Geopolintel

Séismes diplomatiques et répliques multiples

Léon Camus

jeudi 8 juin 2017

Le séisme diplomatique que constitue le bannissement du Qatar de la coalition anti-terroriste arabo-occidentale est-il annonciateur d’une guerre de Riyad contre la Cité État de Doha ? Déjà recadrée par Washington il y a deux ans par le truchement d’une succession téléguidée depuis Washington, l’on croyait depuis la puissante principauté assagie. Certes elle entretient des liens incestueux avec l’Iran via le partage de gisements gaziers… et surtout, horresco referens, héberge les dirigeants historiques du Hamas (dont Khaled Mechaal) qu’elle finance. Il n’en aurait pas plus fallu pour justifier une sévère mise au pas. En espérant que, sous couvert de lutte à mort contre Daech (au G7 à Taormina, le 26 mai D. Trump a imposé à ses alliés une déclaration de guerre ouverte « contre le terrorisme et l’extrémisme violent »), il ne s’agisse pas de régler son compte à l’Iran. Car il ne s’agirait en réalité que de contenir (ou confiner) le terrorisme là où il est utile, à savoir les zones de guerre alors que tout semble apparemment fait pour que l’on se dirigeât vers un conflit arabo-perse… propice à mettre l’État hébreu en position de tirer les marrons du feu. Comme toujours. Nous l’avons vu ces trois dernières décennies avec l’Irak, la Somalie, le Soudan, la Syrie et le Yémen. En fait tout s’est décidé à Tel-Aviv et au sommet de Riyad au cours duquel le grand ennemi de l’humanité, l’Iran, a été jeté en pâture aux velléités bellicistes des pétromonarchies et spécialement des Saoudiens wahhabites prêts à en découdre avec les Chiites, cela d’autant que D. Trump les a gratifiés d’une vente d’armes à hauteur de 110 milliards de dollars.

Deuxième séisme : la dénonciation de l’Accord de Paris

Un séisme en suivant un autre, la présidence américaine venait de scandaliser la planète en dénonçant l’Accord de Paris sur le réchauffement climatique (mieux vaudrait d’ailleurs parler de changement ou de dérangement climatique), déclarant de façon plus nuancée que la présentation qui en est faite par les médias : « c’est un mauvais accord, pas un mauvais combat ». Arguant avec bon sens qu’il a été « élu pour représenter les citoyens de Pittsburgh, pas ceux de Paris »… « En tant que président, j’ai une obligation, et cette obligation est envers le peuple américain. Les Accords de Paris auraient sapé notre économie, paralysé nos travailleurs, affaibli notre souveraineté, imposé des risques légaux inacceptables, et nous aurait placé dans une position désavantageuse par rapport à d’autres pays du monde. Le moment est venu de quitter les Accords de Paris et il est temps de mettre en place un nouvel accord qui protège l’environnement, nos entreprises, nous citoyens, et notre pays ».

Parce que suivant l’Accord de Paris, les États-Unis devraient réduire leur production de charbon de 86 %, avant 2040 tandis que la Chine est encore autorisée à ouvrir de nouvelles de mines. Idem pour l’Inde autorisée à doubler sa production de houille d’ici 2020… « Réfléchissez à ça. L’Inde peut doubler sa production de charbon. Nous sommes supposés éliminer la nôtre. Même l’Europe est autorisée à continuer à ouvrir de nouvelles mines de houille ». Minerai et combustible, précisons-le, indispensables au fonctionnement du parc éolien parce qu’il faut être très naïf pour croire que le vent fait tourner pales et turbines plus de 20 % du temps. La Chine peut également augmenter ses émissions de CO2 : « Ils peuvent faire tout ce qu’ils veulent pendant 13 ans, pas nous » ! Pour respecter leurs engagements les États-Unis devraient ainsi réduire leur production de gaz naturel de 31 %, de papier de 12 %, de ciment de 23 %, de fer et d’acier de 38 %, produits qu’ils devront en conséquence importer. « Où est la logique ? Où est la réduction des gaz à effet de Serre ?  ». Bien dit M. Trump.
Troisième séisme : le terrorisme glocal (global/local)

Entre les deux secousses sismiques déjà évoquées vient s’intercaler une troisième avec les attaques terroristes de Londres qui ont suivi de quelques jours la tuerie de Manchester. Notons immédiatement à propos de cette dernière que l’attentat de Manchester a été perpétré le 22 mai (23 morts et 59 blessés) par le fils (dont a trouvé sur les lieux, par le plus heureux des hasards, la carte bancaire) d’un agent du MI6, ancien membre des services de sécurité de Mouammar Kadhafi et d’Al-Qaïda. Les parents de Selman Abidi (ou Labidi) né à Manchester en 1994, ne sont pas des réfugiés. Son père, Ramadan Abidi, était un officier subalterne dans les Services de renseignement libyens avant d’être recruté par les Britanniques. Après l’échec d’un coup d’État contre Kadhafi, les Services britanniques prirent en charge l’exfiltration de la famille Abidi au prétexte d’une demande d’asile politique au Royaume-Uni. Selman, un pur produit des politiques aussi peu cohérentes que délétères de l’Angleterre décadente, a donc grandi dans la banlieue de Manchester affichant au passage un réel enthousiasme pour les « Printemps Arabe », et ce, suffisamment pour tenter de rejoindre le front libyen. Ce qui a naturellement retenu l’attention des renseignements britanniques chargés de passer au crible les banlieues en quête de candidats prêts à combattre au nom d’Allah, mais plus prosaïquement pour les intérêts géopolitiques peu clairs de la Couronne.

Maintenant, sans compter le énième massacre de Coptes égyptiens (22†) ni l’hécatombe (80†) de Kaboul, (l’incendie d’une salle de casino à Djakarta ne relèverait pas de cette série noire), il est clair que le terrorisme à la sauvette, à petit prix, se banalise, à coup de surin et de voiture bélier. Évitons d’oublier que derrière ces actes déments (mais le nihilisme eschatologique est-il si irrationnel que cela ? Le salafo-wahhabisme que nous voyons à l’œuvre n’est-il pas le bolchevisme du XXIe siècle ?), se profile d’authentiques architectes du chaos et de la mondialisation subséquente. L’un d’entre eux, peut-être l’un des plus grands, vient de disparaître dans un effarant silence médiatique : Zbigniew Brzezinski, âme damnée et grand architecte de l’empire américain. Ce descendant d’une famille franckiste émigrée aux États-Unis au milieu du XIXe siècle aura été le cofondateur en 1979, avec David Rockfeller et Henry Kissinger, de la Trilatérale, organisation promotrice de la Gouvernance mondiale alors qu’il était le Conseiller à la sécurité nationale de Jimmy Carter et qu’il inventait le mercenariat djihadiste pour combattre les Soviétiques en Afghanistan.

Son grand dessein : casser, fragmenter le monde, le retribaliser selon le vœu de l’orientaliste messianique Bernard Lewis, enfin émietter l’Europe en une mosaïque de micro États plus impuissants les uns que les autres, ceci pour mieux la satelliser. Comprenons à ce titre que le terrorisme n’est pas une pathologie, un accident, mais une nouvelle normalité, l’un des moyens, pour les stratèges de la Terreur globale d’éclatement et de morcellement du monde. Un terrorisme qui n’est au final que l’expression visible, au quotidien, de la marche vers la domination mondiale de l’hégémonie judéo-protestante.

Un dernier mot, l’on pourrait s’amuser, si les circonstances n’étaient aussi tragiques, d’entendre une chroniqueuse (humoriste) de France Inter se féliciter ce 5 juin 2017 que les « crevures » du Pont de Londres aient été abattues sans autre forme de procès. Doit-on rappeler à cette gauchiste bien-pensante qu’hier encore elle militait avec férocité contre la peine de mort ? Ou encore signalons ceux qui saluent l’œuvre au noir de nos commandos de choc dont la mission précise sur les théâtres d’opérations du Levant est d’éliminer physiquement les djihadistes français afin qu’ils ne leur prennent pas envie de revenir au bercail ; qu’hier encore ces mêmes olibrius poussaient des cris affreux dans les médias à la simple idée que ces tueurs puissent être déchus de leur nationalité à leur retour dans leur mère patrie. Incohérence quand tu nous tiens.

—  0 commentaires  —

© Geopolintel 2009-2023 - site réalisé avec SPIP - l'actualité Geopolintel avec RSS Suivre la vie du site