre le pouvoir dès qu’il est normalement et numériquement fort à tel point qu’il puisse, non seulement détruire le pouvoir existant, mais aussi construire le nouveau pouvoir islamique ".

C’est ce personnage qui fut soutenu par Washington, Berlin, Londres et Paris pour démanteler la Yougoslavie, créer une grande Albanie musulmane et, avec la Bosnie-Herzegovine, un second Etat musulman dans les Balkans. Les futurs fidèles d’Oussama ben Laden viendront s’y entraîner au combat contre la Chrétienté en guerroyant contre les Serbes.

Pour le Père Borrmans, professeur à l’Institut pontifical d’Etudes Arabes, commentant l’activité des Frères musulmans, … « il est nécessaire à l’Islam d’avoir un ordre public, il est donc nécessaire d’user de la force, le jihäd est indispensable à l’Islam puisque sans lui l’Islam ne survivrait pas ». Les attentats de Londres ont révélé l’importance de l’enseignement dispensé au Pakistan. Celui-ci est à rapprocher des propos du général Hamid Gul, chef des Services de renseignement de ce pays de 1988 à 1991 : … le Pakistan a été créé pour incarner une vision de l’Islam directement issue du Coran et de la Sunna, seul programme politique valable ". Le Pakistan est le premier pays musulman à détenir l’arme nucléaire.
En Irak, et dans une certaine mesure en Syrie sa rivale, le parti Baath avait tenté de projeter l’Islam dans le « modernisme » en s’inspirant d’un certain socialisme démocratique à l’occidentale. La difficile gestion d’une population ignorant tout de la démocratie avait conduit au recours à l’autoritarisme de Saddam Hussein dépassant ses prédécesseurs en matière d’arbitraire, la quête de puissance et d’indépendance ne laissant guère de place à la démocratie.

* * *

Donc, au cours des « années charnières », le monde s’agence différemment et l’idée islamique en tire avantage.
Avec la dislocation de l’Union Soviétique, l’économie planifiée fait place à l’économie de marché qui, partout, s’impose comme une réalité ou comme un objectif. Réunifiée l’Allemagne mit aussitôt les Balkans à feu et à sang, faisant sauter le verrou serbe sur une des routes « d’invasion » de l’Europe ; le traité de Maastricht construit l’irréversible en matière d’intégration européenne tandis que la concomitance de ces évènements et du développement des techniques d’information et de communication ainsi que l’amplification des échanges concourt au brassage des populations. Devenus l’unique superpuissance, les Etats-Unis ont la voie libre pour atteindre leurs objectifs politiques, dont les plus importants, du moins pour le demi siècle à venir, sont l’appropriation de l’énergie nécessaire à leur développement et le contrôle de son acheminement vers les Etats potentiellement rivaux. Washington adopte une nouvelle stratégie : la conquête par les armes des sources d’énergie fossile et la majorité d’entre elles se trouvent en terres musulmanes.
D’un point de vue arabo-musulman examinons successivement les conséquences de ces évènements et des comportements nationaux correspondants.

1° La mondialisation des échanges d’abord :

La primauté de l’économie, l’application générale des lois du marché affaiblissent les Etats contraints de s’incliner devant les exigences de la production et du commerce. Les mouvements islamiques exploitent cette perte d’omnipotence nationale. Pour Al Qaeda le monde non musulman est sans frontières, comme, d’ailleurs, devrait l’être l’aire musulmane, dans un premier temps du moins, du Maroc à l’Indonésie, selon Izetbegovic. L’économie triomphante détruit les valeurs morales et met en relief celles d’une société théocratique régie par le Coran. De moins en moins protégées par des gouvernements défaillants, les populations non musulmanes perdent peu à peu leurs identités nationales respectives et aussi leur immunité naturelle à la propagande islamique. Enfin, et surtout les exigences de l’industrialisation d’une population de plus en plus nombreuse placent celle-ci dans un état de dépendance des ressources énergétiques des pays arabes et musulmans. Ceux-ci en ont pris particulièrement conscience lors des crises de 1956 - 1973 et 1991. Ils savent qu’ils détiennent - pour quelques décennies encore - les clefs du développement mondial, sans, pour autant disposer de l’audience politique internationale correspondante. D’où un sentiment de frustration. De surcroît, les « énormes ressources » auxquelles faisait allusion Alija Izetbegovic fournissent une solide rente pétrolière qui permet de répandre l’enseignement du Coran et de multiplier, partout dans le monde, le nombre des lieux de culte nécessaires à la phase des prédicateurs, avant d’en venir à celle des « soldats »

2° La construction européenne

Les abandons de souveraineté nécessités par la « construction de l’Europe politique » ont créé sur le vieux continent un état de choses nouveau : sans être déjà de simples divisions administratives les Etats-nations y ont perdu tant de responsabilités et d’attributions qu’ils se trouvent dans une situation ambiguë, comme il n’en existe nulle part d’autres exemples.Les accords de Schengen et la libre circulation des personnes et des biens qu’autorise la suppression des frontières intérieures facilitent l’« invasion » évoquée en son temps par Valéry Giscard-d’Estaing. Les populations non européennes sont ainsi incitées à venir en Europe pour bénéficier des efforts séculaires qui y ont été accomplis. Les identités nationales des pays d’accueil, sont battues en brèche, leur culture millénaire étant menacées par celles, très différentes, de l’ « étranger ». Celui-ci ne recherche pas l’assimilation - encore moins l’intégration - avec la population d’Etats affaiblis et qui s’en remettent à un vague pouvoir bruxellois supra-national. Ce sont les avantages matériels qu’offre cette terre d’Europe qui sont les objectifs de l’émigré et non l’accès à une nationalité chancelante et à une culture évanescente. Il n’existe aucun rapprochement possible avec le melting pot américain, l’émigré espérant à la fois trouver outre-atlantique un travail rémunérateur et, aussi détenir une parcelle de la puissance et du rayonnement d’un Etat totalement maître de sa destinée et, de surcroît, capable de peser sur celle des autres.

« Comment ne pas voir la lutte contre le terrorisme comme un enjeu européen », écrivait M. Barnier (Figaro du 15 juillet 2005) qui avait manqué une occasion de se taire, alors que la « construction européenne et le traité de Schengen ont à la fois facilité l’ » invasion « et affaibli à un tel point les Etats européens que les terroristes y ont établi leurs principaux centres d’activités. D’ailleurs le lendemain de cette profession de foi européenne, le New Herald Tribune publiait les lignes suivantes : » Depuis la création de l’Union, ses frontières poreuses permettent à des explosifs militaires venant des pays de l’est de se répandre facilement à travers l’Europe. Selon Scotland Yard, sans arrêt, les gens vont et viennent à travers les frontières internationales et avec des contrôles relativement mineurs. Il y a des milliers de tonnes d’explosifs non inventoriés et disponibles sur le marché de l’Europe. (déclaration de Michaël Coldrick spécialiste de l’anti-terrorisme à Scotland Yard ". Non seulement l’Union européenne a détruit les frontières des Etats mais ayant sapé l’autorité de ces Etats, limité leurs moyens d’action, elle a fait le jeu des émigrants qui entendent y vivre non pas comme citoyen, mais en communautés distinctes, selon les moeurs et les coutumes de leurs pays d’origine. Ainsi est créé, en Europe, un milieu exogène dans lequel le terrorisme puise des soutiens.

3° La diminution quantitative de la population européenne et son vieillissement.

Si le ralentissement de la croissance démographique est général, en Europe, il est plus particulièrement préoccupant. L’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne, l’Italie se dépeuplent. Au cours des 40 prochaines années l’Europe devrait perdre 25 à 30 millions des siens. Et ce sont les émigrants qui freinent ce déclin démographique si bien qu’il n’est pas question de tarir les flux des migrants, pour la plupart provenant de pays musulmans. Soucieux de conserver les avantages matériels dont ils bénéficient dans les pays d’accueil, ces nouveaux venus, en général, désavouent la violence et condamnent le terrorisme pratiqué par leurs congénères. Mais il est normal qu’ils en saisissent les causes et que nombre d’entre eux y voient la sanction des frustrations dont ils souffrent. Il y a là un terrain favorable à l’extension de la revendication par le terrorisme. Et ce dangereux domaine ne peut que s’élargir avec le temps, au fur et à mesure que diminue la part des nationaux, incapables de renouveler leur génération et trop peu nombreux pour gérer les richesses accumulées au cours des siècles.

4° L’extraordinaire croissance économique des pays
milliardaires en vies humaines, la Chine aujourd’hui,
et l’Inde demain.

Leur développement scientifique, technique, industriel, militaire conduisent les Etats-Unis à relever le défi d’un potentiel de puissance rivalisant et même dépassant, un jour, la leur. Ajoutée à la stratégie d’appropriation d’énergies fossiles qui fera l’objet du paragraphe suivant, celle qu’impose le développement de la zone Asie-Pacifique, amène Washington à exercer
son influence au cœur de l’Asie et à manifester sa présence politique et militaire à proximité de la Chine et de l’Inde. Hier, au temps de la « guerre froide », les Etats-Unis montaient la garde, grosso modo, le long du méridien de Berlin. Aujourd’hui ils occupent des bases 5.000 kilomètres plus à l’est, en pays musulmans. Ils y sont diversement accueillis. En terre étrangère, la force armée et les organismes politico-caritatifs qui l’accompagnent, à la culture et aux moeurs très différentes des autochtones, sont à l’origine de conflits sociaux locaux. Et le monde musulman y voit de nouveaux empiétements de l’Occident.

5° L’appropriation de l’énergie nécessaire au développement

Dès la dislocation de l’Union Soviétique et l’avènement d’une seule superpuissance, Washington a substitué à l’affrontement des tenants de l’économie de marché et des partisans de l’économie planifiée, plus généralement, à l’opposition de la démocratie libérale à l’autocratie marxiste-léniniste, un nouvel objectif stratégique : demeurer l’unique superpuissance, notamment en disposant des énergies nécessaires au développement tout en restreignant, autant que possible aux puissances potentiellement rivales, l’accès à ces énergies.
Durant la guerre froide partagée l’arme nucléaire a interdit le recours à la force. En revanche, entre la première puissance militaire mondiale et les différents pays pétroliers musulmans, totale est l’asymétrie stratégique. Pour Washington la guerre redevenait la poursuite de la politique - détenir un monopole énergétique -par d’autres moyens.
A la fin des années 80, constatant que leurs besoins dépassaient de beaucoup les ressources nationales, les Etats-Unis décidèrent qu’ils ne pouvaient admettre de devoir s’en remettre à l’extérieur pour des approvisionnements dont dépendaient prospérité et rayonnement mondial. Déjà, en 1956 - aux dépens des alliés français et britanniques, et en 1973, en se détournant de l’Etat d’Israël - Washington avait pris le parti de l’Egypte et, indirectement, des gouvernements musulmans. Ce fut aussi le cas, en 1994, en formant l’alliance croato-musulmane contre la Serbie orthodoxe et en combattant pour la Grande Albanie. Au début de la même décennie c’est encore avec l’Arabie Séoudite, vieille alliée des Etats-Unis qu’était maintenu le lien pétrolier le plus solide. Restait à accroître encore la production pétrolière du royaume séoudien. Et c’est dans ce but, initialement du moins, que les Etats-Unis se sont engagés dans de coûteuses et incertaines opérations de guerre.

a) L’occupation du Koweït par l’Irak

Discrètement encouragée, semble-t-il, par Washington, elle n’aurait été qu’un prétexte pour s’en prendre au régime de Bagdad. Washington cherchait sans doute à attribuer à Riyad le contingent pétrolier d’un Irak aux velléités par trop nationalistes. Mais, menée victorieusement, la première guerre du Golfe a eu des conséquences politiques et sociales inattendues. L’occupation prolongée de l’Arabie Séoudite, terre des lieux saints, par les importants contingents armés étrangers formant la coalition anti irakienne, a provoqué un ressentiment populaire dont bénéficieront ultérieurement Oussama ben Laden et ses partisans.
Si la victoire des alliés, y compris les Séoudiens et les Syriens, n’a pas entamé le crédit dont jouissaient encore les Etats-Unis auprès des gouvernements arabes, en revanche, le blocus économique imposé à l’Irak, les bombardements sporadiques de ce pays, le survol permanent de son territoire, les humiliations infligées à sa population réduite à la misère et menacée de famine, ont commencé à mobiliser les populations musulmanes contre le « tortionnaire de l’Irak », selon une expression communément utilisée à l’époque. Dès la fin des hostilités, en mars 1991, les médecins irakiens - certains d’entre eux formés en Grande-Bretagne - estimaient qu’en raison de la destruction des systèmes d’adduction d’eau, des centaines de milliers d’enfants périraient au cours des prochains mois. Ajoutés aux destructions des bombardements américains, les effets du blocus économique auraient été la cause de plus d’un million de morts prématurées : enfants, vieillards, personnes matériellement démunies ne pouvant avoir recours au « marché noir ». Pendant plus de dix ans les souffrances du peuple irakien d’une part, le soutien des Etats-Unis à l’Etat d’Israël d’autre part, ont dressé les populations arabo-musulmanes contre le « grand satan américain ».

Tenant à conserver des relations avec Washington, la plupart des gouvernements des pays musulmans se sont trouvés dans une situation ambiguë, leurs populations versant dans un intégrisme agressif et formant un vaste vivier où recruter des fanatiques prêts à matérialiser leur haine d’un Occident brutal, prédateur, impie, en se transformant en explosif. Les attentats suicides dirigés contre les Etats-Unis, leurs ressortissants, leurs intérêts et leurs alliés, ont prouvé que l’Islam disposait d’une puissance jusqu’alors inconnue et que le sacrifice d’un petit nombre d’entre eux suffisait à neutraliser les imposants appareils militaires, traditionnels et nucléaires, des grandes puissances occidentales. (Voir, en Annexe, la liste des attentats attribués à
Al Qaeda et aux mouvements qui se réclament d’un intégrisme anti occidental militant).
Du point de vue de Washington, s’assurer un suffisant ravitaillement des énergies fossiles était une démarche rationnelle.
Néanmoins la première guerre du Golfe a été une lourde erreur. En effet :

  • Le bombardement de l’Irak y compris sa population civile, le cruel traitement qui lui fut ensuite infligé ont dressé contre les Etats-Unis une large fraction du monde musulman.
  • Ternie a été l’image de l’Amérique, terre de liberté et du respect des droits de l’homme affichant une morale qu’elle a été incapable de respecter. Les exigences de la guerre ont eu raison de ses grands principes d’autant que la main mise sur les ressources énergétiques de l’Irak était le véritable dessein de l’agression. Cet objectif n’ayant pas été atteint, une seconde guerre allait s’avérer nécessaire, celle-ci plus désastreuse encore que la première.
    La première guerre avait déclenché une vague d’attentats, lesquels, en représailles, ont engagé les Etats-Unis en Afghanistan. (Après les attentats de Dar es Salam et de Nairobi, en août 1998 : 225 morts, plus de 5.000 blessés).
  • Enfin des ressources nationales considérables ont été absorbées par ces guerres et par la lutte contre le terrorisme qu’elles ont déclenché puis amplifié. Ces ressources feront défaut dans la course à la toute puissance que les Etats-Unis ont à disputer avec la Chine et l’Inde.

b) Deuxième guerre du Golfe

Si au cours de la Première guerre du Golfe, victorieuses, les armées de la coalition ne sont pas entrées dans Bagdad pour y renverser le régime de Saddam Hussein c’est sous la pression des alliés des Etats-Unis. Ni Riyad, ni Ankara n’avaient intérêt au chaos qui succéderait inéluctablement à l’éviction du dictateur.

L’Arabie Séoudite - sunnite - redoutait le chiisme majoritaire en Irak - que soutiendrait l’Iran - et Ankara craignait la création d’un Kurdistan qui amputerait la Turquie d’une large fraction de son territoire et de sa population. Seul Saddam Hussein, avec sa poigne de fer, pourrait soumettre encore à la même loi nationale, comme il l’avait fait depuis 1978, des populations aussi antagonistes. Mais le régime inchangé, l’objectif initial, disposer du pétrole et du gaz irakien, n’était pas atteint. Une deuxième guerre s’imposait.

Le blocus économique et les bombardements sporadiques de l’Irak participaient de la stratégie d’affaiblissement préalable de Bagdad. Cette stratégie fut accompagnée d’une campagne de dénigrement destinée à préparer l’opinion à de nouvelles opérations. Les Etats-Unis eurent recours à des procédés qu’ils eussent sévèrement condamnés s’ils avaient été pratiqués par d’autres : l’Irak se réarmait, détenait frauduleusement des armes de destruction massive, ou allait très prochainement en détenir : il serait bientôt en mesure de menacer les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ; il s’approvisionnait en uranium au Niger, il était un repaire de terroristes et Al Qaeda y déployait ses réseaux, toutes insinuations, voire affirmations, ultérieurement démenties. Débarrassé de Saddam Hussein, le monde serait enfin plus sûr, déclarait-on à Washington, où force est de constater qu’il n’a jamais été aussi dangereux que depuis que les armées étrangères occupent l’Irak.

Ruiné, détruit, son patrimoine saccagé, l’Irak se voit imposer par l’occupant à la fois des dirigeants et des institutions que rejette une fraction de la population. Comme en Afghanistan où l’étranger, le même, fait la loi, grande est l’instabilité. La Seconde guerre du Golfe a conduit l’Irak à la guerre civile, les « résistants » assassinant les « collaborateurs » et menant la vie dure aux forces d’occupation. Celles-ci ont eu recours, en représailles, aux pires violences, les non combattants n’ont pas été épargnés, les prisonniers ont été humiliés, torturés, arbitrairement très longuement détenus et, partout dans le monde, résonnent lugubrement les noms de prisons d’exception : Guantanamo ou Abou Ghraib, tandis qu’à l’instar de ce qui s’est passé en Yougoslavie, des tribunaux ad hoc jugent et sanctionnent sans autre autorité pour le faire que la loi du plus fort, militairement.

Menant une enquête auprès de 17.000 personnes, de 16 pays différents, répartis sur les cinq continents, PEW, Centre d’étude américain sur le comportement mondial vient de constater que, presque partout, l’anti-américanisme domine. Seuls les alliés traditionnels des Etats-Unis, la Grande-Bretagne et le Canada manifestentquelque indulgence encore qu’avec la France, ils n’auraient pas apprécié la réélection de M. G. Bush par un peuple « rude et violent ». Que peuvent dire, sur le même sujet, les populations musulmanes aux territoires militairement occupés, bombardées, aux gouvernements imposés par le vainqueur, régnant par les armes et l’arbitraire, renonçant, aux dépens des musulmans, à tous les principes moraux dont ils se réclament lorsqu’il est de leur intérêt de le faire ? L’information circule, l’image télévisée accuse, les écoles coraniques enseignent la vengeance. Bien que très différents, ces peuples se voient également persécutés et ce sentiments tient lieu de ciment national, les dressant contre un Occident depuis longtemps dominateur mais, en quinze ans, devenant chez eux, en voulant y implanter ses mœurs, leur tortionnaire.
Ce qui explique que des milliers de candidats au suicide, collatéralement meurtrier, combattent décisivement avec la seule arme qu’ils possèdent : leur vie. Les formidables appareils militaires et policiers occidentaux sont ainsi contournés et c’est en laissant ces peuples s’auto déterminer, librement, être maîtres de leur destin, quel qu’il soit, que l’Occident cessera d’alimenter lui-même le terrorisme musulman.
Place financière où sont gérées d’importantes fortunes créées par la rente pétrolière, accueillante à la main d’œuvre musulmane, tradition impériale oblige, Londres devait se croire à l’abri des manifestations du terrorisme, d’autant qu’on y spéculait sur son pouvoir d’assimilation, le modèle social anglais passant pour fortement attrayant. Mais, en dépit des dénégations de Downing Street c’est bien la présence d’un important contingent britannique au sud de l’Irak qui est la principale cause des récents attentats londoniens. Le premier, terriblement meurtrier et le second, délibérément neutre et destiné à prouver que les mesures les plus spectaculaires prises par le gouvernement n’empêcheraient pas les terroristes de frapper lorsqu’ils le décideraient.

Quant à l’Egypte, alliée des Etats-Unis qui l’aident à vivre entretenant des relations avec l’Etat d’Israël, elle a été systématiquement visée par le terrorisme musulman. Il démontre une détermination totale s’en prenant, aussi bien à ses coreligionnaires compromis avec l’Occident, qu’à ce dernier.

Le XXIe siècle, comme le XXe siècle, sera-t-il celui d’incessants conflits ?
Hier, c’était l’Allemagne. Après la défaite de la France en 1870 et la création de l’empire allemand ont été réunies les conditions de deux guerres mondiales. Au cours de la seconde, responsable de la « solution finale », l’Allemagne national-socialiste est aussi, indirectement, à l’origine du renforcement des antagonismes au Proche-Orient, la Communauté internationale, invoquant les souffrances du peuple juif, n’ayant pas fait appliquer les Résolutions 242 (après la guerre en 1967) et 338 (après les hostilités dites du Kippour) qui exigeaient le retrait des territoires militairement conquis. De surcroît, à peine était-elle réunifiée que l’Allemagne mettait les Balkans à feu à sang afin d’effacer toute trace politique de ses défaites. (Dislocation de la Yougoslavie puis de la Tchécoslovaquie).

Aujourd’hui, ce sont les Etats-Unis qui ont pris le relais. Il ne s’agit plus d’hégémonie en Europe, mais des exigences de la pérennité de l’état de surpuissance, les approvisionnements en énergie fossile en étant, temporairement, un des moyens.
Les guerres provoquées par l’Allemagne ont été, militairement parlant, des guerres symétriques, du moins quant à la nature des armements. Les guerres menées à l’initiative des Etats-Unis sont, à cet égard, asymétriques. Ni la Science, ni l’Argent ne sont en mesure de l’emporter sur le sacrifice humain et le terrorisme. D’ou le désarroi général. Ce serait celui du siècle si l’ivresse de la toute puissance longtemps dominante ne le cédait pas à la sagesse : respecter l’autre, lui permettre de conduire sa destinée telle qu’il l’entend, laissant aux siècles l’homogénéité planétaire.

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