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Algérie : les Senatus-consulte de 1863 et 1865, textes fondateurs d’un Etat Algérien égalitaire

lundi 14 janvier 2013

Pour être tenue de baisser la tête, la Nation Française est sans cesse appelée à l’expiation de deux crimes qui lui sont imputés par les falsificateurs de son Histoire :

  • Le crime de collaboration avec les nazis
  • Le crime de persécution des peuples d’Algérie dans la période de colonisation

Pour le crime de collaboration, la falsification veut ignorer les combats de l’armée française sur le front italien et elle escamote totalement le débarquement massif de l’armée française d’Afrique sur le sol métropolitain en 1944.

Pour le crime de persécution des peuples d’Algérie, les falsificateurs inventent une Histoire de l’Algérie où la France aurait privé de tout droit les populations arabes.

Il n’en est rien en réalité.

L’organisation sociale et politique de l’Algérie coloniale repose sur deux textes fondateurs promulgués par Napoléon III, qui ont valeur de Constitution, les Sénatus-consulte de 1863 et 1865, textes inspirés par le Saint-Simonien Ismaël Urbain, lui-même converti à l’Islam et marié à une algérienne.

Le texte de 1863 est relatif à la propriété foncière en Algérie. Il vise à établir les tribus algériennes dans leurs droits ancestraux et à mettre un terme aux éternels conflits de territoires auxquels elles se livraient entre elles depuis des générations. A la même époque, les tribus indiennes d’Amérique du Nord étaient spoliées de leurs terres ou exterminées sur place, dans ce qu’Holywood nous présente aujourd’hui comme une épopée.

Le texte de 1865 est relatif à la nationalité en Algérie. On ne peut être que sensible à l’esprit d’égalitarisme absolu qui l’anime, égalitarisme à faire pâlir de jalousie nos politiciens modernes inventeurs de ‘’ discrimination positive’ et autre ‘droit de vote des étrangers’.

Ces textes expriment la forte conviction des hommes de progrès que la France avait pour mission d’apporter aux peuples l’esprit des lumières dont leur propre Histoire les avait privés. Ce fut le cas de Jules Ferry qui soutînt ardemment la colonisation comme un moyen de diffusion de l’Ecole Publique, mais aussi de Victor Hugo, dont on voudrait ignorer aujourd’hui qu’il fut le défenseur d’une colonisation vecteur d’humanisme quand il écrivait : « Au lieu de se déchirer entre soi, on se répandrait pacifiquement sur l’univers ! Au lieu de faire des révolutions, on ferait des colonies ! Au lieu d’apporter la barbarie à la civilisation, on apporterait la civilisation à la barbarie ! [...] L’Asie serait rendue à la civilisation, l’Afrique serait rendue à l’homme. »

1 ) Sénatus-consulte du 22 avril 1863 (relatif à la constitution de la propriété en Algérie)

ARTICLE 1 :

* Les tribus de l’Algérie sont déclarées propriétaires des territoires dont elles ont la jouissance permanente et traditionnelle, à quelque titre que ce soit. Tous actes, partages ou distractions de territoires, intervenus entre l’État et les indigènes, relativement à la propriété du sol, sont et demeurent confirmés.

ARTICLE 2 :

* Il sera procédé administrativement et dans le plus bref délai :

1°) à la délimitation des territoires des tribus ;

2°) à leur répartition entre les différents douars de chaque tribu du tell et des autres pays de culture, avec réserve des terres qui devront conserver le caractère de biens communaux ;

3°) à l’établissement de la propriété individuelle entre les membres de ces douars, partout où cette mesure sera reconnue possible et opportune.

4°) Des décrets impériaux fixeront l’ordre et les délais dans lesquels cette propriété individuelle devra être constituée dans chaque douar.

ARTICLE 3 :

* Un règlement d’administration publique déterminera :

1°) Les formes de la délimitation des territoires des tribus ;

2°) Les formes et les conditions de leur répartition entre les douars et de l’aliénation des biens appar-tenant aux douars ;

3°) Les formes et les conditions sous lesquelles la propriété individuelle sera établie et le mode de délivrance des titres.

ARTICLE 4 :

* Les rentes, redevances et prestations dues à l’État par les détenteurs des territoires des tribus continueront à être perçues comme par le passé, jusqu’à ce qu’il en soit autrement ordonné par des décrets impériaux rendus en la forme des règlements d’administration publique.

ARTICLE 5 :

* Sont réservés les droits de l’État à la propriété des biens du beylik et ceux des propriétaires des biens melk. Sont également réservés le domaine public tel qu’il est défini par l’article 2 de la loi du 16 juin 1851, ainsi que le domaine de l’État, notamment en ce qui concerne les bois et forêts conformément à l’article 4, paragraphe 4, de la même loi.

ARTICLE 6 :

* Le second et le troisième paragraphe de l’article 14 de la loi du 16 juin 1851, sur la constitution de la propriété en Algérie, sont abrogés ; néanmoins, la propriété individuelle qui sera établie au pro-fit des membres des douars ne pourra être aliénée que du jour où elle aura été régulièrement constituée par la délivrance des titres.

ARTICLE 7 :

* Il n’est pas dérogé aux autres dispositions de la loi du 16 juin 1851, notamment à celles qui concernent l’expropriation pour cause d’utilité publique et le séquestre.

L’application du Senatus-consulte de 1863 à 1870 ( chute du régime de Napoléon 3 )

Le Sénatus Consulte a touché 373 tribus où 667 douars ont été constitués intéressant 2.129.052 Algériens il a porté sur 6.883.811 hectares se répartissant comme suit :

Terres « Melk » (propriété privée)........................................ 2.840.591 ha

Terres « Arch » (propriété collective de la tribu).................... 1.523.013 ha

Terres de parcours communaux (parcours et pâturages)..... 1.336.492 ha

Domaine de l’état (hérité du Beylik Turc)........................ 1.003.072 ha

Domaine du public (routes et espaces publics) ………….....…180.643 ha

La loi foncière du 26 avril 1887

Dans son article 2, elle ordonna la reprise des opérations. Ce fut le « Nouveau » Sénatus-consulte, par opposition aux dossiers constitués antérieurement à 1871 et que l’on regroupe sous le nom de « Vieux » Sénatus-consulte.

En 1956 sur un total de 793 tribus, il ne restait plus que huit tribus à étudier, une dans l’Algérois, sept en Oranie. Le travail avait été achevé dans le Constantinois dès 1911.

2) Sénatus-consulte du 14 juillet 1865 ( relatif à la citoyenneté française en Algérie)

ARTICLE 1 : * « L’indigène musulman est français, néanmoins il continuera à être régi par la loi musulmane. »

* « Il peut être admis à servir dans les armées de terre et de mer. Il peut être appelé à des fonctions et emplois civils en Algérie. »

* « Il peut, sur sa demande, être admis à jouir des droits de citoyen français ; dans ce cas, il est régi par les lois civiles et politiques de la France. »

ARTICLE 2 : * « Article 2 : »L’indigène israélite est français, néanmoins il continue à être régi par son statut personnel.« * »Il peut être admis à servir dans les armées de terre et de mer. Il peut être appelé à des fonctions et emplois civils en Algérie.« * »Il peut, sur sa demande, être admis à jouir des droits de citoyens français ; dans ce cas, il est régi par la loi française."

ARTICLE 3 :

* « L’étranger qui justifie de trois années de résidence en Algérie peut être admis à jouir de tous les droits de citoyen français. »

ARTICLE 3 :

* « La qualité de citoyen français ne peut être obtenue, conformément aux articles 1, 2 et 3 du présent sénatus-consulte, qu’à l’âge de vingt et un ans accomplis, elle est conférée par décret impérial rendu en Conseil d’État ».

ARTICLE 4 :

* « Un règlement d’administration publique déterminera : »

1. « Les conditions d’admission de service et d’avancement des indigènes musulmans et des indigènes israélites dans les armées de terre et de mer ; »

2. « Les fonctions et emplois civils auxquels les indigènes musulmans et les indigènes israélites peuvent être nommés en Algérie ; »

3. « Les formes dans lesquelles seront instruites les demandes prévues par les articles 1, 2 et 3 du présent sénatus-consulte. »

Dans leur immense majorité, la réaction des Musulmans fut négative à l’adoption de la citoyenneté française

En effet, être régi par les lois civiles et politiques de la France signifiait renoncer au « statut personnel ». Celui-ci autorisait la polygamie, la répudiation, le partage inégal de l’héritage entre fils et filles etc. La plupart s’y refusèrent, quitte à rester de simples sujets. Obstacle encore bien plus insurmontable, les Oulémas jugèrent que renoncer au statut personnel musulman équivalait à une répudiation de la charia. Une sorte d’abjuration.

Pierre Emile Jean Historien
Paris Janvier 2013

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