Geopolintel

McKinsey : L’influence des cabinets conseil sur les politiques publiques

lundi 21 mars 2022

La crise sanitaire a mis en lumière l’intervention des consultants dans la conduite des politiques publiques.
Ce n’était en réalité que la face émergée de l’iceberg : au quotidien, des cabinets privés conseillent l’État sur sa stratégie, son organisation et ses infrastructures informatiques. Peu connus du grand public, ils s’appellent Accenture, Bain, Boston Consulting Group (BCG), Capgemini, Eurogroup, EY, McKinsey, PwC, Roland Berger ou encore Wavestone et emploient environ 40 000 consultants en France.
À l’initiative du groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE), le Sénat a investigué pendant 4 mois sur l’influence des cabinets de conseil sur les politiques publiques, en utilisant les moyens de contrôle renforcés des commissions d’enquête parlementaires.

.

Les travaux de la commission d’enquête révèlent un phénomène tentaculaire. Les cabinets de conseil interviennent au cœur des politiques publiques, ce qui soulève deux principales questions : notre vision de l’État et de sa souveraineté face à des cabinets privés, d’une part, et la bonne utilisation des deniers publics, d’autre part.
Publiée pendant les travaux du Sénat, la circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022 sur l’encadrement des prestations de conseil est à la fois tardive et incomplète : l’objectif de réduction des dépenses (- 15 % pour le conseil en stratégie et en organisation en 2022) est peu ambitieux, alors que la transparence des prestations demeure la grande oubliée.

⦁ PLUS D’UN MILLIARD D’EUROS POUR DES PRESTATIONS DE CONSEIL, UN « POGNON DE DINGUE »

En 2021, les dépenses de conseil de l’État au sens large ont dépassé le milliard d’euros, dont 893,9 millions pour les ministères et 171,9 millions pour un échantillon de 44 opérateurs.
Il s’agit d’une estimation minimale car les dépenses des opérateurs sont en réalité plus élevées : si la commission d’enquête a interrogé ceux dont le budget était le plus important (Pôle emploi, Caisse des dépôts et consignations, etc.), l’échantillon ne représente que 10 % du total des opérateurs.
Le recours aux consultants n’a pas commencé sous ce quinquennat, chacun gardant en mémoire la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Il a toutefois été croissant entre 2018 et 2021, comme le confirment les données de la direction du budget : les dépenses de conseil des ministères ont plus que doublé, avec une forte accélération en 2021 (+ 45 %).

Évolution des dépenses de conseil des ministères (en millions d’euros)

Au sein de cette enveloppe, les dépenses de conseil les plus stratégiques (445,6 millions d’euros) augmentent significativement : le conseil en stratégie et organisation a été multiplié par 3,7 depuis 2018 ; le conseil en stratégie des systèmes d’information par 5,8.
Près de 85 % des dépenses sont concentrées dans 5 ministères : Intérieur, Économie et Finances, Armées, Transition écologique, ministères sociaux.

En pratique, le recours aux cabinets de conseil est facilité par des accords-cadres, dont celui de la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et de la centrale d’achat UGAP. Ces contrats mettent à la disposition des ministères un vivier de cabinets de conseil, dans lequel ils peuvent aisément piocher.

⦁ RECOURIR À DES CONSULTANTS EST DEVENU UN RÉFLEXE, Y COMPRIS POUR LES PRINCIPALES RÉFORMES DU QUINQUENNAT

Le recours aux consultants constitue aujourd’hui un réflexe : ils sont sollicités pour leur expertise technique – même lorsque l’État dispose déjà de compétences en interne – et leur capacité à apporter un regard extérieur à l’administration – par exemple pour des parangonnages internationaux (benchmarks).

La force de frappe des cabinets de conseil s’adapte à l’accélération du temps politique : des consultants peuvent être mobilisés très rapidement pour répondre aux priorités d’un ministre ou d’un directeur d’administration centrale. Comme l’a souligné l’universitaire Julie Gervais, un cabinet international peut, en deux semaines, « être en mesure de produire un rapport de trois cent pages en allant puiser auprès de ses succursales aux États-Unis, en Suisse ou ailleurs ».
En pratique, les consultants sont intervenus sur la plupart des grandes réformes du quinquennat, renforçant ainsi leur place dans la décision publique. En 2019, un cabinet d’avocats – Dentons – a même participé à la rédaction de l’étude d’impact du projet de loi d’orientation des mobilités.

Avec l’appui de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP)
Les consultants sont également appelés à la rescousse lorsque le Gouvernement est mis en difficulté sur un sujet. Après le fiasco de la propagande électorale lors des élections locales de 2021, le cabinet Sémaphores est ainsi chargé d’accompagner les préfectures dans l’organisation de la mise sous pli et de la distribution des professions de foi pour les élections présidentielles et législatives de 2022, pour un montant de 289 785 euros.
Une relation de dépendance peut s’installer entre l’administration et ses consultants, en particulier dans le domaine informatique. À titre d’exemple, l’État recourt à des prestations de conseil de Sopra Steria et EGIS pour gérer les radars routiers, pour un montant prévisionnel de 82 millions d’euros entre 2017 et 2026. De même, il a dû faire appel à McKinsey pour mettre en œuvre la partie informatique de la réforme des aides personnalisées au logement (APL).

Près de 4 millions d’euros à McKinsey pour la réforme des APL

Le Gouvernement a souhaité réformer au pas de charge le mode de calcul des APL, ce qui a nécessité de revoir les systèmes d’information de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF).
Initialement prévue le 1er janvier 2019, la réforme est reportée à plusieurs reprises à cause des lacunes informatiques de la CNAF puis de la crise sanitaire.
Le Gouvernement sollicite alors McKinsey pour contrôler la viabilité des solutions informatiques de la Caisse. Le 24 février 2020, le cabinet élabore par exemple « un point de situation à Matignon », comportant les mesures à prendre pour respecter le calendrier du projet.
Pour le ministère de la cohésion des territoires, « la maîtrise technique des [systèmes d’information] apportée par les consultants a constitué un apport nécessaire et décisif aux équipes ».
La réforme des APL est finalement entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Au total, McKinsey aura reçu quatre commandes, pour un montant de 3,88 millions d’euros.

⦁ COVID-19 : DES PANS ENTIERS DE LA GESTION DE CRISE SOUS-TRAITÉS À DES CABINETS DE CONSEIL

Au début de la crise sanitaire, le jeudi 5 mars 2020, un agent du ministère des solidarités et de la santé écrit à ses collègues : « j’ai vu une boîte de logistique hier habituée à travailler dans la pharma […]. Ils peuvent être là lundi pour monter le truc. […]. J’ai demandé l’ordre de grandeur, 50 000 euros pour nous mettre en place le système et suivre le déploiement pendant 15 jours. » La « boîte », c’est le cabinet de conseil Citwell ; le « truc », c’est un système de pilotage pour l’approvisionnement de la France en masques.

Le recours aux cabinets de conseil débute dans ce climat d’impréparation de l’État. Il va ensuite se prolonger tout au long de la crise sanitaire : au moins 68 commandes sont passées, pour un montant total de 41,05 millions d’euros. D’après les données recueillies sur un échantillon de 5 cabinets, l’intervention d’un consultant est en moyenne facturée 2 168,38 euros par jour.

Trois cabinets concentrent les trois quarts des dépenses : McKinsey (la clef de voûte de la campagne vaccinale), Citwell (le logisticien) et Accenture (l’architecte des systèmes d’information, dont le passe sanitaire). À eux trois, ils mobiliseront 11 128 jours de consultants pendant la crise.

Répartition des dépenses de conseil pendant la crise sanitaire
(hors Santé publique France et en millions d’euros)

Des pans entiers de la gestion de crise sont sous-traités aux cabinets de conseil.
Entre mars et octobre 2020, Citwell organise par exemple l’approvisionnement en masques, leur stockage puis leur distribution, tout en réalisant des analyses complémentaires pour le ministère comme une « demande d’information pour interview à BFM ». Sa mission sera progressivement étendue aux autres équipements de protection individuelle (blouses, gants, etc.), aux médicaments de réanimation et aux vaccins.
McKinsey s’occupe de la campagne vaccinale entre novembre 2020 et le 4 février 2022, avec une interruption de trois mois à l’automne 2021. Il remplit quatre missions principales, attestées par les procès-verbaux de réception de ses prestations, que la commission d’enquête a pu consulter.

Campagne vaccinale : les quatre principales missions de McKinsey

Quand McKinsey organise la journée des agents de Santé publique France (SpF)

À la demande du ministère des solidarités et de la santé, McKinsey assure la coordination entre l’État et l’une de ses agences, Santé publique France. Cette prestation débute par la mise à disposition d’un consultant, « agent de liaison », entre décembre 2020 et février 2021, pour un montant de 169 440 euros. Ensuite renforcée par d’autres consultants, elle durera jusqu’à la fin du mois de juin 2021.
McKinsey organise ainsi deux briefings quotidiens à Santé publique France, à 9 heures et 15 heures, suit les indicateurs clés de performance (KPI) et transmet au ministère les difficultés rencontrées par SpF dans son action logistique.
L’omniprésence de McKinsey est parfois mal vécue par les agents de SpF. Lors d’une réunion le 9 février 2021, ces derniers souhaitent que le cabinet arrête de demander l’état d’avancement « à 15 heures sur des actions prises le matin à 9 heures lorsqu’elles prennent du temps » ou encore qu’il réduise la taille de ses comptes rendus de réunion.

2. L’INTERVENTION « DISRUPTIVE » DES CONSULTANTS, POUR DES RÉSULTATS INÉGAUX

⦁ LES MÉTHODES DES CABINETS DE CONSEIL POUR « TRANSFORMER » L’ACTION PUBLIQUE : VERS UNE RÉPUBLIQUE DU POST-IT ?

Les consultants doivent « transformer » l’administration en proposant des méthodes
« disruptives », inspirées du secteur privé et répondant à un vocabulaire propre.

Exemples de méthodes utilisées lors des ateliers de consultants

⦁ le « bateau pirate » : chaque participant s’identifie à un des personnages (capitaine, personnages en haut du mât ou en proue, etc.) et assume ce rôle, son positionnement, ses humeurs, etc.
⦁ le « lego serious play » : chaque participant construit un modèle avec des pièces lego, construit l’histoire qui donne du sens à son modèle et la présente aux autres

Ces méthodes peuvent être mal acceptées par les agents publics, comme le montre l’intervention de Wavestone à l’Ofpra pour réduire les délais de traitement des demandes d’asile (prestation réalisée en 2021-2022, pour un montant de 485 818 euros).
Les agents de l’Ofpra déclarent ainsi : « j’ai l’impression que nous sommes régulièrement infantilisés », « le vocabulaire de la start-up nation me semble peu approprié à notre mission de service public ». Ils regrettent aussi la multiplication du nombre d’ateliers organisés par les consultants : « total heures par mois de réunion : 10 heures – sur le papier évidemment, car ça ne finit jamais à l’heure prévue ».
Ces dernières années, les cabinets de conseil ont transposé leurs méthodes aux consultations et aux ateliers citoyens. Une quinzaine d’exemples ont été identifiés entre 2018 et 2021, pour un montant total de près de 10 millions d’euros : concertation sur l’avenir de l’Europe (Roland Berger, 1,7 million d’euros), convention citoyenne pour le climat (Eurogroup, 1,9 million d’euros), etc.

Les consultations organisées sur les États généraux de la justice

Deux cabinets de conseil sont intervenus sur les États généraux de la justice : INOP’S et Capgemini, pour un montant total de 950 241,97 euros. Outre une plateforme en ligne (Parlonsjustice.fr), des « ateliers délibératifs » sont organisés avec 48 citoyens volontaires.
Les participants doivent déposer un post-it sur un paperboard en répondant à la question : « Qu’est- ce qu’est pour vous la justice idéale ? ». Ils procèdent ensuite à la lecture du « nuage de mots » ainsi constitué. À la fin de la journée, ils votent avec des gommettes vertes, jaunes et rouges sur les thématiques qui leur paraissent prioritaires.

⦁ DES LIVRABLES DE QUALITÉ INÉGALE, QUI NE CONNAISSENT PAS TOUJOURS DE SUITE

Une journée de consultant coûte en moyenne 1 528 euros à l’État.
Si l’expertise des consultants n’est pas remise en cause, leurs livrables ne donnent pas toujours satisfaction. Certaines évaluations de la DITP font état d’un « manque de culture juridique et plus largement du secteur public », « d’une absence de rigueur sur le fond comme sur la forme », même si les consultants étaient « des personnes de bonne compagnie ».
Parfois, aucune suite tangible n’est donnée à leurs prestations, comme lorsque McKinsey est intervenu en 2019 et 2020 à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) pour préparer la réforme (avortée) des retraites (prestation de 957 674,20 euros).

McKinsey et l’avenir du métier d’enseignant (496 800 euros)
En 2020, McKinsey a été chargé d’aider le professeur Yann Algan pour préparer un colloque à l’UNESCO, finalement annulé. Son livrable principal se résume à une compilation, certes conséquente, de travaux scientifiques et de graphiques conçus à partir de données publiques.
Seuls quelques graphiques de McKinsey seront repris pour un second colloque, organisé le 1er décembre 2020 au Collège de France.
À la demande du ministère de l’Éducation nationale, le cabinet a aussi travaillé sur deux études thématiques : la rémunération au mérite des professeurs et la gouvernance des établissements scolaires. Le ministère précise néanmoins « qu’il n’est pas possible de déterminer les conséquences directes » du rapport des consultants.

558 900 euros au BCG et à EY pour une convention finalement annulée
BCG et EY sont missionnés pour participer à l’organisation de la convention des managers de l’État, qui doit réunir 1 821 hauts fonctionnaires au Palais des Congrès le 12 décembre 2018.
Cet événement doit être l’occasion « d’embarquer » les fonctionnaires dans un élan de transformation, alors incarné par le programme Action publique 2022. Ils pourront suivre les masterclass de leur choix, sur des thèmes comme « Comment remettre la simplicité au cœur des organisations ? » ou
« l’Administration libérée ». Les organisateurs imaginent « l’intervention inspirante » d’une personnalité extérieure et envisagent ainsi la venue de Didier Deschamps.
Préparée pendant de longues semaines, la convention est d’abord reportée en raison de la crise des « gilets jaunes », avant d’être annulée à cause de la crise sanitaire. La rémunération des cabinets BCG et EY, qui ont produit les livrables demandés, n’est pas affectée.

⦁ UN ENCADREMENT DÉONTOLOGIQUE À RENFORCER

Si des règles existent déjà, « l’intervention des cabinets de conseil peut […] légitimement susciter des inquiétudes en matière de déontologie », comme l’a souligné Didier Migaud, président de la HATVP.

Les risques déontologiques identifiés
⦁ Les conflits d’intérêts, les cabinets de conseil conseillant simultanément plusieurs clients ;
⦁ La porosité, lorsque les cabinets recrutent d’anciens responsables publics (« pantouflage »). À titre d’exemple, parmi les 22 profils proposés par le BCG et EY dans leur réponse à l’accord-cadre de la DITP de 2018, 6 sont d’anciens responsables publics de haut niveau (dont un ancien conseiller économique à l’Élysée et un ancien conseiller du secrétaire d’État à l’industrie).
⦁ Le pied dans la porte, lorsque les consultants interviennent gratuitement (pro bono) pour l’administration.

En pratique, le pro bono concerne surtout le secteur économique, avec deux principaux bénéficiaires : l’Élysée (sommets Tech for good et Choose France, initiative Scale-up Europe) et Bercy. Dénuées de tout régime juridique, ces prestations peuvent être « récupérées » pour les besoins de la stratégie commerciale des cabinets de conseil, dans l’optique d’améliorer leur réputation.
Les cabinets multiplient les partenariats avec les grandes écoles. Ils disposent par exemple de 15 accords avec l’École polytechnique, pour un montant annuel de près de 2 millions d’euros.

3. UNE INFLUENCE AVÉRÉE SUR LA PRISE DE DÉCISION PUBLIQUE

A. « BEHIND THE SCENE » : LE DEVOIR DE DISCRÉTION DES CONSULTANTS
L’intervention des consultants doit rester discrète : lors de la crise sanitaire, McKinsey indique qu’il restera « behind the scene », en accord avec le ministère. Le cabinet n’utilise pas son propre logo pour rédiger ses livrables mais celui de l’administration.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, l’a d’ailleurs confirmé devant la commission d’enquête : « si vous aviez voulu [les] documents estampillés McKinsey présents dans le dossier, vous auriez trouvé une feuille blanche ».
La pratique est en réalité courante dans le secteur du conseil : les consultants peuvent travailler en « équipe intégrée » chez leurs clients et sont alors quasiment assimilés à des agents publics. Pendant la crise sanitaire, ils ont par exemple rédigé des notes administratives sous le sceau de l’administration. Certains disposaient même d’une adresse électronique du ministère.
Cette méthode de travail renforce l’opacité des prestations de conseil car elle ne permet pas de distinguer l’apport des consultants, d’une part, et celui de l’administration, d’autre part.

L’absence de visibilité alimente un sentiment de défiance, en particulier chez les agents publics

Les syndicats se sont par exemple émus du guide sur le télétravail dans la fonction publique, rédigé par Alixio, sous-traitant de McKinsey (235 620 euros) : « pourquoi ne nous a-t-il pas été précisé qu’il avait été élaboré avec le concours d’un cabinet de consultants ? Le coût nous aurait peut-être choqué, certes, mais nous aurions pu en discuter. […] Tout le monde était persuadé qu’il avait été fait par [l’administration] ».

B. LE RÔLE DES CONSULTANTS : PROPOSER DES SCÉNARIOS « ARBITRABLES »… MAIS LE PLUS SOUVENT ORIENTÉS

Au cours des auditions, Gouvernement, administration et cabinets de conseil l’ont affirmé avec vigueur : l’autorité politique décide en responsabilité ; les cabinets de conseil n’ont aucune influence sur la décision.
Les cabinets de conseil déploient néanmoins une stratégie d’influence dans le débat public, en multipliant les think tanks et les publications. À titre d’exemple, EY proposait en janvier 2022 « d’imaginer un nouveau plan de transformation ambitieux pour le prochain quinquennat » et évoquait la possibilité de supprimer 150 000 postes de fonctionnaires grâce au numérique.
Au quotidien, le rôle d’un cabinet de conseil consiste à rédiger des documents stratégiques à destination des responsables publics. L’accord-cadre de la DITP (2018) mentionne ainsi le « dossier de décision (cabinet ministériel, direction, préfet,…) », la « définition de la vision cible » ou encore la « feuille de route stratégique ».
En théorie, les cabinets de conseil doivent proposer plusieurs scénarios à leurs clients et préciser, de manière factuelle, les avantages et les inconvénients de chacun d’entre eux. Ils ont toutefois pour habitude de « prioriser » les scénarios proposés – avec l’accord, voire sur demande, de l’administration –, ce qui renforce leur poids dans la décision publique.

Des arbitrages orientés : l’exemple de la gestion du bonus / malus sur les cotisations d’assurance chômage
McKinsey est missionné en 2019, avec l’appui de la DITP, pour une prestation de 327 060 euros consistant à examiner le mode de gestion du nouveau bonus / malus sur les cotisations d’assurance chômage.
Le cabinet doit constituer un « dossier d’arbitrage » sur la répartition des tâches entre Pôle emploi, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et la mutualité sociale agricole (MSA).
Si McKinsey présente bien 4 scénarios dans le livrable du 8 juillet 2019, sa conclusion est sans appel :
« le choix de l’ACOSS / [MSA] en tant qu’opérateurs principaux avec support de Pôle emploi […] semble être la meilleure solution ». Les trois autres solutions ne correspondent pas au « choix recommandé ».

La marge de manœuvre des responsables publics ne peut qu’être réduite face à cette « priorisation » des scénarios par les cabinets de conseil, qui disposent ainsi d’une réelle influence sur la prise de décision.

Senat

—  0 commentaires  —

© Geopolintel 2009-2023 - site réalisé avec SPIP - l'actualité Geopolintel avec RSS Suivre la vie du site