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Thierry Gaubert : entre casinos Barrière et Karachi …

dimanche 23 septembre 2012

21 septembre 1994 : signature du contrat de vente de sous-marins Agosta, entre le Pakistan et le groupe de défense DCN (devenu désormais DCNS), contrat que certains et non des moindres considèrent comme étant à l’origine de l’attentat de Karachi.

21 septembre 2001 : catastrophe dite AZF à Toulouse.

Simple coïncidence de dates me direz-vous ? … et pourtant, il pourrait y avoir tout de même un point commun entre les deux événements, ou plutôt un personnage : Thierry Gaubert.

Lequel a été placé en garde à vue par le juge Renaud Van Ruymbeke… le 21 septembre 2011… dans le cadre de l’enquête sur l’affaire Karachi, suite aux déclarations de sa femme, la princesse Hélène de Yougoslavie affirmant que son mari aurait accompagné, en Suisse, Ziad Takieddine pour « aller chercher des valises volumineuses de billets », en 1994 et 1995, lesquels auraient pu servir à financer la campagne présidentielle du Premier ministre d’alors, Edouard Balladur.

Concernant ses « relations intimes » avec l’attentat de Karachi, précisons tout d’abord que la cour d’appel de Paris a validé lundi l’enquête sur le volet financier de l’affaire, enquête qui avait et est contestée par Ziad Takieddine, Nicolas Bazire et Thierry Gaubert, tous trois mis en examen. C’est en effet ce qu’a déclaré Me Olivier Morice, avocat des familles de victimes de l’attentat.

« C’est une validation complète de la procédure et un désaveu cinglant pour les mis en examen. Les familles des victimes sont extrêmement satisfaites de cette décision », a par ailleurs indiqué l’avocat.

Les trois protagonistes mis en examen n’avaient quant à eux pas eu froid aux yeux pour ni plus ni moins mettre en cause le travail des juges. Ils avaient estimé en effet avoir travaillé pendant plusieurs semaines « hors saisine », en dehors du champ de leurs investigations. Forts de leurs arguments, leurs avocats avaient demandé la levée de la mise en examen de leurs clients et l’annulation de l’enquête. Carrément… C’était sans compter sur l’indépendance de la justice…

Rappelons qu’en novembre 2011, Thierry Gaubert avait été mis en examen dans le cadre de l’affaire Karachi pour « subornation de témoin ». L’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy est en effet soupçonné d’avoir fait pression sur son épouse, Hélène de Yougoslavie, dans le cadre de l’enquête sur le volet financier de l’affaire Karachi.

La déposition de cette dernière s’était avérée très gênante pour son époux, avec qui elle est engagée dans une procédure de divorce. Il s’agit de la deuxième mise en examen de Thierry Gaubert dans ce dossier. L’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy a en effet déjà été mis en examen pour recel d’abus de biens sociaux par les juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, qui enquêtent sur un éventuel financement illégal de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur de 1995

Frère de l’ancien président de la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme Patrick Gaubert, Thierry Gaubert est apparu dans la presse people pour avoir épousé Diane Barrière, héritière des casinos Barrière – aujourd’hui décédée -puis la princesse Hélène de Yougoslavie. Nous y reviendrons…

Thierry Gaubert s’est mis au service de Nicolas Sarkozy au début des années 80, rappelle le quotidien « Libération ». Après sa victoire à la mairie de Neuilly, il prend en charge ses relations publiques. Puis Sarkozy l’intègre dans son équipe au ministère, le nommant chargé de mission au budget, puis directeur de cabinet à la communication. Avec Brice Hortefeux, Thierry Gaubert est alors qualifié de « Sganarelle » de Nicolas Sarkozy, homme à tout faire.

Thierry Gaubert … et le contrat Agosta

Mais ce qui intéresse désormais la justice … c’est que Thierry Gaubert a exercé les fonctions de chef adjoint du cabinet du ministre du budget de 1993 à 1995… période durant laquelle a été signé le contrat Agosta par François Léotard, alors ministre de la Défense, tandis que Nicolas Sarkozy était le ministre du budget en exercice.

En novembre 2010, histoire d’affirmer haut et clair que la société Heine – vraisemblablement au cœur du montage financier qui aurait permis le versement de rétro-commissions dans ladite affaire de Karachi – a été créée avec les plus hauts appuis politiques et à des fins peu louables, Jean-Marie Boivin, mandataire de ladite société, a assigné aux Prud’hommes de Paris la Direction des constructions navales (DCN) pour obtenir le paiement de frais d’avocats.

Précisons que les sociétés luxembourgeoises Heine et Eurolux ont été créées avec l’aval de Nicolas Sarkozy, alors ministre du Budget d’Edouard Balladur. Ces différentes structures auraient permis de faire transiter des commissions sur des contrats d’armements.

Créée en 1994 au Luxembourg, Heine était utilisée par DCN International, émanation de l’entreprise d’Etat DCN (aujourd’hui DCNS), en vue notamment de régler des commissions à des intermédiaires dans le cadre de ventes d’armes à l’étranger. Parmi eux : l’homme d’affaires d’origine libanaise, Ziad Takieddine, soupçonné dans l’affaire liée à la vente des sous-marins Agosta.

Dans un rapport de synthèse établi par la police luxembourgeoise, les enquêteurs – agissant dans le cadre d’une commission rogatoire internationale délivrée par deux juges parisiens – estiment que plus de 76 millions d’euros ont transité entre 1994 et 2004 entre DCNI et Heine SA.
Les enquêteurs – luxembourgeois – estiment quant à eux que « le bénéficiaire économique de ces deux sociétés est l’Etat français », ajoutant qu’après avoir transité par le Luxembourg, les sommes de 76 millions d’euros ont pris le chemin de comptes offshore, notamment à l’Ile de Man. Vu les montants en jeu, le rapport exclut que cet argent ait pu rémunérer des services de consultants. « Il ne s’agissait de rien d’autre que de corruption par l’intermédiaire d’une société luxembourgeoise faisant écran, de la part d’une entreprise française, DCNI, vers les pays où elle convoitait les marchés », peut-on lire dans le rapport. Le rapport de synthèse de la police luxembourgeoise, daté du 19 janvier 2010 fait également état du rôle central de Nicolas Sarkozy, alors ministre du Budget et bientôt chef de campagne d’Édouard Balladur, dans la constitution et la gestion de la société Heine.

Quand l’accident de Diane Barrière mettait en péril l’empire des casinos

En juillet 1995, un avion privé qui transporte Diane Barrière-Desseigne, l’ancienne épouse de Thierry Gaubert, la fille adoptive de Lucien Barrière, l’ « empereur des casinos », se crashe en Vendée. Alors âgée de 38 ans, la riche héritière, gravement brûlée voit ainsi sa vie brisée, sa santé chancelante mettant en péril la santé de sa société, chose qui n’est pas entièrement pour déplaire à son concurrent de toujours, le groupe Partouche.

Elle restera tétraplégique jusqu’à sa mort le 18 mai 2001. Ce sont son mari, Dominique Desseigne, ami de Nicolas Sarkozy (toujours le même !!!) et patron du célèbre Fouquet’s, et ses enfants, Alexandre, 19 ans, et Joy, 16 ans qui héritent du puissant groupe Lucien Barrière.

En juin 2008, la justice reconnaissait enfin la responsabilité de l’Etat dans l’accident, à la suite d’une bataille juridique menée par Dominique Desseigne. La cause première du crash — une panne de kérosène —indiquait que la préparation du vol n’avait pas été faite selon les règles (notamment l’obligation de s’assurer que l’avion dispose de suffisamment de carburant pour rejoindre sa destination). Enfin, la compagnie impliquée, Centre Aff’Air, n’était pas habilitée à transporter des passagers…

Si les autorités aéronautiques, le bureau régional de la DGAC (Direction générale de l’aviation civile), étaient au courant, le JDD avait alors laissé entendre qu’ils avaient fermé les yeux, le journal précisant même que Centre Aff’Air avait été montée « avec le concours de la Chambre de commerce et d’industrie et du Conseil générale de l’Indre pour développer l’activité économique du département ».

La 1re chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris avait validé la mise en examen d’un fonctionnaire de la DGAC et la cour administrative d’appel de Paris avait finalement reconnu la responsabilité de l’Etat, considérant que la DGAC n’avait exercé qu’une surveillance très insuffisante sur la compagnie Centre Aff’Air, même si l’on ne saurait lui attribuer la responsabilité entière du crash, compte tenu des fautes de pilotage de l’équipage.

Par le retrait forcé de sa présidente, le groupe avait alors été gravement atteint par des luttes intestines, des choix stratégiques trop longtemps différés et une procédure judiciaire. Devant également compter alors sur la lassitude de ses deux principaux actionnaires, Accor et la Compagnie générale des eaux, le n° 1 français des casinos, avec 2 milliards de francs de chiffre d’affaires en 1995 (1,3 milliard après le prélèvement de l’Etat), « pourrait bien finir par éclater » s’était alarmé alors la presse.

Mais quel rapport avec la catastrophe AZF me direz-vous ? Les casinos Barrière…

Un casino Barrière sur les cendres d’AZF à Toulouse

Tout compte fait, la catastrophe dite AZF, survenue à Toulouse le 21 septembre 2001 aura eu quelques aspects positifs. Certes, pas pour tout le monde… Mais c’est tout de même grâce aux surfaces libérees par l’explosion de l’usine Grande-Paroisse (TOTAL) que le Casino Barrière a pu s’implanter… Aubaine également pour la mairie qui va ainsi bénéficier de royalties somptueuses dégagées par l’exploitation du site.

Ironie du sort, tabou ? Si beaucoup d’éléments sont mis en avant pour lutter contre l’implantation du casino, pas une voix n’ose invoquer la décence et les plaies encore ouvertes d’AZF, voire la remise en cause de l’emplacement du pole chimique, où le maintien des activités voisines de l’usine SNPE (Sociéte Nationale des Poudres et Explosifs). Les 2 x 2 voies de la rocade étant pourtant les seuls « obstacles » séparant les deux sites dont l’un est militaire et donc soumis au « Secret Défense » .

Alors, si certaines voix s’élevent contre le principe même des jeux de casinos, et le caractére inondable des lieux… les élus ont rapidement fait le calcul…

Le groupe Barrière a ainsi inauguré en décembre 2007 le casino de Toulouse, qui a pour vocation de devenir l’un des premiers casinos de France. Un investissement de 73 millions d’euros a été effectué pour la construction du site, qui devrait se placer parmi les dix premiers établissements de l’Hexagone pour le groupe. Un investissement que Barrière espère rentabiliser dans un délai de dix ans maximum, compte tenu d’une commission reversée à la ville de l’ordre de 15% du produit brut issu des jeux. Au total, l’établissement devrait générer 12 millions d’euros de recettes par an pour la Ville, jusqu’à la fin de la concession de 18 ans.

Car les activités de hasard sont trés lucratives pour les casinotiers… mais aussi pour l’état, qui empoche des impôts, et pour la ville, qui touche un prélévement sur les jeux et la redevance domaniale (8,5 % du CA des jeux, restos et bars). Sans compter la taxe professionnelle.

Le casino de Toulouse a été concédé par la ville au groupe Lucien Barrière, après appel d’offres. Un contrat très précis prévoit les rapports entre municipalité et concessionnaire. Des pénalités ont ainsi été prévues, une coquette somme de 5 000 euros par jour de retard.

L’établissement est conçu pour recevoir 1 million de visiteurs par an, auxquels s’ajouteront 200.000 spectateurs dans la salle de spectacles de 1.200 places, qui produira 150 événements chaque année.

Pourtant, oserais-je dire, le 21 septembre 2001, l’explosion de l’usine AZF toucha de plein fouet le site du Ramier de l’ENSIACET (ex ENSIGC) situé à 400 mètres de l’épicentre de l’explosion. Le site fut complètement détruit, plus de 180 personnes furent blessées et par delà les stigmates physiques, le choc psychologique fut immense.

La première cité universitaire de Toulouse est en effet construite sur l’aile du Ramier en 1954. Il s’agit de la cité Daniel-Faucher construite sur pilotis à l’image du pavillon suisse de la Cité internationale universitaire de Paris conçu par Le Corbusier. L’institut du Génie Chimique fondé en 1940 est construit en 1957… Ã l’actuelle place du casino de Toulouse, nous dit-on (et je confirme !).

Les anciens batiments de la Poudrerie sont en partie conservés pour héberger l’institut. Ce dernier change de nom et se transforme en école nationale supérieure des ingénieurs du génie chimique. Mais l’école ne survit pas à l’explosion de l’usine AZF en 2001 … Désormais un nouveau temple du jeu y tient place.

Elisabeth Studer

Voir en ligne : leblogfinance.com

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