In-Q-Tel, le fonds de la CIA qui fait rêver les militaires français
Parrain de Google Earth et de Palantir, qui vient de contracter avec la DGSI, In-Q-Tel finance les projets qui répondent aux problèmes technologiques de la CIA.
Pour financer son écosystème, la Direction générale des armées a annoncé la création d’un fonds public pour l’innovation et la défense. Son modèle ? Le succès américain du fonds In-Q-Tel (Q en référence à l’inventeur fictif des technologies fournies à James Bond), dont elle rêve de dupliquer l’écosystème. Relancée par la CIA après les attaques terroristes du 11 septembre 2001, la société d’investissement, à but non lucratif, a notamment donné naissance à Google Earth et à l’expert du Big Data Palantir (du nom d’une pierre magique en forme de boule de cristal qui permet à son détenteur de voir à travers l’espace et le temps et de dialoguer avec un autre utilisateur).
C’est ce dernier qui a permis aux agences du renseignement américaines de faire tomber Ben Laden et qui fournit régulièrement ses services aux grandes banques de Wall Street pour l’analyse de leurs données. Fin novembre, l’entreprise américaine a d’ailleurs signé un contrat avec la Direction générale de la sécurité intérieure pour traiter l’amas de données informatiques liées au terrorisme. Palantir a ainsi formé des agents français à ses outils pour extraire et décrypter les données. Un contrat qui soulève en coin la question de la dépendance de la France vis-à-vis des Etats-Unis et qui presse la France de tirer profit de son propre écosystème technologique. Sans compter la vente de l’expert en biométrie Morpho par Safran, qui a été jugée « regrettable » dans les milieux militaires.
Fort effet de levier
La Direction des armées a donc les yeux rivés sur le modèle d’In-Q-Tel : depuis plus de quinze ans, la CIA identifie des problèmes et In-Q-Tel, les technologies pour y répondre en investissant dans des start-up privées. L’effet de levier est assez puissant, puisque pour 1 dollar apporté par les fonds publics 15 dollars sont co-investis par des fonds privés dans les tours de table de ces start-up.
In-Q-Tel investit ainsi en moyenne chaque année 120 millions de dollars, selon des estimations, ce qui laisse entrevoir les capacités investies par les Etats-Unis dans les nouvelles technologies de défense. Aujourd’hui plus de 200 start-up, allant de la détection chimique à la cybersécurité, aux technologies optiques et imageries, et à l’intelligence artificielle, ont ouvert leur capital à In-Q-Tel.
Exemples : Kensho (qui permet de répondre à plus de 65 millions de combinaisons de questions), Algorithmia (plate-forme partagée d’algorithmes), Geosemble (intelligence géospatiale), Brainspace (machine learning visant à accélérer l’apprentissage humain), Cylance (cybersécurité) ou CyPhy Works (drones de surveillance). Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg puisque sur les plus de 320 start-up financées depuis la création d’In-Q-Tel, une partie non négligeable n’est pas officielle.