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Ben Laden, el-Assad, Mechaal. Trois diables, trois cibles...

mardi 17 mai 2011

Trois fractures, trois diables, trois cibles…

Un diable est mort, vive le diable. Le prochain sur la liste étant Bachar el-Assad, que les occidentalistes s’emploient désormais à dégommer. Le compte de Kadhafi étant désormais réputé réglé, il est temps de passer à autre chose. Exit Ben Laden, les diables de remplacement se bousculent au portillon. Assad en premier, et le dernier revenu sur la scène proche-rientale, Khaled Mechaal, le grand patron du Hamas sorti de l’ombre pour parapher au Caire un accord de réconciliation avec le frère ennemi du Fatah. Cela au grand dam du premier ministre hébreu Netanyahou qui voit avec cet accord s’effondrer en partie l’édifice régional patiemment construit depuis 1948 à force de ruses, de dirty tricks, de coups tordus et de sales guerres.

Car le « Printemps arabe » - comme a été joliment baptisé la soi-disant efflorescence démocratique ayant démarré au Maghreb pour s’étendre depuis au Machrek - est en passe de se transformer en chaos général. Les tueries se propagent maintenant en Tunisie tandis qu’en Égypte les affrontements entre Chrétiens et Musulmans reprennent de plus belle faisant dimanche 8 mai une quinzaine de morts.

Ce n’est cependant pas le concert qu’a organisé à Tripoli Dieudonné M’bala M’bala ce lundi 9 qui sauvera le soldat Kadhafi (pardon le colonel formé au British Army Staff College). Reste qu’aux dires des huiles de l’Otan, son compte serait bon, au moins sur le papier. Il est vrai que désormais les états-majors s’interrogent sans complexe sur la façon de le liquider façon Ben Laden… et que les arsenaux de l’Organisation du Traité de l’Atlantique nord (entendez yankees) fournissent aux dissidents libyens des armes à gogo, sans plus de tergiversation ni de considération à l’égard de la Résolution 1973.

Les rebelles discrètement encadrés (hors du champ pudique des caméras) par les forces spéciales anglo-françaises avec l’appui de mercenaires soldés par l’Arabie saoudite, devraient bientôt conclure cette guerre fraîche et joyeuse par l’étripage [1] en règle du despote jeté à terre. Tel est donc le programme en attendant que le rideau ne tombe sur la scène finale et sur le cadavre du vaincu. Vae victis. Ceci avec l’absoute totale des Nations Unies, des Médias et des Autorités morales qui comptent dans leurs rangs les plus acharnés bellicistes tel l’ami Lévy-BHL.

Opération Geronimo. Autopsie d’une exécution extrajudiciaire

À tout seigneur tout honneur, occupons-nous de ce grand diable de Ben Laden. Réputé exécuté sans tambour ni trompette le 1er mai dans les faubourgs d’Islamabad, capitale du Pays des Purs, le Pakistan. Tout comme pour Hitler le 1er mai 1945 (son suicide intervient la veille, quelle coïncidence), et pour Saddam Hussein le 1er janvier 2007, le visage d’OBL paraîtra barré d’une croix rouge sanguinolente à la Une du magazine Time. Une croix rouge inventée soit dit en passant en 1932, par Serge Tchakotine, juif franco-soviétique, maître ès propagande.

On l’a compris, l’exécution extrajudiciaire d’OBL est une fascinante opération de « com » et de rattrapage une semaine après la piteuse présentation à la presse par le président Obama d’un bulletin de naissance grossièrement falsifié. Cela pour faire taire des rumeurs courant depuis trois ans, relatives à son inelligibilité en raison d’une naissance hors de la citoyenneté américaine. Une falsification à ce point grossière (il suffit d’aller chercher le document sur le site de la Maison-Blanche et de l’ouvrir via Adobe Illustrator pour faire apparaître la forgerie) que l’on se voit obligé de penser que celui qui l’a réalisé, a délibérément laissé les traces de la manipulation… peut-être parce qu’il n’a agi que contraint et forcé en bon civil servant ?

Nous savons que nos dirigeants ne peuvent accéder aux tréteaux politiques qu’à condition d’avoir un fil à la patte, l’un ce sera la cocaïne, l’autre une Francisque, un troisième un STO volontaire [2], tel autre encore un héritage douteux… la liste est longue et Obama ne déroge pas à la règle. Donc pour faire oublier cette foirade de bulletin de naissance bidonné rien de tel qu’une opération vite expédiée et bien bâclée, mais magnifiquement orchestrée.

À l’arrivée en effet, pas de cadavre, pas de photos, ni témoins ni preuves mais un hélico au tapis et beaucoup de mensonges et de questions sans réponses ! Il est vrai que l’affaire aurait été bouclée en 40 mn… Tomber du ciel, tirer, tuer et tailler la route !

Qui cependant a été tué dans la villa d’Abbottabad ? Qui peut trouver convaincantes les vidéos posthumes du de cujus présentées par le Pentagone ? Du cinéma muet (le texte a été ensuite arbitrairement rajouté) où le chef d’Al Qaïda est vu de dos, seule une barbe blanche dépassant. Les tests d’ADN sont aussi un sujet de consternation : quelques heures après la liquidation supposée d’OBL, des tests d’identification génétique confirmaient l’identité d’un cadavre exquis aussitôt immergé en haute mer. Ce qui en vérité, loin d’en effacer la mémoire, risque d’en nourrir la légende. Pas de cadavre, pas de preuve au contraire des corps exhibés de Saddam la tête à demi arrachée, de Mesrine lardé de coups de pétoire ou du « Che » blanc comme craie, abandonné des siens et notamment de son compradore Régis Debray aujourd’hui au firmament de la république des lettres françaises…

Mais la reconnaissance d’ADN, sauf à être effectuée par le Dr Folamour en personne, nécessite un certain temps (les spécialistes parlent d’une journée au mieux) alors que les résultats ont été rendus publics quelques heures à peine après la tuerie ! Pour opacifier encore davantage le tableau, ajoutons que le bunker, le compound d’OBL ne possédait pas de toit d’une épaisseur de 3 m, ni de murs extérieurs de 5 m de haut ; ce qui se vérifie sur les clichés où l’on voit des badauds déambulant sous ces fameuses murailles prétendument dignes de la Santé. Des voisins dont aucun ne croit à la fable d’OBL résidant à deux pas de chez eux et d’une École militaire !

Il ne s’agissait en fait que d’une banale villa de citoyen ordinaire moyennement nanti qui, comme tout le monde au Pakistan, possède au moins une kalachnikov et des barbelés au sommet de ses murs d’enceinte afin de se protéger des brigands qui sévissent dans un pays où la violence est reine. À telle enseigne que les chauffeurs d’autocars doublent assez souvent en troisième ligne sur des routes à deux voies – application rustique de la théorie des jeux, le plus fou gagne - fumant couramment de l’héroïne à pleins joints !

Mais il fallait une histoire à la Rambo pour exalter la toute puissance des É-U (mise en échec pendant dix ans) et nimber de gloire le Démocrate Obama devenu par le truchement d’une opération coup de marteau, Commander in chief, chef de Guerre à l’instar de son prédécesseur GW Bush. L’Amérique est donc de retour, Amerika is back, et son président après avoir conduit une cérémonie mémorielle ment solennelle à Ground Zero sur l’emplacement des Tours jumelles, a vu sa côte de popularité grimper de onze points. Bravo !

Ces Américains ont, il faut l’admettre, le génie de la scénographie comme l’a amplement montré le récit épique de l’opération. Un western spaghetti avec à la clef une chasse à l’indien, Oussama Geronimo, au scénario enrichi, corrigé et affiné au fil des jours. Aussitôt après la tuerie l’on apprenait que la photo du visage meurtri et violacé d’OBL diffusée par des sources pakistanaises, était un hoax. Que le terroriste n’avait jamais pris son épouse (en réalité il en avait plusieurs) comme bouclier humain. Que celui-ci n’était pas armé (mais il y avait « des armes dans la pièce, plus d’une »). Que l’épouse en question se serait jetée sur les Navy seals, héroïques tueurs de vieillards endormis. L’épouse n’est pas morte, elle aurait été blessée à la jambe. Mais l’on ignore son sort (l’incuriosité médiatique est vraiment affolante), tout comme celui des vingt autres femmes et enfants de la maisonnée. Récupérés par les Pakistanais qui n’étaient pas au courant de l’opération ? Nul n’en parle !

La femme de l’émissaire supposée d’OBL, elle, a bien été tuée pour également s’être jetée (désarmée) sur les vaillants assaillants. Ironie de la chose, sur l’une des photographies (Reuters) des hommes abattus dans la villa à « un million de $ » (des chiffres qui font tilt dans l’imaginaire américain), baignant dans des mares de raisiné, apparaît sous la tête de l’un deux un pistolet à eau de plastique jaune… Un détail qui tue !

Pour le côté approximatif de l’opération notons l’hélico qui s’est « vaché » sur un mur des séparations intérieures (voir le fiasco absolu de la tentative de sauvetage des diplomates américains retenus à Téhéran en 1980, ce qui valut sa présidence à Carter). L’appareil détruit par le commando, la queue est malheureusement restée intacte pour la plus grande joie des experts pakistanais et chinois [3]… car il s’agirait d’un prototype furtif de super Black Hawks (lesquels se sont illustrés, en mal, à Mogadiscio en 1993 – voir le film de Ridley Scott « La chute du faucon noir ») témoignant que le commando n’a eu, bien entendu, ni perte ni blessé ? God bless Amerika. Quatre chars d’assaut volant venus et repartis vers nulle part, mais selon le gobe-mouche de service du Figaro, ce serait la base afghane de Bagram ! Un véritable expert, ignorant cependant que pour parvenir dans les plaines du Penjab encore faut-il franchir la barrière de l’Hindou Kouch dont, à titre d’exemple, le franchissement le plus connu est la Passe de Kyber, laquelle très étroite s’allonge sur 58 Km à quelque mille mètres d’altitude. Et puis il n’y a pas de porte-avion à Bagram !

Par contre y avait-t-il un laboratoire (ou un kit) d’analyse ADN dans les hélicos pendant les quatre heures de vol requis pour couvrir les 740 miles (soit 1191 Km à 295 Km/h) nécessaires pour atteindre les côtes de la Mer d’Oman ? Un sacré rayon d’action ces hélicos, qui ont dû certainement être ravitaillés en vol au-dessus du Baloutchistan en violation flagrante de l’espace aérien du Pakistan. Ce qui aujourd’hui plonge ce pays de 175 millions d’habitants dans une crise politique majeure, le déstabilisant un peu plus, comme si les attentats quasi quotidiens ne suffisaient pas à son bonheur ?

Le seul bémol à cette belle histoire est qu’OBL serait mort et enterré depuis décembre 2001. Et ce ne sont pas de vils conspirationnistes ou l’infâme Thierry Meyssan qui le disent mais Fox News à l’époque du décès putatif [4] et le New York Times six ans plus tard, en juillet 2007. Mais également des ténors de l’armée américaine, l’ex président pakistanais Mucharraf, les services de renseignements israéliens qui tous en chœur déclarèrent que Ben Laden sous dialyse avait été emporté par une affection rénale incurable. Ce qui serait somme toute logique pour un homme âprement traqué, épuisé, de surcroît hypertendu et diabétique.

Le publiciste Dan Rather n’hésitait pas à rappeler le 8 janvier 2002 sur la chaîne CBS que le 10 septembre 2001 - la veille du 11 - OBL était au Pakistan en traitement dans un hôpital militaire. Il n’était donc à cette époque déjà certainement plus capable de se terrer dans les gourbis de son fameux « complexe souterrain » de Tora Bora décrit à l’époque comme une forteresse sortie en droite ligne des romans de Ian Fleming. A-t-on en fin de compte mentionné un quelconque de dispositif de dialyse dans l’inventaire d’Abbottabad ? Que nenni ! OBL, s’il avait survécu à l’hiver 2001 serait en vérité un miraculé revenu de la maison des morts.

Pour clore ce chapitre, Mme Bhutto, ancienne premier ministre du Pakistan, accusera le 2 novembre 2007 les services pakistanais d’avoir fait assassiné Ben Laden en désignant nommément l’exécuteur. Elle périra elle-même victime, quelques jours plus tard le 27 décembre, dans l’explosion d’un véhicule piégé ; cela sans qu’il soit évidemment possible d’établir un lien de cause à effet entre ses déclarations inconsidérées et sa mort brutale.

À partir de là des esprits imaginatifs sont allés jusqu’à envisager que le corps d’OBL aurait pu être congelé puis ressorti au moment opportun. Après tout pourquoi pas ? Un scénario en tout cas guère plus absurde que celui de la traque victorieuse de l’homme recherché « mort ou vif » (et plutôt mort que vif, car les morts ne parlent pas). Triviale poursuite d’un fantôme que le FBI n’a jamais recherché pour l’affaire du WTC, mais uniquement pour les attentats d’août 1998 contre les ambassades américaines de Dar es Salam et de Nairobi. N’y a-t-il pas là de quoi se poser des questions ?

Une étrange et sordide affaire dont l’acte final vient à point nommé restaurer l’image ternie d’un président américain qui n’a cessé de trahir ses promesses. À commencer par son double engagement à quitter l’Irak et à amorcer l’évacuation de l’Afghanistan, deux bourbiers, deux enlisements, deux défaites morales, politiques et militaires. Sans compter l’engagement non tenu de fermer le bagne sordide de Guantanamo (245 détenus), et celui afghan de Bagram (600 prisonniers dits du champ de bataille), peut-être plus terrible encore étant oublié des hommes, des dieux et des journalistes.

Les guerres n’ont pas relancé l’économie américaine, au contraire elles l’on conduite au bord de la banqueroute avec sa dette colossale et le dieu dollar en train de péricliter. Les mensonges d’État ont encore accentué le terrible discrédit dont les États-Unis sont affligé et dont ils tentent de se débarrasser par d’autres mensonges, celui de la traque victorieuse d’Oussama Ben Laden étant le dernier en date. Mais ils ne parviennent en fin de compte qu’à aggraver toujours plus la suspicion qui les entoure.

Nous savons aujourd’hui que l’explication de la tragédie du 11 Septembre par Al Qaïda est un peu courte. Des millions de personnes, faits à l’appui, se sont convaincues qu’il s’agit bien d’un inside job, en un mot d’un coup d’État invisible destiné à lancer l’Amérique dans des guerres de conquête – sortes d’OPA très inamicale – sur le Proche Orient avec son gaz, son pétrole, ses richesses minières. Il n’en demeure pas moins que cette politique démentielle du mensonge n’a pas seulement porté tort à l’Amérique et aux nations qu’elles a dévastées, ni aux millions d’hommes exterminés (chiffres qui n’ont rien d’emphatique) au nom de la Démocratie et des droits de l’homme (Question : faut-il tuer les hommes pour leur apprendre à vivre ?), mais elle a nui à la planète tout entière devenue plus instable et les nations étant désormais en proie au doute et à l’inquiétude. Bref un monde plus chaotique, assez près de la crise de nerf. Cela a commencé à se traduire par la révolte des masses arabes. L’on sait où cela a débuté mais nul ne sait où cela nous conduira ?

Notons que s’il a fallu plusieurs années pour que les consciences se déverrouillent tout à fait à propos du 11/9. Après 2003, il en a fallu beaucoup moins pour crever la baudruche des armes de destruction massives irakiennes. Et plus le temps va, plus la réaction au mensonge se fait vive et rapide. On l’a vu pour l’épidémie grippale de type H1N1 de l’automne 2009 quand il a suffi de quelques semaines pour que la population de se déclare réticente aux délirantes (voire criminelles) campagnes de vaccination du gouvernement. À présent la mise en scène grossière de la disparition de Ben Laden a suscité une vague de scepticisme et de consternation que seuls les médias voix-de-son-maître n’ont pas encore perçue. À ce rythme la vérité pleine et entière ne devrait pas trop tarder.

Félicitons pour finir M. Obama et son équipe de joyeux tontons flingueurs d’avoir fait d’OBL avec sa dépouille océanique, la figure d’un martyr, un symbole qui éclairera d’un feu plus vif les révoltes à venir, et peut-être ici même. Symbole non d’un Islam intransigeant mais aussi du rejet d’un Occident qui finira par être demain plus haï qu’il n’est aujourd’hui convoité.

Léon Camus 9 mai 2011

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Notes

[1Une vidéo gore montre en ligne une scène de ce type avec la dilacération in vivo d’un kadhafiste.

[2La francisque appartenait à Mitterrand et le STO volontaire à Georges Marchais, les autres se reconnaîtront.

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