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La « guerre d’Espagne » arabe !

Pierre Dortiguier

mercredi 7 mars 2012

La guerre de Syrie est-elle la guerre d’Espagne renouvelée ? Elle entraîne le même enragement politique, une haine analogue et des interventions étrangères armées, idéologiques avec son cortège d’assassinats et, pourrait-on préciser, d’internationalisme. Bien sûr, les « Brigades internationales » syriennes n’ont pas un drapeau rouge, ou même un bataillon sioniste à leur disposition venu grossir les rangs de la coalition anti-nationaliste, comme ce fut le cas en 1936 ; mais le parti Baath dont le pays est le berceau, s’il y est contesté, et la nouvelle constitution lui ôte son privilège au profit du multipartisme, est enraciné dans toutes les confessions, notamment la chrétienne. Il s’agit donc pour les partisans d’un ordre nouveau, du Nouveau Grand Moyen Orient, de raser cette forêt et les Hercule des comités s’alignent sous la supervision du Lion britannique et d’une Marianne française reprenant contre le pays ses anciens accents de dame protectrice et meneuse de colonnes maghrébines, ouest-africaines, malgaches et indochinoises contre les Druzes. Tout ceci n’est pas si éloigné, et le goût de politiser toute guerre, pour en faire le triomphe du droit sur la barbarie ou la tyrannie est un vieux réflexe de notre diplomatie monarchique ou républicaine.

Le premier objet de cette « guerre d’Espagne » arabe, pour ainsi dire, est de démontrer la victoire inéluctable d’un système démocratique de comités dont les fils sont tissés à l’extérieur. Ce théorème a été timidement essayé en Libye. La légitimité populaire se fonderait sur une reconnaissance préalable de la validité des constituants de la société. Ce sont des hommes choisis, élus ou reconnus par l’opinion publique internationale qui peuvent s’accorder le titre de citoyens, les autres n’étant que des fraudeurs en puissance, des usurpateurs, comme les francs-maçons désignent les autorités étatiques qui ne leur sont pas soumises. Le pouvoir venu du dedans est, au contraire, suspect de favoritisme, d’être incontrôlable, imprévisible. Il est suspect de crimes, d’exactions, même si les preuves n’en sont pas apportées ; la seule loi des suspects foudroie tous ceux qui ne sortent pas de la Cour internationale. Nous l’avons vu avec le CNT libyen

dont les membres ne sont tous pas même exactement connus de la population ; nous en verrons un jour, qu’à Dieu ne plaise, en Algérie - toujours résistante !- surgir non d’un village comme au temps de l’insurrection de 1954, mais d’un pub londonien, tout comme la Société de 1724 qu’il n’est plus utile de nommer ici.

La guerre d’Espagne commença par des terrorismes, dont l’assassinat du député Calvo Sotelo que Dolores Ibarruri, la chef communiste avait condamné à mort en pleine assemblée. L’émotion internationale, et l’argent aussi, fit le reste, et le sentiment national brûla sur des ruines et des sacrifices. La durée de la guerre syrienne permet de classer cette lutte dans la série des événements décisifs du siècle en Devenir. De sa conclusion dépendra le sort de tous les pays de la région. Les trois milliers de soldats de l’armée régulière et de policiers abattus et les contingents de mercenaires engagés, avec tous les Hemingway du jour qu’ils agitent comme fanions littéraires ou cautions morales, le sort des communistes syriens pris entre deux feux et inclinant vers une attitude anti-impérialiste et patriotique, comme les antistaliniens en Espagne, la durée prévisible du conflit dépassant les attentes des pronostiqueurs, le vent d’Est l’emportant sur l’ Ouest belliciste après le double veto russo-chinois, tout ceci ne doit pas faire oublier une leçon historique : la guerre d’Espagne marqua la première défaite militaire, sur le terrain, de l’idéologie mondialiste d’alors, l’internationale soviétique dont l’économie était revigorée par les crédits américains. La résistance syrienne pourrait avoir le même sens d’avertissement, que Dieu ne laisse tout permettre, et que si même la Syrie de Bachar s’effondrait, qu’à Dieu ne plaise, elle aurait annoncé le commencement de la fin de ses agresseurs. Vive la Syrie, une, grande et libre !

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