En relisant l’histoire jusqu’en 1969, l’économie américaine était moribonde et entrait de nouveau en récession. En 1970, les taux d’intérêts américains avaient été brutalement abaissés. Les capitaux spéculatifs fuyaient le dollar pour aller en Europe en quête de rentabilité. L’évasion nette de capitaux fut d’un montant de 6,5 milliards de dollars. Les détenteurs de dollars à l’étranger, exigeaient l’équivalent en or et les réserves d’or américaines ne représentaient plus qu’un quart de la réserve de sécurité de la monnaie américaine.
Nixon dévalua le dollar et affirma que les Etats Unis n’échangeraient plus le dollar papier avec de l’or.
La naissance du pétrodollar
En 1973, la valeur du dollar chuta plus durement et sa dévaluation avec la fuite des capitaux entraina un baisse de 40% face au Mark allemand.
Devant ce désastre financier, Henry Kissinger eu l’idée de prendre le contrôle des economies du monde entier tout en lançant sa politique de réduction de la population des pays du tiers monde.
Les architectes de la stratégie de la riposte américaine sont venu tout droit de la City de Londres avec de célèbres banquiers comme Siegmund Warburg, Edmond de Rothschild et Jocelyn Hambro. La dissolution de l’étalon or de Bretton Woods était actée et représentait une opportunité qu’aucun banquier véreux ne voulait manquer.
En mai 1973, un groupe de personnalités de la finance et de la politique se sont réunis en secret à Saltsjöbaden en Suède. C’était une réunion du club secret Bilderberg qui planifiait le pétrodollar et les actions à mener pour relever la valeur de la monnaie américaine. Pour que le plan se passe sans accroc, une augmentation de 400% des revenus pétroliers devenait nécessaire pour convaincre les pays de l’OPEP.
C’était le premier choc mondialiste pour placer les Etats Unis et le dollar au sommet de la hiérarchie de l’économie mondiale.
La guerre du Kipour a été secrètement orchestrée six mois auparavant par Washington, Londres et le réseau diplomatique secret d’Henry Kissinger. Cette guerre devait conduire à un affrontement entre juifs et musulmans pour déstabiliser la région et décider de procéder à un embargo pour punir Londres et Washington qui armaient l’état d’Israël.
Le soutien amércain envers Israël a poussé les pays de l’OPEP à décréter un embargo aux États-Unis et aux Pays-Bas, qui armaient Israël. Les pays arabes ont contribué à faire baisser la production tout en augmentant le prix du baril passant de 3,01 à 5,11 dollars soit une augmentation de 70%.
Les pays de l’OPEP ont plongé le monde dans la panique avec des files d’attentes aux stations services et des pénuries qui déstabilisaient tout un pan de l’économie mondiale. Ce chaos a obligé les nations à rationner l’essence comme pendant le seconde guerre mondiale et tenté d’influencer les populations à trouver des astuces et des innovations pour faire des économies de carburant. Rappelez vous le slogan qui était affiché partout « En France on n’a pas de pétrole mais on a des idées ».
Quand le baril de pétrole a atteint le prix de 18 dollars, le monde a paniqué avec une crise sans précédent et une hausse vertigineuse du chômage, c’était la fin de l’âge d’or de l’industrie.
De nombreux pays européens ont pris des mesures d’austérité, comme la réduction du temps de travail ou l’arrêt des voitures le dimanche. Les gens ont commencé à utiliser la marche pour se déplacer et le sentiment de haine envers les pays arabes devenait palpable dans les conversations.
Le 22 décembre 1973, l’OPEP s’est réunie en Iran à Téhéran, et à la fin de la réunion, le Shah d’Iran a déclaré que le pétrole devait être considéré comme un « produit noble » puisqu’il serait « épuisé d’ici 30 ans ». L’augmentation du prix du pétrole permettrait dans le futur de développer des ressources alternatives.
L’historien Geoffrey Barraclough a écrit en 1975 : « Ce que nous avons vu, c’est le début d’un nouvel ordre mondial, la recherche de positions de force dans un réalignement global, dans lequel les armes sont les produits agricoles et le pétrole ».
Le premier choc pétrolier venait de donner naissance au projet du pétrodollar pour renflouer les caisses de l’administration américaine, pour détruire les économies de l’Europe et du monde entier et façonner les bases du Great Reset que nous constatons aujourd’hui.
La nouvelle relation américano-saoudienne
Avec la fin du système de Bretton Woods, la monnaie n’était plus garantie par de l’or, mais par du pétrole. L’augmentation de 400% du prix du baril de pétrole a permis aux États-Unis de forcer l’Arabie saoudite et d’autres pays du golfe, d’accepter le dollar comme moyen de paiement et d’acheter des titres du Trésor américain à long terme pour garantir leur propre sécurité.
En guise de compensation, les États-Unis achèteraient une très grande quantité de pétrole à l’Arabie saoudite et lui vendraient en retour de l’armement pour se protéger.
L’accord forçait l’Arabie saoudite à vendre son pétrole uniquement en dollars afin d’augmenter la demande mondiale de dollars et placer le dollar comme moyen d’échange international et de réserve de valeur.
Fin des accords du Quincy
Le pouvoir économique s’est délocalisé lentement vers l’Asie et principalement vers la Chine. L’Arabie saoudite est un partenaire majeur et l’outil primordial du dollar depuis les accords du Quincy. Le pacte scellé à bord du navire américain Quincy marque une rupture décisive dans l’histoire des relations internationales de l’après-guerre. Plus rien ne sera jamais comme avant. En évinçant l’influence britannique, ce pacte installe durablement les Etats-Unis comme partenaire dominant dans le jeu proche-oriental, au détriment des Etats européens. (Richard Labévière).
Le pacte scellé à bord du Quincy devait assurer entre le président Roosevelt et le roi Ibn Séoud, une sécurité d’approvisionnement en pétrole contre une protection politique du régime d’Arabie Saoudite. Ce pacte n’existe plus, et il stigmatise à lui seul le revirement du nouvel ordre mondial.
La menace de la guerre en Arabie Saoudite
L’Arabie saoudite garde aussi en mémoire que les Etats Unis sous le mandat de George Bush fils, ont empêché la remise en cause du monopole des concessions pétrolières et le montant des royalties qu’elle perçoit.
En 2002, Laurent Murawiec , ancien conseiller de Lyndon LaRouche et de Jean-Pierre Chevènement, puis chercheur à la Rand Corporation s’est exprimé au Pentagone lors de la réunion trimestrielle du Comité consultatif de la politique de défense.
Il a développé sa stratégie qui consistait à attaquer l’Arabie saoudite pour renverser les Saoud. Son but était de confisquer des puits de pétrole, et d’organiser le transfert de la gestion des lieux saints à la Jordanie.
Ce néoconservateur français avait déclaré dans un article du Figaro, que le Prince Turki ben Fayçal Al Saoud était le chef d’Al Qaïda et le commanditaire des attentats du 11 septembre.
Même l’ancien secrétaire adjoint à la Défense, Paul Wolfowitz, a décrit le wahhabisme comme une « école de la haine », qui serait responsable de la formation des pirates de l’air saoudiens qui auraient commis les attentats du 11septembre.
Cette déclaration de guerre est restée gravée dans la mémoire des dirigeants saoudiens.
La revanche des BRICS
L’origine du terme BRIC (sans S, au départ) est due à Jim O’Neill, ancien chef économiste de la banque d’affaires Goldman Sachs. Dans un article remarqué, publié en 2001, « Building better global economic BRICs », l’analyste britannique, anobli en 2015 Baron O’Neill of Gatley, attirait l’attention sur les opportunités financières offertes par la croissance des économies du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine. En 2040, prédisait-il, le PIB cumulé de ces pays, qui représentaient à l’époque 16 % de la production mondiale et près d’un tiers de la population de planète, dépasserait celui des six premières puissances industrialisées du début du xxie siècle, remodelant ainsi profondément la géographie et les rapports de force économiques mondiaux. (Encyclopédie Universalys)
Kissinger avait averti Washington d’accepter le nouveau système mondial sous peine de se retrouver dans une situation géopolitique ingérable. Les provocations de la Maison-Blanche avec la Russie et la Chine ont produit une situation similaire à celle qui prévalait à la veille de la Première Guerre mondiale.
Kissinger, alors âgé de 98 ans, a appelé les États-Unis à créer un équilibre avec les forces mondiales existantes. « si vous imaginez que le monde s’engage dans une compétition sans fin basée sur la domination de celui qui est supérieur au moment présent, alors une rupture de l’ordre est inévitable ». « Et les conséquences d’une telle rupture seraient catastrophiques ». « si nous ne parvenons pas à un accord avec la Chine sur ce point, nous nous retrouverons dans une situation du type de celle de la Première Guerre mondiale, dans laquelle il existe des conflits permanents qui sont résolus dans l’immédiat, mais dont l’un d’eux finit par échapper à tout contrôle ».
Le 22 mars 2021, lors d’une rencontre à Pékin, le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, et son homologue chinois, Wang Yi, ont déclaré qu’ils « sauvegardaient conjointement le multilatéralisme, maintenaient le système international avec l’ONU en son centre et l’ordre international fondé sur le droit international, tout en s’opposant fermement aux sanctions unilatérales ainsi qu’à l’ingérence dans les affaires intérieures d’autres pays ».
Mais les avertissements de Kissinger, qui a tenté de sauver le monstre qu’il a crée, n’ont pas été entendu et c’est l’option de la guerre qui est resté dans les têtes des bellicistes de Washington et de Londres.
Avec l’avènement des BRICS, l’Arabie Saoudite a décidé de quitter le giron américain pour effectuer les échanges de pétrole en Yuan chinois. La Chine a déclaré en 2022 que la bourse de Shanghai allait conclure des accords énergétiques en yuan avec les pays du Golfe.
Xi Jinping a dit dans un discours à Riyad que la Chine et les pays du Golfe devraient utiliser pleinement la Bourse du pétrole et du gaz national de Shanghai comme plateforme pour effectuer le règlement en yuan des échanges de pétrole et de gaz.
« La Chine continuera d’importer de grandes quantités de pétrole brut des pays du CCG, d’accroître les importations de gaz naturel liquéfié, de renforcer la coopération dans le développement du pétrole et du gaz en amont, les services d’ingénierie, le stockage, le transport et le raffinage, et d’utiliser pleinement la Bourse du pétrole et du gaz national de Shanghai comme plateforme pour effectuer le règlement en yuan du commerce du pétrole et du gaz ».
Le bloc élargi des BRICS à partir de janvier 2024, contrôlera près de la moitié de la production mondiale de pétrole et beaucoup plus dans l’avenir.
« Nous nous opposons à toute forme d’hégémonie et au statut exceptionnel auquel certains pays aspirent, ainsi qu’à la nouvelle politique qui en découle, une politique de néocolonialisme continu », a déclaré Vladimir Poutine au sommet des BRICS en Afrique du Sud en 2022.
Xi Jinping en soutien à Poutine a dit : « Les peuples des différentes nations aspirent à un monde ouvert, inclusif, propre et harmonieux qui garantisse une paix durable, une sécurité universelle et une prospérité partagée. Cela représente la progression logique de l’histoire et la tendance dominante de notre époque ».
Voilà ce que Kissinger a eu le temps de voir avant de mourir et de constater que son plan mondialiste, catastrophique en pertes humaines pour financer la dette américaine est terminé.
De Gaulle avait raison quand il disait que « La vérité, c’est que les Américains finiront par se faire détester par tout le monde. Même par leurs alliés les plus inconditionnels ».
Le bien triomphe toujours sur le mal.
Geopolintel décembre 2023