Geopolintel

La diplomatie française à l’épreuve des défis mondiaux

ou l’apprentissage de la France à la Guerre

jeudi 24 mai 2012

Michel Rocard, ancien Premier ministre, « Libération » 12 mars 2012… tout se passe « comme s’il s’agissait de préparer une situation de tolérance rendant acceptable une frappe israélienne. Dans cette hypothèse, la guerre devient une guerre irano-syrienne soutenue par la Chine et la Russie... Et l’Europe se tait. C’est une affaire à millions de morts, l’hypothèse étant que ça commence nucléaire  ».

Samedi 19 mai « Radio France Internationale » – la voix de la République à l’extérieur – titrait : « Iran, Syrie, Afghanistan, sécurité alimentaire au programme du G8 » réunissant les 19 et 20 mai, à Camp David, les chefs d’États et de gouvernements des huit pays les plus industrialisés de la planète, à savoir États-Unis, Japon, Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni, Russie, Canada et Union européenne…

Un titre résumant tout ! En effet, contredisant les grands médias, lesquels donnaient la crise de l’Euro pour sujet central du Sommet, thème assorti du choix cornélien qui se poserait au couple dominant européen Merkel-Hollande entre « austérité et croissance », le contenu des entretiens portait en réalité sur des dossiers beaucoup moins publiquement avouables.

L’information est biface, l’une réaliste pour « les grands », et l’autre fantaisiste pour amuser et apaiser l’opinion… Autrement dit rassurer le « petit peuple » des citoyens, votants et contribuables ordinaires, qu’il convient de cajoler autant que faire se peut et de dorloter avant de l’envoyer, le cas échéant, à l’abattoir. Les sujets sérieux, les vrais enjeux n’ayant pas à être portés à la connaissance du public, cela inquiéterait et brouillerait le jugement, et la confiance que le vulgum pecus est censé placer dans ses dirigeants. Bref, sous le halo de brume irisée que vaporise les médias, se trouvent diverses strates de réalité de plus en plus dures qu’ignorent les veaux à la pâture… les bovidés démocrates savent-ils seulement – peut-être quelque part dans leur subconscient - ce qui les attend en fin de parcours ?

Si donc, comme Rfi le soulignait dans le corps de son article, le président américain s’est montré impatient d’entamer les discussions relatives à ce qu’il présente comme « une approche responsable du retour à la croissance », insistant sur la nécessité de sortir de la simple logique comptable des plans de rigueur, montrant par-là même une certaine convergence avec le président français, mais cependant sans remettre en cause le « Pacte budgétaire » imposé par l’Allemagne à l’Eurozone, tel n’était pas en vérité le thème principal au cœur des discussions… Précisons ici que celui de la « sécurité alimentaire » avait été placé en tête des préoccupations du G8 essentiellement pour la « déco ».

Un bouclier coûtant la peau des fesses… et le reste

Revenons de cette manière à plus de sens des réalités réelles… car parallèlement, le sujet de fond du Sommet de l’Otan, n’était pas le retrait français d’Afghanistan « non négociable » [1] comme le serine M. Babar (nous parlons évidemment de l’éléphant du Ps parvenu aux manettes), mais le « bouclier » anti-missile que les É-U entendent installer en Europe, prétendument pour contrer « les missiles nucléaires iraniens » (sic) [2], lesquels n’existent évidemment que dans l’ignorance abyssale et le j’menfichisisme radical d’une certaine presse idéologisée et fonctionnarisée, tant du public que du privé. Ces gens se moquent de leur public et s’autorisent à dire n’importe quoi : sur « i>télé », un expert est allé jusqu’à parler d’un « bouclier nucléaire »… toute chose donnant la mesure de l’extrême compétence de ces grands professionnels vedettes incontestées des lucarnes… Un sujet au demeurant d’une authentique gravité puisque fin novembre 2011 le président Medvedev annonçait de sérieuses mesures de rétorsion, jusqu’à l’éventualité de frappes nucléaires comme aux plus beaux jours de la Guerre froide [3], pour le cas où le bouclier antimissile serait finalisé en Europe orientale et en Mer Baltique… mais comme à leur très mauvaise habitude les médias et hommes politiques européens restèrent cois. Seuls deux ou trois magazines évoquèrent dans leurs titres une certaine « menace » russe sans autre précisions [4].

De conception entièrement américaine, le bouclier coûtera cher à la France, certains avancent le chiffre de 3 milliards d’€uros, évidemment sans retombée aucune pour les industries françaises (parce qu’il s’agit d’un « monopole technique » du complexe militaro-industriel yankee), cela tout en minorant l’intérêt et le rôle de notre force de dissuasion dont l’utilité à l’heure actuelle est déjà fort contestée. En un mot, cela nous ferait passer définitivement et totalement sous la dépendance, autrement dit sous la tutelle des É-U, tout en nous aliénant la Russie comme partenaire alors que nous sommes ses clients pour nos approvisionnements de gaz, l’énergie de substitution au pétrole dans les décennies à venir. Inutile d’être grand clerc pour s’apercevoir que le bouclier anti-missile destiné à contrer des missiles iraniens imaginaires n’offre que des désavantages pour la Nation… par conséquent soyez convaincus que M. Hollande - entre autres pour sortir au plus vite ses biffins de la Kapisa - va sûrement y adhérer sans réserves et sans barguigner. La décision est d’ailleurs déjà certainement prise !

Effet d’annonce, coût, opportunité, faisabilité

On mesurera cependant la pusillanimité du « premier magistrat » hexagonal à l’aune du ridicule de celui qui n’a pas cru bon, avant d’annoncer un retrait unilatéral, de commander une sérieuse étude d’opportunité, de faisabilité et de coût. Heureusement la presse serve est là pour arrondir les angles et alléger les balourdises d’un personnages qui n’est visiblement pas à sa place, non préparé qu’il est à l’exercice d’une fonction présidentielle où il s’est trouvé propulsé par la grâce délétère de la dynamique partisane. Combien de temps fera illusion cette politique tape-à-l’œil faisant l’impasse d’un chiffrage précis des mesures envisagées ? Longtemps, parce que personne – l’opposition ayant d’autres chats à fouetter, entre autres conserver ses prébendes et ses avantages en nature - ne viendra finalement lui demander de rendre compte des deniers publics gaspillés notamment dans un départ précipité et à contretemps… Ou il ne fallait pas y aller, ou alors il fallait savoir jouer le jeu jusqu’au bout !

Parce que l’évacuation de 3400 hommes avec armes et bagages, 900 véhicules – chars d’assaut, véhicules de l’avant blindés, artillerie, 1400 conteneurs d’impedimenta, 3 aéronefs Mirage 2000, 14 hélicoptères, si elle n’est pas accomplie dans le bon ordre, n’a qu’une seule alternative : l’abandon des matériels en tout ou en partie. Évacuation rendue d’autant difficile à l’Est, la voie terrestre étant fermée depuis décembre 2011 après qu’une bavure américaine eut envoyé au tapis deux douzaines de militaires pakistanais. Décidé à mettre fin au blocus, l’Otan négocie son retour dans les bonnes grâce d’Islamabad en offrant de payer un droit de péage d’un million d’€uros/jour pour le seul transit de ses convois vers les ports de l’Océan Indien. L’armée française joue de son côté au marchand de tapis en négociant le passage de ses conteneurs à 5000 $ l’unité. Une paille !

Mais l’argent n’est pas tout, et l’exécution extrajudiciaire du pseudo Ben Laden en totale violation de la souveraineté pakistanaise, reste sur l’estomac de leurs Services spéciaux et de la nomenklatura militaire locale. D’ailleurs les alliés chinois seraient bien sots de ne pas en faire baver un peu à l’Otan, notamment en manière de réponse aux harcèlements droidelhommistes des Occidentaux
 [5]. Quant à la route du Nord par le rail, via le Tadjikistan et la Russie, elle serait deux fois plus onéreuse, dit-on, que la première (reste que les chiffrages sont introuvables) et trois fois plus si s’agit d’un pont aérien établi entre Kaboul et le Kazakhstan par exemple (ne parlons pas de transport direct vers la Métropole) grâce à des gros porteurs Antonov russes ou ukrainiens loués au modeste prix de 35 000 € l’heure.

Après le départ de ses « forces combattantes », la France continuera à payer son écot

…Comme si toutes les forces présentes sur le terrain n’étaient pas « combattantes » !? Se retirant les occidentaux ont contracté l’engagement de financer l’armée afghane plusieurs années après leur départ définitif fin 2014… une facture d’environ 4 mds/$ l’an dont un tiers à la charge des Européens (initiateurs de la guerre comme chacun sait), soit une charge de 200 millions pour les seuls Français que M. Hollande semble mesquinement rechigner à honorer. Peu de chose cependant au regard de onze années d’exactions en tous genres. Une charge viendra s’ajouter à l’entretien de nos forces résiduelles « non combattantes » - en vertu de l’élégant euphémisme présidentiel - vraisemblablement 1400 hommes… sachant que les économies réalisées par notre départ se feront sur la base d’un coût annuel global du front afghan estimé en 2010 à quelque 470 millions d’€uros [6]… Soit une dépense d’environ 1,3 million d’euros par jour, à l’exclusion d’une foule de dépenses annexes telles la revalorisation des soldes, les transports, équipements, munitions et cætera, on voit que ni le gain politique, ni les économies budgétaires ne sont pas a priori au rendez-vous.

Partir, que cela plaise ou nom, c’est dénoncer nos engagements sans raison très valable autre qu’idéologique et démagogique… Parce qu’en définitive, il est bien certain qu’il n’eut jamais fallu y aller. Ce pourquoi maintenant il ne devrait pas être question d’en partir comme des malpropres, « bannière au vent » [7] ! Or, plutôt que de jouer les Tartuffe - « cachez ce sein que je ne saurais voir » - en retirant précipitamment et on ne sait comment le contingent français de la vallée de la Kapisa, l’on eût plutôt attendu de M. Babar, cet exemplaire démocrate de progrès, une ferme condamnation des guerres cruelles et inutiles, passées et à venir, au lieu de quoi nous savons avec certitude que Lou Berdin [8] se déclare prêt à participer à une intervention en Syrie pour peu que « l’Onu donne son feu vert ».

La France vient apparemment de troquer un chef d’État fauteur de guerre contre un autre bien décidé à la faire. Qui pourtant peut encore ignorer qu’il s’agit de « guerre scélérates » se couvrant des valeurs irréfragables de la Démocratie universelle comme celle de « Justice » avec un J très majuscule ! On a en effet oublié depuis longtemps que l’Opération Liberté immuable, « Endurig Freedom » – celle que l’Amérique conduit toujours en Afghanistan et pour son propre compte, conjointement avec celle de l’Otan - avait commencé par s’appeler, tout juste deux semaines après le 11 Septembre, « Justice sans limites », Infinite Justice

Doux nom pour une croisade pétrogazière sur le Toit du Monde, sous couvert de lutte anti-terroriste ! Mais en décembre 2001 M Hollande n’a non seulement pas condamné la décision du gouvernement Jospin d’intervenir en Afghanistan, mais il voté l’envoi de troupes françaises comme la majorité de Gauche à l’Assemblée Nationale. M. Hollande, digne représentant de la sociale-ultralibérale-démocratie n’est, on le voit bien, en rien opposé à la guerre ! Un peu coincé aujourd’hui par ses annonces intempestives, il continuera malgré cela de participer aux conflits voulus et conduits par la Maison-Blanche et le Pentagone, avec la bénédiction et la complicité de la classe politique quasi unanime – opposition comprise évidemment - et bien sûr, celle des grands médias dont l’intime raison d’exister est de maquiller et de maquignonner !

On eut apprécié que la France fût restée fidèle aux engagements pris

Au-delà des considérations personnelles suivant lesquelles l’on est pour ou contre l’engagement en Afghanistan, il y va pour la Nation de son crédit et la valeur de sa « parole ». Tant qu’à faire, tant qu’à claquer la porte afghane, ne fallait-il pas réitérer le coup d’éclat de De Gaulle et ressortir illico presto du commandement intégré de l’Otan ? Cela eut du panache et eut montré une volonté de rupture franche avec les dérives atlantistes de ces deux dernières décennies. Mais tel n’est pas le propos de la nouvelle équipe, laquelle montre bien là ce qu’elle est : la version internationaliste et tiers-mondiste de l’anarcho-capitalisme dont les foyers et les sources vives se situent à la Cité, Manhattan et Francfort.

Quant à ceux qui croient encore « qu’il ne faudra pas s’étonner si de petites filles sont assassinées ou qu’elles aient les mains coupées parce qu’elles vont à l’école en raison du retrait anticipé de nos troupes sans s’être assuré de la capacité de l’armée Afghane à maintenir l’ordre », nous ne pouvons à notre tour que nous ébahir que de tels arguments puissent encore avoir cours un siècle après 1914, époque où chacun sait les Allemands ces monstres, comme à présent les Taliban, tranchaient ras les mains des fillettes à l’instar des démocrates ougandais ou burkinabe. Un tel irénisme, une telle convergence consensuelle avec les menteurs professionnels du quatrième - et peut-être au XXIe siècle, premier pouvoir ? - en dit finalement long sur l’inépuisable capacité des foules à croire les plus éhontés et meurtriers bobards.

Reste que chacun d’entre nous a maintenant bien saisi – car il nous faut repasser la leçon chaque jour que Dieu fait – que pendant que les nations européennes se laissent convaincre et endormir par leurs médias en croyant que les puissants de ce monde se concentrent sur les voies et moyens d’une sortie de crise, d’une limitation de la casse sociale et de la relance des économies occidentales de part et d’autre de l’Atlantique, leurs gouvernants, visibles et invisibles, cherchent en vérité une issue au marasme et à la faillite rampante qui accablent nos économies, mais dans et par la guerre… cette grande stimulatrice d’industries en tout genre et grande régulatrice sociale. C’est que l’écrivain Georges Bataille avait judicieusement décrit en 1949 dans « La part maudite »… explorant la succession d’accumulations et de destructions qui rythment la vie des sociétés et accompagnent la fatalité non maitrisée des cycles économiques désormais ponctués de bulles spéculatives de plus en plus dévastatrices, celles qui scandent de nos jours la vie et la mort des hommes, des peuples et des Nations.

Guerre nucléaire au Proche-Orient : mythe ou réalité ?

Dans cette perspective, ce ne sont pas les états d’âmes de M. Hollande et ses esbroufes politiciennes qui ont retenu l’attention des Sommets de Camp David et de Chicago mais bel et bien l’activation du bouclier anti-missile, lequel, répétons-le constitue une sorte de casus belli pour la Russie… mais également, la mise en discussion d’éventuelles actions militaires en Syrie et en Iran.

Le 17 mai 2012 à Saint-Pétersbourg, l’avant veille du Sommet de Camp David, à l’occasion d’un symposium de juristes et en présence du Secrétaire américain à la Justice, l’ancien président et actuel Premier ministre russe, Dimitri Medvedev, se plaçant au strict point de vue de la légalité internationale, mettait à ce propos, et à nouveau, les puissances occidentales solennellement en garde contre un risque d’affrontement nucléaire régional au cas où une ou des interventions extérieures seraient envisagées au cours du Sommet du G8… auquel M. Medvedev lui-même participait [9]. En fait M. Medvedev en s’adressant devant le Secrétaire (ministre) américain, envoyait un message sans équivoque à Washington et à ses alliés, contre l’implication mécanique des puissances nucléaires régionales : Israël, l’Inde et le Pakistan… Tout en avertissant les Occidentaux de son intention de bloquer toute initiative du G8 visant à un « changement de régime » à Damas et Téhéran… Objectif avoué dans un cas, implicite dans l’autre.

Après de notables divergences de vue entre Medvedev, alors président, et son Premier ministre Poutine au printemps 2011, juste après l’abstention de la Russie pour le vote au Conseil de Sécurité de la Résolution 1973 (17 mars) autorisant l’Otan à intervenir pour raisons humanitaires en Libye (protection des populations civiles), l’intervention de M. Medvedev à Saint-Pétersbourg montre s’il en était besoin que les leçons ont été tirées du renversement de la Jamahiriya libyenne… et que l’unité de vue - et partant, d’action - est à présent rétablie au sommet d’un État russe qui a fait du réarmement l’une des ses priorités.

Paradoxalement (!) le président Obama, prenant le contre-pied des concurrents républicains, multiplie les avances en vue de relancer voire de consolider les relations russo-américaines, résumant son approche en ces termes : « Nous coopérons avec la Russie et déclarons ouvertement notre désaccord sur tel ou tel problème. Nous œuvrons à la résolution des litiges, comme par exemple le bouclier antimissile mais continuons parallèlement à coopérer dans d’autres domaines » [10]. Cela ne change cependant rien sur le fond.

Ainsi, comme prévu, la situation en Syrie a évidemment été au centre des discussions du G8… tout comme le nucléaire iranien. Question sur laquelle, sans réelle surprise donc, Barack Obama a adopté – campagne présidentielle oblige - une position temporisatrice ménageant Moscou « Nous sommes unis dans notre approche de l’Iran. Je pense que nous sommes tous d’accord sur le fait que l’Iran a le droit à un (programme) nucléaire pacifique, mais que ses violations continuelles des règles internationales et son incapacité à prouver jusqu’ici qu’il n’essaie pas de le militariser constituent un grave motif d’inquiétude pour nous tous ». Le président américain parvient de cette façon à maintenir un consensus de façade, fort utile à la veille de la reprise à Bagdad, ce 23 mai, des discussions du Groupe des Cinq+1 (États-Unis, France, Russie, Grande-Bretagne, Chine et Allemagne) avec la république islamique d’Iran. Discussions sur lesquelles, M. Obama, nous assure que lui et ses partenaires, fondent de vrais « espoirs ».

Obama joue la carte du compromis avec l’Iran… Israël renâcle

Sans doute le président américain est-il sincère (mais en ce cas, s’il l’était entièrement, il n’aurait rien compris à la pièce dont il est l’un des acteurs !), mais il est pressé par le calendrier électoral. Et sans doute à quelques mois de l’échéance, est-il plus désireux de donner des gages à sa base électorale plutôt que de satisfaire aux desiderata tonitruants du lobby israélite ? Ce qui alimente les rumeurs à Tel-Aviv où l’on feint de croire qu’un accord pourrait intervenir en défaveur de l’État hébreu, c’est-à-dire en désaveu de son intransigeance ce qui pourrait alors se traduire par un certain isolement sur la scène internationale ?

Une intransigeance sioniste qui ne laisse aucune place à un quelconque compromis… Quoique le ministre israélien de la Défense, Éhoud Barak, semble être disposé à concéder à l’Iran un enrichissement à 3,5% de l’uranium nécessaire au fonctionnement de ses réacteurs atomiques. Loin cependant de l’Administration Obama prête à accorder, à savoir un enrichissement à 20% (Figaro 22 mai). Contradictions qui éclairent la mauvaise foi des uns et des autres quant au traitement du dossier iranien et au procès d’intention subséquent !

Reste que l’Iran est l’ennemi indispensable sur lequel M. Nétanyahou, depuis son retour au poste de Premier ministre en mars 2009, assoit son autorité et sa légitimité. Le spectre de frappes israéliennes sur l’Iran est en sorte loin d’avoir disparu, même si depuis quelque mois il s’est placé en embuscade… Certes, depuis des années l’État hébreu menace de frapper les installations nucléaires iraniennes, sans être jusqu’ici passé à l’acte. Vaines rodomontades, gesticulations, bluff ? Non, le gouvernement israélien eut voulu que les É-U fassent « le travail » à leur place, or il estime à présent qu’un « seuil d’irréversibilité » pourrait être atteint d’ici la fin de l’année… argument hypothétique, mais qui a permis de relancer plus fort que jamais les bruits et les annonces mezzo voce d’une attaque préventive sur les sites iraniens au cours de l’été prochain. Resterait à savoir si Israël possède la capacité d’attaquer seul, sans le soutien logistique, tactique et stratégique (satellites) des É-U ? Peut-être bien qu’oui !

Osirak trente années plus tard

Trente ans après avoir détruit la centrale irakienne d’Osirak au sud de Bagdad, le 7 juin 1981, la majorité gouvernementale, le Likoud et le Cabinet israélien semblent unanimement favorables à une attaque contre les installations nucléaires iraniennes… au grand dam des militaires plus réalistes et moins enthousiastes ! L’on sait toujours où une guerre commence, jamais où elle s’achève ni jusqu’où elle s’étend. Mais parce que la guerre est « quelque chose de trop sérieux pour la confier aux militaires » (Clémenceau), il conviendrait de notre part, de ne pas prendre pour un simple bluff l’éventualité d’un accès de démence belliciste de la part des dirigeants israéliens et de prendre ainsi au sérieux la possibilité que l’Iran soit rayé de la carte… la Shoah servant d’excuse absolutoire a priori, et de moyen de sidération général.

« Il y a désormais 80 % de chances qu’Israël attaque l’Iran avant la fin de l’année » déclarait Emmanuel Navon, universitaire proche de M. Nétanyahou [11]. Dans ces conditions, il s’agirait dans les mois précédent l’élection de mettre le réticent Obama devant le fait accompli ? Dans ce cas, la seule alternative pour la Maison-Blanche serait de parvenir à convaincre Nétanyahou d’attendre que l’élection soit passée pour frapper Téhéran. Pour Obama, cela signifie gagner du temps pour amener Téhéran à résipiscence. Pour Tel-Aviv, pour les Likoudistes va-t’en-guerre, cela signifie attendre en rongeant leur frein, mais à l’arrivée, quel que soit le résultat de l’élection américaine, Républicains ou Démocrates, dans tous les cas de figures les sionistes ultras sont assurés d’avoir gain de cause.

Conférences de presse

Après son arrivée à Washington et une première rencontre avec M. Obama, François Hollande a tenu une conférence de presse à l’ambassade de France préambule à sa participation le lendemain au sommet du G8. L’occasion d’afficher ses maigres dons de chef d’État… répondant à une question qui eut été particulièrement inhabituelle sous les lambris (dorés) parisien… Question : « Vous avez parlé de l’Iran et de la réunion de Bagdad du 23 mai prochain. Avez-vous senti vous-même, les Français et les Américains, inquiets d’une possible attaque israélienne sur l’Iran au cas où les négociations avec l’Iran ne marchent pas ? ». On appréciera au passage la syntaxe indigente de la journaliste accréditée et de son interlocuteur. Réponse : « Nous, nous avons surtout parlé de la préparation de cette réunion de Bagdad et de la chance que nous voulons donner à la négociation. Et d’ailleurs, la France depuis mon élection fait tout pour que nous arrivions en cohérence [sic] à cette négociation pour être en position de force et faire que les Iraniens renoncent définitivement à chercher à accéder à la technologie nucléaire à des fins militaires. Donc nous ne nous sommes pas posés la question de ce qui se passerait en cas d’échec de la négociation, nous voulons donner à cette négociation toute sa place et toute sa chance. Et les Iraniens doivent bien le comprendre » [12].

Commentaire

La question aurait pu paraître presque incongrue dans le contexte hexagonal. Nul ne s’est jamais laissé aller au cours de la campagne à évoquer un seul instant l’éventualité d’un conflit majeur déclenché à l’initiative des dirigeants israéliens. Surtout pas le « challenger » de M. Hollande qui s’est bien gardé de demander à son vis-à-vis - singulièrement le soir du grand « dialogue » – quelles dispositions il prendrait afin de prévenir une telle catastrophe, ou quelle pourrait être son attitude au cas où celle-ci adviendrait ? Ces deux personnages s’entendaient - ce soir-là - comme larrons en foire, bien décidés l’un et l’autre à ne pas franchir les imites imparties au-delà des quelles les Français eussent pu entre-apercevoir la mer des ténèbres… soit le puits sans fond dans lequel s’enfoncent nos sociétés… Le Parti bleu outre-mer s’est également bien gardé de mettre les pieds dans le plat. Or l’arbre se juge à ses fruits et les politiques à leur capacité à sortir des chemins convenus et du politiquement correct…Mais l’espèce des grands politiques s’est apparemment perdue !

Notons qu’à Washington M. Hollande ne s’est pas cabré devant la question. Il l’a même visiblement trouvée aussi opportune que normale. Question normale pour président « normal » ! À bien y regarder cependant la question n’est pas aussi « normale » qu’il y semble de prime abord : d’abord elle n’a pas étrangement choqué le président. Comme si la question était banale, ordinaire. Cela signifie que la possibilité d’un assaut – le cas échéant nucléaire – d’Israël contre les infrastructures atomiques iraniennes constitue un scénario qui lui serait parfaitement familier.

Dans ce cas, pourquoi cet homme de la transparence, de la véridicité n’a-t-il pas abordé cette question lancinante devant les Français au cours de la campagne pour leur dire ce qu’il entreprendrait en vue de calmer le jeu au Proche-Orient, afin de désamorcer une crise virtuellement dévastatrice ? Pourquoi par ailleurs une telle entente consensuelle dans le silence de la part de la classe politique ? Cheminade excepté. Rendons à César ce qui lui appartient ! Les trois candidats prétendument anticapitalistes, Arthaud, Poutou, Mélenchon n’ont pas eux n’ont plus soufflé mot de cette question. Ni les verts ! Tous sans exception révolutionnaires en peau de lapin et braillards encartés… L’homoparentalité est sujet bateau de moindre risque ! Personne in fine pour dénoncer les complicités existantes avec un système et des politiques criminelles dont la dénonciation est pourtant – disent-ils – leur raison d’être… en réalité, leur juteux fonds de commerce.

Que conclure de la réponse mollassonne et convenue du président tout frais émoulu ? Que celui n’est rien, ou tout cas qu’une sorte de « petit chose » [13], tout sauf un chef d’État, lequel sans se mouiller outre mesure, aurait pu reprendre la balle au bond et répondre en substance « La France fera tout, absolument tout, pour faire aboutir un règlement négocié du contentieux nucléaire iranien. La sécurité de l’État d’Israël étant garantie par la Communauté internationale, tout sera mis en œuvre pour empêcher l’État hébreu de céder à la tentation sortir de la légalité internationale et de commettre l’irréparable. Cela au risque d’entraîner d’autres pays dans le gouffre. Tout doit être fait pour contrecarrer, voire interdire toute velléité de montée aux extrêmes… ». Existe-t-il des cours du soir ou de rattrapage pour président défaillant. En s’exprimant comme il l’a fait M. Hollande, s’est par avance rendu complice d’un crime prémédité. Il s’y associe volens nolens, et le plus terrible c’est que massivement les Français veulent croire en la compétence du bonhomme et en son intrinsèque « honnêteté ».

Finalement

Un homme a pourtant déjà dit tout ce qui, ici, vient d’être écrit, mais nul n’y a pris garde. Les alertes se perdent dans le bruit de fond, dans le vacarme médiatique ambiant… car la presse accomplit dans l’excellence sa fonction de brouillage… à tel point que, bien habile celui qui parvient à s’y retrouver dans le fatras contradictoire d’une information aussi torrentielle que vaine.

N’est-ce pas en effet l’ancien Premier ministre socialiste, Michel Rocard qui, sous le titre « On est dans l’imbécillité politique collective », confessait au quotidien Libération le 2 mars 2012 : « Le programme du prochain président risque d’être disqualifié par les faits. Et je crains que les candidats n’en soient pas conscients... quand on part pour la tempête, l’essentiel se joue en amont des programmes, dans la manière de définir l’absolu prioritaire et, bien sûr, le cap global. Après, on fait ce qu’on peut… cette fois, c’est plus grave… Aujourd’hui, les menaces sont d’une gravité inhabituelle. Nous ne nous sommes jamais trouvés dans une situation aussi dangereuse depuis bien des décennies… Lord Mervyn King, gouverneur de la Banque d’Angleterre, un homme qui n’a jamais un mot de trop, a expliqué il y a peu qu’il fallait s’attendre à une récession sans doute plus grave que celle de 1930. C’est le gouverneur de la banque d’Angleterre qui nous prédit plus grave, pas un prophète chevelu, un écolo ravageur ou Jean-Luc Mélenchon ! Un autre : Jean-Pierre Jouyet, président de l’Autorité des marchés financiers. Lui, dont le rôle est d’empêcher la casse et de rassurer les opérateurs de marché, a déclaré qu’il fallait craindre une explosion du système économique et financier mondial. On n’en parle pas beaucoup de tout ça dans la campagne et on s’amuse… Personne ne regarde le grand Moyen-Orient. Nous avons une stratégie américano-anglaise, acceptée par les autres, et notamment par nous, de torpiller toute possibilité de discuter sérieusement avec les Iraniens. Et même de faire un peu de provoc de temps en temps. Comme s’il s’agissait de préparer une situation de tolérance rendant acceptable une frappe israélienne. Dans cette hypothèse, la guerre devient une guerre irano-syrienne soutenue par la Chine et la Russie, comme on le voit à l’Onu, contre en gros l’Occident et ses clients. Et l’Europe se tait. C’est une affaire à millions de morts, l’hypothèse étant que ça commence nucléaire. Je connais bien ces dossiers et je n’ai jamais eu aussi peur. Nos diplomates ont perdu l’habitude de traiter des situations de cette ampleur et tous nos politiques jouent à se faire plaisir avec des satisfactions de campagne électorale. Ce qui est nouveau, c’est l’intensité des dangers par rapport à un état d’esprit futile. Autre nouveauté, ces dangers sont extérieurs, résolument mondiaux. Il n’y a que l’Amérique latine et l’Australie pour avoir une chance d’y échapper ».

Cette « imbécillité politique collective » que dénonce le vieux cheval de retour de la politique, n’est-il pas le résultat ou l’aboutissement d’un système ? Celui qui par le truchement de la démocratie représentative, la tréflière des partis, les mandats non impératifs, les découpages et les mille mécanismes électoraux plus vicieux les uns que les autres, élimine les meilleurs ou les moins corrompus ? Alors comment s’étonner que l’Occident crève du règne sans partage des médiocres, de la dictature des sectaires, des ignorants encyclopédiques et de l’usage immodéré de la Novlangue de bois politiquement correcte assortie de tous les fanatismes idéologiques, des plus débiles aux plus meurtriers … La coupe est profonde et nous n’en avons pas encore épuisé la lie !

Léon Camus

Notes

[1Effectivement « non négociable », les Américains faisant l’aumône à M. Hollande de ne pas contredire ses piteux effets d’annonce uniquement destinés à l’origine se concilier les bonnes grâces d’un M. Mélenchon aujourd’hui s’exprimant ainsi : « Je suis très heureux de l’avoir convaincu au fil du temps, car quand j’étais au Parti socialiste, il n’était pas partisan de ce retrait » [France 2 et AFP - 21 mai 2012]. Quant à l’Otan, son calendrier reste inchangé, départ en 2014, pour le reste les Français devront casquer et déménager pour la frime selon les moyens du bord, laissant directement aux Américains, et non plus à l’Otan, la libre disposition de leurs forces spéciales.

[2France Inter 19 mai

[317 novembre 2011 Ria Novosti – « La Russie pourrait se voir impliquée dans un conflit dans lequel des armes de destruction massive seraient utilisées » a déclaré ce jeudi à Moscou le chef d’état-major général Nikolaï Makarov devant la Chambre civile russe (organe consultatif auprès du Kremlin), se référant explicitement à l’expansion de l’Otan à l’Est de l’Union européenne (Ukraine/Géorgie) et plus encore au projet américain de Bouclier antimissile…[Or] dans le contexte post-Libye de pression sur la Syrie et l’Iran ces remarques sont un message sans aucune ambiguïté.

[4Voix de la Russie 24 nov. 2011

[5Le Tibet est bien entendu resté en travers de la gorge du Pcc, mais le dernier épisode en date a été une pilule tout aussi amère. En effet, la rocambolesque évasion du dissident chinois aveugle « anti-avortement » (opposition à la politique de contrôle démographique dite de « l’enfant unique »), Chen Guangcheng réfugié à l’ambassade des États-Unis à Pékin dont le départ vers États-Unis s’est effectué au cours d’une visite officielle du Secrétaire d’État H. Clinton, a, peu ou prou, fait « perdre la face » aux Autorités communistes. Des coups de stylets diplomatiques qui en Asie généralement se font payer cher.

[629/09/2010 « Secret défense » Libération

[7En chemise, le cul à l’air. « Comme j’étais ce qu’on appelle en petite tenue de dragon, c’est-à-dire le paniau volant ou la bannière au vent, je me retirai bien vite »[1828]. Sous l’ancien régime, le 4e régiment de hussards avait pour fière devise « Saxe-conflans, bannière au vent ! »… Devise qui à Valmy en 1792 prit un relief tout particulier, l’armée prussienne n’ayant pour ainsi dire pas combattu ses rangs étant décimés par… la dysenterie !

[8Berdin ou bredin, terme berrichon désignant l’idiot du village. L’académicien et ancien associé de l’abolitionniste Badinter, Jean-Denis Hirsch pris pour patronyme Bredin par décret du 16 mars 1950, rendant ainsi célèbre ce sobriquet folklorique fleurant bon le terroir d’antan.

[9Moscou 17 mai Reuters - « La Russie estime qu’une action contre la Syrie et l’Iran peut conduire à un conflit nucléaire. Le Premier ministre russe Dmitri Medvedev a prévenu jeudi qu’une action militaire contre des États souverains pourrait conduire à une guerre nucléaire régionale, exprimant nettement l’opposition de Moscou à toute intervention occidentale contre la Syrie et l’Iran qui pourrait faire l’objet d’un débat au cours du sommet du G8  ».

[10Ria Novosti 18 mai

[11Médiapart 11 février 2012

[12Cf. site de la présidence

[13« Le Petit Chose » roman d’Alphonse Daudet écrit en 1868.

—  0 commentaires  —

© Geopolintel 2009-2023 - site réalisé avec SPIP - l'actualité Geopolintel avec RSS Suivre la vie du site