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Abobo la guerre

Une enquête de Leslie Varenne

lundi 28 janvier 2013

Côte d’Ivoire, novembre 2010. L’élection présidentielle a laissé un goût amer. Organisée au forceps par une coalition internationale soutenue par l’ONU et dirigée par la France de Nicolas Sarkozy, elle n’a rien réglé de la crise profonde que traverse ce pays depuis dix ans. Bien au contraire, elle l’a plongé dans la confusion, rendant son avenir incertain et périlleux.
Au terme d’un an d’enquête et de multiples reportages, Leslie Varenne révèle dans cet ouvrage percutant les coulisses d’un conflit meurtrier dont nul ne mesure encore les effets. Elle dénonce les innombrables mensonges des autorités. Elle démontre notamment qu’en dépit des multiples dénégations de Paris, Laurent Gbagbo, le président sortant, a bien été enlevé par le GIGN, et donc par la France. Alassane Ouattara, globalement démocratiquement élu, mais militairement installé par une armée étrangère, ne voit-il pas sa légitimité entamée ?
Ce livre raconte aussi l’histoire tragique des habitants de l’immense commune d’Abobo, quartier déshérité du nord d’Abidjan qui a été au cœur de cette guerre. Depuis ce lieu stratégique, bastion pro-Ouattara, on découvre le jeu cynique des dirigeants, leurs manipulations, leurs trahisons, et comment les deux camps ont délibérément envoyé la population civile à l’abattoir pour servir leurs desseins.

Côte d’Ivoire : secrets de guerre

La journaliste Leslie Varenne a enquêté sur les zones d’ombre qui entourent l’installation d’Alassane Ouattara au pouvoir en Côte d’Ivoire.

Un an après la fin de la crise post­électorale en Côte d’Ivoire, de nombreuses zones d’ombre demeurent sur les moyens mis en œuvre pour installer le vainqueur de l’élection présidentielle, Alassane Ouattara, au pouvoir. Dans Abobo-la-guerre, paru en mars aux éditions Mille et Une Nuits, la journaliste Leslie Varenne révèle certaines des coulisses de l’opération, fruit d’une enquête sur le terrain et du recoupement de plusieurs témoignages. Cette collaboratrice de la Tribune de Genève a passé six mois en Côte d’Ivoire en 2011 pour couvrir le conflit et s’est rendue à de nombreuses reprises à Abobo, le premier des quartiers d’Abidjan à s’être soulevé contre Laurent Gbagbo.

Elle y a rencontré à plusieurs reprises Ibrahim Coulibaly, le sergent « IB », l’un des principaux auteurs des putschs de décembre 1999 et septembre 2002. Celui-ci avait refait surface en février 2011 à Abobo, avant d’être tué au mois de mai suivant. « Avant le premier tour de la présidentielle [le 31 octobre 2010, NDLR], IB a rencontré Francis Hurtut, l’ambassadeur de France au Ghana », affirme-t-elle. IB, continue Leslie Varenne, lui avait fait part de sa disponibilité pour, le cas échéant, aider le camp Ouattara à faire respecter par les armes le résultat d’un scrutin qui ne manquerait pas d’être contesté. Au final, IB et ses hommes n’auront pas participé à l’offensive des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), mais ils ont créé des poches de résistance au sein même de la capitale, donnant très tôt du fil à retordre aux forces pro-Gbagbo.

Le rôle des Forces spéciales françaises

Toujours selon la journaliste, une opération classée secret, ayant pour nom de code Restore Peace and Democracy, a été également planifiée à l’hôtel Sebroko, QG de l’ONU en Côte d’Ivoire, entre la fin du mois de décembre 2010 et le début du mois de janvier 2011 entre Français et Américains sous l’égide des Nations unies.

Le GIGN est-il directement intervenu ?

Présent pour sécuriser la résidence de l’ambassadeur de France, voisine de celle de l’ex-chef de l’État ivoirien, le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) est-il intervenu dans la capture de Gbagbo ? Oui, à en croire Leslie Varenne, qui affirme que le GIGN a fait sauter le mur de séparation souterrain reliant les deux villas, avant d’arrêter Gbagbo et son épouse. Les Français, eux, nient avoir pénétré à l’intérieur de l’enceinte présidentielle. Ils reconnaissent en revanche avoir ouvert la voie aux Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), allant jusqu’à faire sauter le portail de la résidence. Quant à savoir s’ils sont allés plus loin... Des personnes présentes dans le bunker ce jour-là disent ne pas avoir vu ou reconnu d’hommes du GIGN. Le mystère reste entier. P.A.

Le 20 janvier 2011, l’Onuci a établi une grande plateforme logistique et militaire à Bouaké, des rotations quotidiennes étant effectuées entre Entebbe, en Ouganda, base des opérations de l’ONU en Afrique, et la capitale de la rébellion. La descente des troupes pro-Ouattara du nord vers le sud du pays a débuté à la fin du mois de février, appuyée, selon Varenne, par les forces spéciales françaises. Dans l’après-midi du 2 avril, l’Élysée a convoqué un conseil de guerre. Y ont notamment participé l’amiral Guillaud, chef d’état-major des armées, le général Puga, chef d’état-major particulier de Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, et Gérard Longuet, son collègue de la Défense. Le soir même, un régiment de légionnaires partait pour Abidjan, ainsi que plusieurs avions-cargos emmenant du matériel de guerre.

Le 4 avril, la France, aidée par l’ONU, a largué ses premières bombes. Les forces fidèles à Ouattara ont alors tenté à plusieurs reprises de prendre la résidence de Gbagbo. En vain... Jusqu’au bombardement du 11 avril, quand les dernières positions des militaires favorables à l’ancien président et stationnées près du bâtiment ont été mises en pièces. Les chars français sont alors entrés en action pour sécuriser l’accès de la résidence aux rebelles. La fin de l’histoire est connue.

Jeuneafrique.com

http://www.jeuneafrique.com/Article...

Leslie Varenne est journaliste d’investigation indépendante. Elle a couvert le conflit en Côte d’Ivoire pour La Tribune de Genève en 2010 et 2011. Elle est l’auteur de plusieurs livres. Son avant dernier ouvrage paru : L’Histoire secrète d’EADS ou le syndrome d’Icare (Hugo Doc, 2008).

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