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Les États-Unis, Israël et la Russie sur l’échiquier géopolitique ( Partie III )

Partie III : Fracture dans le système impérial judéo-américain

mardi 2 juillet 2019

Partie III : Fracture dans le système impérial judéo-américain

C’est la troisième et dernière partie de ma série d’articles sur la géopolitique des États-Unis, d’Israël, de la Russie et de l’Iran, qui constitue une sorte de cartographie du terrain ennemi. Une analyse des forces, des contradictions internes et des fractures du système impérial auquel nous faisons face. Ce sont ces fractures et divisions internes au monde judéo-américain que les opposants à cet empire doivent impérativement exploiter.

Donald Trump tente de se retirer de Syrie

Le 19 décembre 2018, Donald Trump a annoncé le retrait de Syrie d’environ 2 000 soldats américains. Le 7 janvier 2019, dans une réponse au New York Times par Twitter, le président américain a confirmé le retrait des troupes, mais en précisant « Nous quitterons (la Syrie) à un rythme adapté tout en continuant en même temps à combattre l’État islamique et à faire ce qui est prudent et nécessaire pour tout le reste » [1].

The Washington Post, se référant à un responsable de la Défense américaine, a annoncé que l’Administration Trump avait décidé de retirer les troupes américaines de Syrie. Juste après la publication de l’article du Washington Post, Donald Trump a publié le tweet suivant :

« Nous avons vaincu Daech en Syrie, ma seule raison d’y rester pendant la présidence de
Trump
 » [2]

Mike Pompeo, l’actuel secrétaire d’État, anciennement directeur de la CIA (du 23 janvier 2017 au 26 avril 2018), a, le 10 janvier 2019 lors de son voyage en Égypte, confirmé le retrait des troupes de Syrie :

« Le président Donald Trump a pris la décision de retirer nos troupes, nous allons le faie », sans mentionner le calendrier [3] .

Cette décision de Donald Trump a d’ailleurs provoqué la démission de James Mattis, secrétaire d’État à la Défense, et de Brett McGurk, Envoy for the Global Coalition to Counter ISIL (envoyé spécial pour la coalition globale contre Daech, nommé par le président Obama le 23 octobre 2015).

Ceci indiquait que la fracture s’aggravait encore, à l’intérieur de l’appareil d’État américain, entre les nationalistes isolationnistes, représentés par Trump, et les impérialistes globalistes.

Selon le New York Times, Brett McGurk a écrit dans un courriel à ses collègues que la démarche de Trump « a été un choc et qu’elle a été un renversement total de la politique qui nous a été articulée… Cela a laissé nos partenaires de la coalition confus et nos partenaires de combat déconcertés. »

Quant à James Mattis, il écrivait dans sa lettre de démission du 20 décembre 2018 :

« L’une de mes convictions fondamentales a toujours été que nos force en tant que nation est inextricablement lié à la force de notre système unique et complet d’alliances et de partenariats. Bien que les États-Unis demeurent la nation indispensable dans le monde libre, nous ne pouvons pas protéger nos intérêts ni jouer efficacement ce rôle sans maintenir de solides alliances et faire preuve de respect envers ses alliés. » [4]

En février 2019, The Washington Post rapportait :

« Les États européens ont rejeté la demande du président américain, Donald Trump, d’envoyer des troupes en Syrie pour combler le vide laissé par les forces américaines qui se retireront prochainement de Syrie. » [5]

Un officiel américain a déclaré que les alliés de Washington lui avaient dit à l’unanimité que « si vous partez, nous ne resterons pas ».
Actuellement, parmi les alliés des États-Unis, seuls le Royaume-Uni et la France ont des forces militaires déployées en Syrie. Le ministre britannique des Affaires étrangères, Jeremy Hunt, a déclaré :

« Il n’y a aucune possibilité de remplacer les troupes américaines par les forces britanniques en Syrie »

Les Européens ont conditionné le maintien de leur présence en Syrie a celui d’au moins une partie des forces américaines dans le pays, ce qui a conduit les représentants du Congrès, les autorités de l’Administration américaine et du Pentagone à dire que le président américain, Donald Trump, devait revenir sur sa décision.
Le conseiller américain à la sécurité nationale, John Bolton (l’homme des Israéliens), et le sénateur républicain Lindsey Graham ont alors fait savoir aux Européens qu’il était probable que les États-Unis maintiennent une partie de leurs troupes en Syrie. Graham, qui dirige un groupe de députés opposés à un retrait de Syrie, avait en conséquence proposé un plan visant à maintenir 200 soldats américains en Syrie.

D’après le Washington Post, lors d’une rencontre tenue à huis clos en marge de la Conférence sur la sécurité de Munich, Graham a vivement critiqué le secrétaire à la Défense, Patrick Shanahan :

« Est-ce que vous dites à nos alliés qu’à partir du 30 avril, ils ne pourront plus compter sur nos forces ? C’est l’idée la plus ridicule que j’ai jamais entendue »

Bolton a déclaré que même si les troupes américaines quittaient le nord et l’est de la Syrie, elles resteraient toujours sur la base d’al-Tanf à la frontière sud de la Syrie avec la Jordanie, en raison de l’importance stratégique que revêt la région pour empêcher l’Iran de se frayer une route vers le Liban. En clair, maintenir une base américaine pour protéger Israël.

Les Israéliens se méfient de Trump

Évidemment, cette décision n’a pas été de nature à enthousiasmer les Israéliens.
Benjamin Netanyahou n’a pas voulu montrer de signes d’inquiétude, toutefois il a déclaré :

« C’est bien sûr la décision américaine. Nous étudierons le calendrier de sa mise en œuvre et les moyens et, certainement, les conséquences pour nous. En tout cas, nous veillerons à assurer la sécurité d’Israël et à nous protéger des menaces depuis cette direction. » [6]

Mais d’après The Jerusalem Post (le 2 janvier 2019) : « Les officiels israéliens ont exprimé leur inquiétude depuis que le président a annoncé le retrait rapide des 2 000 soldats… »

Et le journal israélien d’ajouter, en exprimant son fort mécontentement :

« Trump prétend que l’Iran souffre des sanctions US renouvelées depuis le retrait de l’accord sur le nucléaire de 2015 passé avec les grandes puissances internationales, mais il accepte qu’ils (les Iraniens) demeurent une puissance présente en Syrie. » [7]

Le site d’information World Israel News rapporte (le 22 décembre 2018) les propos d’un ministre israélien qui s’est exprimé sur le retrait américain, le qualifiant de « mauvais et horrible pas diplomatique », et d’ajouter « Ce retrait ne sert pas les intérêts d’Israël, nuit aux Kurdes, renforce Erdogan et donnera à l’Iran de nouvelles routes par lesquelles ils enverront des armes à la Syrie. » [8]

The Jerusalem Post explique par ailleurs qu’Israël s’inquiète car l’Iran construit un « pont terrestre » connectant les ressources et les forces militaires de Téhéran vers la Mer Méditerranée à travers l’Irak, la Syrie et le Liban, tirant avantage de la destruction des gouvernements locaux et du retrait américain.

En conséquence, et d’après des officiels jordaniens de haut rang, Israël, l’Arabie saoudite et la Jordanie « travaillent ensemble pour contenir la menace présentée par l’Iran et la présence du Hezbollah en Syrie » [9] .

Aux critiques selon lesquelles sa décision de retirer les troupes de Syrie affaiblirait Israël, Donald Trump a répondu :

« Nous donnons à Israël 4,5 milliards de dollars par an. Et ils se débrouillent très bien…
Je suis celui qui a déplacé l’ambassade à Jérusalem. J’étais celui qui était prêt à faire ça. Donc, c’est comme ça – nous allons prendre grand soin d’Israël. Israël va être bien.
 » [10]

La Russie et Israël règlent leurs comptes à l’ONU

Comme je l’ai expliqué dans la partie II de cette série d’articles, le conflit latent entre Israël et la Russie a éclaté en septembre 2018, lorsqu’un un avion russe a été abattu suite à une manœuvre perfide de l’aviation israélienne.
Et la tension entre ces deux pays n’a pas faibli. Notamment aux Nation unies, où Israël a pris position, en décembre 2018, contre la Russie au sujet de la Crimée.

L’Assemblée générale des Nations Unies a voté, le 17 décembre 2018, une résolution présentée par l’Ukraine et condamnant, notamment, la présence militaire russe en Crimée. Parmi les 66 pays qui ont voté pour cette résolution (72 se sont abstenus et 19 ont voté contre) condamnant la Russie, se trouve Israël [11].
Il est aussi intéressant de noter que la Turquie d’Erdogan, la Hongrie de Viktor Orbán et l’Italie dirigée par un gouvernement souverainiste, ont voté pour cette résolution anti russe.
Konstantin Kossatchev, sénateur et président de la commission des Affaires étrangères de la chambre haute du Parlement russe, a déclaré à ce propos :

« Les 66 nations qui ont voté l’odieuse résolution sur la Crimée, partageront la responsabilité des décisions futures de l’Ukraine si elles mènent à une tragédie »

Mais ce n’est pas la première fois que les Israéliens s’appuient sur l’Ukraine pour l’utiliser comme levier de pression sur la Russie. En avril 2015, alors que Poutine autorisait la livraison de missiles défensifs S-300 à l’Iran, Israël s’apprêtait à envoyer des armes en Ukraine afin d’alimenter le feu [12] qui couvait après les accords de cessez-le feu de Minsk II (12 février 2015). Vladimir Poutine avait alors mis en garde Israël.

De son côté, la Russie a aidé à faire échec, en décembre 2018, à une résolution parrainée par les États-Unis qui condamnait le Hamas [13] pour « des tirs répétés de roquettes vers Israël » [14] .

La Russie est allée plus loin encore, en invitant, toujours en décembre 2018, Ismail Haniyeh, le chef du Hamas, à se rendre à Moscou, malgré l’opposition de Tel-Aviv et de l’Autorité palestinienne.
Officiellement, Moscou a invité le chef du Hamas dans le but de résorber la fracture entre le Hamas et le Fatah. Le vice-ministre des Affaires étrangères russe et représentant spécial du président de la Fédération de Russie pour le Proche-Orient (aussi vice-président de la Société impériale orthodoxe de Palestine), Mikhail Bogdanov, a fait une déclaration tout à fait intéressante à ce propos :

« Notre opinion est que la priorité doit être l’établissement de l’unité nationale de la Palestine. Selon nous, il est extrêmement important que le Fatah et le Hamas, ensemble avec d’autres organisations palestiniennes, se rencontrent et se mettent d’accord sur la restauration d’une unité politique et géographique. » [15]

Il faut lire entre les lignes… S’appuyer sur le Hamas, parler d’unité politique et géographique de la Palestine, dans ce contexte, signifie que la Russie entend reprendre (ou menace de reprendre) la main en Palestine occupée, et ce en opposition directe à l’État hébreu. C’est un message fort et une menace envoyés par la diplomatie russe à Israël.

Samuel Barnai, expert en histoire et politique de l’Europe centrale et orientale à l’Université hébraïque de Jérusalem, estime lui aussi que les relations russo-israéliennes continueront à se dégrader :

« Les tensions actuelles au sujet de la Syrie iront croissant et elles peuvent avoir un impact à long terme sur les liens entre Israël et la Russie. Les Russes fournissent principalement un soutien aérien au gouvernement syrien, tandis que l’Iran soutient ce dernier au niveau terrestre. Ce partenariat oblige Israël à calculer désormais et même plus que par le passé ses gestes et ses actes et ce, en fonction de la présence militaire de Moscou dans la région. Dans ce contexte, il est bien difficile de parler d’un retour de l’embelli relationnel entre Tel-Aviv et la Russie. C’est une question de vie ou de mort pour Israël, car il ne peut permettre aux combattants alliés de l’Iran de conforter leur puissance. Il peut coopérer avec les Russes sur certaines questions, mais pas celles concernant son allié iranien, et encore pire est ce rapprochement Russie/Iran qui est de plus en plus perceptible non seulement en Syrie mais aussi au Liban ou encore au Yémen. » [16]

Les Israéliens et leurs Faucons étasuniens maintiennent la présence des forces américaines en Syrie et en Irak

La tendance impérialiste pro-israélienne n’a évidemment pas abandonné le projet de destruction de la Syrie. En témoigne la livraison, début février 2019, de matériel au nord-est de la Syrie, en zone kurde. En effet, l’agence de presse du gouvernement turque, Anadolu, rapporte que les États-Unis ont livré 150 camions et véhicules blindés, lesquels ont traversé le check point de Simelka, le long de la frontière syro-irakienne, pour finir au centre militaire logistique à Kharab Ishq et Sirrin (en Syrie) [17] .

Le président turque Recep Tayyip Erdogan avait alors déclaré qu’aucun accord satisfaisant n’a été conclu avec Washington sur la création d’une zone sécurisée au nord de la Syrie, et a averti que la patience de la Turquie atteignait ses limites. Il a également souligné que la milice kurde YPG, qu’Ankara considère comme une organisation terroriste, n’a pas été chassée de Manbij (ville syrienne) en deux semaines, et que par conséquent la Turquie pourrait prendre l’initiative d’éliminer les menaces contre sa sécurité nationale.

Commentant les négociations turco-américaines sur la mise en place d’une zone tampon en Syrie entre les forces turque et kurde, le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a déclaré que tout accord impliquant le territoire syrien requerrait l’aval de Damas. Le gouvernement syrien, quant à lui, a rejeté la proposition de création de zone tampon, accusant Ankara d’ignorer les résolutions internationales qui ont toujours affirmé le respect de l’intégrité territorial de la Syrie.

Le 29 janvier 2019, une série de frappes d’artillerie ont été menées par l’armée syrienne sur des positions terroristes dans la zone de désescalade d’Idlib, visant les régions de Tamanah, Tal Teri, Tal Suayk, Suayk, Morek et Tal Huwayr. Ces opérations militaires visent les terroristes, soutenus par la Turquie, qui violent l’accord de cessez-le-feu en attaquant régulièrement les positions de l’armée syrienne à Maan et Atshan.
Sergueï Lavrov a expliqué que la trêve convenue entre la Russie et les terroristes soutenus par Ankara avait pris fin en raison de la domination d’Idlib par les éléments terroristes de Hayat Tahrir al-Cham. Le fait que le Front al-Nosra ait pris le contrôle d’une grande partie du gouvernorat d’Idlib, ne correspond pas bien sûr aux accords conclus sur les questions de sécurité d’Idlib, a souligné le ministre russe des Affaires étrangères. Al-Nosra et les autres groupes terroristes proches de la Turquie n’ont pas respecté l’accord russo-turc qui stipule leur désarmement et leur retrait de la zone tampon déterminée d’un commun accord. Ce qui contraint l’armée syrienne et ses alliés à passer à l’offensive [18].

Les forces américaines, quant à elles, sont restées présentes dans la zone syrienne de Tanaf. L’agence arabe syrienne d’informations, Sana, rapportait le 6 février 2019 que la Russie a appelé les États-Unis à retirer immédiatement leurs forces de Tanaf, exprimant son inquiétude concernant la situation dans le camp de Rukbane pour les personnes déplacées.
Lors d’une séance tenue le 6 février 2019 par le comité commun de coordination interministériel, le représentant du ministère russe des Affaires étrangères au sein du comité, Igor Tsarikov, a déclaré :

« Nous appelons Washington à retirer immédiatement ses forces et à passer la supervision de cette zone au gouvernement syrien qui est apte à protéger ses citoyens. » [19]

Le site d’information libanais al-Ahed, faisait état, le 23 janvier 2019, des agissements des militaires américains dans la province syrienne de Deir ez-Zor. Selon al-Ahed :

« La coalition internationale, sous le commandement des États-Unis, a remis une déclaration aux unités kurdes selon laquelle les militaires américains resteront pour une durée indéterminée à Deir ez-Zor jusqu’à l’éradication des terroristes de Daech. » [20]

Et Press TV relatait des sources concordantes sur l’arrivée de grands convois militaires américains dans la province de Hassaké depuis le nord de l’Irak. Ces informations confirmaient la volonté américaine d’implanter une nouvelle base militaire à l’est de Deir ez-Zor.
Le conseiller en chef des forces de la coalition internationale en Syrie, William Robak, aurait rencontré le 20 janvier 2019 nombre de personnalités de renom des tribus de Deir ez-Zor (les tribus qui vivent dans les régions contrôlées par les Forces démocratiques syriennes, FDS). William Robak aurait alors déclaré aux participants à cette réunion que les militaires US resteraient sur place jusqu’à la réalisation d’un règlement politique.
L’ambassadeur des États-Unis à Berlin Richard Grenelle a déclaré, lors d’un discours retransmis par les organes médiatiques arabophones des groupes terroristes syriens, que les bases militaires US resteraient sur place et que des attaques seraient lancées à partir de ces bases, au besoin.

De toute évidence, les Américains viennent à la rescousse des groupes terroristes en voie d’éradication. Raison pour laquelle Sergueï Lavrov a affirmé, le 1er février 2019, que les États-Unis utilisent les terroristes en Syrie pour servir leurs intérêts géopolitiques. Le Ministre russe des Affaires étrangères a déclaré sans ambiguïté :

« Washington n’est pas opposée à utiliser ceux qui sont sans aucun doute des terroristes, pour servir ses intérêts géopolitiques, ce que les Américains font en Syrie… Durant les 8 ans de guerre contre la Syrie, les agences américaines ont soutenu les terroristes qui sont directement affiliés à Al Qaïda, en violation directe de la loi américaine, et tout cela pour servir leurs propres intérêts et objectifs. » [21]

En réalité, ce sont les intérêts et objectifs israéliens que l’armée américaine sert, notamment lorsqu’elle soutient les terroristes.

Dans un article du 28 janvier 2019, Gilles Munier, grand spécialiste de l’Irak, confirmait la réactivation d’anciennes bases US en Irak, ou la construction de nouvelles [22] . En décembre 2018, l’agence de presse turque Anadolu [23] en a signalé deux dans la région d’Al Anbar, et Press TV [24] deux autres : sur l’aéroport militaire Qayyarah à 40km au sud de Mossoul, et près de l’ex barrage Saddam, au nord de la ville.

Gilles Munier précise que « si la plupart des bases ne sont pas répertoriées, c’est uniquement pour ne pas envenimer les débats au Parlement irakien et dans les médias bagdadis sur le maintien de troupes étrangères dans le pays, ou pour ne pas exacerber les tensions diplomatiques internationales ».

Le maintien des bases américaines en Irak est fort probablement dû à l’influence israélienne sur la politique étasunienne…
En effet, lors de sa tournée au Proche-Orient en janvier 2019, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo (judéophile et pro-israélien fanatique [25]), a informé le Premier ministre irakien, Adel Abdel Mahdi, d’une possible attaque israélienne contre les bases des Hachd al-Chaabi (Unités de mobilisation populaire, intégrés dans l’armée) dans la province d’Anbar et le long de la frontière avec la Syrie. Et ce après avoir demandé au Premier ministre irakien de dissoudre les Hachd al-Chaabi.

Mike Pompeo a déclaré durant sa tournée :

« En cas d’attaque (israélienne), Washington n’interviendra en aucune circonstance, car Tel-Aviv a le droit de se défendre contre la menace iranienne. » [26]

Les Hachd al-Chaabi, que souhaiterait voir dissout Pompeo, ont été créés et formés en 2014 par la brigade Al Quds du général iranien Suleimani, alors que tout le nord de l’Irak était contrôlé par Daech.

Pompeo a également averti le Premier ministre irakien que si l’Ambassade des États-Unis à Bagdad était attaquée, les forces US attaqueraient le siège des Hachd à Bagdad.

En juin 2018, les Israéliens avaient bombardé une base du Hezbollah irakien (qui est un des principaux groupes des Hachd al-Chaabi) près d’Abou Kamal (frontière irako-syrienne), pour tester la réaction des Hachd al-Chaabi. Cette opération a fait 22 morts, et le Hezbollah a réagi à l’opération en attaquant un camp de Daech.

Un des principaux représentants des Hachd al-Chaabi, Qassem Mosleh, a déclaré sur la chaîne de télévision al Masdar que la présence des troupes de Washington « s’est accrue dans le pays et constitue un obstacle aux actions militaires des Hachd al-Chaabi contre les milices de Daech toujours présentes dans la région d’Anbar », et il a ajouté « les manœuvres des forces américaines, en concomitance avec les menaces israéliennes de nous frapper ont pour objectif de soutenir et de renforcer Daech dans la région. Cela a pour but de justifier la présence à durée indéterminée de Washington dans notre pays ».

Moin al Kazemi, l’un des principaux commandants de Hachd al-Chaabi, lors d’une interview accordée à la chaîne kurde Rudaw a qualifié les menaces israéliennes de « tentative de faire pression sur le gouvernement du Premier ministre Mahdi considéré comme fragile ». Et il a précisé que « toute attaque de Tel Aviv aura des conséquences pour toute la région… Israël ne doit pas jouer avec le feu, car Tel-Aviv sait bien que nous appartenons à l’axe de la résistance, aux côtés des Syriens, des Libanais et des Palestiniens. Un éventuel conflit conduirait à l’ouverture de plusieurs fronts dans le territoire israélien et le long de tout les territoires occupés illégalement par Tel-Aviv, en Palestine, en Syrie et au Liban ».

Quelques semaines plus tard, le mardi 12 février 2019 les dirigeants russes ont divulgué un rapport de leur service de renseignement au quotidien Kommersant, confirmant que les forces de défense antiaérienne syriennes seraient prêtes à utiliser les missiles russes S-300 à partir de mars 2019, après avoir achevé la formation nécessaire. C’est ce qui explique pourquoi ces missiles n’ont pas été utilisés pour faire face aux raids israéliens en Syrie le lundi 11 février 2019.

Tous les accords russo-israéliens selon lesquels les forces iraniennes devaient rester à 80 kilomètres des frontières sud de la Syrie avec la Palestine occupée, en particulier les hauteurs du Golan, n’ont eu aucun effet sur le terrain.

Le rédacteur en chef du journal numérique Rai Al-Yaoum, Abdel Bari Atwan, livre à ce propos une analyse intéressante. Ainsi il explique, dans un article du 24 février 2019, que les responsables israéliens se sont beaucoup vantés du présumé succès des frappes de missiles qui, selon eux, étaient des dépôts d’armes et des bases des Gardiens de la révolution iranienne en Syrie. Ces prétendus succès ont soulevé de nombreux doutes, même parmi les experts militaires israéliens, non seulement parce qu’ils étaient exagérés, mais aussi parce qu’ils étaient destinés à faire oublier la décision stratégique extrêmement importante d’ouvrir progressivement le front sur le plateau du Golan et d’établir un front sud contre l’occupation. Et il pense que :

« L’année en cours sera marquée par un saut qualitatif rapide dans les capacités de défense aérienne de la Syrie après la mise en service des S-300 sur le champ de bataille.
Si les systèmes russes moins sophistiqués, tels que les Pantsir et Buk, sont capables d’intercepter la plupart des missiles tirés par des avions de guerre israéliens depuis l’espace aérien libanais et au-dessus de la Galilée occupée et du lac Tibériade – car ces avions de guerre n’osent pas infiltrer l’espace aérien syrien par peur d’être abattus – on peut imaginer ce qui adviendra après l’entrée en service des S-300. Lorsque cela se produira, les avions de combat israéliens pourront être interdits même dans l’espace aérien libanais.
Les Russes ont fait allusion à cette possibilité à plus d’une occasion après avoir perdu patience face au comportement provocateur d’Israël.
 » [27]

À quoi s’ajoute le fait que les Gardiens de la révolution iranienne peuvent maintenant lancer des attaques de représailles contre Israël avec des missiles, non seulement du sud de la Syrie, mais également depuis le territoire irakien. Cela expliquerait, selon Abdel Bari Atwan, les menaces israéliennes à l’encontre de l’Irak.

En outre, il arrive à la conclusion que le nouveau statut de l’Iran en État de première ligne avec l’État israélien d’occupation comble le vide stratégique créé par la démission de certains pays arabes. Ce qui devrait donner à l’Iran un rôle de premier plan dans tout le monde arabe. L’influence iranienne augmentant au Yémen, en Irak, en Syrie, en Palestine, au Liban, et bientôt au Soudan.

Raison pour laquelle les Israéliens, fébriles, s’accrochent désespérément aux Américains qui ne maintiennent leurs bases en Irak qu’au seul profit de l’État hébreu.

Au sein de l’appareil d’État américain, la décision du maintien de la présence américaine en Syrie et en Irak est le fait du commandement militaire qui s’oppose à Trump, du propre aveu de ce dernier, qui a dit aux médias que les commandants militaires américains empêchaient le retrait de Syrie. Joseph Votel, commandant du Centcom (un des dix United States Central Command), et Joseph Dunford, chef d’état-major de l’armée américaine, se sont publiquement opposés à la décision de Trump, affirmant qu’un retrait soudain de Syrie pourrait entraîner la réapparition de Daech et l’affaiblissement des Kurdes.
À l’évidence Donald Trump ne dispose pas de tous les leviers de contrôle de l’État et en particulier de l’armée américaine. La machine de guerre étasunienne n’est pas sous l’autorité exclusive du président. Et il faudra nécessairement une force extérieure pour mettre un terme à l’hybris et à l’impérialisme judéo-américain…

Trump signe un décret reconnaissant la souveraineté d’Israël sur le Golan

Dans une volonté manifeste d’apaiser les Israéliens, le président des États-Unis, Donald Trump, a signé le 25 mars 2019 un décret reconnaissant la souveraineté d’Israël sur le plateau syrien du Golan. Et ce en présence du premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, en visite aux États-Unis.
Ce dernier, alors en pleine campagne électorale en Israël, a déclaré que l’État hébreu « ne renoncerait jamais » à la majeure partie du Golani, qui a été conquis par les Israéliens en 1967 durant la guerre des Six-Jours, avant de l’annexer en 1981. Une annexion jamais reconnue à l’échelle internationale.

D’ailleurs, dès 1920, les sionistes ont voulu s’approprier le Sud-Liban et le Golan, et ainsi prendre le contrôle des eaux du [28] et des sources du Jourdain [29].

À l’annonce du décret signé par Trump, la Syrie a dénoncé une « atteinte flagrante » à sa souveraineté, et le Kremlin a déclaré craindre « une nouvelle vague de tensions » au Proche-Orient.

Le 21 mars 2019, quatre jours avant de signer le décret, Donald Trump avait tweeté :

« Après cinquante-deux ans, il est temps pour les États-Unis de reconnaître pleinement la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan, qui est d’une importance stratégique et sécuritaire critique pour l’État d’Israël et la stabilité régionale ! »

En novembre 2018, les États-Unis avaient voté contre une résolution de l’ONU considérant l’annexion israélienne du Golan comme « nulle et non avenue ». C’est le seul pays à avoir voté contre aux côtés d’Israël.

Mais ce décret du président américain a été une nouvelle fois l’occasion de constater les divisions internes au monde juif, et sur lesquelles je reviendrai plus bas.

Les deux puissantes organisations du lobby pro-israélien – de la tendance néo-conservatrice – AIPAC (American Israel Public Affairs Committee) et ZOA (Zionist Organization of America), ont salué la décision de Donald Trump d’émettre ce décret reconnaissant la souveraineté d’Israël sur le Golan syrien.

L’AIPAC, très enthousiaste, a twitté :

« Compte tenu des circonstances politiques et sécuritaires en Syrie, nous avons dit qu’il était inconcevable d’imaginer un retrait israélien du plateau du Golan »

Mais l’important think tank américain CFR (Council on Foreign Relations) s’y est fermement opposé [30]. Pourtant le CFR compte à sa tête plusieurs judéo-américains : le président, Richard Haass, le financier milliardaire David Rubenstein, qui en est le co-président, et l’ultra-sioniste Elliott Abrams qui fait partie des experts du [31].
Le président du CFR, Richard Haass, a affiché publiquement son désaccord dans un tweet :

« Fermement en désaccord avec Donald Trump ; ce n’est pas le moment pour nous de reconnaître la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan. Aucun gouvernement arabe ne voudra faire la paix avec Israël et violera la Résolution 242 du Conseil de Sécurité des Nations unies [32] qui interdit l’acquisition de territoire par la guerre et qui sert Israël, car il y est dit que tous les États ont le droit de vivre en paix »

Voici le contenu de la résolution 242 du Conseil de sécurité, adoptée le 22 novembre 1967 à la majorité absolue des 15 membres [33] :

« Le Conseil de sécurité,
Exprimant l’inquiétude que continue de lui causer la grave situation au Proche-Orient,
Soulignant l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la guerre et la nécessité d’œuvrer pour une paix juste et durable permettant à chaque État de la région de vivre en sécurité,
Soulignant en outre que tous les États Membres, en acceptant la Charte des Nations unies, ont contracté l’engagement d’agir conformément à l’Article 2 de la Charte,

1. Affirme que l’accomplissement des principes de la Charte exige l’instauration d’une paix juste et durable au Proche-Orient qui devrait comprendre l’application des deux principes suivants :
a. Retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés au cours du récent conflit ;
b. Fin de toute revendication ou de tout état de belligérance, respect et reconnaissance de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de chaque État de la région et de son droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, à l’abri de menaces ou d’actes de violence ;

2. Affirme d’autre part la nécessité : 
a. De garantir la liberté de navigation sur les voies d’eau internationales de la région ;
b. De réaliser un juste règlement du problème des réfugiés ;
c. De garantir l’inviolabilité territoriale et l’indépendance politique de chaque État de la région, par des mesures comprenant la création de zones démilitarisées ;

3. Prie le Secrétaire général de désigner un représentant spécial pour se rendre au Proche-Orient afin d’y établir et d’y maintenir des rapports avec les États concernés en vue de favoriser un accord et de seconder les efforts tendant à aboutir à un règlement pacifique et accepté, conformément aux dispositions et aux principes de la présente résolution ;

4. Prie le Secrétaire général de présenter aussitôt que possible au Conseil de sécurité un rapport d’activité sur les efforts du représentant spécial. »

L’on comprend mieux, après lecture attentive de la résolution 242 du Conseil de sécurité, la déclaration du président du CFR, qui voit dans la décision de Donald Trump la mise en danger de l’État hébreu. Car, dès lors que le vol, par la guerre, d’une partie de la Syrie, à savoir le plateau du Golan, est reconnu « légalement » par un des membres du Conseil de sécurité (les États-Unis), l’on sort du statu quo, et alors rien n’empêchera l’État syrien (aidé sur le terrain par le Hezbollah et l’Iran, et soutenu diplomatiquement par la Russie) de récupérer militairement cette partie de son territoire.

Fracture dans le monde juif : la diaspora juive contre Israël  

Israël est donc de plus en plus isolé diplomatiquement, et au pied du mur militairement. À cela s’ajoute le fait qu’une partie de la diaspora, pourvoyeuse de fonds de l’État hébreu (et qui garantit, via ses lobbies, le soutien apporté par les pays occidentaux à Israël), perçoit depuis quelques temps l’État hébreu comme un danger et un boulet. En effet, l’affirmation de plus en plus outrancière du caractère religieux de l’État juif et sa légitimation sur une base biblique, sa politique d’épuration ethnique fondée sur la Torah et le Talmud [34], les atrocités dont sont victimes les Palestiniens… Tout cela contribue à faire augmenter tendanciellement l’hostilité envers Israël, et par suite, au judaïsme et aux juifs à travers le monde ; ce qui met par conséquent en péril la diaspora.

Raison pour laquelle le président du Congrès juif mondial, Ronald Lauder, qui a financé la carrière politique de Benjamin Netanyahou, s’en est pris à ce dernier à deux reprises dans le New York Times [35] en 2018. Il a ainsi fustigé la politique israélienne :

« Les Juifs de l’ère nouvelle ont fusionné notre fierté nationale et notre appartenance religieuse avec un dévouement au progrès humain, à la culture du monde et à la moralité.
Conservateurs et libéraux, nous croyons tous en un sionisme juste et un judaïsme pluraliste qui respecte chaque être humain. Ainsi, lorsque les membres du gouvernement actuel d’Israël sapent l’alliance entre le judaïsme et l’éveil, ils annihilent la quintessence de l’existence juive contemporaine.« 
 » [36]

Outre le danger que présente Israël pour les juifs du monde entier, on a là l’illustration d’une opposition entre les juifs libéraux, qui défendent un judaïsme réformé, représenté ici par Lauder, et les juifs orthodoxes, qui ont pris le pouvoir en Israël. Et c’est eux que pointe du doigt Lauder quand il écrivait en mars 2018 :

« En se soumettant aux pressions exercées par une minorité en Israël, l’État juif aliène une grande partie du peuple juif. » [37]

Par ailleurs, la vague souverainiste qui balaye l’Occident depuis 2016, a conduit Israël à se repositionner en faveur de ce populisme européen qu’il tente de récupérer. Cette tentative fut notamment illustrée par un livre écrit par le journaliste israélien Anshel Pfeffer, correspondant de The Economist et éditorialiste au journal israélien Haaretz. Son ouvrage, intitulé Bibi, est une biographie valorisante de Netanyahou, dont Anshel Pfeffer redessine les traits pour en faire un homme cultivé, un brillant visionnaire, leader mondial et un exemple des dirigeants politiques, tel qu’Orban, Trump et Poutine.
Dans un entretien - titré « Pour les Trump, Poutine, Orban… Netanyahou fait office de patriarche » [38] - accordé au journal Libération, le journaliste israélien tente de nous faire croire que :

« Pour les Trump, Orban, Salvini, Duterte, Abe ou même Modi et Poutine – toute une génération de leaders qui défient le modèle progressiste occidental fondé sur le respect des droits de l’homme – Netanyahou fait office de patriarche, de modèle. Ils se disent : ‘‘Ce type est en poste depuis si longtemps, gagnant élections après élections, et il fait ce qu’on a toujours voulu faire : dire à la gauche et aux médias d’aller se faire foutre’’. La conséquence, c’est que dans le club des grands de ce monde, les dirigeants à la Macron ou Merkel sont mis en minorité. Il est plus difficile que jamais de peser sur Netanyahou… »

C’est précisément la ligne adoptée par Éric Zemmour, le chantre, en France, du nationalisme israélo-compatible, qui expliquait en mai 2018 à la radio (de grande écoute) RTL, alors que les Israéliens tiraient sur des manifestants palestiniens :

« Israël est la cible privilégiée des médias occidentaux qui ne cessent de dénoncer la brutalité des méthodes de la démocratie illibérale… Mais à Budapest comme à Varsovie, à Moscou comme à Jérusalem, les peuples votent massivement pour des gouvernements que ces grands médias vilipendent. » [39]

Mais tous les juifs ne voient pas tous d’un bon œil ce rapprochement que tente Israël avec les souverainistes européens. Parmi eux, les libéraux, l’aile gauche, s’insurgent contre cette alliance avec les populistes qu’ils considèrent comme « antisémites ». Certainement parce qu’ils gardent à l’esprit qu’historiquement le nationalisme européen n’est pas franchement philosémite…

Le 19 septembre 2018, le journal Haaretz a publié un article titré « L’État d’Israël contre le peuple juif » [40]. Et le journal de la gauche israélienne s’alarme :

« Israël s’est aligné à des régimes nationalistes, même antisémites… Un tremblement de terre est en train de doucement secouer le monde juif.  »

Et Haaretz rappelle qu’« au XVIIIe siècle, les juifs ont commencé à jouer un rôle décisif dans la promotion de l’universalisme, car l’universalisme leur promettait l’émancipation de leur sujétion politique. À travers l’universalisme, les juifs pouvaient, en principe, être libres et égaux à ceux qui les dominaient. C’est pourquoi, dans les siècles qui ont suivi, les juifs ont participé en nombre disproportionné aux causes communiste et socialiste. C’est aussi pour cela que les juifs étaient des citoyens modèles dans des pays comme la France ou les États-Unis.

Toutefois, l’histoire des juifs en tant que promoteurs des Lumières et des valeurs universelles touche à sa fin. Nous sommes les témoins stupéfaits de nouvelles alliances entre Israël, des factions juives orthodoxes à travers le monde, et un nouveau populisme global où l’ethnocentrisme et même le racisme tiennent une place centrale. »

Parmi les nouveaux « amis » d’Israël, on compte la Hongrie de Viktor Orbàn. Ce dernier, qui est devenu un ennemi acharné du financier juif américain (d’origine hongroise), maître des révolutions colorées, George Soros, a trouvé, dans cette lutte, un allié en la personne de Benjamin Netanyahou.
Israël soutient donc Orbán contre Soros, en échange de la promesse de la part du gouvernement hongrois de lutter par tous les moyens contre la montée de l’antisémitisme et de l’antisionisme [41].
Orbán a d’ailleurs, lors d’un discours public, inclut Israël dans la liste des nations qui résistent à Soros [42].

Mais les juifs libéraux, représentés par Haaretz, ne croient visiblement pas à cette amitié israélo-hongroise :

« Sous le gouvernement de Viktor Orbán, la Hongrie montre des signes troublants de légitimation de l’antisémitisme. En 2015, par exemple, le gouvernement hongrois a annoncé son intention d’ériger une statue de commémoration à Balint Homan, un ministre de l’ère holocaustique qui a joué un rôle décisif dans le meurtre et la déportation de près de 600 000 juifs hongrois. Loin d’être un incident isolé, quelques mois plus tard seulement, en 2016, une autre statue a été érigée en l’honneur de Gyorgy Donáth, un des architectes de la législation anti-juive durant la Seconde Guerre mondiale. Il n’est donc pas surprenant d’entendre Orbán employer une rhétorique antisémite durant sa réélection en 2017, spécialement contre George Soros, le juif, milliardaire philanthrope américano-hongrois qui soutient les causes libérales, incluant l’ouverture des frontières et l’immigration. Réanimant les clichés antisémites à propos du pouvoir des juifs, Orbán accuse Soros de nourrir les intentions de subversion de la Hongrie. »

Paradoxalement, Haaretz, journal de gauche « universaliste », reproche à Netanyahou de « préférer les alliés politiques (Orbán) aux membres de sa tribu (Soros) ».
La même critique est faite à Netanyahou concernant son rapprochement avec la Pologne et le président philippin Rodrigo Duterte, « un homme qui s’est fièrement comparé à Hitler ».
Du point de vue des juifs libéraux, cette stratégie politique d’Israël met en péril la structure tripartite qui fonde la doctrine politique israélienne s’appuyant sur : les communautés juives de la Diaspora ; les intérêts sécuritaires d’Israël ; et les alliances en politique internationale avec les puissances démocratiques du monde.
La religion de la Shoah, quant à elle, joue le rôle de ciment idéologique qui maintient cette structure doctrinale.

L’actuelle politique de Netanyahou prend donc le risque de se couper de toute une partie des communautés juives qui apportent leur soutien politique, intellectuel et financier à Israël. Désormais, l’État hébreu, qui a amorcé depuis 1967, lentement mais sûrement, un virage (ou plutôt un retour) religieux, est devenu un pays dirigé par des messianistes fanatiques ; il devait donc, en toute logique, et nécessairement, finir par se couper de la branche libérale du judaïsme. Israël revient à ses racines véritables : la religion juive et son émanation messianique [43].

C’est un choix que l’Histoire impose à Israël, un choix périlleux car il aggrave son isolement, qui pourrait lui coûter très cher.

Quand les citoyens Américains refusent le diktat israélien chez eux

Le Sénat américain a démarré sa rentrée 2019 avec l’examen d’un projet de loi « sur le renforcement de la sécurité des États-Unis au Moyen-Orient en 2019 », dixit Marco Rubio, sénateur républicain pour la Floride qui parraine ce projet de loi.

En réalité, ce projet de loi visait principalement à interdire le boycott d’Israël aux États-Unis. Plus précisément, elle prévoit un ensemble de mesures de politique étrangère renforçant la coopération militaire entre les États-Unis et la Jordanie, à réitérer l’opposition au président syrien Bachar el-Assad, à affecter des fonds d’aide étrangère à Israël (38 milliards de dollars sur 10 ans), et à donner aux États d’Amérique le pouvoir de refuser de passer contrat avec des entreprises qui boycottent Israël [44].

Ce projet de loi est une version assouplie de celui présenté en 2017 par le démocrate Ben Cardin (du Maryland) qui visait à criminaliser le boycott d’Israël.

Une législation anti-BDS (Boycott Désinvestissement Sanctions) a déjà été promulguée dans 26 États d’Amérique, cela a conduit à des pertes d’emploi de certains salariés, lesquelles ont fait l’objet de contestations judiciaires.

La première loi anti-BDS a été adoptée par le Tennessee en 2015. Dans les 26 États où cette loi a été promulguée, les dispositions sont sensiblement similaires : elles interdisent aux entreprises ou aux individus qui boycottent Israël de faire des affaires avec le gouvernement. Dans certains États, comme la Louisiane, la loi ne vise que les gros entrepreneurs.

Comme le rapporte Russia Today, le parrain de cette loi, « Marco Rubio, est un opposant de longue date au mouvement BDS (boycott, désinvestissement et sanctions) et allié de l’AIPAC, le puissant lobby pro-Israël ».

En août 2018, Bahia Amawi, orthophoniste travaillant pour le district scolaire indépendant de Pflugerville au Texas, a perdu son emploi lorsqu’elle a refusé de signer un contrat promettant de s’abstenir de toute action « visant à pénaliser, à nuire économiquement ou à limiter les relations commerciales avec Israël, ou avec une personne ou entité faisant affaire en Israël ou dans un territoire contrôlé par Israël. »

Des poursuites similaires ont été intentées en Arizona et au Kansas, envers deux entrepreneurs travaillant avec l’État américain qui ont également refusé de signer un serment promettant de ne pas boycotter l’État hébreu.
Le gouverneur républicain du Texas, Greg Abbott a déclaré que « toute politique anti-israélienne est une politique anti-Texas ». À sa suite, le gouverneur démocrate de New York, Andrew Cuomo, a menacé les citoyens américains : « Si vous boycottez Israël, New York vous boycottera ».

Les réactions à la mise en place de cette véritable dictature israélienne sur le sol étasunien ne se sont pas faites attendre…

Plusieurs citoyens américains ont déposé plainte, à l’instar de Bahia Amawi qui a déposé une plainte pour violation de son droit à la liberté d’expression.
Le journal Arkansas Times, quant à lui, poursuit en justice l’État de l’Arkansas, qualifiant l’interdiction de boycott d’anticonstitutionnel. Le journal en question, qui n’a jamais critiqué Israël, a décidé de porter plainte lorsque l’Université de l’Arkansas a refusé de faire de la publicité dans le journal à moins que celui-ci ne signe cet engagement.

Jan Everett, éditeur de l’Arkansas Times, s’est exprimé sur la chaîne de télévision MSNBC (le 7 janvier 2019) :

« Pourquoi un citoyen américain devrait-il prendre position en faveur de la politique étrangère d’un gouvernement étranger juste pour pouvoir faire des affaires avec son propre gouvernement. »

En outre, le journaliste Max Brantley a écrit dans l’Arkansas Times, que s’il n’avait jamais envisagé de boycotter Israël auparavant, il pourrait maintenant avoir un argument pour le faire :

« Je pensais ce matin que je devrais peut-être préconiser le boycott d’Israël pour protester contre les législateurs de l’Arkansas qui ne respectent pas le premier amendement. »

Kathleen Ruane, conseillère législative principale de l’ACLU (Union américaine pour les libertés civiles), a dit lors d’une interview donnée au magazine en ligne The Intercept  :

« La législation envoie le message aux Américains qu’ils seront pénalisés s’ils osent ne pas être d’accord avec leur gouvernement… Nous demandons donc aux sénateurs de voter non à cette loi sur la lutte contre le BDS la semaine prochaine. »

À l’évidence, faire passer les intérêts d’un État étranger devant ceux de ses citoyens, risque d’irriter jusqu’à l’exaspération la population américaine, et produire l’effet inverse de celui qui est attendu par le lobby pro-israélien.

Là encore, il y a division au sein même des organisations juives. Car nombre d’activistes pro-israéliens, notamment les libéraux, ont bien compris que ce type de politique répressive pro-israélienne a pour résultat tendanciel de faire augmenter l’antisionisme, voire l’antijudaïsme.

En 2016, alors que les États d’Amérique commencent à adopter la loi anti-BDS, des documents internes de l’Anti-Defamation League (organisation juive de gauche fondée par la loge maçonnique juive B’naï B’rith [45] ) révèlent que, malgré son soutien public apporté à cette loi, le personnel de ce groupe de pression pense que c’est une mauvaise idée.

L’information est dévoilée par journal de la communauté juive américaine, Forward, dans lequel est écrit :

« L’ADL (Anti-Defamation League) ne pense pas que la législation anti-BDS soit un moyen subtil de combattre le mouvement BDS ou de défendre Israël et qu’elle est finalement nuisible à la communauté juive. » [46]

Et il ajoute que ces projets de loi font de la publicité au mouvement BDS tout en donnant « l’impression que la communauté juive exerce une influence indue sur le gouvernement… un trope séculaire à la base des théories du complot antisémite ».

Finalement, au mois de janvier 2019, le Sénat des États-Unis a rejeté la loi proposée par Marco Rubio : 56 votes contre et 44 en faveur, avec seulement 4 sénateurs démocrates qui ont voté pour [47].
C’est un grave revers qu’essuient Israël et son lobby aux États-Unis, surtout lorsque l’on sait que le Sénat a toujours été acquis à la cause d’Israël.
En rejetant cette loi, le Sénat empêche également le versement au ministère de la Défense israélien des 38 milliards de dollars (sur 10 ans) que la loi prévoyait.

C’est le signal d’un changement de tendance dont j’ai expliqué les causes précédemment.

L’attitude des dirigeants russes face au lobby pro-israélien

Dans un texte publié le 21 janvier 2019 où il analyse l’article de Russia Today cité plus haut, le général Dominique Delawarde (ancien chef du bureau Situation-Renseignement-Guerre Électronique de l’État-major interarmées de Planification Opérationnelle) écrit :

« La publication de cet article et de nombreux autres articles critiques envers la gouvernance israélienne et ses soutiens, par RT et Sputnik, est révélatrice d’une détérioration constante des relations entre la Russie et l’Etat hébreu. Ces organes de presse russes ne critiqueraient pas aussi fréquemment et aussi fortement Israël et ses soutiens si les relations entre les deux pays étaient meilleures… » [48]

Le général Delawarde pense également que les dirigeants russes auraient identifié ceux qui influencent, manipulent et contrôlent le Congrès US lorsque celui-ci décrète toujours plus de sanctions à l’encontre de la Russie et ceux qui influencent, instrumentalisent et contrôlent les médias mainstream US et inspirent leurs éternels délires complotistes russophobes. Et d’ajouter :

« Onze rencontres Netanyahu–Poutine en 2018 n’ont pas réussi à convaincre ce dernier de lâcher l’Iran, même en lui faisant probablement miroiter un allègement des sanctions par un Congrès US aux ordres et une UE (UK + FR) docile…
Le président Poutine sait pertinemment que le secrétaire du Trésor US, Steven Mnuchin, qui concocte les sanctions économique et financière contre la Russie, contre l’Iran, contre la Syrie, contre les entreprises qui traiteraient avec l’Iran et la Russie (pour North Stream 2), est un membre actif de la diaspora et un sayan efficace. Il sait aussi que les Pompeo, Bolton, Haspel et autres sont parvenus aux postes d’influence qu’ils occupent grâce à leurs prises de position néoconservatrices pro-Israël et au soutien de l’AIPAC et qu’ils doivent aujourd’hui ‘‘renvoyer l’ascenseur’’. Poutine sait à qui il doit le vent russophobe qui souffle des USA et qui reprend de la vigueur en atteignant les côtes de France et du Royaume Uni, avec l’influence des puissants alliés (relais ?) de l’AIPAC dans ces deux pays.
 »

Et le général Delwarde fait remarquer à juste titre que « continuer le chantage aux sanctions par USA interposés pour obtenir que la Russie lâche l’Iran, n’est probablement plus une bonne politique de la gouvernance israélienne lorsqu’elle doit faire face à un dirigeant de la trempe de Poutine.
Par ailleurs, la gouvernance de l’État hébreu qui fait une trop grande confiance aux trio USA-UK-FR devrait, peut-être, faire preuve de prudence. Les dirigeants de ces trois pays semblent aujourd’hui empêtrés dans quelques problèmes domestiques : Trump avec son shutdown, May avec son Brexit, Macron avec ses gilets jaunes. Par ailleurs, il n’est un secret pour personne qu’une crise économique, financière et boursière très importante, du niveau de 1929, peut désormais survenir à tout moment et que les grands équilibres géopolitiques et géo-économique du monde sont en cours de bascule rapide. Les puissants d’aujourd’hui ne seront pas forcément les puissants de demain…
 »

Une guerre mondiale pour sauver Israël

L’État hébreu étant acculé militairement et diplomatiquement, la guerre est la seule issue des dirigeants israéliens – à commencer par Netanyahou qui est empêtré dans des affaires judiciaires, et qui aurait bien besoin d’un conflit majeur pour s’en sortir personnellement et politiquement.

Depuis les origines du proto-sionisme [49], la guerre a été et est, pour les messianistes juifs et leurs héritiers contemporains, une constante, le moyen de faire exister le Foyer national juif et d’élargir les « frontières » de l’entité sioniste.

Dans le prolongement de l’histoire sioniste, aujourd’hui, la seule issue pour l’État juif est d’entraîner les Américains dans une guerre proche-orientale contre l’Iran, qui conduirait inéluctablement à une confrontation russo-étasunienne, puis à une conflagration mondiale.

À propos de l’Armageddon que veut provoquer Israël, le géopolitologue et philosophe russe (relativement proche du Kremlin), Alexandre Douguine, a fait part de son opinion :

« De mon point de vue, cela précipitera l’effondrement d’Israël… L’Amérique, représentée par Trump, peut soutenir temporairement Netanyahou, mais plus Israël commet des actes agressifs et insolents et plus grande sera l’hostilité à son égard, non seulement de la part des peuples arabes, mais aussi des autres pays. » [50]

Dans ce contexte, le 20 juin dernier – une semaine après l’incident des pétroliers dans le Golfe d’Oman – l’Iran a annoncé avoir abattu un drone américain qui a violé son espace aérien. C’est un appareil MQ-4C Triton du modèle Global Hawk (du fabricant américain Northrop Grumman), dont le coût de fabrication est de 130 millions de dollars. Il a été abattu au dessus de la province côtière d’Hormozgan, à proximité du mont Mobarak, située dans le district de Jask, au sud de l’Iran, selon un communiqué des Gardiens de la Révolution. La province d’Hormozgan borde le détroit d’Ormuz, point de passage hautement stratégique par où passe l’approvisionnement mondial de pétrole [51].

Le Commandant central des États-Unis a prétendu que le drone « volait dans l’espace aérien international au-dessus du détroit d’Hormuz  et a rejeté les rapports du CGRI (Corps des Gardiens de la Révolution Islamique) confirmant avoir abattu l’appareil de l’US Navy dans les eaux territoriales iraniennes de la province de Hormozgan.

Le jeudi 20 juin, le porte-parole du commandement central américain, le capitaine de la Marine Bill Urban, a affirmé que :

« Les rapports iraniens selon lesquels l’avion survolerait l’Iran sont faux . Il s’agissait donc d’une attaque non provoquée contre un bien de surveillance américain dans l’espace aérien international. »

Le drone américain MQ-4C Global Hawk a été intercepté et détruit par le système de défense aérienne 3-Khordad de fabrication iranienne, a précisé Tasnim News.
Selon des informations supplémentaires communiquées par le CGRI, le drone espion US a décollé à 0h14 d’une des bases américaines dans le sud du golfe Persique avant d’éteindre ses feux de signalement en violation des lois de navigation aérienne. L’appareil s’est orienté en toute discrétion via le détroit d’Hormuz vers le port de Tchabahar au sud de l’Iran. Le communiqué affirme que le drone espion s’est mis à collecter des renseignements sur son chemin de retour alors qu’il survolait le détroit d’Hormuz [52].
C’est vers 4 h05 du matin, quand le drone s’est introduit dans l’espace aérien iranien, que la DCA intégrée du CGRI l’a pris pour cible avant de l’abattre.
Le commandant en chef du Corps des gardiens de la Révolution islamique, le général de division Hossein Salami, a annoncé quelques heures après cette opération que la pénétration dans le ciel iranien était la « ligne rouge » à ne pas dépasser, tout en félicitant les forces iraniennes d’avoir agi à temps pour contrer l’ennemi :

« Les unités aérospatiales du CGRI ont bravement intercepté et détruit ce matin un appareil ennemi qui a franchi les frontières aériennes du pays et violé notre sécurité. C’est ainsi que les Iraniens agissent contre leurs ennemis. L’Iran ne cherche pas la guerre avec quelque pays que ce soit, mais il est parfaitement prêt à se défendre. L’incident de ce matin est un message clair en ce sens. »
Selon les autorités iraniennes, le drone en question a été abattu avec des missiles tirés depuis le système de défense aérienne (3-Khordad) de moyenne altitude de fabrication iranienne qui a été dévoilé en 2014. Il est équipé d’un radar capable d’intercepter quatre cibles à la fois et de tirer en leur direction huit missiles guidés. Ce système de défense, qui était équipé dans ses versions initiales de missiles Taer, a ensuite été doté de missiles Sayyad-2 plus performants.
Ulrike Esther Franke, expert des questions sécuritaires au Conseil européen des relations étrangères (ECFR), a estimé que la destruction par l’Iran du drone américain est une évolution importante et un revers pour les États-Unis, et d’ajouter : « Ce drone est le plus grand drone du monde et dispose d’équipements avec une technologie de pointe », précisant que les États-Unis ne pouvaient pas ignorer la perte de ce drone, car il est connu pour sa furtivité étant donné qu’il vole à haute altitude. Selon elle, l’incident du 20 juin 2019 pourrait infliger un coup dur au prestige de ce drone et à ses exportations vers des pays tiers.
C’est également un coup dur porté au prestige de l’armée américaine, face à l’Iran, qui est une puissance régionale, et non mondiale.
Et à ce propos, le New York Times rapporte que :

« La capacité de l’Iran à cibler et à détruire le drone américain à haute altitude, conçu pour échapper aux missiles sol-air utilisés pour l’abattre, a surpris certains responsables du Département de la défense, qui l’ont interprété comme une démonstration des difficultés que Téhéran peut causer aux États-Unis alors qu’ils déploient plus de troupes et renforcent la surveillance dans la région. » [53]

La tactique de Donald Trump pour éviter la guerre

Donald Trump a, quant à lui, usé de sa technique habituelle depuis 2017 pour éviter la guerre : bluffer et faire preuve d’un bellicisme théâtral et purement verbal, et ainsi donner le change aux Faucons (et à leurs maîtres Israéliens dressés derrière eux).
Le jour même où le drone américain a été abattu (jeudi 20 juin), Donald Trump a tweeté :

« L’Iran a commis une énorme erreur ! »

Puis, il a soufflé le chaud et le froid, déclarant d’abord qu’il n’excluait pas une réponse américaine au drone abattu : « Vous verrez », a-t-il lancé ; avant d’évoquer l’hypothèse d’une erreur humaine, car selon le président américain, quelqu’un de « lâche et stupide » en Iran est responsable d’avoir abattu le drone. Il a ainsi évité de mettre en accusation les dirigeants iraniens.

Suivant toujours sa tactique que j’appellerais « un pas en avant vers la guerre et deux pas en arrière pour l’éviter », le président Trump a initialement donné son approbation à une attaque militaire contre l’Iran, avant de revenir en arrière dans la nuit du jeudi au vendredi 21 juin.

D’après le New York Times, jusqu’à 19h (le jeudi 20 juin) les militaires et diplomates américains s’attendaient à une frappe, après d’intenses discussions et débats à la Maison Blanche parmi les membres de la sécurité nationale et des leaders du congrès.
Les officiels américains ont fait savoir au New York Times que le président a initialement approuvé des attaques contre une poignée de cibles iraniennes, comme des radars et des batteries de missiles. Les avions étaient dans les airs et les navires en position, mais aucun missile n’avait été lancé quand l’ordre d’abandonner l’attaque fut donné [54].

Le vendredi 21 juin, les officiels iraniens ont informé Reuters que Téhéran a reçu un message de la part du président américain Donald Trump via Oman, avertissant qu’une attaque américaine sur l’Iran était imminente.
Un des officiels iraniens, sous couvert d’anonymat, a révélé à Reuters le contenu du message :

« Dans ce message, Trump a dit qu’il était opposé à toute guerre contre l’Iran et qu’il voulait discuter avec Téhéran de plusieurs questions… il a donné un court délais pour avoir notre réponse mais la réponse immédiate de l’Iran est qu’il revenait au Guide Suprême (Ayatollah Ali) Khameneï de décider cela. » [55]

Le deuxième officiel iranien qui s’est exprimé a déclaré :

« Nous avons été clairs : le Guide Suprême est opposé à toute discussion, mais le message qui sera transmis est que la décision lui reviendra… Toutefois, nous avons dit à l’officiel Omani que toute attaque contre l’Iran aura des conséquences régionales et internationales. »

Depuis 2017, c’est la troisième fois que Donald Trump menace de frapper ou mène une frappe théâtrale au Proche-Orient.

En avril 2017, après avoir accusé le président syrien d’avoir utilisé des armes chimiques contre la population civile, Donald Trump a fait des déclarations, jouant sur la corde émotionnelle, pour « montrer » son indignation :

« Le dictateur syrien Bachar al-Assad a lancé une horrible attaque avec des armes chimiques contre des civils innocents en utilisant un agent neurotoxique mortel… »

« Assad a arraché la vie à des hommes, femmes et enfants sans défense. C’était une mort lente et brutale pour beaucoup. Même de magnifiques bébés ont été cruellement assassinés. Aucun enfant de Dieu ne devrait subir de telles horreurs. »

Des déclarations qui ont précédé une frappe ordonnée par le président américain :

« J’ai ordonné cette frappe… La Syrie ignore le Conseil de Sécurité de l’Onu, j’exhorte tous les pays à nous rejoindre pour mettre fin au fléau du terrorisme et au bain de sang. » [56]

Mais sur le terrain la frappe ne fut que théâtrale.

Après les frappes du 6/7 avril 2017, le général H. R. McMaster, conseiller à la Sécurité nationale du président Donald Trump, a affirmé que les Américains avaient évité de frapper un endroit « où nous pensons qu’il y a du gaz sarin stocké. Nous ne voulions pas créer un danger pour des civils ou pour quiconque » [57] .
Le capitaine Davis avait affirmé que les Russes ont été prévenus à l’avance de la frappe via la ligne de communication spéciale mise en place par les militaires américains et russes depuis l’automne 2015. Il y a eu de « multiples conversations » avec les Russes jeudi 6 avril 2017.

Un an plus tard, dans la nuit du 13 au 14 avril 2018, les avions américains, français et britanniques avaient conduit des frappes contre des sites syriens. L’agence syrienne Sana avait évoqué trois blessés [58].
Selon le ministère russe de la Défense, la coalition avait lancé plus de 100 missiles de croisières et missiles sol-air depuis deux navires américains positionnés dans la mer Rouge.
Mais les sites militaires visés par les frappes de la coalition occidentale avaient été évacués plusieurs jours auparavant à la suite d’informations émanant de la Russie, a déclaré un haut responsable syrien.

Juste après les frappes du 14 avril 2018, Donald Trump s’est félicité, parlant d’une « mission accomplie ! », entendant par là qu’il n’y aura pas de suite (jusqu’à nouvel ordre et/ou nouvelle fausse attaque chimique).

Interrogé sur l’attaque avortée contre l’Iran en juin 2019 à la suite du drone américain abattu, la Maison Blanche s’est refusée à tout commentaire, de même que les officiels du Pentagone.

Les conseillers à la sécurité nationale de Donald Trump sont divisés, confirme le New York Times. Des hauts fonctionnaires de l’Administration ont dit que le secrétaire d’État Mike Pompeo ; John Bolton, conseiller à la sécurité nationale ; et Gina Haspel, directrice de la CIA, étaient favorables à une réponse militaire contre l’Iran.
Mais les hauts fonctionnaires du Pentagone ont mis en garde contre une telle action qui pourrait conduire vers une escalade en spirale avec des risques pour les forces américaines dans la région [59].

Donald Trump a également relativisé la gravité de l’événement, déclarant que cet épisode aurait pu être bien plus sérieux si l’avion était un véhicule piloté, et non un drone. Cela fait « une grosse, grosse différence » qu’un pilote américain n’ait pas été menacé, a-t-il dit aux journalistes.

Le président de la Fédération de Russie a été on ne peut plus clair sur les conséquences d’une guerre américaine contre l’Iran :

« Toutes les parties subiraient, en cas de conflit, de tristes conséquences… Il est très difficile d’anticiper ce qui se produirait en cas de recours à la force militaire… L’Iran est un pays chiite, et même dans le monde musulman les Iraniens sont considérés comme des gens capables d’aller jusqu’à l’extrême pour défendre leur pays. Nous ne voudrions pas que les événements prennent une telle tournure. » [60]

La tactique trumpienne pour éviter la guerre ne fait que retarder l’échéance qui semble inévitable. Un véritable crime contre l’humanité qui se prépare et dont nous avons d’ores et déjà identifié les coupables et les ultimes bénéficiaires.

Youssef Hindi

Notes

[12Sputnik, « Poutine met Israël en garde contre les livraisons d’armes à Kiev », 18 avril 2015.

[25Il a par exemple déclaré que « le président Trump est en quelque sorte comme la reine Esther, envoyé par Dieu pour aider à sauver le peuple juif de la menace iranienne » : https://rakbeisrael.buzz/mike-pompe...

[29Henry Laurens, L’Orient arabe : arabisme et islamisme de 1798 à 1945, Armand Colon, 1993, pp. 190-191.

[32La résolution 242 est une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU qui a été votée le 22 novembre 1967 à la suite de la guerre des Six Jours.

[33Retranscription des débats tenus lors du vote de la résolution 242 : https://unispal.un.org/UNISPAL.NSF/...

[34Sur le sujet, lire : Y. Hindi, « Aux origines religieuse de la politique israélienne. Expansionnisme et épuration ethnique », Geopolintel, 24/07/2018 : http://www.geopolintel.fr/article20...

[41À ce sujet, lire : Pierre-Antoine Plaquevent, Soros et la société ouverte, Le retour aux sources, 2018, pp. 325-328.

[42Cf. P.A. Plaquevent, op. cit. pp. 327-328.

[43Cf. Youssef Hindi, Occident & Islam – Tome I : Sources et genèse messianiques du sionisme, Sigest, 2015.

[44https://www.rt.com/usa/448255-senat...
Traduit en français par Le Saker Francophone : http://lesakerfrancophone.fr/si-vou...

[48Dominique Delawarde, « Relations Etats-Unis-Israël-Russie : Point de situation », 21 janvier 2019 : https://reseauinternational.net/rel...

[49Voir : Youssef Hindi, Occident & Islam – Sources et genèse messianiques du sionisme, Sigest, 2015.

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