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L’Algérie à la rescousse du FMI

lundi 29 avril 2013

Après que le Fonds monétaire international (FM), ait demandé récemment au gouvernement algérien de contribuer à l’augmentation de ses ressources afin d’aider les pays en crise, les spéculations vont bon train. L’Algérie doit fournir sa réponse courant octobre 2012.

Les réserves internationales d’un pays sont, généralement, l’ensemble des disponibilités composant le portefeuille des actifs que sa Banque centrale détient (devises, or, droits de tirages spéciaux (DTS). La Chine dispose des réserves de change passées de 819 milliards de USD en 2005 à 2.847 milliards de USD en 2010 et à 3.181 milliards de dollars au 1er janvier 2012. C’est le fruit du travail des Chinois. Pour l’Algérie, cela provient de la rente des hydrocarbures. Aussi, les réserves de change (ne provenant pas de la création de la valeur en Algérie), sont certes une condition nécessaire mais non suffisante pour un développement durable. La monnaie, semblable au sang dans le corps humain, permet de dynamiser la production comme moyen d’échange ou de la freiner en cas de thésaurisation ou d’émission de la monnaie sans contreparties productives générant d’ailleurs l’inflation qui pénalise l’investissement (hausse des taux d’intérêt) et les couches les vulnérables.

Les réserves de change sont-elles une condition du développement ?

Ces réserves permettent de sécuriser l’investissement et surtout d’éviter un dérapage plus important de la valeur du dinar, par rapport aux devises. Il existe actuellement une corrélation d’environ 70% entre la valeur actuelle du dinar et ce stock de devises via la rente des hydrocarbures. Autrement, le dinar flotterait à une parité de 300/400 dinars l’ euro. Rappelons tout de même qu’il existe une disparité depuis une année entre le cours officiel et le cours sur le marché parallèle de la cotation du dinar algérien. Le différentiel varie entre 45 et 50%, traduisant certainement une sortie de capitaux. Cela renvoie à la monnaie qui est un rapport social traduisant le rapport confiance État/citoyens, un signe permettant les échanges ne créant pas de richesses. La monnaie, autant que les réserves de change, est un signe, moyen et non facteur de développement.

Quelle est la situation financière de l’Algérie et de celle de ses réserves de change ?

Selon les évaluations du FMI sur les réserves de change officielles 2012 (hors fonds de souveraineté) des pays pétroliers de la région, les trois plus gros détenteurs de ces réserves sont l’Arabie saoudite (683,5 milliards de dollars), l’Algérie (205,2 milliards de dollars) et l’Iran (113,1 milliards de dollars). Pour l’Algérie, il convient de comptabiliser la part de l’or dont le dernier rapport du FMI estime à 173,6 tonnes. Le Fonds indique que la dette extérieure brute de l’Algérie ne représentera que 2,4% du PIB en 2012 et devra se maintenir au même taux en 2013 (contre 2,8% en 2011). La moyenne de la dette extérieure dans les pays exportateurs de pétrole de la région MENA est de 22,2% du PIB, les plus fortement endettés étant le Bahreïn et le Soudan avec respectivement 135,2% et 77,8% du PIB. Concernant la dette publique de l’Algérie, elle devra baisser à 8,9% du PIB en 2012 et à 8,6% en 2013 (contre 9,9% en 2011).

Quant au PIB nominal du pays, le FMI l’évalue à 206,5 milliards de dollars en 2012 et à 213,1 milliards de dollars en 2013 (contre 190,7 milliards de dollars en 2011). Le FMI table sur des exportations algériennes de 81 milliards de dollars en 2012 et de 78 milliards de dollars en 2013 (contre 76,8 milliards de dollars en 2011), tandis que les importations devraient se chiffrer à 57,4 milliards de dollars en 2012 et à 58,1 milliards de dollars en 2013 (contre 56,6 milliards de dollars en 2011).

Quant à la balance des comptes courants du pays, le Fonds évalue le solde à 20,6 milliards de dollars en 2012 et à 16,8 milliards de dollars en 2013 (contre 19,6 milliards de dollars en 2011). Cependant, selon le FMI, à moyen terme, pour assurer l’équité entre générations, l’Algérie devra maîtriser davantage les dépenses publiques et en accroître la qualité, et axer son développement sur les segments hors hydrocarbures. Car l’évolution des recettes algériennes est fortement tributaire des hydrocarbures et un ralentissement de l’économie mondiale qui est actuellement contrebalancée par des tensions géostratégiques (Iran) entraînerait une diminution des volumes d’exportation.

Quelle est la nature du placement et du rendement des réserves de change ?

Début septembre 2011, dans une déclaration reprise par l’agence officielle APS, le gouverneur de la banque d’Algérie, estimant les réserves de change à 162,2 milliards de dollars contre 148,9 milliards à la fin 2009, a déclaré officiellement que les rendements des placements ont été de 4,74 milliards de dollars en 2009 à 4,60 milliards de dollars en 2010 alors qu’elles étaient de 5,13 milliards de dollars en 2008, de 3,81 milliards de dollars en 2007 et de 2,42 milliards de dollars en 2006.

Avant la crise de 2008, les dépôts dans des banques privées internationales dites AAA (dont certaines ont été décotées) constituaient 20%, un montant qui a été ramené à 2% seulement depuis 2010, toujours selon le rapport de la Banque d’Algérie qui ne précise pas quel a été le sort des 18% pendant la crise d’octobre 2008 ni l’identité des banques de dépôt. Par ailleurs, selon le gouverneur, environ 98% de ces placements, répartis entre les Etats-Unis et l’Europe, sont effectués en portefeuille de titres souverains (valeurs d’Etat) que l’Algérie avait achetés entre les années 2004 et 2007, lorsque les taux d’intérêt mondiaux étaient relativement élevés. Ces titres sont soumis à un taux d’intérêt moyen fixe de 3% en 2010, (supposant un placement à moyen terme et non à court terme, ne pouvant pas les retirer avant terme sans le risque de perde les intérêts), un rendement légèrement inférieur à celui de 2009 et 2008.

Le spectre de l’exposition à la Grèce, à l’Espagne et à l’Italie

Si l’on prend donc début 2011, cela signifie que 90% des réserves de change de l’Algérie sont placées à l’étranger tant en bons de trésor américains qu’en obligations européennes. La question qui se pose est si des réserves algériennes ont été placées en obligations grecques, espagnoles, portugaises, hollandaises, pays qui accusent une très grave crise d’endettement et donc que l’Algérie aide déjà indirectement ? Devra t- elle retirer ces montants pour aller les placer au FMI et à quel taux, et surtout à quel terme, ce qui les réemprunterait aux pays en difficultés ? L’Algérie pourra-t-elle récupérer son argent en cas de très graves difficultés de ces pays pour ne pas dire de faillite d’autant plus qu’il est annoncé une accentuation de la crise en Europe durant les prochaines années ?

Donc, il s’agit d’abord de savoir si l’Algérie dispose d’un montant important disponible immédiatement pour répondre aux voeux du FMI et quel sera le taux d’intérêt. Ainsi, le rendement des placements en valeurs d’Etat est presque négatif dans la mesure où le taux d’intérêt de 3% correspond « tout juste au taux d’inflation mondial actuel de 2010/2011. En effet, les taux à court terme ne peuvent être supérieurs au taux d’escompte des banques centrales.

A l’épreuve des taux directeurs bas et des tensions inflationnistes

Les taux directeurs sont depuis 2009/2010 pour la FED dans la fourchette des 0-0,25%. Pour la BCE, ce taux était de 1,25% en 2010 avec un relévement à 1,5% en avril 2011 et un retour à 1% à la fin de l’année. La banque d’Angleterre fixe son taux directeur à 0,5%. Le Japon pour sa part affiche un taux tendant vers zéro. D’une manière générale si le stock, à moins d’une faillite généralisée de toute l’économie mondiale ou d’une grave crise politique en Algérie (ce qui entrainerait le gel des avoirs algériens à l’étranger), est garanti par les Etats, les risques sont minimes. Mais cela pose le problème des rendements. Le taux d’intérêt est de plus en plus élevé si les placements se font à moyen et long terme. Il faut donc être attentif tant à l’évolution des cotations de l’euro et du dollar constituant plus de 90% de nos placements à l’étranger que de l’inflation mondiale. Est-ce 45% en dollars, 45% en euros, 5% en yen et 5% en livre sterling comme l’a affirmé le Ministre des Finances ? sachant que 98% des exportations algériennes en devises se font en dollars ? Que 75% des besoins des ménages 60% des besoins des entreprises se font en euros ?

Cinq variables pour la gestion des réserves de changes

Concernant le problème des réserves de change produit de la rente des hydrocarbures et non du travail, cinq variantes doivent être combinées en jouant sur la loi des grands nombres afin d’évier des pertes. Cela suppose en définitive une vision stratégique et non des tâtonnements au gré de la conjoncture. Premièrement, n’est-il pas préférable de laisser les réserves d’hydrocarbures sous le sol pour les générations futures car ayant des capacités d’absorbation interne faible ou limiter l’extraction en fonction du rythme d’exportation, de la consommation intérieure, du prix international et des coûts qui déterminent la durée de vie des réserves ?

Selon les rapports internationaux, au rythme de la production actuelle, des exportations et de la forte consommation intérieure souvent oubliée dans les estimations, de l’évolution croissant des coûts, des nouvelles mutations énergétiques mondiales, l’Algérie sera importatrice de pétrole d’ici 14 à 16 ans, et du gaz conventionnel dans 25 ans au moment où la population algérienne dépassera 40 millions d’habitants. Deuxièmement, placer les réserves dans des valeurs refuge comme l’or dont le cours a augmenté de plus de 400% en dix 10 ans étant un acte purement spéculatif pur se prémunir contre l’inflation, l’or ne créant pas de richesses.

Troisièmement aller vers les fonds souverains (sovereign wealth funds), qui est un fonds de placements financiers (actions, obligations, etc.) détenu par un État, notamment acheter des actions dévalorisées en attendant la remontée des cours. D’après un rapport publié récemment par l’organe de promotion des services financiers britanniques The City UK, Il ressort que les actifs sous gestion des fonds souverains se sont accrus de 11% en 2010 pour atteindre 4200 milliards $. A ce montant, peuvent être ajoutés d’autres véhicules d’investissements souverains, comme les fonds de réserve pour les retraites ou les fonds de développement, pour un montant de 6800 milliards $.

Toujours selon cette source, d’ici à la fin 2012, en raison de la poursuite de la croissance des excédents commerciaux et des exportations de matières premières, les actifs sous gestion des fonds souverains pourraient s’élever à environ 5500 milliards $. Si la configuration actuelle perdure, on se retrouverait avec une part de 85% des fonds souverains investissant dans les actions, 59% dans le private equity, 56% dans l’immobilier, 36% pour les hedge funds et 76% dans les instruments de dette.

Quatrièmement, réaliser des placements à l’étranger avec des rendements positifs qui dépendent du niveau d’inflation, des taux d’intérêts, des cotations notamment du couple dollar/euro. Pour les rendements futurs des bons de trésor américains, ils seront largement tributaires de la stratégie chinoise et japonaise, principaux créanciers des USA, avec 3400 milliards de dollars de réserves de change en 2011 (dont 1150 milliards placées par la Chine en bons de trésor américains et 1000 milliards de dollars par le japon). Ces deux pays dépendent de l’évolution de l’économie américaine pour leurs exportations.

Cinquièmement, solution la plus souhaitable, l’utilisation à des fins de développement dont la ressource humaine, ressource bien plus importante que toutes les ressources en hydrocarbures et la valorisation de l’entreprise concurrentielle, les infrastructures, absorbant actuellement 70% de la dépense publique (480 milliards de dollars entre 204/2013), n’étant qu’un moyen. Encore faudrait-il lever les contraintes d’environnement qui pèsent sur l’entreprise créatrice de richesses dont la bureaucratie paralysante, le système financier sclérosé, le système socio-éducatif inadapté, l’épineux problème du foncier et en étant attentif aux incidences de l’Accord de libre échange avec l’Europe qui prévoit un dégrèvement tarifaire zéro horizon 2017/2020. La concurrence sera plus vivace si l’Algérie adhère à l’organisation mondiale du commerce, OMC.

Comme on le constate, le problème des réserves de change est complexe et un grand débat national s’impose. Le vrai débat qui dépasse largement l’aspect monétaire, est de relancer la sphère réelle afin de créer des emplois créateurs de valeur ajoutée et de diminuer les tensions sociales. Il s’agit avant tout de réaliser la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales renvoyant à l’approfondissement de la réforme globale.

Professeur des Universités
Dr Abderrahmane MEBTOUL Expert International
ademmebtoul@gmail.com

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